le tableau ci-dessous
vous donne le mot signifiant la "mère" dans de nombreuses langues
indo-européennes:
vieil indien |
mâtar |
lituanien |
mote |
vieux bulgare |
matere |
italien |
madre |
grec |
mater |
espagnol |
madre |
latin |
mater |
scandinave |
moder, mor |
vieux haut-allemand |
muoter |
néerlandais |
moeder |
vieux slave |
mati |
tocharien |
mâcar |
vieil irlandais |
mâthir |
albanais |
motrë |
vieil islandais |
moder |
letton |
mâte |
allemand |
Mutter |
arménien |
mair |
anglais |
mother |
occitan |
maire |
Comparez avec :
japonais |
haha |
hébreux |
ém |
chinois |
wôu |
arabe |
umm |
Vous reconnaissez indubitablement la même racine tournant
autour de MTR avec ses variantes de
prononciation. C'est grâce à ces mots comme ceux-ci que des chercheurs
(essentiellement allemands) du 19ème siècle ont commencé à supposer
l'existence d'un peuple commun à de nombreux peuples actuels en apparence
différents. L'analyse des chiffres fut
également très révélatrice. A partir de là nous allons décrire maintenant de
manière très caricaturale ce qui s'est passé entre la langue souche et les
langues affiliées.
A ce stade de développement, il n'y a ni Allemands, ni Nordiques, ni Anglais,
ni Mosellans , mais un seul peuple qu'on appelle les Germains (appellation
donnée par les Romains) !!
D'abord, ne
pensez surtout pas que les modifications que nous allons décrire n'ont eu lieu
qu'en germanique ! A des dates
différentes, plus tôt ou plus tard, les autres branches de la famille
indo-européenne vont également subir des changements, d'ailleurs parfois même
plus conséquents que pour le germanique.
Pour ne pas vous
encombrer avec un tableau fastidieux de toutes les consonnes qui ont subi une
mutation, nous allons résumer en posant les règles suivantes :
INDO-EUROPEEN |
GERMANIQUE COMMUN |
Les consonnes sont aspirées, c'est-à-dire qu'on entend
comme un H derrière des consonnes
sonores: bh,dh…. Ce sont des occlusives (vérifiez le sens de ce mot!!) |
Les consonnes perdent leur aspiration, mais deviennent
plus sourdes. Ce sont des fricatives (vérifiez le sens de ce mot!!) |
L'accent tonique du mot peut être sur toutes les
syllabes. Les latinistes et
hellénistes sauront que c'est encore comme cela dans ces langues. |
L'accent tonique est quasiment toujours sur la première
syllabe. |
Toutes les syllabes, même non accentuées, sont prononcées. |
Comme la première syllabe est accentuée, on finit par
ne plus prononcer certaines syllabes, on les atténue. |
Il y a 8 cas définis par la finale du mot. On les
retrouve encore en russe aujourd'hui ! |
Il n'y a plus que 4 cas, un nouveau prétérit en –te ,
et la naissance de pronoms personnels : ich, du, er,… |
1)
Pour le sujet de l'accentuation sur la première syllabe,
on peut s'imaginer aujourd'hui encore à quoi cela ressemble et pourquoi les
peuples d'autrefois devaient se reconnaître à la moindre phrase prononcée bien
que les similitudes de vocabulaire aient dû être plus grandes qu'aujourd'hui.
Souvent, quand vous entendez quelqu'un de germanique
parler français, vous le reconnaissez à son accent ; seriez-vous capable de
reconnaître un allemand, d'un danois ou d'un hollandais ? Pas forcément, mais
vous entendez une accentuation fortement prononcée sur le début des mots. Il
s'agit là d'une grande caractéristique des langues germaniques par opposition
aux langues latines qui accentuent la fin des mots ou l'avant dernière syllabe.
2)
Concernant l'affaiblissement des syllabes non accentuées, vous le retrouver très nettement en anglais
moderne ; une syllabe principale permet
d'entendre la voyelle pendant que, dans les autres, on a l'impression de
n'entendre que des "e" muets (comme dans "purpose" ou dans "conception" ) .
3)
La suppression de certains cas et la création de pronoms
personnels s'expliquent de la même façon qu'en 2) . Si tous les sons en fin de mots deviennent des "e"
muets indistincts, il faut bien les remplacer par quelque chose.
Prenons l'exemple en germanique
"hilfu" (j'aide) à c'est
le –u qui indique qu'il s'agit de la
première personne, comme en latin ou en
grec le "o" dans amo et e?? (j'aime), ou encore en italien ou espagnol
"dormo" ou "duermo" (je dors) : le "je" (ego, io,
yo) est inutile et presque redondant !
Vous avez constaté que le
français a également besoin du pronom "je" pour indiquer qu'il s'agit de la première personne du
singulier. Effectivement, on n'entend
plus le "e" muet. C'est exactement la même chose en germanique dans
"hilfu" qui, en devenant "helfe", nécessite un
"ich". La même chose s'est
produite pour les cas de la déclinaison ou certaines formes de prétérit.
4)
Le sujet des consonnes est plus complexe ; c'est
pourquoi, nous allons seulement résumer ce qui compte pour nous le plus dans la
découverte des langues allemandes modernes.
C'est à cette époque qu'apparaissent trois sons qui ont donné au germanique
son aspect spécifique pendant longtemps :
F
TH CH
Le
F apparaît là où les gréco-latins ont
choisi le P . Observez par exemple :
Langues
germaniques |
Langues
gréco-latines |
Vater (allemand et tous les
dialectes allemands) |
père (français) |
Father (anglais) |
padre (italien, espagmol) |
Fader
(langues scandinaves) |
paire
(occitan) |
fathar (germanique commun) |
pater (latin – grec) |
fotus (germanique commun) |
pied (français) |
foot (anglais) |
pes (latin) |
Fuß (allemand + dialectes) |
piede (italien) |
fot (scandinave) |
pie (espagnol) |
Le
TH (prononcé comme en anglais aujourd'hui)
a longtemps caractérisé le germanique jusqu'à la deuxième mutation
consonantique, soit de –500 à 800 ap. J.C. , soit plus de 1000 ans !
On
l'associe à la lettre Þ qui était gravée sur les pierres runiques (vérifiez ce
mot !). Il n'a pas complètement disparu puisqu'il existe encore en anglais
moderne, en danois moderne (écrit "d") et en islandais moderne (écrit
"ð " ). Ce sont trois langues qui n'ont pas subi la
deuxième mutation consonantique. (Les Angles et Saxons ont de toute façon
quitté le bassin allemand avant le 6ème siècle !!) . En revanche, le
francique mosellan plus au sud ne l'a pas gardé.
Le
CH (de l'allemand actuel dans "doch") a également existé dans toutes
les langues germaniques anciennes écrit "ch", "h" ou
"gh" . Aujourd'hui, il a disparu en anglais et scandinave, mais il
s'est maintenu dans les dialectes allemands et néerlandais. En anglais, on le
rencontre à l'écrit dans "light" , "night" ,
"knight" ou "through" apparentés à "Licht",
"Nacht" , "Knecht" et "durch".
Nous
n'avons parlé jusqu'à présent que de l'étape de passage entre l'indo-européen
et le germanique. C'est en quelque sorte la naissance de la grand-mère des
dialectes allemands. Très vite le germanique va se découper à son tour en trois
branches : le germanique de l'est, les germaniques du nord et les germaniques
de l'ouest.
A ce stade de l'analyse, tous les peuples
germaniques de l'Europe ont la même histoire linguistique, y compris les futurs
Francs qui s'installeront en Moselle.
Mis
à part quels glissements de prononciation entre les sourdes et les sonores, les
aspirées et les non aspirées, ce sont les trois consonnes F, Þ et CH qui distinguent
les Germains des peuples contemporains comme les Celtes, les Latins, les Grecs
et les Slaves. L'antagonisme entre
welches et germaniques démarrent en quelque sorte à cette époque.
Fin de l'étape n° 3