le Code Officiel Géographique






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4.2. : Le Royaume à la veille de la Révolution



4.2.1. : La partie européenne du royaume



(i) En 1789, l'organisation territoriale du royaume de Louis XVI est hétérogène. A cette date le royaume de France est divisé principalement en 32 grands gouvernements militaires (eux-mêmes divisés en pays) et 8 autres. Pour les finances et la fiscalité, le royaume est divisé en généralités, partagées entre généralités de pays d'élection (20) et de pays d'états (5), et en intendances (8). Au point de vue religieux (i.e. : catholique !) la France compte 18 archevêchés et 112 évêchés.



(ii) Dans son rapport sur l'établissement des bases de la représentation proportionnelle, présenté à l'Assemblée constituante le 29 septembre 1789, Thouret s'exprime comme suit :



"Le royaume est partagé en autant de divisions différentes qu'il y a de diverses espèces de régimes et de pouvoirs : en diocèses, sous le rapport ecclésiastique, en gouvernements sous le rapport militaire, en généralités sous le rapport administratif, en bailliages sous le rapport judiciaire. Aucune de ces divisions ne peut être utilement ni convenablement appliquée à l'ordre représentatif. Non seulement il y a des disproportions trop fortes en étendues de territoire, mais ces antiques divisions qu'aucune combinaison politique n'a déterminées et que l'habitude seule peut rendre tolérables sont vicieuses sous plusieurs rapports tant physiques que moraux".



(iii) Les tableaux II, III et IV sont extraits de l'ouvrage [27] en 7 volumes et 1 atlas intitulé "Statistique générale et particulière de la France et de ses colonies" publié en l'an XII (1803) par un collectif de savants, dirigé par P.E. Herbin, membre de la Société de Statistique, qui est l'auteur principal, avec le concours de J. Peuchet (qui signe le discours préliminaire daté du 10 brumaire, an XII [2 novembre 1803]), membre du Conseil du commerce au ministère de l'intérieur.



Ces tableaux qui forment les pages 26 à 47 du tome I [27.1] de l'ouvrage de Herbin, Peuchet et alii, consacrées aux "anciennes divisions de la France", donnent le tableau des gouvernements et pays (divisions militaires), des généralités et intendances (divisions financières) et des métropoles et évêchés (divisions ecclésiastiques) en vigueur en 1789.



(iv) La composition territoriale de la France métropolitaine, au 14 juillet 1789, est assez analogue au territoire actuel avec :

* en plus : d'une part la France possède des enclaves autour de Barbençon, Philippeville, Marienbourg, d'autre part l'Alsace déborde, au Nord, de sa frontière actuelle et comprend plusieurs enclaves, dont Landau ;

* en moins : la Savoie et Comté de Nice (les deux départements savoyards et une partie des Alpes-Maritimes - au roi de Sardaigne) ; le Comtat-Venaissin (une partie du Vaucluse - au pape) ; Mulhouse (république indépendante et calviniste alliée aux cantons suisses) ; Montbéliard (au duc de Würtemburg, de confession luthérienne ; déjà annexée sporadiquement à quatre reprises par le royaume), ainsi que la principauté de Salm (autour de Senones) et le comté de Saarwerden [Cette enclave en territoire lorrain, autour de Sarre-Union, comprenait elle-même une enclave française].



* en outre l'appartenance de la Corse à la France repose sur des bases assez discutables (voir [20.20]). C'est ainsi que, dès le 30 novembre 1789, un décret stipule :



"L'Assemblée Nationale déclare que la Corse fait partie de l'empire français et que ses habitants seront régis par la même Constitution que les autres Français".









4.2.2. : Les colonies



(i) Au 14 juillet 1789, le domaine colonial ne comprend plus que :

* aux Antilles : la partie Ouest de Saint-Domingue (les limites avec la partie espagnole ont été fixées en 1776-1777) ; la Martinique ; la Guadeloupe et ses dépendances ; Tabago et Sainte-Lucie ;

* en outre, en Amérique : la Guyane française et Saint-Pierre-et-Miquelon ;

* en Afrique : des comptoirs au Sénégal (Ile de Gorée, Saint-Louis, Podor, Galam, ...), sur la côte atlantique de l'Afrique (Gambie, Juda, Sierra-Léone), et quelques points sur la côte méditerranéenne en Barbarie (La Calle, le Bastion français, Bône, Collo) ;

* dans l'Océan Indien : l'Ile Bourbon (Réunion) ; l'Ile de France (Maurice), l'Ile Rodrigue, les îles Seychelles, quelques comptoirs à Madagascar (Fort-Dauphin, Foulpointe, Sainte-Marie-de Madagascar) ;

* en Asie : les cinq comptoirs de l'Inde (Chandernagor, Karikal, Mahé, Pondichéry et Yanaon).



(ii) Donnons quelques éléments sur les principales étapes historiques de la formation des "origines de propriété" de la France sur ses colonies (tandis que le tableau XVI s'efforce de donner la liste, nécessairement approximative, des possessions de la France, hors du territoire continental européen).






A - a) Mentionnons d'abord que la Cour de Justice internationale de la Haye, saisie d'une dispute entre la France et l'Angleterre sur la souveraineté des îlots des Ecrehous et des Minquiers, entre les îles anglo-normandes et le littoral français, arbitra à l'unanimité en faveur des Anglais le 17 novembre 1953. La Cour, examinant dans son jugement toutes les circonstances de l'espèce, dit que c'est en 1066 que la souveraineté sur les îles anglo-normandes et leurs dépendances (dont les Ecrehous et les Minquiers) passa de la France à l'Angleterre.



En effet, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie (et, à ce titre, vassal du roi de France) fut couronné roi d'Angleterre après sa victoire à Hastings en 1066. L'union de la Normandie et de l'Angleterre, comprenant les îles anglo-normandes dura jusqu'en 1204 (capitulation de Rouen), date à laquelle Philippe-Auguste récupéra la Normandie sans pouvoir toutefois reprendre les îles anglo-normandes. De ce fait celles-ci (et leurs dépendances, dont les Ecrehous et les Minquiers) sont réputées avoir appartenu à la France au moins jusqu'en 1066 et appartenir à l'Angleterre au moins depuis 1204 et sans doute depuis 1066 !



b) La mention suivante résulte de l'effet des croisades. A l'issue de la 3e croisade, au cours de laquelle l'île de Chypres est conquise en 1191, Richard Coeur de Lion donne en fief aux Lusignan le royaume de Chypres (1193-1489), qui ne dépend que théoriquement du royaume de Jérusalem. La 4e croisade entraine la prise de Constantinople (1204), puis à l'issue du concile de Nicée la création de l'empire latin de Constantinople, du duché d'Athènes dominé par Othon de la Roche et de la principauté d'Achaïe donnée aux Villehardouin (1204-1261).



c) Ensuite, on peut juste mentionner quelques expéditions maritimes à partir de Dieppe et de Honfleur en Afrique sous l'impulsion de Charles V (entre 1364 et 1380), la fondation d'un établissement au Canaries en 1402, puis d'autres tentatives (Sénégal, Guinée) sous Louis XI, vers 1488.



d) Mais, dès le début des grandes découvertes (le premier voyage en Amérique de Christophe Colomb s'étend sur 1492 et 1493), survient une bulle du pape Alexandre VI (1493) qui partage les terres et les mers du monde entre un zone portugaise et une zone espagnole. Cette bulle, mise en oeuvre dès le 14 juin 1494 par le traité de Tordessillas, fait loi pour toute la catholicité et ne laisse à la France qu'un rôle effacé.



e) Cependant dès 1500 des pêcheurs basques chassant la baleine et la morue pénètrent jusqu'à Terre-Neuve et au Cap-Breton, tandis qu'un vaisseau de Honfleur double le cap de Bonne-Espérance en 1503, puis est jeté par une tempête sur l'Australie (vraisemblablement), où il reste six mois en bonne entente avec les indigènes et ramène en France le fils du roi. D'autres navires français reconnaissent la côte du Brésil et celle de Guinée et en 1528 un bateau français atteint Sumatra et les Moluques, et touche les Maldives et Madagascar.



f) En 1525, pour la première fois, François 1er charge le florentin Verazzano d'une mission. Celui-ci prend possession de Terre-Neuve avant de mourir à Cap-Breton. Jacques Cartier prend sa suite à Terre-Neuve en 1535 et remonte le Saint-Laurent ; il plante le drapeau français sur les deux rives jusqu'à hauteur de l'île de Montréal et fonde le Canada français.



g) En 1560 des marchands marseillais fondent "dans la régence barbaresque d'Alger" le Bastion du Roi.



h) L'amiral Coligny, qui cherche à créer des établissements servant de lieu de refuge pour les protestants et de point de départ pour de futures expéditions, effectue plusieurs tentatives dans la baie de Rio de Janeiro (1560) et en Floride (1566 -1568) qui se soldent par des échecs.





B - a) Sous le règne de Henri IV (né protestant), l'activité devient plus soutenue malgré les réserves de Sully. Le Brésil est visité à nouveau, ainsi que les Moluques ; la Louisiane est abordée, ainsi que les îles de la Sonde. Mais surtout, plusieurs établissements sont fondés en Acadie (aujourd'hui Nouvelle-Ecosse) entre 1604 (ainsi Saint-Pierre-et-Miquelon) et 1606. Champlain remonte à nouveau le Saint-Laurent et fonde Québec en 1608, il pénètre également dans la baie d'Hudson. Il est nommé gouverneur de la Nouvelle-France en 1620.

b) Un peu plus tard, entre 1625 et 1636, la souveraineté française aux Antilles, soutenue par Richelieu, est fondée par l'occupation de Saint-Christophe (1625), la Martinique (28 juin 1635), la Dominique, la Guadeloupe (26 juin 1635), de quelques établissements sur Saint-Domingue ainsi que de la Guyane (Cayenne est fondée en 1636 ; plusieurs tentatives précédentes, dès 1604, avaient échoué).

c) Dans l'Océan indien, la France atteint en 1642 une île qu'elle nomme d'abord île Mascarin, puis île Bourbon en 1649 (avant de devenir l'île de la Réunion une première fois, éphémère, en 1793, puis l'île Bonaparte, et à nouveau la Réunion en 1848) ; dès 1643 plusieurs positions (Fort-Dauphin, Foulpointe, ...) sont construites sur Madagascar,

d) Pendant ce temps après une longue lutte le Bastion de France devenait, en face de Marseille, le comptoir prospère de La Calle.

e) Au groupe primitif des Antilles s'ajoutaient ensuite les Saintes, la Désirade, la Grenade, les Grenadines, Sainte-Lucie, Sainte-Croix et en 1648 Marie-Galante, Saint-Barthélemy et Saint-Martin (partagée avec les Hollandais par un traité du 23 mars 1648 ; selon la tradition, c'est la course d'un Français, au Nord, et d'un Hollandais, au Sud, qui détermina la frontière).

f) A la même époque, les Canadiens, à la recherche de la route de la Chine par l'Ohio, découvrent les sources du Mississipi.





C - Colbert poursuit l'effort de Richelieu. Il constitue la Compagnie des Indes occidentales et des Indes orientales.



a) En Amérique, la partie française de Saint-Domingue et ses dépendances sont rattachées à la Couronne. L'annexion de l'île Saint-Jean (aujourd'hui Prince-Edouard) agrandit l'Acadie, Cavelier de la Salle descend le Mississipi depuis les sources jusqu'au golfe du Mexique et fonde la Louisiane (la Nouvelle-Orléans est créée en 1717).



b) En Afrique, les établissements d'Arguin et de Gorée s'ajoutent à celui de Saint-Louis (fondé en 1659), base du développement français au Sénégal.

c) En Inde des comptoirs sont successivement créés à Surate (1668), à Ceylan, à Meliampour (1677), à Chandernagor (1683) et à Pondichéry (1683).

d) Le traité de Ryswick (1697), qui met fin à la guerre de la succession d'Angleterre, reconnaît à la France l'ensemble de ces possessions, et notamment la cession par l'Espagne au traité de Bâle (22 juillet 1695) du tiers oriental de Saint-Domingue (Hispaniola) et des îles adjacentes et constitue le couronnement de l'oeuvre de Colbert et Richelieu. Le premier empire colonial de la France est alors, au début du XVIIIe siècle, le plus important du monde.

e) Mais le traité d'Utrecht (1713), qui clôt la guerre de succession d'Espagne, et échange la perte de Saint-Christophe, de l'Acadie, de Terre-Neuve et de la Baie d'Hudson contre de douteux avantages en Europe, commence d'entamer cet empire.

f) L'occupation, le 20 septembre 1715, de l'Ile-de-France (Maurice) apporte une certaine compensation à ces pertes.







D - a) Sous le règne de Louis XV les comptoirs de Mahé (1727), Karikal (1739) et Yanaon (1752) sont fondé en Inde. Mais l'empire que Dupleix, nommé gouverneur des Indes en 1741, construit pour la France entre 1748 et 1754 sur la côte et la partie orientale de l'Inde ne pourra se maintenir, faute de soutien du roi.



En 1750, l'île Sainte-Marie-de-Madagascar est acquise par un traité avec la reine de l'île. Aux Antilles, l'île de Sainte-Croix est cédée au Danemark.



b) Le traité de Paris (1763), qui met fin à la guerre de 7 ans et fonde la puissance coloniale de l'Angleterre, porte un coup considérable aux colonies françaises. Il consacre la perte par la France :



- au profit de l'Angleterre : du reste du Canada, du golfe du Saint-Laurent (il ne reste que Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'un droit de pêche sur Terre-Neuve et dans l'estuaire du Saint-Laurent), de plusieurs îles des Antilles (Dominique, Saint-Vincent, Tobago, Grenade), du Sénégal (sauf l'île de Gorée) et de presque toutes les possessions de l'Inde (de l'empire de Dupleix, il ne reste que 5 comptoirs) ;



- au profit de l'Espagne : de la Louisiane (sauf la Nouvelle-Orléans).



c) Tandis que l'occupation en 1764, des îles Malouines par Bougainville fut suivie de leur reprise dès 1766 par les Anglais (qui les nomment îles Falklands), Marion prit possession en janvier 1772 des îles Crozet (du nom de son lieutenant) puis courant 1772 des îles Marion et du Prince Edouard (considérées comme françaises jusqu'à leur annexion en 1910 par la Grande-Bretagne, qui les transféra en 1947 à l'Afrique du Sud) et de son côté Y. de Kerguelen pris possession en février 1772 de l'archipel qui porte son nom, cependant que l'île Tromelin fut prise par la France en 1776.



d) Par le traité de Versailles du 15 mai 1768, la République de Gênes cède à la France ses droits sur la Corse en gage de ses dettes, qu'elle ne pourra jamais rembourser, ce qui rendra la cession définitive (voir [20.20]).



e) Le traité de Versailles, conclu en 1783 sous Louis XVI, qui met fin à la guerre d'indépendance des Etats-Unis, est loin d'équilibrer celui de 1763. Il permet à la France de récupérer Tobago aux Antilles, quelques comptoirs au Sénégal s'ajoutant à l'île de Gorée, ainsi que d'étendre des droits de pêche à Terre-Neuve.



f) En application d'une convention conclue à Versailles le 1er juillet 1784 "pour servir d'explication à la convention préliminaire de commerce et de navigation du 25 avril 1747", la France cède à la Suède l'île de Saint-Barthélemy en compensation de la substitution du port de Göteborg à celui de Wismar concernant des franchises offertes aux navires français.
















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dossier réalisé par Gérard Lang