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Pharcie
Inscrit le: 19 Oct 2009 Messages: 29 Lieu: Région parisienne
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écrit le Friday 04 Feb 11, 12:46 |
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Bonjour,
Outis dit que
Outis a écrit: |
Si certaines langues ont un « sens aigu de la racine » (le sanskrit par exemple), d'autres, la plupart, ne provoquent pas chez le locuteur une perception spontanée des origines. |
Je trouve qu'il est plus facile de ne pas voir provoquer un perception spontanée des origines dans une langue qu'on apprend uniquement avec des dictionnaires, comme le latin ou le grec classique.
Outis, vous dites que les meilleurs dictionnaires sont <<très explicitement des compilations de l'usage effectif des mots par les auteurs dont nous avons les textes. >>
C'est précisément ce que je leur reproche : Ce sont des dictionnaires qui ne font que donner des traductions des acceptions constatées des mots latins, dans un corpus plus que lacunaire. (Seuls les textes que l'arbitraire juge classiques, et encore : Dans perseus, il manque beaucoup d'auteurs classiques)
Je pense qu'un dictionnaire d'acceptions ne saurait être un dictionnaire qui explique la sémantique des mots (ou plutôt, la raison pour laquelle un mot signifie une chose plutôt qu'une autre. Je ne sais pas si j'ai employé le mot sémantique à bon escient)
Et dans ce domaine, j'ai bien l'impression que l'étude du latin a fait une impasse depuis longtemps... : On fait trop attention au sens qu'ont donné aux mots les auteurs qui les ont utilisés et vraiment pas assez aux sens qu'ils peuvent ou pourraient avoir.
Cette déformation est à mon avis un défaut de méthode, qui vient d'une importance exagérée accordée aux travaux de compilation exhaustive et presque mécanique tels que les pratiquent les meilleurs dictionnaires, au détriment de méthodes plus heuristiques dans la découverte du sens des mots.
Rappelons que ces meilleurs dictionnaires, les Anciens ne les possédaient pas. Ils ont accordé un sens aux mots selon ce qu'ils savaient, et dans ce domaine, une langue fonctionne comme une langue, le cerveau ne retient pas des listes de vocabulaire, à l'image de ce que contient un dictionnaire. |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Friday 04 Feb 11, 13:28 |
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Citation: | Et dans ce domaine, j'ai bien l'impression que l'étude du latin a fait une impasse depuis longtemps... : On fait trop attention au sens qu'ont donné aux mots les auteurs qui les ont utilisés et vraiment pas assez aux sens qu'ils peuvent ou pourraient avoir. | Mais si un sens n'est pas trouvé dans le corpus, on tombe dans le domaine de la subjectivité du lexicographe, qui attribuera ou pas à tel mot tel sens qu'il pourrait avoir. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Friday 04 Feb 11, 14:13 |
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Papou...quand tu dis:
Citation: | Une étude en parallèle de l'histoire des mots "chétif" et "petit" serait sans doute très éclairante. |
moi je pense que tu es sur une "cattiva strada", mais "molto frequentata".
http://www.ign.fr/adminV3/display/000/526/725/5267257.pdf
L'erreur est de considerer le toponyme sur la base de la signification dialectale moderne. L'évolution chétif = mesquin->étriqué-> petit est posterieure à la formation des toponymes.
Alors je ne modifiairait pas mes positions anterieures:
(terrain) chétif = terre de maigre rapport (exactement comme l'italien : terra cattiva, terra grama, terra di scarsa resa)
L'on voit bien en Chétissart -> Issart de maigre rapport
(Le vocabulaire du défrichement dans la toponymie wallonne, Volume 1, de Martine Willems, p. 59, books.google.it)
Bois Chétif = bois de peu de valeur
(TOPONYMIE GENERALE DE LA FRANCE 2 VOLUMES ETYMOLOGIE DE 35.000 ..., Volume 2 Di Ernest Nègre, pp. 993, 1179 et 1205, books.google.it)
Dans le vieux français, la chetivaille ètait une troupe méprisable.
http://micmap.org/dicfro/chercher/dictionnaire-godefroy/Chétif
Donc la signification ancienne de chétif est "de peu de valeur/méprisable/ non rentable"
En moyen français:
http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/chétif
Citation: | C. - [De pers. ou de choses] "Misérable, méprisable, pitoyable" |
P. L. COUR., 2e lettre particulière.: Notre vigne n'est point si chétive qu'on le voudrait bien faire croire
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 04 Feb 11, 18:34 |
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Merci à giorss pour ces informations très intéressantes ... mais où je ne vois rien qui puisse enlever à chétif le sens de petit. Au contraire : il y a plusieurs façons d'être petit, pas seulement par la taille. Et c'est d'ailleurs le sens que lui donne l'étude toponymique dont tu nous donnes le lien en premier, et où la prononciation indiquée est [chti]. Qu'est-ce qui te fait douter du sérieux de cette étude ? Le fait qu'elle confirme mon intuition ?
Dernière édition par Papou JC le Sunday 06 Feb 11, 15:27; édité 1 fois |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Friday 04 Feb 11, 19:37 |
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Mais...nooooooooooonnnn...
Je te l'ai éxpliqué. Tu raisonnes comme un moderne, mais les toponymes sont toujours très vieux.
Si tu controles les autres études, ces auteurs se trouvent sur ma même position.
Donc, je ne veux pas dire que maintenant chétif ne signifie pas "petit"...mais je veux simplement dire que ne signifiait "petit" quand les toponymes se sont formés.
Tu maintenant pourrais mettre un definition comme "bosquet chétif" dans une poesie et tu pourrais vouloir exprimer le sens de "pétit bois", mais tu rasonnerais comme un moderne. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Friday 04 Feb 11, 20:12 |
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J'ajoute le mot chestivelle en orléanais = bois de mince valeur, rameaux
De chestis, caistiz, castis = de mince valeur, selon:
Mémoires, Volume 10 de "Société archéologique et historique de l'Orléanais", p. 19
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voir aussi:
FEW II 330 b |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 04 Feb 11, 23:52 |
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Je doute quand même que des habitants aient accepté sur plusieurs générations de vivre dans un village dit "méprisable, de peu de valeur" ... |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Saturday 05 Feb 11, 1:13 |
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Argument faible... il y a des toponymes terribles, qui ont résisté pendant des siècles.
Et après , il faut dire que la signification originelle est souvent perdue.
À' l'origine étaient des lieux sans un centre habité...des terrains. Ils sont dévenus des villages après. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Saturday 05 Feb 11, 5:51 |
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Je crois que tu inverses la cause et la conséquence : c'est parce qu'un bois est petit qu'il a peu de valeur. La petitesse engendre le mépris là où la grandeur est prise pour une vertu. Je persiste à penser que les qualificatifs donnés aux lieux ont souvent (sinon toujours) plus à voir avec leurs caractéristiques physiques et géographiques qu'avec des propriétés morales ou sentimentales.
Quant à l'explication de Wikipedia à propos de Montreuil-le-Chétif, je n'y crois pas : il n'y a certainement pas eu plus de captifs à ce Montreuil que de pendues à Saint-Just-la-Pendue (commune de la Loire) dont le nom, à mon avis, doit signifier "la pentue". |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Saturday 05 Feb 11, 12:02 |
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En Italie, cattivo peut signifier "qu' a peu de valeur", sans que cattivo signifie jamais "pétit".
Donc, ce passage préliminaire "pétit->peu de valeur" je ne le vois pas comme nécéssaire.
C'est pour ça que je continue à penser comme italien...aussi quand je pense à "chétif" (en toponymie).
Et je te comprends si tu ne raisonnes pas ainsi.
Tu le sais bien que les langues soeurs divergent avec le passer du temps...mais si nous remontons à l'arrière, les divergences entre les dialéctes néolatins de France et d'Italie étaient moins évidentes. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11173 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 06 Feb 11, 8:29 |
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Je crois que je me suis mal fait comprendre ...
Une chose est le signifié et une autre le signifiant. Je m'explique : le mot latin captivus, "prisonnier de guerre, captif", a abouti au français chétif par l'intermédiaire d'une série de formes qui n'ont qu'un intérêt philologique et que nous pouvons ignorer. Ce qui nous intéresse plus c'est l'évolution sémantique avec déperdition de sens qui part de "prisonnier", passe par "prisonnier de forces maléfiques", et donc "malchanceux, malheureux", puis "pauvre, méprisable" et aboutit à "petit" OU "malingre". Avec le développement de l'usage du mot petit, seul le sens de "malingre" a subsisté. Mais on voit bien comment, avant l'usage généralisé de petit, c'est chétif qui a servi d'antonyme à grand. Si bien qu'il n'y avait pas besoin d'être méprisable pour être déclaré chétif : tout ce qui n'était pas "grand" était "chétif".
Je suppose qu'en italien les choses se sont effectivement passées différemment entre cattivo et piccolo ...
Pour revenir au français, le cas de chétif n'est pas sans rappeler d'autres déperditions de sens pour des mots appartenant au même champ sémantique : pauvre, malheureux, méchant. Mais pour ces mots, le choix de la position, avant ou après le nom qualifié, permet encore de conserver aussi bien le sens fort que le sens affaibli. Comparez un pauvre type et un type pauvre, un écrivain méchant et un méchant écrivain, etc. Alors que nous avons maintenant besoin des deux mots chétif et petit pour différencier un petit garçon d'un garçon chétif, non sans remarquer que chaque épithète a sa place respective. (On ne peut pas dire *un chétif garçon et on ne dira un garçon petit que dans certaines circonstances qu'il serait hors sujet d'énumérer ici.) |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Sunday 06 Feb 11, 12:10 |
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Papou JC a écrit: | Je crois que tu inverses la cause et la conséquence : c'est parce qu'un bois est petit qu'il a peu de valeur. La petitesse engendre le mépris là où la grandeur est prise pour une vertu. Je persiste à penser que les qualificatifs donnés aux lieux ont souvent (sinon toujours) plus à voir avec leurs caractéristiques physiques et géographiques qu'avec des propriétés morales ou sentimentales.
Quant à l'explication de Wikipedia à propos de Montreuil-le-Chétif, je n'y crois pas : il n'y a certainement pas eu plus de captifs à ce Montreuil que de pendues à Saint-Just-la-Pendue (commune de la Loire) dont le nom, à mon avis, doit signifier "la pentue". | En ce qui me concerne, dans cet emploi toponymique de chétif, je vois un sens "qui pousse mal" (qualificatif physique), sens qu'on retrouve lorsqu'il est employé pour un enfant: "qui pousse mal, qui grandit mal", et qui explique le passage à petit: l'enfant est petit parce qu'il a mal poussé. On peut aussi en faire dériver le sens agricole de "de maigre rapport". Je pense d'ailleurs que c'est ce qui explique pourquoi on emploi plutôt chétif pour un enfant (période ou l'on grandit) que pour un adulte, et pourquoi le terme se rencontre très souvent associé à d'autres termes qualifiant le fait de mal grandir comme avorton.
Une hypothèse (sans base aucune, mais qui ne semble pas complètement farfelue) pour expliquer le passage de "prisonnier de forces maléfiques" à "qui pousse mal": Si l'enfant (? le champ, le bois) pousse mal, c'est parce qu'on lui a jeté un sort, et donc qu'il est prisonnier de forces maléfiques. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Sunday 06 Feb 11, 15:38 |
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Papou a écrit:
Citation: | Mais on voit bien comment, avant l'usage généralisé de petit, c'est chétif qui a servi d'antonyme à grand. Si bien qu'il n'y avait pas besoin d'être méprisable pour être déclaré chétif : tout ce qui n'était pas "grand" était "chétif". |
Peux-tu le démontrer???
Avant quand???
Le CNRTL dit:
Citation: | xe s. caitiu « prisonnier » (La Passion, éd. d'Arco S. Avalle, 65) − 1530 ds Gdf.; 2. ca 1100 caitif « malheureux, misérable » (Roland, éd. J. Bédier, 2698); 3. ca 1150 chaitif « de faible constitution » (Couronnement de Louis, 620 ds T.-L.), rare av. le xviie s. (Fur. 1690). |
Et le GODEFROY (vieux français):
http://micmap.org/dicfro/chercher/dictionnaire-godefroy/chaitif
Et pour le moyen français:
Citation: | CHETIF, adj. FEW II-1 captivus
[TL, GD : chaitif ; GDC : chetif ; FEW II-1, 330a : captivus ; TLF V, 667b : chétif]
A. - "Captif"
B. - [D'une pers.] "Malheureux, affligé"
C. - [De pers. ou de choses] "Misérable, méprisable, pitoyable"
1. [D'un animal, d'une pers. (physiquement), d'un aspect de la pers.] "Malingre, faible"
2. [D'une pers., d'un aspect de la pers., de sa conduite, de sa condition...]
3. [De choses]
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Gilou, je suis d'accord avec toi. |
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giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
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écrit le Sunday 06 Feb 11, 15:45 |
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En italien, Papou tu peut controler, ça manque seulement la signification "petit" (qui semble recente, en France, vu ce qui dit le CNRTL).
Tape
http://193.205.158.203/cruscle/ricerca.jsp
et cherche "cattivo".
Dizionario della Crusca 1691:
Prigioniero. Lat. captivus
1. §. Per Misero, Meschino, Tapino, Dolente, Malcontento. Lat. miser, infelix. Gr. θαλαίπωρος.
2. §. Per Vile, e abbietto. Lat. vilis, abiectus.
3. §. Per Manigoldo, poltrone, dappoco, gaglioffo. Lat. iners, ineptus
4. §. Per Contrario di Buono, reo, malvagio. Latin. malus, improbus, che è significato più usitato
On peut voir aussi:
Tesoro della Lingua Italiana delle Origini
http://tlio.ovi.cnr.it/TLIO/
Dernière édition par giòrss le Sunday 06 Feb 11, 18:51; édité 2 fois |
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Outis Animateur
Inscrit le: 07 Feb 2007 Messages: 3510 Lieu: Nissa
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écrit le Sunday 06 Feb 11, 15:48 |
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gilou a écrit: | Une hypothèse (sans base aucune, mais qui ne semble pas complètement farfelue) pour expliquer le passage de "prisonnier de forces maléfiques" à "qui pousse mal": Si l'enfant (? le champ, le bois) pousse mal, c'est parce qu'on lui a jeté un sort, et donc qu'il est prisonnier de forces maléfiques. |
Sans base aucune ? … |
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