4.5/ Duché de Basse et de haute Lorraine

 

911    La Lotharingie se rattache au Royaume d'occident

919   Henri I, début de la dynastie saxonne.

925   Retour à l'Empire germanique, l'Alsace passe en Souabe

936   Intronisation de Otton I

959   Création de la Basse Lorraine et de la Moselle

A la mort du dernier descendant direct de la branche carolingienne, les princes du Royaume oriental élisent en 911 à Forchleim Konrad I de Franconie Roi de Germaine. Malgré ses velléités de diriger le royaume de manière centralisée, il n'arrive pas à s'imposer face aux pouvoirs réels des ducs et seigneurs régionaux. En tête de la résistance, la Lorraine préfère se rattacher au royaume occidental. Elle représente la tradition carolingienne et l'aristocratie lotharingienne est encore très enracinée dans son histoire. Or, la Francie occidentale est encore dirigée par un Carolingien. L'identité bi-culturelle de la Lotharingie, du moins de ses dirigeants lui permet de s'associer à un cap ou à un autre. Un choix définitif paraît difficile en Lorraine. Elle semble tiraillée dans un sens comme dans un autre.

Entre temps, Henri I est élu Roi par les Franconiens et Saxons en 919. C'est le premier de la dynastie saxonne dite aussi "ottonienne". Il impose son autorité sur tous les duchés, les contre-pouvoirs sont écartés. A la suite de cet événement, en 925, le duché de Lorraine réintègre l'empire et le royaume germanique. Le duc de Lotharingie Giselbert épouse la fille de l'empereur Henri, Gerberga. La Lotharingie entre donc dans la sphère d'influence de la politique impériale germanique.

Cela ne signifie pas une adhésion totale aux conceptions de la dynastie saxonne. Au contraire, Otton I n'aimait pas trop les grandes familles seigneuriales lotharingiennes parce qu'elles sont attachées aux Carolingiens. Otton saura choisir ses amis fidèles pour les hautes fonctions du apys. Avec la nomination du duc Herman, d'origine franconienne, au duché de Souabe en 926, l'Alsace entre Vosges et Rhin, jusqu'alors partie intégrante de la Lotharingie, intègre le duché de Souabe. Cette nouvelle appartenance sépare les destinées de ces deux régions pour quelques siècles.

En 959, l'archevêque de Cologne, le duc de Lotharingie Brunon, institue les duchés de Basse et de Haute Lorraine. On trouve aussi l'appellation de "duché de la Mosellane" pour la Haute Lorraine. Elle est peut-être plus parlante parce qu'elle met bien en évidence le fait que la Moselle sert de centre névralgique à ce nouveau duché. Brunon avait choisi des Lorrain pour les postes importants, mais Otton nomma des hommes sûrs comme Godefroy en Basse Lorraine et Frédéric du comté de Verdun en Haute Lorraine.

Cet avènement a aussi pour première conséquence le maintien, peut-être même le renforcement des pouvoirs religieux qui découpent le territoire en de multiples entités jalouses de leurs privilèges. L'empereur sait en tirer profit ; il confère la dignité comtale à des abbés, des évêques. Les noms des anciens "pagi" sont conservés, mais la carte carolingienne est très remaniée. Avec le recul, on pourrait presque dire que la technique était bonne sur le coup, mais par la suite elle a causé plus de soucis à tous les dirigeants, en tête desquels on peut citer les ducs de Lorraine qui ont eu du mal à créer une Lorraine unie avec une vraie capitale et des coutumes générales.

Les nouveaux duchés ne paraissent pas naturels dans leurs frontières. Il ressort des documents d'époque qu'aucun terme précis et évident ne s'est présenté spontanément à Brunon au moment de la création des duchés. Le pays n'est jamais qualifié de "Francia" comme à l ouest, mais on décrit les habitants comme des "Lotharingenses Franci" dans un diplôme de Otton I le 8.6.960 à Metz. Les historiens attirent aussi l'attention sur le fait qu'aucune capitale naturelle ne s'est présentée en Basse comme en Haute Lorraine. D'ailleurs, les nouveaux ducs assurent leur fonction depuis leurs terres propres. Ils sont des dirigeants itinérants à la manière des empereurs germaniques. Le nouveau duc n'a pas de pouvoirs étendus. Comme les autres ducs soumis à la politique ferme des Ottoniens, ils occupent une fonction publique de lieutenant du souverain. Il agit et rend la justice au nom du roi. Son fief est héréditaire, c'est pourquoi il doit rendre hommage à son suzerain. Cela n'empêche que Frédéric a été élu "au suffrage des Francs", c'est-à-dire par les grandes familles lorraines, comme le veut la tradition franque et/ou carolingienne. Toute l'aristocratie lotharingienne n'était pas ralliée à Otton. L'empereur devait donc ménager les susceptibilités des dignitaires locaux afin d'avoir un duché gagné à cause des frontières de l'ouest.