2.1/ La "Civitas Mediomatricorum" en "Gallia Belgica"

Dans une Lorraine nettement plus boisée à l'est du côté des Basses Vosges, mais aussi à l'ouest à l'orée de l'ancienne grande forêt des Ardennes jusqu'aux côtes d'Argonne, les vallées de la Meuse et de la Moselle, celles de la Sarre et de la Seille dans une moindre mesure, étaient les seuls endroits défrichés où l'activité humaine se ressentait à divers niveaux.

La période gallo-romaine n'a pas bouleversé la vie gauloise de fond en comble. Elle l'a complétée et lui fait connaître un certain nombre de mutations. L'actuelle Moselle fut rattachée à la province de Belgique première avec Reims pour capitale et Trêves pour siège diocésain après la christianisation.

Les voies romaines traversent la Belgique à des fins essentiellement militaires. Le commercial s'est greffé dessus par la suite.

Durocortorum - Argentoratum (Reims - Strasbourg) en passant par Virodunum, Divodurum, Marosallum, Decempagi, Pons Saravi et Tres Tabernae.

Augusta Treverorum - Lugdunum (Trêves - Lyon) en passant par Divodurum, Tullum, Noviomagus, Langres.

Divodurum est donc à la croisée des deux voies de communication romaine. L'axe Ouest-Est a favorisé la création de bourgades jalonnant la voie pavée. Les militaires et les commerçants, les colporteurs et les voyageurs plus ou moins importants ne pouvaient parcourir qu'environ 40 km par jour, a fortiori ceux qui voyageaient avec une charrette à bœufs. Des "stations routières" (latin : vici) et des gîtes d'étapes s'avérèrent rapidement indispensables pour couvrir la distance Lutèce-Argentoratum. Cette dernière cité abrite la légion du Rhin. On trouvait le long de la voie romaine des écuries, des postes. Les hôtelleries (mansiones, mansioniles) ne manquaient pas non plus. Tout autour de cette infrastructure impressionnante pour l'époque, les artisans et les commerçants vivaient également des voyageurs et des colonnes de légionnaires en transit. L'ancien oppidum celtique du Haut de Sainte-Croix sut tirer tous les avantages de sa position à la croisée des deux voies romaines : en s'agrandissant vers le sud jusqu'à la vallée de la Moselle, le site s'est vite développé en un centre urbain, une "ville" gallo-romaine. L'axe Nord-Sud n'était pas sans intérêt non plus pour la cité. Il reliait, en effet, l'une des plus grandes cités romaines du Nord, Augusta Treverorum, à l'ex-capitale des Gaules Lugdunum.

Vers la fin du 3ème siècle, en raison de l'insécurité et des pillages désorganisés, les agglomérations gallo-romaines se fortifièrent en utilisant la pierre. Les gros "vici" devinrent des "castra" comme Divodurum, les plus petits de transforment en "castella" ou en "burgi" (Marsal, Vic, Sarrebourg ou Delme par exemple). Murs et portes furent érigés, des fossés et des défenses furent aménagés. Le castrum de Divodurum reçut un rempart de 3m60 de largeur et formait un polygone de 3km.

Malgré l'insécurité générale, la région mosellane connut une certaine prospérité économique si l'on compare avec l'ancienne cité des Leuques moins romanisée, plus isolée. Les vallées contribuaient au maintien de la gallicité jusqu'à Trêves malgré les menaces germaniques de plus en plus pressantes. Le pays exploitait les ressources naturelles comme le sel dans le Saulnois ou le calcaire de Jaumont ou de l'arrière-pays sarrebourgeois. Ces produits furent exportés en suivant les axes de communication romains. La région possédait des ateliers de céramique avec les griffes célèbres de Saturnin et de Satto (Faulquemont, Mittelbronn), de verrerie dans la vallée de l'Ornain destinée à l'aristocratie. Le commerce dépendait fortement des "Nautes" de la Moselle, traits d'union entre les Trévires, les Médiomatriques et les Leuques. Les commerçants se regroupaient en "Collegiae" comparables aux corporations actuelles.

Cette époque de fusion entre le fond gaulois et la couche dirigeante romaine renforça la disparité entre la vie rurale et la vie urbaine, résumée dans les termes de "villae rusticae" et "villae urbanae". La villa romaine était par nature un domaine agricole. Outre la maison de maître, la villa comportait des dépendances et des masures en matériaux périssables pour les affranchis, les colons et les esclaves.

A partir du 4ème siècle, la villa urbana est le symbole d'une nouvelle aristocratie à l'écart des fermes ; on la retrouve autour de Metz, Thionville et Sarrebourg. En revanche, les zones boisées ou excentrées sont moins peuplées ; les archéologues ont étable la présence de la "Culture des sommets vosgiens" moins romanisée que les populations des vallées par exemple. La pénétration romaine n'a pas été totale ; certains auteurs en déduisent qu'il a existé très tôt une vraie cohabitation de différents peuples, même germaniques.

La période gallo-romaine fut une période de tolérance qui aboutit à une assimilation progressive en matière de croyances, de méthodes de construction, de techniques agricoles et de langue véhiculaire.