le Code Officiel Géographique






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4.7. : De 1830 à 1852



4.7.1. : De la monarchie de Juillet à la IIe République

(i) Dès le début de la monarchie de Juillet, la chambre est partagé entre deux partis : celui du "mouvement", qui vise la République, et celui de la "résistance", qui considère la charte de 1830 comme un maximum à ne pas dépasser.

(ii) Une ordonnance royale du 11 mai 1832 publie le tableau des "populations légales", valables pour 5 ans à compter du 1er janvier 1832, résultant du recensement des départements de 1831. La population totale du territoire (86 départements, 363 arrondissements) est fixée à 32 569 223 habitants, pour 6 341 373 maisons. La population non-musulmane de l'Algérie est recensée en 1833 pour 7 812 personnes.

Une instruction du ministre de l'intérieur du 10 avril 1836 prescrit, en spécifiant pour la première fois les conditions d'un véritable recensement comprenant un tableau familial, l'exécution du recensement général de la population de 1836. La population totale du territoire (86 départements, divisés en 363 arrondissements, 2 834 cantons et 37 140 communes) est ainsi fixée à 33 540 910 habitants. Le recensement de la population non-musulmane de l'Algérie donne 14 561 personnes.

(iii) En application de l'article 64 de la Charte de 1830, une loi du 24 avril 1833 (dite "Charte coloniale") élargit la liberté des 4 colonies de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion et y établit des municipalités. Une ordonnance royale du 4 août 1833 prescrit ensuite dans les 4 colonies l'établissement d'un état annuel de la population dressé par l'administration municipale. Par ailleurs, une ordonnance du 23 juillet 1840 réglemente l'Inde, puis une du 7 septembre 1840 le Sénégal et dépendances et une du 18 septembre 1844 Saint-Pierre-et-Miquelon. Une ordonnance du 15 avril 1845 transforme en province chacun des trois beylicats de l'Algérie (Alger, Oran, Constantine). Désormais chaque province comprend trois zones : une civile, une mixte et une militaire.

(iv) Une loi du 9 mars 1831, préparant les conquêtes coloniales, rétablit la Légion étrangère (que Louis-Philippe avait supprimée en 1830), pour servir hors du territoire. La Légion étrangère avait été créée par une loi du 1er août 1792, après la suppression par la Révolution, en 1791, des régiments étrangers qui, depuis les Valois, s'étaient illustrés à de nombreuses reprises sous l'Ancien Régime.

(v) En 1833 Thiers, ministre du Commerce, décide de réagir contre l'avance de la statistique publique anglaise qu'il juge très importante et de rassembler dans un ensemble cohérent les productions statistiques produites par les diverses administrations. A. Moreau de Jonnès, responsable depuis 1827 du "deuxième bureau du Conseil Supérieur du Commerce", qui sera transformé par arrêté du 3 avril 1840 en "Bureau de la Statistique Générale de la France" est chargé de la réalisation de ce programme. Après la présentation au roi, en 1835, d'un spécimen [29.0] qui est approuvé, 12 volumes seront publiés de 1837 à 1852 ainsi qu'un ouvrage "Archives Statistiques" daté de 1837 [29.13] et réaliseront partiellement le programme de Thiers. Un 14e volume [29.14], daté de 1855, mettra à jour le volume "Population et Territoire" de 1837 [29.1].

(vi) Après une alternance entre les partis de 1830 à 1840, le parti de la "résistance", avec Guizot, s'installe au pouvoir avec comme mot d'ordre : "enrichissez-vous !".

(vii) Pendant ce temps, la conclusion en mars 1833 entre la Prusse et 25 autres Etats allemands (pour entrer en vigueur le 1er janvier 1834) du "Zollverein", traité d'Union douanière créant un marché commun avec tarif extérieur unique, constitue un pas important vers l'unité allemande, auquel se rallieront progressivement, jusqu'en 1851, la quasi-totalité des Etats allemands (à l'exception des villes hanséatiques de Hambourg et de Brême). Le pas suivant, en germe dans l'article 14 du Zollverein qui prévoit l'unification des poids et mesures, est l'uniformité monétaire qui est mise en place par la Convention de Dresde du 30 juillet 1838 [48]. Celle-ci organise la base unique du marc de Cologne (233,855 g. d'argent), qui contient 14 thalers (monnaie commune de la Prusse et du Nord) ou 24 florins et demi (le florin est la monnaie commune de la Bavière et des Etats du Sud, définie par la Convention de Munich du 25 août 1837). L'Autriche (avec son propre florin autrichien) participa au système du Traité de Vienne (24 janvier 1857) au Traité de Berlin (13 juillet 1867).

Après sa victoire dans la guerre de 1870, l'Empire germanique (enrichi par l'indemnité de guerre imposée à la France) créa rapidement une nouvelle monnaie, le mark (valant le tiers d'un thaler), et une banque centrale, la Reischsbank, mise en place le 1er janvier 1876 [48].



(viii) Une instruction du 2 avril 1841 prescrit un nouveau recensement, en modifiant celle du 10 avril 1836 (on passe de la population de droit à la population de fait). Sur un territoire inchangé depuis 1816, celui-ci fixe la population de la France métropolitaine à 34 230 178 habitants, répartis dans 86 départements, 363 arrondissements, 2 847 cantons (+ 13) et 37 040 communes (- 100). En Algérie, la population non-musulmane compte 37 374 personnes. Un avis du Conseil d'Etat du 23 novembre 1842 fixe les catégories dont se compose la population comptée à part.

Un recensement industriel également lancé en 1841 est un échec.

Puis une instruction du 6 mai 1846 (dans laquelle on lit "le dénombrement de la population a été primitivement prescrit dans un intérêt de police et de bon ordre par les lois du 22 juillet 1791, du 11 aout 1793 et du 10 vendémiaire, an IV"), à laquelle est jointe une ordonnance de Louis-Philippe du 4 mai, prescrit un dénombrement quinquennal de la population du royaume. L'imprimerie royale publie en février 1847 un volume du ministère de l'intérieur donnant les résultats de ce dénombrement, rendus seuls authentiques pendant cinq ans, à partir du 1er janvier 1847 pour les départements, les arrondissements, les cantons et les communes ayant une population de 2 000 âmes et au-dessus. Le dénombrement compte 34 400 486 habitants, pour 86 départements, 363 arrondissements, 2 847 cantons et 36 819 communes (- 221).

La population non-musulmane de l'Algérie atteint 95 321 personnes en 1846.



(ix) L'expansion coloniale reprend sous Louis-Philippe. Elle comprend :



En Afrique, la poursuite de la conquête de l'Algérie par Bugeaud (reddition d'Abd-El-Kader en 1847), la conquête du Gabon (1839-1844) et l'implantation de nouveaux établissements en Côte-d'Ivoire (Assinie et Grand-Bassam, 1842).



Dans l'Océan Indien, un protectorat sur l'île de Nossi-Bé à Madagascar est établi en 1843, et un traité de protectorat sur Mayotte est ratifié le 10 février 1843. Les possessions de Madagascar et Mayotte sont alors rassemblées sous le nom "d'établissements français du canal de Mozambique".



Plus au sud, Dumont d'Urville touche le continent Antarctique en 1840 et déclare la souveraineté française sur Terre-Adélie (d'après le prénom de sa femme), cependant que la France prend possession en 1843 des îles Saint-Paul et Amsterdam,



Dans l'océan Pacifique les Anglais devancèrent en 1839 les Français pour la prise de possession de la Nouvelle-Zélande, même si un navire de commerce français y avait en premier hissé le pavillon tricolore sur la presqu'île de Banks. Par contre, Tahiti demande la protection française lors du passage de du Petit-Thouars, le 9 septembre 1842, ce qui fut ratifié en mars 1843. Ce protectorat comprenait, outre Tahiti et Moorea, l'archipel des Tuamotu, les îles Tubuaï et Raivavae. Cet ensemble fut complété par l'annexion des îles Marquises en 1842 et l'établissement d'un protectorat sur les îles Gambier en 1844. De même les rois de Wallis (traité du 4 novembre 1842) et de Futuna (traité du 13 novembre 1842) se placent sous le protectorat de la France.

(x) La crise économique latente devient violente en 1846-1847, à la suite de récoltes désastreuses qui accroissent le mécontentement et provoquent notamment des violences en Alsace contre les juifs, qui sont nombreux à passer en Suisse. L'interdiction d'une manifestation réformiste, le 22 février 1848, provoque l'émeute. Celle-ci devient une révolte le 23, que sa victoire le 24 transforme en Révolution au terme des "trois glorieuses".

(xi) Louis-Philippe abdique le 24 février 1848, la République est proclamée et un gouvernement provisoire (dont Lamartine et Louis Blanc sont membres) est constitué. Une assemblée constituante est élue au suffrage universel le 23 avril. Dominée par les républicains modérés, l'Assemblée, après avoir réprimé une révolte ouvrière (23 au 26 juin) consécutive à son décret de dissolution des ateliers nationaux (voté le 30 mai, publié le 21 juin), prit tout son temps pour élaborer une constitution républicaine, de 116 articles, promulguée le 4 novembre 1848.

(xii) L'article 5 de la constitution de 1848 abolit la peine de mort en matière politique ; l'article 6 stipule : "L'esclavage ne peut exister sur aucune terre française".



Le pouvoir législatif est délégué à une Assemblée unique, comptant 750 membres, y compris ceux représentant l'Algérie et les colonies. "Sont électeurs, sans condition de cens, tous les Français âgés de vingt-et-un-an, et jouissant de leurs droits civils et politiques".



Le chapitre VII ("de l'Administration intérieure") de la Constitution précise que "la division du territoire en départements, arrondissements, cantons et communes est maintenue. Les circonscriptions actuelles ne pourront être changées que par la loi".



L'article 109 dit : "Le territoire de l'Algérie et des colonies est déclaré territoire français, et sera régi par des lois particulières, jusqu'à ce qu'une loi spéciale les place sous le régime de la présente constitution".



Dès le 9 décembre 1948, un arrêté modifie l'ordonnance du 15 avril 1845. Chacune des trois provinces (Alger, Oran, Constantine) est alors divisée entre un territoire civil, érigé en département, et un territoire militaire.



Par ailleurs, en application du régime municipal organisé par une ordonnance royale du 28 septembre 1847, six communes sont créées en Algérie (Alger, Blidah, Oran, Mostaganem, Bône et Philippeville) par une ordonnance du 31 janvier 1848.

(xiii) La Constitution de 1848 crée deux pouvoirs forts élus au suffrage universel, le président et l'Assemblée, mais n'établit pas de procédure pour maintenir l'équilibre entre eux et trancher en cas de conflit. Le 10 décembre 1848 eut lieu l'élection du Président de la République. Louis Napoléon Bonaparte, fils de Louis Bonaparte et neveu de Napoléon 1er, fut élu par un nombre massif de suffrages.

4.7.2. : De la IIe République au IIe Empire

(i) L'Assemblée législative, élue le 13 mai 1848 avec 40 % d'abstention , ne donnait qu'une très faible majorité aux républicains. Dès fin octobre 1849, Louis Napoléon renvoya les ministres nommés en mai pour les remplacer par des hommes pris en dehors de l'Assemblée. Le conflit devint vite aigu entre l'Assemblée et le Prince-président. Celui-ci devait faire vite pour d'abord se maintenir au pouvoir, puis transformer la présidence de la République en dignité impériale, car l'article 45 de la Constitution précisait que le président, élu pour 4 ans (donc jusqu'à la mi-mai 1853), n'était pas immédiatement rééligible.

Une révision de la Constitution fut discutée en juillet 1851, et votée par les deux tiers de l'Assemblée, mais l'article 111 de la Constitution exigeait les trois quarts.

(ii) Le recensement de 1851, sur des bases analogues au précédent, collecte la profession des personnes recensées. Il fixe la population de la France métropolitaine à 35 783 170 habitants, pour 86 départements, 363 arrondissements, 2 847 cantons et 36 835 communes (+ 16). Il compte également 7 384 789 maisons pour 9 022 921 ménages. 10 communes dépassent 50 000 habitants et leur population totale est de 1 916 068 habitants. Le tableau de la situation des Etablissements français dans l'Algérie (1850-1852) fixe la population européenne et indigène dans les villes et les principaux centres de l'Algérie au 31 décembre 1851 à un total de 237 48 personnes, dont 131 283 non-musulmans.

(iii) Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, la troupe occupa les points stratégiques et procéda à des arrestations cependant qu'une proclamation du président était publiée. Malgré quelques résistances, un référendum organisé les 21 et 22 décembre vota, à une très forte majorité, "le maintien de l'autorité de Louis-Napoléon Bonaparte et la délégation des pouvoirs nécessaires, pour établir une constitution sur les bases proposées dans la proclamation du 2 décembre".

(iv) Celle-ci, rédigée à la hâte, principalement par les juristes Troplong et Rouher, sur le modèle de celle de l'an VIII (et comprenant seulement 58 articles précédés d'une longue proclamation de Louis-Napoléon Bonaparte, signée le 14 janvier) fut publiée dès le 15 janvier 1852.

(v) La constitution de 1852 "confie pour 10 ans au prince Louis-Napoléon Bonaparte, président actuel de la République, le gouvernement de la République française". Elle comprend trois assemblées : le Sénat, le Corps législatif et le Conseil d'Etat.

"Le Sénat règle par un sénatus-consulte :

1°) La Constitution des colonies et de l'Algérie ;

2°) Tout ce qui n'a pas été prévu par la Constitution et qui est nécessaire à sa marche ;

3° Le sens des articles de la Constitution qui donnent lieu à différentes interprétations".



L'article final valide a posteriori les actes pris par le président de la République depuis le 2 décembre 1851.



(vi) La transformation de cette "République autoritaire" en régime impérial au bout d'un an ne surprit personne et ne nécessita pas une profonde modification de la Constitution.

Un sénatus-consulte du 7 novembre 1852 rétablit la "dignité impériale" au profit de Louis-Napoléon, qui prit le nom de Napoléon III, ainsi que les règles de succession de la maison des Bonaparte selon la Constitution de l'an XII. Il fut massivement plébiscité (près de 8 millions de oui, contre 253 000 non et 63 000 bulletins nuls) et promulgé par un "décret impérial" daté du 2 décembre 1852 ; il fut aussi complété par un sénatus-consulte du 12 décembre 1852 "sur la liste civile et la dotation de la couronne" et un autre du 25 décembre 1852 "portant interprétation et modification de la Constitution du 14 janvier 1852".

(vii) La première exposition universelle se tient à Londres en 1851. A cette occasion des statisticiens et des économistes de plusieurs pays, constatant l'impossibilité d'établir des comparaisons valides entre les documents officiels des principales puissances, décident, sous l'impulsion du statisticien belge Quêtelet, d'organiser une réunion internationale. C'est ainsi que le premier congrès international de statistique se tient à Bruxelles du 19 au 22 septembre 1853, puis un deuxième congrès international de statistique se tient à Paris du 10 au 15 septembre 1855 [38]. Sept autres congrès internationaux de statistique eurent lieu ensuite à Vienne (1857), Londres (1860), Berlin (1863), Florence (1867), La Haye (1869), Saint Petersbourg (1872) et Budapest (1876).

Ces rencontres conduisent à la création, en juin 1885, de l'Institut International de Statistiquer [IIS ; voir 4.9.3. (i)] à l'occasion de la célébration du 50e anniversaire de la création de la Société Royale de Statistique de Londres [40].

(ix) En France, A. Legoyt prend la tête de la statistique générale de la France de 1851 à 1871 [voir 4.8.1(xi) et (xii)], succèdant à Moreau de Jonnes dont le mandat à la tête de la SGF s'étend en fait de 1833 à 1851 (le bureau de la Statistique générale n'ayant été, en droit, créé qu'en 1840 [voir 4.7.1 (v)]. Challot succède à Legoyt entre 1871 et 1875 [voir 4.9.2 (ix)], puis Toussaint Loua sera chef de la statistique générale de la France de 1875 à sa retraite en 1887 [voir 4.9.3. (i)].
















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dossier réalisé par Gérard Lang