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Le basque - Cours & Documents - Forum Babel
Le basque
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claudius



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Messageécrit le Wednesday 22 Nov 06, 15:07 Répondre en citant ce message   

J'ouvre ici un nouveau fil sur une langue méconnue, que je n'ai pas encore vu apparaître sur le forum : le basque.
Je ne vais pas tenter ici de faire une grammaire complète du basque, mais une présentation assez exhaustive de cette langue pour chacun puisse se faire une idée de ses structures, et aille peut-être chercher plus d'infos sur le net. Je ne parle que très peu basque, mais je suis très intéressé (voire fasciné !!) par sa structure et aussi par le mystère qui plane autour de cette langue.

En effet le basque fait partie des langues non indo-européennes de notre continent européen (avec elle les langues finno-ougriennes telles le hongrois ou le finnois, et une langue sémitique le maltais), mais elle est encore considérée comme un isolat du fait que tout rattachement avec une famille de langues non indo-européennes resta vain. Le basque fut rattaché aux langues berbères d'Afrique du Nord, aux langues finno-ougriennes, aux langues caucasiennes (qui reste encore l'hypothèse la mieux admise auprès des linguistes) et même à l'étrusque ! Le fait est que les Basques (dont le nom provient d'un peuple antique les Vascons, lui-même à l'origine du mot gascon) occupent leur territoire actuel depuis très longtemps, bien avant les invasions indo-européennes. J'ai même lu une fois une hypothèse qui ferait venir la langue basque d'une langue pré-humaine (peut-être néandertalienne ou de Cro-Magnon), thèse étayée par le fait que les Pyrénées ont toujours été un foyer de peuplement, que ce soit par des homo sapiens ou par nos lointains cousins. Personnellement j'aime bien cette hypothèse, ce serait quand même fantastique d'avoir conserver une langue qui a été créée par une autre espèces que la nôtre ! De plus cette langue a très peu évoluée dans le temps, et si l'on met à part les nombreux emprunts aux langues indo-européennes, il reste un bon 25% de vocabulaire unique, totalement différent des autres langues européennes.

Le Pays Basque est divisée en deux partie, une petite partie sur le territoire français (principalement le département des Pyrénées-Atlantique) et la plus grande partie sur le territoire espagnol (provinces de Biscaye, Álava, Guipúzcoa et de Navarre). Du côté français on a un peu plus de 67000 locuteurs bascophones que l'on peut nommer "occasionnels" (eh oui, la législation n'autorise pas encore en France de pratiquer quotidiennement nos belles langues régionales) et du côté espagnol plus de 730000 locuteurs qui se répartissent principalement entre bilingues actifs (qui parlent et qui comprennent) et bilingues passifs (qui comprennent) car là-bas la législation autorise l'emploi du basque dans la vie de tous les jours !! Le basque, comme de nombreuses autres langues dites régionales, n'échappent pas à une séparation en différents dialectes intercompréhensibles, mais la création du basque unifié (batua fondé sur les dialectes centraux tels le guipuzcoan et le navarro-labourdin avec quelques traits de labourdin classique) tend à unifier les différents dialectes et à donner une langue unique pour l'enseignement, les médias etc ...

Pour finir avec cette première partie sur la langue basque, voici la prononciation du "batua", le basque unifié :
les voyelles : a ; e (prononcé é ou è) ; i ; o ; u (prononcé ou)
les consonnes : g (toujours dur) ; h (muet) ; j (comme y en français) ; z (se prononce toujours comme un s sourd comme dans "caisse") ; s (est légèrement chuinté comme le s espagnol) ; x (comme ch) ; les autres consonnes ont la même prononciation qu'en français. La prononciation est la grande facilité du basque, au regard des grandes difficultés de sa conjugaison par exemple !

Je continuerai un peu plus tard avec des affaires de déclinaisons, syntaxe etc, avant de faire une troisième partie sur la conjugaison (le gros morceau)
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Nikura



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Messageécrit le Wednesday 22 Nov 06, 15:59 Répondre en citant ce message   

J'apporterais quelques petits commentaires et précisions.
Côté espagnol, la langue basque (vasco en espagnol) est appelée euskera. Dans la variante française, on dira euskara.
L'aire linguistique du basque en Espagne est partagée sur deux autonomies :
- Euskal Herria ou Euskadi, principalement dans les provinces de Donosti et de Bilbo (en espagnol, S. Sebastián et Bilbao). La province de Gasteiz (en espagnol Vitoria) est majoritairement hispanophone.
- Nafarroa, la Navarre (capitale: Iruñea ou Pamplona en espagnol), dont tout le Nord est bascophone.
Ces deux régions étant autonomes, ont le basque comme langue officielle. Cependant la vivacité de la langue basque ne tient en grande partie qu'aux basques de souche aux-mêmes. À la différence des autres régions d'Espagne comme la Catalogne, les hispanophones ne sont que très peu motivés pour apprendre le basque.
Quelques mots basques relatifs au statut d'autonomie de la langue s'emploient de manière courante en espagnol, lorsqu'on se réfère au Pays-Basque ex: lehendakari = président du Pays-Basque ; artxantxa = police autonomique basque ; artxaina = policier etc.

Pour ce qui est de la situation linguistique du côté français, que je sache, la loi n'interdit pas l'usage du basque (encore heureux), seulement, n'ayant pas de statut officiel, il n'est pratiquement pas représenté dans la vie quotidienne. On trouve tout de même des gens qui le parlent, des panneaux avec double affichage ainsi que des ikastola (écoles primaires) où l'on donne des cours en basque.

Une dernière remarque à propos de la prononciation du basque.
Ce que tu as donné est exact et vaut, à la fois pour le basque parlé du côté franças et pour les normes du batua. Cependant, du côté espagnol, on prononce les J [x] comme la jota espagnole et les Z comme le -th- anglais, soit exactement comme en espagnol.
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Nina Padilha



Inscrit le: 15 Mar 2006
Messages: 548

Messageécrit le Wednesday 22 Nov 06, 16:21 Répondre en citant ce message   

Certains affirment, également, que c'est ce qui reste des Atlantes...
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claudius



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Messageécrit le Wednesday 22 Nov 06, 17:45 Répondre en citant ce message   

Je suis d'accord avec tes rectifications de la prononciation côté espagnol Nikura, mais je ne les ai pas sciemment données pour ne pas embrouiller les gens. On pourrait aussi dire que du côté français les u sont prononcés [y] comme en français (et non ou) et les h sont aspirés. Mais je préfère donner les normes du batua pour ne pas se perdre dans la phonétique des dialectes. De plus je n'ai pas dit que l'usage du basque est interdit, j'ai dit qu'il n'était pas autorisé dans la vie quotidienne (c'est-à-dire ni dans les medias, ni à l'école publique, les ikastolak étant des écoles associatives comme les calandretas ou Diwan) heureusement que ce n'est pas interdit !!
Je rajoute une carte trouvée sur Wikipédia qui montre ce que tu as dit : le basque est beaucoup moins vivace en Navarre :

A mon avis, le basque est beaucoup moins appris et parlé du fait de sa grande complexité (par rapport au catalan par exemple, qui est une langue romane). Pour un hispanophone, la maîtrise du catalan peut se faire assez rapidement, du moins toujours plus vite que la maîtrise du basque (je montrerai cette complexité dans les prochains commentaires sur la grammaire basque)
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claudius



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Lieu: Bucarest

Messageécrit le Wednesday 22 Nov 06, 19:47 Répondre en citant ce message   

Ayant aujourd'hui un peu de temps devant moi (en plus la petite est à la sieste !) j'ai décidé de continuer ma description de la langue basque, au moins ce sera fait et ça donnera plus d'indices sur la complexité de cette langue qui est parlée (du moins c'est mon cas) juste à côté de chez nous (là, le petit coin en bas à gauche de la France !).

Le basque est typiquement une langue agglutinante : de nombreux suffixes (énumérés plus loin) viennent se coller à la fin du mot (ou à la fin du syntagme), par exemple "dans la maison / etxean" ; "dans la grande maison / etxe handian". On trouve même des cas de surdéclinaison où un suffixe vient se coller sur un mot déjà décliné : "etxera / vers la maison" ; etxerako (le suffixe -ko indique un génitif locatif, c'est-à-dire la possession par un lieu) / de vers la maison" qu'on peut employer par exemple dans le syntagme "etxerako bidea / le chemin de vers la maison (le chemin qui mène à la maison)". On peut arriver à des cas extrêmes de surdéclinaison, dont celui cité par P. Lafitte : une mère demande avec qui a joué son fils et il lui répond : "ponetarekilakoarekin" (poneta = béret) c'est-à-dire "avec celui de avec le béret", donc vous aurez deviné que -rekilakoarekin sont des suffixes surdéclinés (trois si j'ai bien compté). Avant de revenir à la déclinaison (mince la petite a fini la sieste !) continuons un peu sur les substantifs en général. Le basque ne fait pas de différence de genre, en revanche il connaît l'indéterminé, le singulier et le pluriel, chacun possédant des suffixes différents qui sont en fait des variantes les unes des autres. Il existe un article défini postposé -a et l'article indéfini est le plus souvent omis ou alors on utilise le mot "bat" (un) postposé. 75% du vocabulaire est originaire de langues indo-européennes, plus ou moins reconnaissable : on reconnaît facilement "eskola", "eliza" (église), "oren" (heure), "botoila" (bouteille) ... D'autres sont plus difficiles à reconnaître tels "bake" (du latin pacem "paix"), "mendi" (du latin montem "montagne"), ou "handi" (du latin grandis "grand").

Un des faits majeurs de la syntaxe basque est l'ergativité (attention, je vais expliquer très vite fait et à ma manière ce qu'est l'ergativité, c'est un sujet très vaste et compliqué, si d'après vous je n'ai pas assez développé vous pouvez rajouter un commentaire, mais pas la peine d'écrire une tartine sur l'ergativité !). Les langues ergatives (par exemple le tibétain et certaines langues du Caucase il me semble) envisagent différemment la relation entre le sujet et son(ses) complément(s) : là où nos langues indo-européennes (pour celles qui ont gardé une déclinaison) garde la forme de base (nominatif) et déclinent le complément d'objet direct (accusatif), le basque garde la forme de base pour le complément d'objet direct (appelé alors absolutif) et décline le sujet (appelé donc ergatif). En fait c'est un tout petit peu plus compliqué que ça (la déclinaison n'est que la forme, c'est dans le fond, dans la relation qu'entretiennent entre eux le sujet, les compléments et le verbe qu'il y a une différence), et si vous voulez plus de précisions allez voir l'article sur l'ergativité sur wikipédia (qui n'est pas très complet mais qui esquisse bien ce qu'est l'ergativité). Un exemple en basque ? "la maison est grande / etxea handia da (maison-la grande-la est)" ; "la maison a une fenêtre / etxeak leiho bat du (maison-la-ergatif fenêtre-une-absolutif a)". Voilà pour l'ergatif.

Pour continuer sur la syntaxe, citons le phénomène de "galdegaia" : en fait, le mot le plus important, ou que l'on veut mettre en avant se place avant le verbe, par exemple : "Jon etxera [joan da] / Jon [est allé] à la maison (là on insiste sur la maison placée avant le verbe)" ; "Jon [joan da] etxera / Jon [est allé] à la maison (là on insiste sur Jon)". Dans une certaine mesure on retrouve cette structure en allemand par exemple, mais à la différence de l'allemand, en basque c'est le verbe qui bouge de place (en allemand "Jon ist nach Hause gegangen / Nach Hause ist Jon gegangen").
Bon maintenant les déclinaisons ! Bon, autant le dire de suite, elles sont au nombre de 15 (gloup !:fou: ) mais n'ayez pas peur, ces déclinaisons s'apparentent plus aux langues agglutinantes (comme le finnois) qu'aux déclinaisons du latin ou du grec. Tout de suite le détail des déclinaisons (traditionnellement il y en a douze mais il y en a trois de plus sur mon bouquin, alors je vous les donne !) :
-absolutif : cas du sujet du verbe intransitif ou du COD d'un verbe transitif
-ergatif : cas du sujet du verbe transitif
-datif : cas du complément d'attribution ou du complément d'objet indirect
-génitif possessif : cas de la relation d'appartenance
-génitif locatif : cas de l'appartenance à un lieu
-associatif : cas permettant d'associer un nom à un autre (en français "avec")
-destinatif : cas qui exprime une relation de but (en français "pour")
-instrumental : cas qui exprime un moyen (en français "avec", "par", "au moyen de")
-inessif : cas qui exprime un état dans un lieu (en français "dans", "en", "à", "sur")
-ablatif : cas qui exprime la provenance, l'origine (en français "de")
-allatif : cas qui exprime la direction (en français "à", "vers")
-approximatif : cas qui correspond à la préposition française "jusqu'à"
-adlatif : cas qui exprime le but, la direction (en français "à", "vers")
-prolatif : cas correspondant à la préposition "pour" dans "prendre quelqu'un pour" par exemple
-partitif : cas employé à l'indéterminé exprimant l'extraction d'une partie d'un tout dans les constructions négatives et interrogatives
(attention, certaines grammaires utilisent des noms différents, par exemple comitatif pour associatif)
Vous aurez remarqué que beaucoup de ces déclinaisons remplacent nos prépositions !!
Vous serez d'accord que certains de ces cas sont rarement utilisés, où dans des contextes particuliers. Pour terminer je vous ai préparé un petit tableau avec toutes les terminaisons, j'espère que c'est assez lisible :
(bon là j'arrive pas à afficher du code HTML alors que ça marche très bien en prévisualisation, si quelqu'un a une idée ...)

singulierplurielindéterminé
absolutif-a-ak-
ergatif-ak-ek-(e)k
datif-ari-ei-(r)i
génitif possessif-aren-en-(r)en
génitif locatif-(e)ko-etako-(e)(ta)ko
associatif-arekin-ekin-(r)ekin
destinatif-arentzat-entzat-(r)entzat
instrumental-az-ez-(e)z
inessif-(e)an-etan-(e)(ta)n
ablatif-(e)tik-etatik-(e)(ta)tik
allatif-(e)ra-etara-(e)(ta)ra
approximatif-(e)raino-etaraino-(e)(ta)raino
adlatif-(e)rantz-etarantz-(e)(ta)rantz
prolatif---(r)tzat
partitif---(r)ik


Les phonèmes entre parenthèses sont utilisés suivant l'environnement phonétique du suffixe.
Voilà pour cette petite présentation, la prochaine fois le gros morceau, j'ai nommé la conjugaison !


Dernière édition par claudius le Friday 24 Nov 06, 0:59; édité 8 fois
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trouvère



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Messageécrit le Wednesday 22 Nov 06, 21:11 Répondre en citant ce message   

J'ai eu l'occasion de pencher un peu sur le basque il y a longtemps et je l'entends de temps à autre.
J'ai la grosse grammaire couverture orangé du Père Laffitte (500 pages), centrée sur le navarro-labourdin. Je l'ai toujours trouvée bien faite, même si assez indigeste.
L'ergativité, si on ne plonge pas dedans quotidiennement, c'est un cauchemar. Quant aux suffixes de suffixes de suffixes à rallonge, même les basques sont souvent perplexes.

Sinon, la police basque en Espagne, c'est la "ertzaintza". Quant au nom de la Navarre en basque, personne n'est d'accord. Historiquement c'est Naparroa. Or il se trouve qu'on voit de plus en plus Nafarroa, ce qui est assez choquant pour une oreille basque, le f n'étant pas un son vraiment basque.
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claudius



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Messageécrit le Friday 24 Nov 06, 20:12 Répondre en citant ce message   

Aujourd'hui je vais traiter de la très difficile question du verbe en basque. Je dis très difficile car le verbe en basque est très compliqué à approcher (je pense moi-même n'avoir qu'effleurer le sujet) et assez éloigné de la conception du verbe dans nos langues indo-européennes. Je ne parlerai que de la conjugaison au présent, la seule que je maîtrise assez pour pouvoir en parler et pour pouvoir la décrire. Vous pouvez vous reporter plus haut au paragraphe sur l'ergativité, notion un peu dure à comprendre pour nous, qui forme une autre relation du verbe avec ces compléments. Alors, pour vous rassurer, évoquons d'abord quelques similitudes avec notre système verbal : trois personnes au singulier, trois personnes au pluriel correspondant aux mêmes personnes que les nôtres, un infinitif, une conjugaison par suffixation (mais pas seulement) de morphèmes qui indiquent à la fois la personne et le genre, et ... ben c'est tout !! Après, voici quelques particularités plus exotiques :
-il faut premièrement savoir que les verbes basques se rangent en deux familles : les verbes synthétiques (ou forts) qui ont la particularités de faire dériver toutes leurs formes de temps ou de personnes d'un même radical ; et les verbes analytiques (ou faibles ou périphrastiques) qui eux ont la particularité d'avoir besoin d'un auxiliaire pour se conjuguer à n'importe quel temps ou mode. Il va sans dire que les verbes synthétiques (les irréguliers en fait) sont très peu nombreux mais assez fréquents (tiens, ça aussi c'est une similitude avec nos langues européennes, c'est toujours les plus utilisés les plus irréguliers !!).
-cette petite introduction pour vous montrer une particularité de certains verbes synthétiques : vous vous rappelez l'exemple "la maison a une fenêtre" (etxeak leiho bat du) ?? Regardez plus haut. Mais une maison avec une seule fenêtre c'est rare, que se passe-t-il s'il y en a deux ?? Observez : "Etxeak bi leiho ditu". On observe qu'il y a deux verbes différents si le complément d'objet direct est singulier ou pluriel "du/ditu". Pour être plus précis, le basque (à cause de l'ergativité) intercale un infixe dans un verbe synthétique transitif (ici le verbe "ukan" avoir). Pour corser la chose, l'infixe est différent pour chaque verbe : on a ainsi -it- pour le verbe avoir et -zki- pour le verbe savoir : si je sais une chose c'est "dakit", si je sais plusieurs choses c'est "dakizkit".
-pour continuer avec les verbes synthétiques, laissez-moi vous en présenter d'autres au présent :
izan/être
ni naiz
zu zara
hura da
gu gara
zuek zarete
haiek dira

egon/rester (il correspond à peu près au "estar" espagnol)
ni nago
zu zaude
hura dago
gu gaude
zuek zaudete
haiek daude

etorri/venir
ni nator
zu zatoz
hura dator
gu gatoz
zuek zatozte
haiek datoz

(on trouve généralement la conjugaison dans les grammaires basques dans un autre ordre, ici j'ai préféré garder un ordre de personnes qui nous est familier)
Il n'y a pas de règles de formation pour ces verbes (autant qu'il n'y a en pas pour le verbe être en français outre celle de l'évolution) cependant quelque chose aurait dû vous sauter aux yeux ... Pas trouvé ?? Alors un indice :
-ni naiz / nago / nator
-zu zara / zaude / zatoz
-gu gara / gaude / gatoz
On peut remarquer que la première lettre du verbe synthétique est la même que la première lettre du pronom personnel (ça ne marche pas pour la troisième personne, tout en sachant qu'elles commencent toutes par un "d" et que "hura" et "haiek" sont en fait deux adjectifs démonstratifs employés comme pronoms). Il en est de même pour les autres verbes synthétiques intransitifs.
-pour les autres verbes, les analytiques, la situation est plus simple : en effet il suffit de prendre soit le verbe à l'infinitif soit l'un de ses participes, on ajoute et conjugue "izan" si le verbe est intransitif et "ukan" s'il est transitif. Par exemple avec le verbe "ikasi" apprendre, on aura : ikasi du (il apprend, en fait un présent parfait qui indique que l'action a commencé dans le passé et se continue dans le présent) ; ikasten du (il apprend, présent) ; ikasiko du (il apprendra, futur) ; ikasi zuen (il a appris, avec "ukan" au passé) ; ikasten zuen (il apprenait, imparfait) ; ikasiko zuen (il apprendrait, conséquentiel). Attention néanmoins, rappelez-vous que s'il apprend une chose c'est "ikasten du" et s'il apprend plusieurs choses c'est "ikasten ditu" !!
-il arrive parfois qu'un verbe demande un complément d'objet direct, mais aussi un complément d'objet indirect (par exemple dire ou donner), et c'est là que les choses se compliquent en basque : en effet le verbe, à cause de l'ergativité, entretient des relations spécifiques avec ses compléments, et au lieu de faire comme nos verbes qui ne montrent leurs relations qu'avec leur sujet, les verbes basques montrent leurs relations avec tous leurs compléments !! Je m'explique : on a déjà vu que le verbe prend un infixe s'il y a plusieurs COD, mais le verbe va aussi prendre des suffixes différents si le COD est moi, toi ou nous, ou bien si le COI est vous ou quelqu'un. Par exemple "je t'ai apporté une glace" se dit en basque "izozki bat ekarri dizut" (le sujet n'est généralement pas exprimé en basque, là il aurait été "nik" à l'ergatif). Décomposons la phrase en basque : "izozki bat" = une glace à l'absolutif ; "ekarri" est le verbe apporter à l'infinitif, c'est un verbe analytique qui a besoin d'un auxiliaire pour se conjuguer ; dizut se décompose ainsi : di- est l'auxiliaire "ukan" qu'on avait vu sous la forme "du", -zu- représente le COI de la phrase c'est-à-dire "toi" et -t représente le sujet à l'ergatif "moi". Pas trop perdu ?? Cette particularité de conjugaison fait que le basque n'a pas besoin de pronoms personnels comme "me", "te", "la", "lui" etc puisque toute l'information nécessaire est stockée dans le verbe. Si je t'avais apporté plusieurs glaces on aurait eu "izozki batzuk ekarri dizkizut" avec l'infixe -zki- qui indique que le COD est multiple. Et les combinaisons sont nombreuses : "Ils ne nous les ont pas apportées" se dirait "ez dizkigute ekarri" décomposé en "ez" = ne pas ; "ekarri" = apporter et di- = auxiliaire, -zki- = COD multiples, -gu- = COI qui signifie "à nous", -te = ils sujet. Incroyablement concis mais très loin de nos habitudes verbales !! Et ce système se complexifie encore lorsque l'on passe au passé, avec de nouvelles formes d'auxiliaires à apprendre !
-Pour terminer une autre construction qui peut paraître bizarre et qui peut être un peu difficle à se figurer : il existe des verbes qui se forment avec un mot suivi du verbe "izan" être, le plus connu est "maite izan" = aimer. Pour dire "je t'aime" on emploie une forme particulière du verbe être qui est celle-ci : nau-, zaitu-, du-, gaitu-, zaituzte-, ditu- qui représentent le COD (absolutif) auxquelles on adjoint les suffixes suivants : -t, -zu, -, -gu, -zue, -te qui représentent le sujet (ergatif). Ainsi "je t'aime" se dira "maite zaitut".
Pour terminer une rapprochement que vous avez pu faire à partir de ses deux listes, avec ce petit indice : la conjugaison du verbe "ukan" avoir est au présent :
du -t, du -zu, du -, du -gu, du -zue, du -te
...
Alors, vous avez trouvé où je veux en venir ??
...
(eh oui, la conjugaison du verbe avoir en basque découle en fait de celle du verbe être, mais ce n'est pas une spécificité du basque, on retrouve ça en breton par exemple)

J'espère que ce petit voyage dans l'univers du verbe basque vous a plu et vous permit de mieux comprendre la prétendue difficulté du basque, qui est en fait une autre vision de concevoir le monde et la phrase mais tout à fait logique !!
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Trasmontano



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Messages: 14

Messageécrit le Wednesday 29 Nov 06, 0:43 Répondre en citant ce message   

Au sujet des provinces basques;

La province de Donostia/San Sebastián est appelée Gipuzkoa (si je me trompe signaler, mais je crois que c'est ça), celle de Bilbo/Bilbao est Bizkaia, celle de Vitoria/Gasteiz est Araba (pareil si je me trompe)

Sinon, une question, cela veut dire quoi Bilbotik?
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Jean-Charles



Inscrit le: 15 Mar 2005
Messages: 3124
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Messageécrit le Wednesday 29 Nov 06, 1:23 Répondre en citant ce message   

Il y a passablement de matière à digérer, et tu expliques très bien
(il faudrait cependant peut-être un peu aérer le texte)

Je constate cependant une chose amusante:
Si on ne prend pas en compte les différences entre singulier, pluriel et indéterminé, ça ressemble à du japonais, avec ses postpositions, qui aurait été décrit par un latiniste.
En fait, on pourrait très bien, me semble-t-il, ne pas appeler ces suffixes des cas, mais les faire directement correspondre à ce qui y correspond en français, en notant les trois possibilités.

Ce n'est pas l'ergativité qu'on retrouve en japonais, mais on a aussi un sujet qui se décline sous deux formes:
= wa (oua) et = ga
Parfois, pas toujours, c'est plutôt l'une ou l'autre de ces postpositions qui s'impose, selon ce qui suit.
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claudius



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Lieu: Bucarest

Messageécrit le Wednesday 29 Nov 06, 2:38 Répondre en citant ce message   

Tu n'as pas tout à fait tort Jean-Charles : j'appelle ces suffixes des cas car la plupart des gens ici parlent des langues flexionnelles. Mais le basque est une langue agglutinante et au contraire des langues flexionnelles premièrement ces suffixes ne font jamais varier le radical du substantif (je parle pour le cas du basque) et deuxièmement ces suffixes sont quasiment des morphèmes à part entière comme le montre la surdéclinaison (qui n'existe pas dans les langues flexionnelles).
Je ne connais que très peu le japonais, mais je pense que l'analogie que tu as citée doit être la seule !! Beaucoup d'autres langues connaissent les postpositions (et en premier lieu les langues agglutinantes, le turc et le japonais, mais aussi des langues flexionnelles comme l'allemand meinem Freund gegenüber ou die Grenze entlang)
Pour répondre à la question de Trasmontano, Bilbotik est composé de Bilbo, la ville de Bilbao en basque, et du suffixe -tik qui est un ablatif et qui indique la provenance donc "Bilbotik = de Bilbao"
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gilou



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Messages: 1528
Lieu: Paris et Rambouillet

Messageécrit le Wednesday 03 Jan 07, 1:20 Répondre en citant ce message   

Deux bonnes références (pour un linguiste) sur la langue basque en français:
- Structure De L'énonce En Basque, de Georges Rebuschi, édition SELAF
- Le parler basque souletin des Arbailles – Une approche de l’ergativité, de Jean-Baptiste Coyos, édition L'Harmattan

J'ai plus appris sur le fonctionnement de la langue basque en lisant ces deux livres que dans la grammaire basque de Lafitte qui n'est pas un modèle de clarté.
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chalokun



Inscrit le: 29 Sep 2009
Messages: 22
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Messageécrit le Thursday 01 Oct 09, 14:19 Répondre en citant ce message   

Jean-Charles a écrit:
Il y a passablement de matière à digérer, et tu expliques très bien
(il faudrait cependant peut-être un peu aérer le texte)

Je constate cependant une chose amusante:
Si on ne prend pas en compte les différences entre singulier, pluriel et indéterminé, ça ressemble à du japonais, avec ses postpositions, qui aurait été décrit par un latiniste.
En fait, on pourrait très bien, me semble-t-il, ne pas appeler ces suffixes des cas, mais les faire directement correspondre à ce qui y correspond en français, en notant les trois possibilités.

Ce n'est pas l'ergativité qu'on retrouve en japonais, mais on a aussi un sujet qui se décline sous deux formes:
= wa (oua) et = ga
Parfois, pas toujours, c'est plutôt l'une ou l'autre de ces postpositions qui s'impose, selon ce qui suit.

pour reprendre ce commentaire le japonais est une langue agglutinante à expansion vers la droite et donc oui on peut voir des ressemblances dans les tructures des deux langues mais attention à deux chose:

d'une part l'ergativité implique des notions trés différente de ce qu'est la structure de la transitivité/intransitivité des mots verbaux japonais(sans parler des adjectifs verbaux qui alors du coup nous sortent totalement de structure comparable au basque)

d'autre part le marqueur Ha indqiue le thème en japonais tandis que le marqueur ga indique le sujet;ces notions de thème et sujet si elle peuvent paraitre similaires voire se confondent dans beaucoup d'exemples de phrases simples(par opposition à phrase complexe ie avec prposition,subordonnée ou non)sont en fait radicalement différrents dans leur nature;pour être bref car c'est un fil sur le basque,le thème en japonais s'oppose au rhème et l'unité de base de la langue japonaise n'est pas par défaut la phrase c'est à dire que le thème d'une phrase peut se trouver dans une autre ou être évoqué sans être explicite;une trés bonne explication précise de la chose figure dans le livre "des particules japonaises"
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gilou



Inscrit le: 02 Jan 2007
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Messageécrit le Friday 02 Oct 09, 14:04 Répondre en citant ce message   

Citation:
d'autre part le marqueur Ha indqiue le thème en japonais tandis que le marqueur ga indique le sujet;ces notions de thème et sujet si elle peuvent paraitre similaires voire se confondent dans beaucoup d'exemples de phrases simples(par opposition à phrase complexe ie avec prposition,subordonnée ou non)sont en fait radicalement différrents dans leur nature;
Pour が, dans des phrases comme 彼が気が付いた。 kare-ga ki-ga tsuita. "C'est lui qui s'en est aperçu." le rôle du premier が n'est pas celui d'un marqueur de sujet, je pense, mais bon, c'est assez hors sujet.

Dernière édition par gilou le Friday 02 Oct 09, 14:24; édité 2 fois
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chalokun



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Messageécrit le Friday 02 Oct 09, 14:21 Répondre en citant ce message   

@ Gilou :

oui tout à fait je ne parlais que de ga enclitique marqueur du sujet grammatical cela va de soit;ga existe aussi comme conjonction de coordination,la particule prend alors le sens de mais;le point étant surtout ici de souligner que le thème et le rhème en japonais sont des notions bien plus complexes qu'il n'y parait de prime abord;par ailleurs oui ceci est sans doute hors sujet par rapport à l'ergativité,je pense que nous aurions besoin ici de l'éclairage d'uen fine lame en grammaire géorgienne par exemple.
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gilou



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Messageécrit le Friday 02 Oct 09, 14:32 Répondre en citant ce message   

L'ergativité, s'il y en a en japonais, c'est dans des constructions en 水が飲いたい。mizu-ga nomitai. "Je désire boire de l'eau." qu'on pourrait la chercher, quand on compare a une tournure 水を飲む。mizu-o nomu. "je bois de l'eau" mais une contrainte sur la particule qui apparait avec les prédicats adjectivaux suffit pour expliquer la construction.

Il y a un assez bon livre de Tchekhoff en français sur l'ergativité: Aux fondements de la syntaxe: l'ergatif, mais il y traite de l'avar et du samoan si mes souvenirs sont bons. Pour le géorgien, on a le livre de Alice Harris, Georgian Syntax, mais il n'est pas d'une lecture facile.
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