Etape n° 3 : La première mutation consonantique

Sommaire

Etape 1

Etape 2

Etape 3

Etape 4

Etape 5

Etape 6

Etape 7

 

 

 

 

 

Observons !

le tableau ci-dessous vous donne le mot signifiant la "mère" dans de nombreuses langues indo-européennes:

 

vieil indien

mâtar

lituanien

mote

vieux bulgare

matere

italien

madre

grec

mater

espagnol

madre

latin

mater

scandinave

moder, mor

vieux haut-allemand

muoter

néerlandais

moeder

vieux slave

mati

tocharien

mâcar

vieil irlandais

mâthir

albanais

motrë

vieil islandais

moder

letton

mâte

allemand

Mutter

arménien

mair

anglais

mother

 occitan

maire

 

Comparez avec :

japonais

haha

hébreux

ém

chinois

wôu

arabe

umm

 

Vous reconnaissez indubitablement la même racine tournant autour de MTR  avec ses variantes de prononciation. C'est grâce à ces mots comme ceux-ci que des chercheurs (essentiellement allemands) du 19ème siècle ont commencé à supposer l'existence d'un peuple commun à de nombreux peuples actuels en apparence différents.  L'analyse des chiffres fut également très révélatrice. A partir de là nous allons décrire maintenant de manière très caricaturale ce qui s'est passé entre la langue souche et les langues affiliées.

 

 

A ce stade de développement,  il n'y a ni Allemands, ni Nordiques, ni Anglais, ni Mosellans , mais un seul peuple qu'on appelle les Germains (appellation donnée par les Romains)  !!

 

Séparation du tronc commun :

D'abord, ne pensez surtout pas que les modifications que nous allons décrire n'ont eu lieu qu'en germanique !  A des dates différentes, plus tôt ou plus tard, les autres branches de la famille indo-européenne vont également subir des changements, d'ailleurs parfois même plus conséquents que pour le germanique.

 

Pour ne pas vous encombrer avec un tableau fastidieux de toutes les consonnes qui ont subi une mutation, nous allons résumer en posant les règles suivantes :

 

INDO-EUROPEEN

GERMANIQUE COMMUN

Les consonnes sont aspirées, c'est-à-dire qu'on entend comme un H derrière des consonnes  sonores: bh,dh….

Ce sont des occlusives (vérifiez le sens de ce mot!!)

Les consonnes perdent leur aspiration, mais deviennent plus sourdes.

Ce sont des fricatives (vérifiez le sens de ce mot!!)

L'accent tonique du mot peut être sur toutes les syllabes.  Les latinistes et hellénistes sauront que c'est encore comme cela dans ces langues.

L'accent tonique est quasiment toujours sur la première syllabe.

Toutes les syllabes, même non accentuées,  sont prononcées.

Comme la première syllabe est accentuée, on finit par ne plus prononcer certaines syllabes, on les atténue.

Il y a 8 cas définis par la finale du mot. On les retrouve encore en russe aujourd'hui !

Il n'y a plus que 4 cas, un nouveau prétérit en –te , et la naissance de pronoms personnels : ich, du, er,…

 

Passons à des exemples concrets !

 

1)      Pour le sujet de l'accentuation sur la première syllabe, on peut s'imaginer aujourd'hui encore à quoi cela ressemble et pourquoi les peuples d'autrefois devaient se reconnaître à la moindre phrase prononcée bien que les similitudes de vocabulaire aient dû être plus grandes qu'aujourd'hui.

 

Souvent, quand vous entendez quelqu'un de germanique parler français, vous le reconnaissez à son accent ; seriez-vous capable de reconnaître un allemand, d'un danois ou d'un hollandais ? Pas forcément, mais vous entendez une accentuation fortement prononcée sur le début des mots. Il s'agit là d'une grande caractéristique des langues germaniques par opposition aux langues latines qui accentuent la fin des mots ou l'avant dernière syllabe.

 

2)      Concernant l'affaiblissement des syllabes non accentuées,  vous le retrouver très nettement en anglais moderne ;  une syllabe principale permet d'entendre la voyelle pendant que, dans les autres, on a l'impression de n'entendre que des "e" muets (comme dans "purpose"  ou dans "conception" ) .

3)      La suppression de certains cas et la création de pronoms personnels s'expliquent de la même façon qu'en 2) .  Si tous les sons en fin de mots deviennent des "e" muets indistincts, il faut bien les remplacer par quelque chose.

 

Prenons l'exemple en germanique "hilfu" (j'aide) à c'est le –u qui indique qu'il s'agit de la première personne, comme en  latin ou en grec le "o" dans  amo et  e?? (j'aime), ou encore en italien ou espagnol "dormo" ou "duermo" (je dors) : le "je" (ego, io, yo) est inutile  et presque redondant !

Vous avez constaté que le français a également besoin du pronom "je"  pour indiquer qu'il s'agit de la première personne du singulier.  Effectivement, on n'entend plus le "e" muet. C'est exactement la même chose en germanique dans "hilfu" qui, en devenant "helfe", nécessite un "ich".  La même chose s'est produite pour les cas de la déclinaison ou certaines formes de prétérit.

 

4)      Le sujet des consonnes est plus complexe ; c'est pourquoi, nous allons seulement résumer ce qui compte pour nous le plus dans la découverte des langues allemandes modernes.

 

C'est à cette époque qu'apparaissent trois sons qui ont donné au germanique son aspect spécifique pendant longtemps :

 

F      TH      CH

 

Le F  apparaît là où les gréco-latins ont choisi le P . Observez par exemple :

 

Langues germaniques

Langues gréco-latines

Vater (allemand et tous les dialectes allemands)

père (français)

Father (anglais)

padre (italien, espagmol)

Fader (langues scandinaves)

paire (occitan)

fathar (germanique commun)

pater (latin – grec)

fotus (germanique commun)

pied (français)

foot (anglais)

pes (latin)

Fuß (allemand + dialectes)

piede (italien)

fot (scandinave)

pie  (espagnol)

 

 

Le TH (prononcé comme en anglais aujourd'hui)  a longtemps caractérisé le germanique jusqu'à la deuxième mutation consonantique, soit de –500 à 800 ap. J.C. , soit plus de 1000 ans ! 

On l'associe à la lettre Þ qui était gravée sur les pierres runiques (vérifiez ce mot !). Il n'a pas complètement disparu puisqu'il existe encore en anglais moderne, en danois moderne (écrit "d") et en islandais moderne (écrit "ð " ). Ce sont trois langues qui n'ont pas subi la deuxième mutation consonantique. (Les Angles et Saxons ont de toute façon quitté le bassin allemand avant le 6ème siècle !!) . En revanche, le francique mosellan plus au sud ne l'a pas gardé.

 

Le CH (de l'allemand actuel dans "doch") a également existé dans toutes les langues germaniques anciennes écrit "ch", "h" ou "gh" . Aujourd'hui, il a disparu en anglais et scandinave, mais il s'est maintenu dans les dialectes allemands et néerlandais. En anglais, on le rencontre à l'écrit dans "light" , "night" , "knight" ou "through" apparentés à "Licht", "Nacht" , "Knecht" et "durch".

 

Faisons le point !

 

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que de l'étape de passage entre l'indo-européen et le germanique. C'est en quelque sorte la naissance de la grand-mère des dialectes allemands. Très vite le germanique va se découper à son tour en trois branches : le germanique de l'est, les germaniques du nord et les germaniques de l'ouest.

 

 A ce stade de l'analyse, tous les peuples germaniques de l'Europe ont la même histoire linguistique, y compris les futurs Francs qui s'installeront en Moselle.

 

Mis à part quels glissements de prononciation entre les sourdes et les sonores, les aspirées et les non aspirées, ce sont les trois consonnes F, Þ et CH qui distinguent les Germains des peuples contemporains comme les Celtes, les Latins, les Grecs et les Slaves.  L'antagonisme entre welches et germaniques démarrent en quelque sorte à cette époque.

 

Fin de l'étape n° 3

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