le Code Officiel Géographique






    > index




4.6. : De 1814 à 1830





4.6.1. : La chute de l'Empire et la charte de 1814



(i) Affaibli par la catastrophique retraite de Russie en novembre 1812, Bonaparte subit plusieurs défaites militaires en 1813 et début 1814. Les alliés (dont c'est la sixième coalition !) occupent Paris, qui a capitulé le 31 mars 1814, et exilent l'Empereur, qui a abdiqué lors des adieux de Fontainebleau le 6 avril, sur l'île d'Elbe (dont il lui garantissent la souveraineté par une convention du 11 avril !)



(ii) Le Sénat et le Corps législatif avaient proclamé le 2 avril la déchéance de Napoléon 1er et demandé à Louis XVIII, "le bien-aimé" frère de Louis XVI et émigré en Angleterre, de monter sur le trône. Toutefois, il ne s'agissait pas d'instaurer à nouveau un régime de monarchie absolue, dont les alliés ne voulaient d'ailleurs pas la restauration.



(iii) Après de longues tractations, menées notamment par le comte d'Artois, frère de Louis XVIII, nommé lieutenant général du royaume et par l'ancien consul Lebrun, Louis XVIII se résigne à signer son acceptation, le 2 mai à Saint-Ouen.



(iv) La Charte constitutionnelle, promulguée le 4 juin 1814, comporte un préambule et seulement 76 articles. Si son préambule est volontairement "de style restauration", et daté fictivement de la dix-neuvième année du règne de Louis XVIII, le texte de la Charte se situe dans la continuité des précédentes constitutions françaises. Il est notablement plus libéral, et respectueux des principes révolutionnaires, que les constitutions de Bonaparte, malgré sa forme archaïque.



(v) La Charte proclame l'égalité des Français devant la loi (article 2), la garantie des libertés individuelles (article 4), la liberté de religion et la protection des cultes (article 5). Toutefois la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'Etat (article 6) ; ses ministres, et ceux des autres cultes chrétiens reçoivent, seuls, un traitement de l'Etat (article 7).



(vi) Le pouvoir législatif appartient à la chambre des Pairs et à la chambre des Députés. Celle-ci est composée de députés élus dans les départements pour 5 ans, et renouvelés chaque année par cinquième.

Chaque département conserve le nombre de députés qu'il avait avant, les députés élus au Corps législatif continuent de sièger à la chambre des Députés jusqu'à leur remplacement.



(vii) L'article 73 dit : "Les colonies sont régies par des lois et des règlements particuliers".





4.6.2. : Le premier traité de Paris





(i) Le 30 mai 1814, Talleyrand signe à Paris avec les alliés un traité par lequel (article 2) :"Le Royaume de France conserve l'intégrité de ses limites telles qu'elles existaient à l'époque du 1er janvier 1792".



(ii) Ainsi la France ne conserve des conquêtes de la Révolution que Mulhouse, Montbéliard, Avignon et une partie de la Savoie (dont Annecy et Chambéry).



(iii) En outre, l'article 3 du traité rectifie (dans un sens favorable à la France) la frontière dans le Nord, sur la Sarre et sur le Doubs. Par contre l'article 6 prévoit de permettre la communication entre Genève (qui n'appartient plus à la France) et les autres parties de la Suisse.

(iv) Enfin, l'article 8 stipule "la restitution au roi de France des colonies, pêcheries, comptoirs et établissements en tous genres que la France possèdait, au 1er janvier 1792, dans les mers et sur les continents de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Inde, à l'exception des îles de Tobago, Sainte-Lucie, de l'Ile de France et de ses dépendances, nommément Rodrigue et les Seychelles, ....cédées à Sa Majesté Britannique, ainsi que la Dominique, ... Malte".





4.6.3. : Les Cent jours



(i) Les "ultras" parvenus au pouvoir s'adonnent à la provocation. Ils imposent le drapeau blanc, multiplient les services religieux en l'honneur des victimes de la Révolution, entament une campagne en faveur de la restitution des biens nationaux aux émigrés.

(ii) La résistance aux excès de la Restauration, puis à la Restauration elle-même, s'organise. Bonaparte s'évade de l'île d'Elbe et débarque au golfe Juan le 1er mars 1815. Il rentre le 20 mars à Paris "sans avoir tiré un seul coup de canon".

(iii) Ayant promis une nouvelle constitution lors de son passage à Lyon le 10 mars, Napoléon demande à Benjamin Constant de la rédiger. Celui-ci accepte, et son texte ("La Benjamine") est promulgué le 22 avril 1815 sous le titre d'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire. L'Acte restaure les textes de l'an VIII, de l'an X et de l'an XII en les modifiant dans un sens libéral, mais il ne rétablit pas le suffrage universel.

(iv) La chambre des représentants, élue par un petit nombre d'électeurs et comprenant une grande majorité de libéraux (contre seulement 80 bonapartistes inconditionnels sur un total de 629), exigea le 21 juin, trois jours après le désastre de Waterloo contre la septième coalition, l'abdication de l'Empereur.

Celui-ci abdique le 22 juin 1815 en faveur de son fils, Napoléon II, qui est reconnu par la chambre le 23 juin et le 1er juillet



4.6.4. : Le Congrès de Vienne



(i) En application de l'article 32 du traité du 30 mai 1814, le Congrès de Vienne, dominé par Metternich et Talleyrand, réunit les représentants de l'ensemble des puissances européennes et redessine l'Europe et ses colonies.



(ii) L'acte final du Congrès de Vienne, daté du 9 juin 1815, est signé par l'ensemble des huit puissances (AUTRICHE, ESPAGNE, FRANCE, PORTUGAL, PRUSSE, ROYAUME-UNI, RUSSIE, SUEDE). Il consacre, par son article 120, l'emploi exclusif de la langue française dans le traité, ce qui en fait la langue diplomatique dominante dans le monde.



(iii) L'article 118 de l'acte final donne la liste des 17 actes annexés, qui ont la même valeur que l'acte lui-même.



(iv) Les principaux actes annexés sont :

- le 9e, acte sur la constitution de la fédération de l'Allemagne, du 8 juin 1815 (les actes 4 à 8 sont également relatifs à cette fédération)

- le 11e, déclaration datée du 20 mars 1815 prise en application de l'article 6 du traité du 31 mai 1814, est relative à la neutralité perpétuelle de la Suisse dans ses nouvelles frontières. Celles-ci résultent de la réunion du Valais, du territoire de Genève, de la Principauté de Neufchatel, de l'Evêché et de la ville de Bâle et du territoire de Bienne aux dix-neufs cantons anciens déjà unis par la convention du 29 décembre 1813. L'acte d'accession de la confédération Suisse à cette déclaration est signé à Zurich le 27 mai 1815.

En outre, le 12e acte est un protocole du 29 mars 1815 sur les cessions faites par le roi de Sardaigne au canton de Genève, soit pour le désenclavement d'une partie de ses territoires, soit pour ses communications avec la Suisse.

4.6.5. : Le deuxième traîté de Paris



(i) Le deuxième traité de Paris, daté du 20 novembre 1815 et motivé par la résurgence napoléonienne des Cent jours, aggrave pour la France les conditions du traité du 31 mai 1814. En effet, l'article 1er indique que, sauf stipulation contraire, "les frontières de la France seront telles qu'elles étaient en 1790".



(ii) Les modifications sont, pour la France, un peu moins favorable au Nord et à l'Est que celles de 1814. Elles fixent le Rhin comme frontière de la France et des Etats de l'Allemagne. Pour établir une communication directe entre le canton de Genève et le reste de la Suisse, une partie du pays de Gex est cédée par la France (qui conserve Ferney-Voltaire) au canton de Genève, la ligne des douanes françaises restant à l'Ouest du Jura.



La ligne de démarcation est celle qui séparait en 1790 la France de la Savoie et du Comté de Nice, cependant que les rapports de protection de la principauté de Monaco sont transférés de la France au roi de Sardaigne.



Les territoires anciennement étrangers enclavés qui sont à l'intérieur des limites ainsi définies restent à la France et toutes les autres dispositions du traité de Paris du 30 mai 1814 et de l'acte final du Congrès de Vienne du 9 juin 1815 sont confirmées.



(iii) En outre un acte également signé à Paris le 20 novembre 1815 étend la garantie des puissances sur la neutralité perpétuelle de la Suisse et l'inviolabilité de son territoire à la partie du territoire à prendre sur la Savoie pour "arrondir et désenclaver le Canton de Genève".



(iv) Ainsi, à compter du 20 novembre 1815, le territoire européen de la France, qui comptait 130 départements en 1813, est réduit à 86 départements. Les ALPES-MARITIMES, le LEMAN et le MONT-BLANC ne font plus partie du territoire du Royaume. Les limites de six autres départements (NORD, ARDENNES, MOSELLE, BAS-RHIN, HAUT-RHIN et AIN) sont modifiées.



(v) En ce qui concerne les colonies, la situation au 20 novembre 1815 n'est pas très différente de celle au 14 juillet 1789. Le domaine colonial est composé de :



- la MARTINIQUE ;

- la GUADELOUPE et ses dépendances (la Marie-Galante, la Désirade, les Saintes et la partie française de Saint-Martin) ;

- la GUYANE FRANCAISE ;

- la REUNION ;

- les îles SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON ;

- quelques postes en ALGERIE (Le Bastion-Français, Bône, La Calle) ;

- quelques postes en AFRIQUE (Gorée, Saint-Louis, Podor) ;

- quelques postes en INDE (les cinq comptoirs : Pondichéry Chandernagor, Karikal, Mahé et Yanaon, ainsi que les neuf loges qui en dépendent : Mazulipatam, Cassimbazar, Jougdia, Dacca, Gorety, Balassore, Patna, Calicut, Surate.) ;

- quelques postes à MADAGASCAR (Fort-Dauphin, Foulpointe, ...) ;

- quelques îles dans l'OCEAN INDIEN (îles Crozet, île Kerguelen).





(voir également le tableau XVI)

4.6.6. : De 1815 à 1830



(i) Rentré à Paris le 8 juillet 1815, Louis XVIII fait occuper la salle des séances de la chambre des représentants et remet en vigueur la charte de 1814. Après une épuration (ordonnances du 22 juillet) et malgré l'épisode de la "chambre introuvable" (22 août 1815 - 5 septembre 1816), Louis XVIII applique la Charte dans un sens assez libéral, et la France fait petit à petit l'apprentissage du régime "parlementaire".

(ii) Une instruction du ministère de l'intérieur datée du 26 juin 1820 et se référant au "tableau de la population des communes du royaume approuvé en 1806" prescrit un "recensement général de la population". Cette instruction semble donc bien confirmer implicitement l'inexistence d'un recensement, tant en 1811 qu'en 1816 (4.5.5. (iv)).

Une ordonnance de Louis XVIII du 16 janvier 1822 approuve le tableau de la population par département résultant du recensement de 1821, "qui sera seul authentique pendant 5 ans à compter du 1er janvier 1822". Le tableau donne, pour les 86 départements du royaume, une population totale de 30 465 291 habitants. C'est de cet acte que date la périodicité quinquennale du recensement.

Toutefois, les tableaux (qui donnent, pour la première fois, la population des arrondissements, des cantons et communes de plus de 5 000 âmes et des communes ayant une population agglomérée de 1 500 âmes et au-dessus) authentifiés par une ordonnance royale de Charles X du 15 mars 1827, rectifiée par une ordonnance du 23 mai 1827 (donnant une population totale de 31 845 428), pour le recensement de 1826 prescrit par une circulaire ministérielle du 26 juin 1926, ne semblent pas avoir donné lieu à un véritable dénombrement, mais résulter de la combinaison des résultats du mouvement intérieur de la population à ceux du dénombrement précédent [35].

(iii) Dès son arrivée sur le trône, le 16 septembre 1824, Charles X, successeur de son frère, était décidé à utiliser la charte dans un sens moins libéral, en s'appuyant sur les ultras. Convaincu que la prise d'Alger (le 5 juillet 1830) avait consolidé le régime, il se décida au coup d'Etat et publia le 25 juillet quatre ordonnances contraires à l'esprit de la charte de 1814.

(iv) Paris se révolta, et tomba aux mains des insurgés le 28 juillet 1830. Les libéraux (Thiers et Mignet, notamment) firent nommer le duc d'Orléans, cousin du roi qui avait combattu dans les armées de la Révolution, lieutenant général du royaume. Charles X, retiré à Rambouillet abdique et rentre en Angleterre.

(v) Après discussion, on décida de ne pas garder la charte de 1814 et on promulgua une nouvelle charte Constitutionnelle le 14 août 1830.

Celle-ci, constatant la vacance du trône, appelait Son Altesse Royale, Louis-Philippe d'Orléans, à l'occuper en le proclamant "Roi des Français".

(vi) Ainsi la nouvelle monarchie était élective et contractuelle et adoptait le drapeau tricolore. L'ancien préambule avait disparu de la nouvelle charte, qui ne reconnaît plus le catholicisme comme religion d'Etat. Le nouveau texte, plus court que le précédent (70 articles), était un nouveau compromis entre le programme des républicains et celui des monarchistes (devenus constitutionnels).

L'article 64 réaffirme : "Les colonies sont régies par des lois particulières".

(vii) C'est sous Charles X que sont pris les premiers actes organisant les colonies. Des ordonnances sont publiées le 21 août 1825 pour l'île Bourbon, le 9 février 1827 pour la Martinique et la Guadeloupe.

(viii) Dès le 7 septembre 1830 , une ordonnance royale applicable aux 4 vieilles colonies prescrit que les actes d'état civil "de la population blanche et de la population libre, de couleur" seront inscrits dans les mêmes registres.

(ix) L'interprétation de l'article 8 du traité de Paris du 20 mai 1814 [voir 4.6.2 (iv)] crée un litige. Les Anglais prétendent que Madagascar leur revient, en tant que dépendance de l'île de France ; les Français, qui finissent par avoir raison, font remarquer que la lettre du traité restreint explicitement la liste de ces dépendances à l'île Rodrigue et aux Seychelles. C'est ainsi que la marine française reprend possession de l'île Sainte-Marie de Madagascar en 1821.
















le code officiel géographique : sommaire

dossier réalisé par Gérard Lang