Aspects linguistiques LCR - le
Francique
Etape
n° 7
Le terme chapeau de francique se réfère à plusieurs
aspects liés les uns aux autres.
Comme nous l'avons vu jusqu'à maintenant, il y a des
divergences entre les trois franciques de Moselle si l'on se réfère aux seuls
critères de la 2ème mutation consonantique. Mais à y regarder de
plus près, il n'y en fait qu'une seule
ligne de séparation majeure qui traverse la Moselle, celle de l'opposition S et
T , une plus mineure qui sépare le mosellan du luxembourgeois
avec l'opposition opp – uff.
On peut penser que cela est à la fois peu et beaucoup,
cela dépend de quel point de vue on se place. A l'échelle de tout le bassin
germanique, la seule mutation du T en S reste limitée et ne suffit pas à
expliquer un changement de famille. Les similitudes sont plus nombreuses que
les divergences en quelque sorte.
Une famille de langue se mesure également aux phénomènes
grammaticaux et surtout aux
caractéristiques lexicales : on reconnaît indubitablement des mots spécifiques
à une zone donnée, abstraction faite des nombreuses zones de transition. Nous y reviendrons plus loin.
Il n'empêche que tout le monde est sensible aux
différences audibles, à commencer par les contrastes T / S, opp/uff. Il n'est pas
rare
d'entendre des gens du francique
luxembourgeois dire qu'il y a déjà une influence néerlandaise dans leur
dialecte ; c'est leur manière à eux de rendre l'impression globale que l'on a
tous en entendant ce dialecte par rapport à l'allemand standard. Bien sûr, nous
savons maintenant que ce n'est pas une histoire d'influence, mais d'évolution
de chaque dialecte à des moments parallèles (cf. étapes 1,2)
On peut comprendre cette impression ; prenons l'exemple
du pronom personnel de la 3ème personne du singulier (il, er) :
On constate que le
francique luxembourgeois appartient à la zone des dialectes du Nord qui n'ont
pas subi la 2ème mutation consonnantique
et au scandinave avec sa forme en "han" ou le néerlandais avec "hij".
Prenons maintenant
l'exemple de la préposition et particule "auf"
:
Une fois de plus nous constatons dans le francique
luxembourgeois une similitude avec le bas-allemand et le scandinave, zone du opp, pendant que les deux autres restent plus proches du
haut-allemand.
Prenons enfin le modèle wat ou dat dans le bassin germanique :
Une fois de plus le francique
luxembourgeois se tourne vers la forme du Nord, mais cette fois également le
francique mosellan car la limite T – S
passe entre le rhénan et le mosellan.
Cela signifie que jusqu'à
maintenant, on aurait l'impression que seul le francique rhénan se rapproche de
l'allemand standard (er, auf, was).
Pourtant, nous verrons
plus tard que, malgré les différences phonétiques et les similitudes avec le
Nord, il existe bel et bien une famille francique où l'intercompréhension est
plus facile entre franciques qu'avec le bas-allemand de Kiel. Mais, d'abord il
nous faut aborder le facteur historique.
(Reportez-vous au
chapitre d'histoire avec les cartes correspondantes )
Nous ne nous étalerons pas sur ce sujet qui est plus
largement traité en partie historique. Nous rappelons seulement que les Francs,
peuple germanique, ont colonisé le centre actuel du bassin de langue germanique
en partant de leur pays d'origine, les actuels Pays-Bas. Chaque grande zone a sa variante du vieux
francique parlé à l'époque des mérovingiens et carolingiens.
Le francique n'est donc pas spécifique à la Moselle
thioise ! C'est le contraire ; la Moselle fait culturellement partie du monde
francique, mais la politique des Temps modernes a tracé une frontière qui n'en
tenait pas compte. Une partie de la culture francique s'est retrouvée du côté
français de la même manière qu'une partie de la culture alémanique (Alsace) est
passée à la France au 17ème siècle.
On peut résumer la zone francique d'ouest en est :
Bas-francique – francique central – francique
luxembourgeois – francique mosellan – francique rhénan – francique méridional –
francique oriental.
L'extraordnaire expansion de
cette famille comparable aux Saxons a provoqué la création de plusieurs zones
qui appartiennent même à différentes familles de langues :
·
bas-francique des Pays-Bas et des Flamands
·
moyen-allemand de Cologne à Kaiserslautern, de Dabo à Mayence (francique central,luxembourgeois,mosellan,rhénan)
·
allemand supérieur de Karslruhe
à Nuremberg, de Heilbronn à Hof
(francique oriental et méridional)
EN CLAIR, LA ZONE FRANCIQUE TRAVERSE LES TROIS ZONES DE
LA DEUXIEME MUTATION CONSONANTIQUE
(Reportez-vous aux
événements de la partie historique)
Avec le prestige de l'Austrasie et la renaissance
carolingienne, la langue des Francs a connu une période de gloire à des
périodes successives et sur la base d'un francique régional. Cela se passe
juste pendant et après la deuxième mutation consonantique entre les 8ème
et 11ème siècles. Nul doute qu'entre eux
les Francs étaient conscients des divergences de prononciation, mais elles n'étaient
pas suffisantes pour entraver la compréhension. C'est également à cette époque
que l'on adopte l'un des dialectes du sud et du centre du bassin allemand comme
langue écrite de communication, notamment pour la littérature à caractère
religieux, mais aussi pour des glossaires latin-allemand.
On parle du vieux haut-allemand ou VHA (en allemand = Althochdeutsch ou AHD)
dans lequel on compte :
Cette langue VHA ne s'est pas imposée comme langue écrite après le 11ème siècle parce
qu'elle reposait trop sur les différents dialectes en pleine mutation; de plus,
trop peu de personnes savaient lire et écrire. Les religieux ont conservé le
latin comme langue théologique et intellectuelle. Le peuple continua de parler
son dialecte et ne ressentait pas encore le besoin d'une langue unique pour
tous.
Jusqu'à présent, nous avons vu que le francique
luxembourgeois aurait des allures de dialecte nordique alors que le rhénan
s'inscrirait plutôt dans la mouvance allemande du centre, parfois du sud. Si cela est vrai pour le rhénan, ça l'est
moins pour le luxembourgeois.
Car le nord n'a pas subi la mutation du K, ni du P, ni du
T dans toutes les positions. On lui reconnaît l'usage fréquent du J à la place
du G dans toutes les positions.
Les points qu'on retrouve souvent sont :
Comparons ainsi les
phrases suivantes :
Ik bleef to hus unn deit meene Husopgawe för de Schul, wenn alle annre Kinner opp de Höff spille. Dat jit doch nit ! (allemand du Nord)
Ik blijf thuis en
maak mijn huiswerk voor de school, wanneer alle andere kinder
op de plaats spelen. Dat
kann toch niet !(Néerlandais)
Ech bleï doheem un moch meïne
Arwet fir d'Schuel wonn alle annere Kenner opp deï Hoff speïlen.
Dat gedd douch net ! (francique luxembourgeois)
Ich bliew dohääm un mach minne Arwet fer d'Schul wonn alle onnere Kinner uff 'm Hoff spille. Das gitt's doch nit ! (francique rhénan)
Ich blieb zu Hause und mache meine Hausaufgaben für die Schule, wenn alle anderen Kinder auf dem Hoff spielen, das gibt's doch nicht !
(Allemand standard)
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