francique moselle

Dienschdàà de 19. März 2024


 

Ecrits en vieux haut-allemand

1         Ecrits en vieux haut-allemand

 

1.1    Introduction historique

 

Le vieux haut-allemand est le premier essai d'une langue allemande littéraire et intellectuelle à partir du 8ème siècle ap. JC.  On parlait à l'époque de "theodisca lingua", langue tudesque.

Etait tudesque tout ce qui n'était pas roman ou welsche. Cela signifie qu'il n'y avait pas un vieux haut-allemand, mais plusieurs. On distingue trois grandes familles :

  • la francique
  • l'alémanique
  • la bavaroise

 

La famille francique était très représentée et étalée géographiquement :

  • le francique rhénan méridional (Wissembourg)
  • le francique rhénan (Worms, Lorsch)
  • le francique central (Echternach, Trêves, Cologne)
  • le francique oriental  (Fulda, Bamberg)

 

 

En général, même la haute noblesse était analphabète. La langue écrite tudesque naît dans et autour des couvents bénédictins de grande renommée. Ce sont des ecclésiastiques qui ont entrepris la traduction de documents et sources en latin. Mais on trouve aussi des glossaires latin-tudesque pour un usage local à l'intention des germanophones :

  • l'"Abrogans" de Freising en vieux bavarois (sous influence lombarde, original perdu, copie remaniée en alémanique)
  • le "Vocabularius St Galli" de Saint-Gall en vieil alémanique

 

En général, ce sont des prières, de hymnes, des poésies, des sermons, des dictons, des traductions de capitulaires (Trêves), livres de lois et de quelques extraits des quatre Evangiles (Fulda).

 

La Bavière fut très précoce puisque, dès Pépin (751-768), on y avait déjà commencé des travaux littéraires et scientifiques. Saint-Gall, en terre alémanique, sera la suivante. Avec l'avènement de Charlemagne, la partie francique se développera très rapidement.

 

Charlemagne fit venir à sa cour les missionnaires anglo-iro-saxons pour créer une forme d'Académie de la cour où l'élite intellectuelle de l'époque était composée de toutes les nations:

Alcuin et Boniface (anglo-saxons)

Eginhard et Angilbert (Francs)

Pierre de Pise et Paul Diacon (Lombards)

Theodulf (Goth)

 

Quelques disciples de ces premiers penseurs poursuivirent le travail entamé : Maurus (Fulda), Strabo (Reichenau), Hartmut (St-Gall). La chute des carolingiens provoqua la fin brutale de ce premier élan vieux haut-allemand.

 

La Lorraine (prononciation romane locale de  Lotharingie à l'époque) est touchée par le francique rhénan méridional et le francique central, soit :

  • l'est de la Moselle et la partie nord du Bas-Rhin
  • le nord-ouest de la Moselle dans la mouvance luxembourgeoise autour d'Echternach – Trêves.

Ces deux axes se retrouvent aujourd'hui encore en Moselle entre le francique rhénan d'un côté et le francique mosellan de l'autre: l'axe mosellan et l'axe sarro-rhénan.

 

1.2    Textes en vieux francique

 

1.2.1      790-800 Traduction de "De fide catholica contra Judeos" de Mgr. Isidor de Séville

 

Vraisemblablement réalisé en Lorraine germanophone, il n'y a pas un  auteur précis car c'est un travail collectif autour d'Alcuin. Le thème se concentre sur la défense de la sainte Trinité contre les arguments des Juifs. C'est un écrit qui tente de défendre la foi chrétienne.

 

1.2.2      830 Traduction de l'Harmonie des évangiles ou Diatessaron de Titien.

 

Pièce maîtresse de la littérature primitive vieille allemande, sous l'impulsion de Maurus, sa langue influença Otfried et les auteurs de l'Heliand.

Il s'agit de francique oriental puisque ce sont des moines de Fulda qui ont procédé à cette germanisation  un peu littérale du texte latin.

 

1.2.3      Extrait de Luc II, 1-20, l'histoire de la Nativité.

12. Fuor thô Ioseph fon Galileu fon thero burgi thiu hiez Nazareth in Iudeno lant inti Dauides burg, thiu uuas ginemnit Bethleem, bithiu uuanta her uuas fon hûse inti fon hîuuiske Dauides, thaz her giiâhi saman mit Mariûn imo gimahaltero gimâhhun sô scaffaneru.

 

13. Thô sie thâr uuârun, vvurdun taga gifulte, thaz siu bâri, inti gibar ira sun êristboranon initi biuuant inan mit tuochum inti gilegita inan in crippea, bithiu uuanta im ni uuas ander stat in themo  gasthûse.

 

Traduction française libre:

Joseph de Galilée quitta alors la ville, appelée Nazareth, pour se rendre dans le pays des Juifs et dans la ville de David qu'on appelait Bethleem, pour la simple raison qu'il était originaire de la maison et de la lignée de David et qu'il devait s'y inscrire lui et Marie, l'épouse qui lui fut promise, la vertueuse (ici enceinte).

 

Lorsqu'ils y arrivèrent,les jours étaient comptés avant l'accouchement, et elle mit au monde son premier-né et l'enveloppa dans des draps et le coucha dans une crèche parce qu'il n'y avait plus de place libre dans cette auberge.

 

 

 

 

 

Bonne approche de M. Léonard dans : http://users.belgacom.net/chardic/html/tatien_intro.html 

 

1.2.4      830 Heliand

 

Rédigé en francique oriental, ce long récit poétique de la vie de Jésus avait un caractère missionnaire non dissimulé puisqu'il s'agissait de rendre la foi chrétienne pllus attractive aux Saxons voisins.

 

Extrait Chap. 24 verset1995- 2005   (Noces de Canaa)

Geuuêt im thô umbi threa naht aftar thiu thesoro thiodo drohtin

An Galileo land, thar he te ênum gômun uuard,

Gebedan that barn godes: thar scolda man êna brûd geban,

Munalîca magat. Thar marai uuas

Mid iro suni selbo, sâlig thiorna

Mahtiges môder. Managoro drohtin

Geng imu thô mid is iungoron, godes êgan barn,

An that hôha hûs, thar the heri dranc,

Thea Iudeon an themu gastseli: he im ôc at them gômun uuas,

Giac hi thar gecûđde, that hi habda craft godes,

Helpa fan himilfader, hêlagna gêst,

Uualdandes uuîsdôm.

Traduction française libre:

Trois nuits plus tard, le Seigneur de ces gens

Se rendit en pays de Galilée où il avait été convié à un festin, l'enfant de Dieu: On devait lui attribuer une fiancée,

Une jeune femme admirable. Marie était également présente avec son fils, la sainte vierge.,

La mère du Tout Puissant. le Roi des Hommes

Vint avec ses disciples, l'enfant de Dieu,

Dans la haute maison où les invités buvaient,

Les Juifs dans la salle de séjour. Il y alla

Et déclara avoir la force de Dieu,

L'aide du Père dans les cieux, le Saint Esprit,

La sagesse du Seigneur.

 

 

 

1.2.5      842 Le Serment de Strasbourg 

 

Bien  que la rencontre des frères (Charles et Louis) ligués contre leur aîné l'empereur Lothaire ait eu lieu en terre alémanique à Strasbourg, la langue parlée par les monarques francs était le francique rhénan. C'est donc cette langue qu'ils ont utilisée dans leur serment d'entraide mutuelle.  Au passage, c'est aussi l'un des premiers textes officiels en vieux français, voire trilingues.

 

"In Godes minna ind in thes christianes  folches ind unser bedhero gealtnissi, fon thesemo dage frammordes, so fram so mir Got geuuizci indi mahd furgibit, so haldih tesan minan bruodher, soso man mit rehtu sinan bruodher scal, in thiu, thaz er mig sosoma duo; indi mit Ludheren  in nohheiniu thing  ne gegango, zhe minan uuillon imo ce scadhen uuerhen."

"Oba Karl then eid, then er sinemo bruodher Ludhuuuige gesuor, geleistit, indi Ludhuuuig min herro, then er imo gesuor, forbrihchit, ob ih inan es iruuenden ne mag, noh ih noh thero nohhein, then ih es iruuenden mag, uuidhar Karle imo ce follusti ne uuirdit"

Traduction française:

"Pour l'amour de Dieu et pour le salut peuple chrétien et notre salut à tous deux, à partir de ce jour dorénavant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien frère, comme on doit selon l'équité secourir son frère, à condition qu'il en fasse autant pour moi, et je n'entrerai avec Lothaire en aucun arrangement qui, de ma volonté, puisse lui être dommageable."

"Si Charles observe le serment qu'il a juré à son frère Louis et que Louis, mon seigneur, rompt celui qu'il lui a juré, si je ne puis l'en détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui prêterons aucune aide contre Charles".

 

 

 

 

 

 

 

1.2.6      L'Harmonie des évangiles de Otfried de Wissembourg

 

Considéré en Allemagne comme le premier poète de l'histoire de la littérature allemande, ce moine  a rédigé la "Evangelienharmonie" vers 865, le "catéchisme wissembourgeois" vers 800.

Il est celui qui rédigea en francique rhénan méridional, celui de la Moselle-Est et du Bas-Rhin de l'extrême nord.  Il s'expliqua dans l'introduction de son ouvrage quant à son choix de la langue allemande par rapport au latin. De même, il prit soin d'envoyer un exemplaire de son travail à ses supérieurs hiérarchiques pour avoir leur aval. Il entendait monter que la langue allemande(donc ici le francique) était tout aussi adapté que le latin pour l'art des vers et des rimes. De fait, Otfried introduit la rime de fin de vers, l'alternance de temps forts et de syllabes non accentuées (Hebung/Senkung) et la vers long (Langzeile) comme on le voit dans l'extrait ci-dessous. 

 

Un extrait :Livre I, chapitre 1 : "Pourquoi l'auteur rédigea cet ouvrage dans la langue du peuple."

 

(L'argumentation est un peu longue, nous citons le début et la fin)

 

Uuas líuto filu in flíze, in managemo ágaleize, 
sie thaz in scríp gicleiptin, thaz sie iro námon breittin. 
Sie thés in íó gilícho flizzun gúallicho, 
in búachon man giméinti thio iro chúanheiti. 
5 Tharána dátun sie ouh thaz dúam: óugdun iro uuísduam, 5 
óugdun iro cléini in thes tíhtonnes reini. 
Iz ist ál thuruh nót so kléino girédinot 
—iz dúnkal eigun fúntan, zisámane gibúntan—, 
Sie ouh in thíu gisagetin, thaz then thio búah nirsmáhetin, 
10 ioh uuól er sih firuuésti, then lésan iz gilústi. 10 
Zi thiu mág man ouh ginóto mánagero thíoto 
hiar námon nu gizéllen ioh súntar ginénnen. 
Sar Kríachi ioh Románi iz máchont so gizámi, 
iz máchont sie al girústit, so thíh es uuola lústit. 
15 Sie máchont iz so réhtaz ioh so fílu sléhtaz, 15 
iz ist gifúagit al in éin selp so hélphantes béin. 
Thie dáti man giscríbe! theist mannes lúst zi líbe. 
nim góuma thera díhta, thaz húrsgit thina dráhta! 
Ist iz prósun slihti, thaz drénkit thih in ríhti,

 

Traduction française libre:

De nombreux peuples s’efforcèrent avec application et moult efforts,

A fixer par écrit tout ce qui pouvait servir à la glorification de leur nom.

De même, avec un zèle louable, ils firent en sorte

Que l’on narra leurs actes téméraires dans des livres.

Ce faisant, ils réussirent encore un autre acte glorieux :

Ils montrèrent leur sagesse, ils  montrèrent leur maîtrise de l’art dans l’accomplissement de leurs œuvres.

Tout ce qu’ils écrivirent est illustré avec soin et de manière artistique ;

Ils l’ont façonné de manière obscure et enveloppée.

Dans le choix de leurs expressions il s’agissait aussi de faire en sorte que leurs livres n’offrent aucune occasion de déconsidération à celui

Qui  voudrait les lire, mais bien qu’ils contribuent à aiguiser l’esprit.

A ce propos, on peut citer et lister ici les noms de nombreux peuples.

Particulièrement, les Grecs et les Romains créent de telles belles œuvres travaillées jusqu’au moindre détail que l’on ne peut s’en réjouir de tout cœur.

Ils écrivent vraiment sans erreur et dans une telle perfection, tout est lisse comme des pièces travaillées dans l’ivoire.

Le récit de ces faits donne aux hommes la joie de vivre.

 

(…….)

 

Nu fréwen sih es álle, so wer so wóla wolle,

joh so wér si hold in múate Fránkono thiote,

Thaz wir Kriste sungun in únsera zungun,

joh wir ouh thaz gilébetun, in frénkisgon nan lóbotun!

Traduction française libre:

A présent, que tous les gens de bonne volonté se réjouissent,

Tous ceux qui veulent le bien du peuple des Francs,

Que nous puissions louer le Christ dans notre langue

Et qu'il nous soit permis de chanter sa louange en francique.

 

 

 

 

 

 

NB: remarquez ici le mot "thiot" qui signifie le peuple. C'est à partir de ce mot que l'adjectif "thiotisk" a été formé pour nommer tous ceux qui appartiennent au peuple de langue germanique. Il donnera diutisk, puis diutisch, deutsch.

 

1.2.7      881 La chanson de Louis

 

Rédigée en francique rhénan, c'est la première chanson historique allemande. Elle s'inscrit dans la tradition du chant de louange germanique. Elle glorifie la victoire du Franc Louis III sur les Vikings à Saucourt. Ecrit selon le nouveau schéma métrique (Otfriedische Endreimverse) d'Otfried de Wissembourg. Ce sont des religieux francs rhénans qui ont écrit ce texte, il commence d'ailleurs par un hymne religieux à la gloire du souverain, lequel mouuar un an plus tard à l'âge de 20  ans en 882. 

 

(NB. Pour plus de facilité dans la lecture, remplacez les "uu" par des "w" !  le "TH" à l'anglaise existait encore en francique; il faut le remplacer par un "D". )

 

"Einan kuning uueiz ih, Heiszit her Hluduîg,

Ther gerno gode thionôt: Ih uueiz her imos lônôt.

Kind uuarth her faterlôs, Thes uuarth imo sâr buoz:

Holôda inan truhtin, Magaczogo uuarth her sîn.

gab her imo dugidi , Frônisc githigini,

Stuol hier in Urankôn. Sô brûche ger es lango!"

 

Traduction française libre :

Je connais un roi, il s'apelle Louis,

Il aime à servir Dieu; je sais qu'Il le lui rendra.

Enfant, il devint orphelin de père, compensation lui fut vite trouvée:

Le Seigneur s'occupa de lui, c'est Lui qui l'éduqua.

Il lui donna la vertu, une cour digne d'un souverain,

Le trône d'ici en Francie. Qu'il l'occupe le plus longtemps possible!

 

 

 

 

 

1.2.8      9ème siècle Notre Père (francique oriental)

 

Fater unser, thu thar bist in himile, si giheiligot thin namo.

Queme thin rihhi.

Si thin uuillo, so hér in himile ist so si hér in erdu.

Unsar brot tagalihhaz gibuns hiutu, inti furlaz uns unsara sculdi,

so uuir furlazemes unsaren sculdigon, inti ni gileitest unsih in costunga,

uzouh arlosi unsih fon ubile.

 

 

1.2.9      9ème siècle Promesse solennelle de baptême

 

Le prêtre : Forsahhistû unholdun?

Le baptisé : Ih fursahhu.

Le prêtre : Forsahhistû unholdun uuerc indi uuillon?

Le baptisé : Ih fursahhu.

Le prêtre :Forsahhistû allém thém bluostrum indi dên gelton indi dên gotum, thie im heidene man zi bluostrum indi zi geldom enti zi gotum habênt ?

Le baptisé : Ih fursahhu.

Le prêtre : Gilaubistû in got fater almahtîgan?

Le baptisé : Ih gilaubu.

Le prêtre : Gilaubistû in heilagan geist?

Le baptisé : Ih gilaubu.

Le prêtre : Gilaubistû einan got almahtigan in thrînisse inti in einisse?

Le baptisé :  Ih gilaubu.

Le prêtre : Gilaubistû heilaga gotes chirichun ?

Le baptisé : Ich gilaubu.

Le prêtre : Gilaubistû thuruh taufunga sunteôno forlâznessi ?

Le baptisé : Ih gilaubu.

Le prêtre : Gilaubistû lîb after tôde ?

Le baptisé : Ih gilaubu.

 

Traduction française :

Le prêtre : rejettes-tu le malin ? (malin = diable)

Le baptisé : je le rejette.

Le prêtre : rejettes-tu le service et la volonté du malin?

Le baptisé : je le rejette.

Le prêtre :rejettes-tu les offrandes et les sacrifices et les divinités qui ont des êtres humains païens pour offrandes, sacrifices et dieux?

Le baptisé : je les rejette.

Le prêtre : crois-tu en Dieu le Père tout puissant?

Le baptisé : je crois.

Le prêtre : crois-tu en l'Esprit Saint?

Le baptisé : je crois.

Le prêtre : crois-tu en un dieu omnipotent unique et trinitaire?

Le baptisé : je crois.

Le prêtre : crois-tu en la sainte Eglise de Dieu ?

Le baptisé : je crois.

Le prêtre : crois-tu à la rémission des péchés par le baptême ?

Le baptisé : je crois.

Le prêtre : crois-tu à la vie après la mort ?

Le baptisé : je crois.

 

 

 

 

NB : On reconnaît ici déjà la mutation du « k » en « ch » (le « h » se prononce comme un « ch » allemand ici). En revanche, le « th » n’a toujours pas disparu)

 

Pour comparaison, comparons avec la première phrase de la version saxonne :

 

Le prêtre : Forsachistû diobolae?

Le baptisé : Ec forsacho.

(…)

 

Le « ec », transcription ancienne du « ik » bas-allemand actuel, apparaît ici de manière flagrante.

 

 

1.2.10 Prière francique

 

Truhtin god, mir hilp indi forgip mir gauuitzi indi godan galaupun ,thina minna indi rehtan uuilleon, heili indi gasunti indi thina guodun huldi.

 

Traduction française :

Seigneur Dieu, aide-moi et donne-moi la sagesse ainsi qu’une foi solide, ton amour et un zèle honnête, bien-être et santé et ta grâce beinveillante.

 

 

 

 






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