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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Thursday 15 May 14, 0:26 |
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Le collectage est une activité difficile. On fait face à sa propre maladresse en breton, les témoins ayant une solide culture traditionnelle se font rares, et on doit dépenser des trésors de tact avec ses interlocuteurs. Si l'on est persévérant, il peut toutefois réserver nombres de plaisirs...
J'ai ainsi eu la chance de retrouver une petite comptine recueillie par le grand folkloriste du XIXème siècle : François-Marie Luzel.
Voici ce que donne Luzel : Citation: | Heman ê ar prad,
A oa peuret gant ar c’had.
Heman redas,
Heman dapas,
Heman gignas,
Heman debras,
Heman ’r bizic bihan cam,
N’hen devoa bet tamm,
A oa èt d’ar gêr, da lâret d’he vamm.
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et voici l'explication de la comptine et sa traduction :
Citation: | Ceci est un jeu pour amuser les petits enfants. Voici comment on procède : On prend, de la main gauche, l’extrémité des doigts d’un des mains de l’enfant, on trace d’abord avec l’indicateur plusieurs cercles concentriques sur la paume de cette main, en disant lentement :
Ceci est le pré, où paissait le lièvre.
Puis, prenant successivement tous les doigts de l’enfant, qui sont censés représenter des chiens, et en commençant par le pouce, on dit, plus vite :
Celui-ci courut (courut le lièvre),
Celui-ci l’attrapa,
Celui-ci l’écorcha,
Celui-ci le mangea,
Celui-ci, le petit doigt crochu, n’eut rien,
Et il s’en alla à la maison s’en plaindre à sa mère.
Cela amuse beaucoup les petits enfants, et ils disent toujours, quand c’est fini : encore ! — et l’on recommence. | On notera que du temps de Luzel, l'usage du passé simple (conjugué en -as) était encore courant, on ne le retrouve plus dans celles que j'ai collectées. Luzel écrivait he pour e et inversement. Ce h n'est que graphique.
Voici les trois version que j'ai pu relever :
En breton de Quimperlé : Citation: | Amañ ema ër prad
Ha peureet gand ôr had
Hemañ 'n-euz he gwelet
Hemañ 'n-euz he tapet
Hemañ 'n-euz he fritet
Hemañ 'n-euz he debret
Hemañ 'n-euz ket bet tamm
Eet ê d'ar gêr da lared d'e vamm
Hag e vamm 'n-euz foretet 'nañ
Gand ër bochadig lann
| (Ceci est le pré, où paissait le lièvre.//Celui-ci l'a vu/Celui-ci l'a attrapé/Celui-ci l'a fri/Celui-ci l'a mangé/Celui-ci n'a rien eu/Il est allé à la maison le dire à sa mère/Et sa mère l'a corrigé/Avec un petite touffe de lande)
On remarquera l'usage du pronoms objet proclitiques he qui n'est pas propre au vannetais. Je n'ai pas normalisé l'absence de mutation dans "he tapet".
En breton de Poullaouenn : Citation: | Hemañ 'n-euz gwelet ar had
Hemañ 'n-euz galoupet
Hemañ 'n-euz tapet 'nañ
Hemañ 'n-euz he debret 'nañ
Hag an heni bihan bihan kamm
'N-euz laret d'e vamm 'n-oa bet tamm
| (Celui-ci a vu le lièvre/Celui-ci a couru/Celui-ci l'a attrapé/Celui-ci l'a mangé/ Et le tout petit tordu/A dit à sa mère qu'il n'avait rien eu)
J'ai respecté l'usage un peu curieux de 'nañ alors que le mot féminin ar had supposait théoriquement 'nei.
Ma dernière version n'est guère différente de la précédente, sauf pour la conclusion que voici :
Citation: | Hemañ 'n-euz bet tamm 'med ôn askinig kamm
Eet d'ar gêr da lared d'e vamm
Hag en-doa roet dañ ôn tamm bar' amann
Ha setu oa kontant
| (Celui-ci n'a rien eu qu'un osselet tordu/[Il est] allé à la maison le dire à sa mère/Et elle lui a donné un morceau de pain beurre/Et voilà, il était content) |
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Breizhadig
Inscrit le: 12 Nov 2004 Messages: 860 Lieu: Penn ar Bed / Finistère
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écrit le Saturday 11 Oct 14, 22:23 |
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Pour compléter, voici la version que j'ai à Loctudy:
Citation: | Heme neus diskoach't ar c'hât,
Heme neus i redet,
Heme neus i trapet,
Heme neus i debet,
Hag heme ney bin tout zo aet da lâr d'i vamm neus kê bê tamm! |
Celui-ci a découvert le lièvre,
Celui-ci lui a couru derrière,
Celui-ci l'a attrapé,
Celui-ci l'a mangé,
Et celui-ci, le tout petit, est allé dire à sa mère qu'il n'en a pas eu un morceau!
La comptine se récite en prenant, soi sa main gauche, soit la main de quelqu'un, et en pinçant chaque doigt on la récite (en partant du pouce jusqu'au petit doigt).
On remarque aussi l'utilisation de "i redet", "i trapet", etc... là où aujourd'hui on dirait "redet var i lerc'h", "trapet ney", etc... C'est un archaïsme qui s'est maintenu pour garder la rythme de la comptine. Je pense qu'à Quimperlé, c'est pareil, car aujourd'hui on utilise plutôt "nañ", "ney", etc... Même si dans ce cas, je pense que le l'utilisation du pronom pourra être comprise de par la proximité avec des parlers "vannetais" qui l'utilisent encore. Tandis qu'à Loctudy, le "i" n'est pas vraiment plus compris du tout, il est resté pour le rythme, on connait le sens mais ça s'arrête là, on ne sais pas l'expliquer. |
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Janet
Inscrit le: 26 Sep 2022 Messages: 1 Lieu: Breizh Izel
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écrit le Monday 26 Sep 22, 13:45 |
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Voici la version que mon arrière-grand-mère, née en 1883 à Sibiril dans le Léon, racontait à ma mère, qui a pensé à la conserver sous forme écrite :
Amañ ez eus ur pradig peuret gant ul lapin.
Hemañ en deus e welet,
Hemañ en deus e redet,
Hemañ en deus e baket,
Hemañ en deus e drebet,
Hag hemañ, an hini bihan kamm, n’en deus bet tamm, tamm, tamm.
Puisse cette charmante comptine donner autant de bonheur aux lecteurs qu’à nous-mêmes. |
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AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 884 Lieu: L-l-N (Belgique)
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écrit le Monday 26 Sep 22, 17:40 |
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Merci Janet. Si tu pouvais en donner la traduction également, ce serait apprécié.
(Au moins pour la dernière phrase, les autres pouvant se déduire des exemples précédents.) |
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