le Code Officiel Géographique






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4.9. : De 1870 à 1940



4.9.1. : De la République de fait à la Commune (1870-1871)



(i) La nouvelle du désastre de Sedan est connue dans Paris le 3 septembre et relance l'agitation. Dans la nuit du 3 au 4 septembre, le gouvernement confirme la nouvelle de Sedan au Corps législatif et demande le renvoi de la discussion au lendemain. La séance du Corps législatif s'ouvre le matin du 4 septembre en présence de trois motions : celle du gouvernement, créant le duc de Palikao lieutenant-général du royaume, assisté d'un Conseil du gouvernement et de défense nationale, celle de J. Favre pour la déchéance de l'empereur et celle de Thiers, en vue d'instituer un comité de gouvernement et de défense nationale, qui est adoptée. Mais, vers deux heures et demie, les grilles du Palais-Bourbon sont forcées et le palais envahi. Crémieux et Gambetta tentent de maintenir le cours légal du passage à la République, mais l'hémicycle est occupé. Le président Schneider déclare la séance levée, et c'est donc en faisant la révolution que Gambetta monte à la tribune pour prononcer la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte.





(ii) Environ 200 députés réunis au Palais-Bourbon dans la salle à manger de la Présidence, ayant adopté la proposition de Thiers, donnent le pouvoir à une commission de 5 membres et envoient une délégation de 8 membres à l'Hôtel-de-Ville. Le soir même, après avoir annoncé que le Corps Législatif a été dissous, un gouvernement de la Défense nationale, constitué de 12 membres, est formé. Le général Trochu est porté à la présidence du gouvernement, avec Gambetta à l'Intérieur, J. Favre aux Affaires étrangères, Crémieux à la Justice. E. Arago, membre du gouvernement, est nommé maire de Paris. A. Thiers n'est pas membre du gouvernement de la défense nationale, mais participe aux négociations avec l'Allemagne.





(iii) Le lundi 5 septembre 1870 paraît le 1er numéro du Journal officiel de la République française. Il contient la composition du gouvernement de la défense nationale et les attributions des ministères à ses membres, ainsi que deux proclamations déclarant la République, l'une aux Français et l'autre aux Parisiens. Il publie des décrets portant dissolution du Corps législatif et abolition du Sénat. Il publie également le compte rendu de la séance du Corps Législatif du 4 septembre.





(iv) Pour organiser la défense du pays, que le prévisible siège de Paris risquait de compromettre, on décida le 9 septembre qu'une délégation du gouvernement serait envoyée en province. Celle-ci, dirigée par Crémieux, partit pour Tours le 12 septembre. Cependant les armées allemandes installaient le siège de Paris, le 19 septembre. Mais Gambetta réussit à rejoindre Tours en ballon le 8 octobre. La délégation du gouvernement se déplaça ensuite de Tours à Bordeaux début décembre 1870.





(v) Des décrets du 8 et du 10 septembre convoquent les collèges électoraux pour élire le 16 octobre 1870 une Assemblée nationale constituante de 750 membres, élue au scrutin de liste selon la loi du 15 mars 1849. Un décret du 15 septembre précise que les colonies éliront 11 membres supplémentaires de l'Assemblée (Algérie : 3, Martinique : 2, Guadeloupe : 2, Guyane : 1, Sénégal : 1, Réunion : 2), "le vote ayant lieu en Algérie quinze jours après, et dans les colonies deux mois après le jour où il aura lieu en France".



Un décret du 16 septembre 1870 convoque des élections municipales pour toutes les communes de France, avec un premier tour le dimanche 25 septembre, un deuxième tour le mercredi 28 et l'élection du maire et des adjoints par le conseil municipal le jeudi 29 septembre. En outre, le dernier article du décret du 16 septembre, pris à l'hôtel de ville de Paris, avance les élections pour l'Assemblée constituante au dimanche 2 octobre.

Un décret du 18 septembre fixe ensuite la date des élections municipales pour Paris au 28 septembre, avec un deuxième tour éventuel le 29 septembre.




(vi) Mais on lit ensuite dans le J.O. n° 263 qu'en date du 23 septembre, à Paris : "Par décision du gouvernement de la défense nationale, et à raison des obstacles matériels apportés à l'exercice des droits électoraux par les événements militaires, les élections municipales de Paris, fixées au 28 septembre, n'auront pas lieu à cette date.



Pour les mêmes motifs, les élections à l'Assemblée nationale constituante, fixées au 2 octobre, sont également ajournées".



En outre le J.O. du 27 septembre publie simultanément le texte intégral du décret du 23 septembre du gouvernement de Paris et une dépêche de la délégation de Tours du gouvernement de la défense nationale, qui contient un décret du 24 septembre signé de Gambetta, ministre de l'intérieur, stipulant : "Toutes élections municipales et pour l'Assemblée constituante sont suspendues ou ajournéees".




(vii) La délégation de Tours, sous la signature de Crémieux, publia plusieurs décrets relatifs à l'Algérie datés du 24 octobre 1870. Le premier modifiait le statut de l'Algérie, en supprimant le gouverneur général de l'Algérie, et créait à Alger un gouverneur général civil des trois départements de l'Algérie et un commandant supérieur des forces armées des trois départements. Le deuxième décret modifiait l'organisation judiciaire. Le troisième, dit "décret Crémieux", stipulait : "Les israélites indigènes des départements de l'Algérie sont déclarés citoyens français ; en conséquence, leur statut réel et leur statut personnel seront, à dater de la promulgation du présent décret, réglés par la loi française, tous droits acquis jusqu'à ce jour restant inviolables" (voir 4.10.2. (iv) et (ix)).



Le décret Crémieux, qui naturalisait Français 34 574 juifs algériens, donna lieu à des réactions passionnées. Les autres indigènes algériens ne comprenaient pas cet avantage octroyé aux juifs. Les "Européens" voulurent résister, malgré un décret du 7 octobre 1871 "maintenant provisoirement et jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'Assemblée nationale sur le maintien ou l'abrogation du décret du 24 octobre 1870" et fixant les conditions d'inscription des bénéficiaires sur les listes électorales ; ainsi un décret du 20 décembre 1871 prononce la dissolution du conseil général du département d'Alger, et l'annulation de l'ensemble des délibérations prises depuis son élection, au motif que ce conseil général a refusé d'admettre à l'exercice du droit de vote les membres indigènes désignés en vertu du décret Crémieux et a ainsi excédé la mesure de ses attributions.


Le décret Crémieux a été (partiellement) abrogé par une loi de Vichy du 7 octobre 1940 [voir 4.10.2. (iv)]


On trouve la trace du décret Crémieux jusque dans les polémiques relatives à l'utilisation du 1er chiffre du numéro national d'identité (NNI), lors de sa création [voir 5.5. (iii) et (iv) ; voir aussi 5.8 (iii) et (iv)].





(viii) Le 5 novembre 1870, le gouvernement de la défense nationale prend un décret signé à l'hôtel de ville de Paris par huit de ses membres qui dit "dorénavant la promulgation des lois et décrets résultera de leur insertion au Journal officiel de la République française, lequel à cet égard remplacera le bulletin officiel des lois". Il est précisé que "les lois et décrets seront obligatoires à Paris un jour franc après la promulgation, et pourtout ailleurs, dans l'étendue de chaque arrondissement, un jour franc après que le Journal officiel qui les contient sera parvenu au chef-lieu de cet arrondissement".


Ainsi, moins de deux ans après sa création, le 30 décembre 1868, le Journal officiel reçoit le monopole de la publication des actes de l'autorité.


Le premier organe rendant compte de l'activité officielle est la "Gazette" de Théophraste Renaudot, apparue le 30 mai 1631, dans laquelle Louis XIII et Richelieu publient des récits de guerre et des commentaires politiques dès 1637. La "Gazette de France" rattachée au ministère des Affaires étrangères par un brevet royal de 1762 lui succède (et continuera à paraître jusqu'en 1914, mais en ayant perdu tout caractère officiel). Le libraire lillois C. Panchoucke se voit confier la direction de la "Gazette de France" en 1787 et s'inspire de celle-ci pour créer le 24 novembre 1789 la "Gazette nationale" ou "Moniteur universel", ce sous-titre devenant le titre unique à partir du 1er janvier 1811.

Un avis publié le 7 nivôse, an VIII (28 décembre 1799) précise déjà que le Moniteur universel est le seul journal officiel. Après une brève éclipse du 14 juillet 1815 au 1er février 1816, où paraît la "Gazette officielle", le caractère officiel du Moniteur universel est confirmé à plusieurs reprises. Le 26 février 1848, on ajoute au titre le sous-titre "Journal officiel de la République française", qui devient le 2 décembre 1852 "Journal officiel de l'Empire français".


A partir de 1854 la direction du Moniteur, qui est autorisé à publier des annonces à caractère officiel (adjudications de fournitures et de travaux de l'Etat, annonces légales), s'installe au 13, quai Voltaire. Mais la situation privilégiée du Moniteur ne va pas l'empêcher de disparaître, en tant que publication officielle, à la fin de 1868.


Le ministre d'Etat, Rouher, profite du fait que le traité vient à expiration le 31 décembre 1868 pour évincer la maison Panckoucke de la nouvelle adjudication publique, lancée le 24 septembre 1868, au profit d'une société dirigée par Wittersheim et commanditée par E. de Girardin. Le Moniteur perd alors son rôle de publication officielle, mais parviendra à se maintenir jusqu'en 1914.


En application du nouveau contrat, le Journal officiel [de l'Empire français] publie deux éditions (matin et soir). Le premier numéro du matin, qui paraît le 1er janvier 1869 dans les nouveau locaux (du 31, quai Voltaire), publie le résultat de l'adjudication à Wittersheim, tandis que le premier numéro du soir paraît le 2 janvier 1869.


[De son côté, le Bulletin des lois, créé par un décret du 7 janvier 1791, devient le seul recueil officiel des lois de la République, en application d'une loi du 14 frimaire, an II (4 décembre 1793), confirmée par une ordonnance du 27 novembre 1816. Une ordonnance du 31 décembre 1831 prévoit deux parties :

- la première publie des lois, auxquelles viennent s'ajouter, par une ordonnance du 31 décembre 1835, les ordonnances d'intérêt public et général ;

- la seconde partie ne contient plus, après 1835, que les ordonnances d'intérêt individuel ou local.



La carrière officielle du bulletin des lois s'arrête le 5 novembre 1870, mais celui-ci continue à publier des textes déjà publiés au Journal officiel, et ne disparaîtra que le 1er avril 1831.]



L'édition du soir du Journal officiel cesse de paraître en 1871, pour reprendre entre 1874 et 1880.



Une loi du 28 décembre 1880, précisée par un décret du 30 décembre 1880, crée une direction des Journaux officiels, rattachée au ministère de l'intérieur, qui au nom de l'Etat publie le Journal officiel en régie par le truchement de la "société anonyme à capital variable de composition, impression et distribution des Journaux officiels de la République française", coopérative de production qui se substitue à Wittersheim, dont l'adjudication venant à terme n'est pas renouvelée. Un traité du 21 juillet 1881 ratifie la convention verbale passée le 30 décembre 1880.

L'ordonnance n° 2004-164 du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs vient ensuite modifier l'article 1er du code civil et rend officielle la version électronique du Journal officiel de la République française. Elle est précisée par le décret n° 2004-617 du 29 juin 2004 relatif aux modalités et effets de la publication sous forme électronique de certains actes administratifs au Journal officiel de la République française.






(ix) Rapidement, la guerre (que Gambetta voulait faire "à outrance") tournait mal. Dès le 27 octobre, la "honteuse" capitulation de Bazaine, enfermé dans Metz, faisait perdre à la France une armée de 154 000 hommes. Les autres armées françaises furent successivement battues. Le bombardement de Paris entraîna "la sortie en masse" de ses défenseurs, qui aboutit au désastre de Buzenval (19 janvier 1871) et amena la démission du général Trochu, remplacé par J. Favre.





(x) Il fallut se résoudre à négocier. J. Favre partit le 23 janvier 1871 pour Versailles, où Guillaume de Prusse avait été proclamé empereur allemand dans la Galerie des Glaces 5 jours plus tôt. Bismarck accepta la capitulation, ainsi qu'un armistice de 21 jours permettant l'élection d'une Assemblée nationale qui règlerait la paix. Celui-ci fut signé le 28 janvier 1871.






(xi) Les électeurs furent convoqués pour le 8 février 1871, y compris dans 43 départements occupés. Par le jeu des élections multiples (Thiers dans 26 départements, Gambetta dans 9, ...) il n'y eut que 630 députés au lieu des 768 prévus. La majorité élue comptait plus de 400 conservateurs, contre 200 républicains.



En outre un décret du 1er février, "considérant qu'il est difficile de fixer dès à présent le jour des élections en Algérie et aux colonies, mais qu'il y a intérêt à ce que ces élections aient lieu le plus tôt possible" charge les gouverneurs de l'Algérie et des colonies de convoquer les électeurs dans les plus brefs délais possibles à l'effet d'élire des députés à l'Assemblée nationale.



L'Algérie nommera six députés, deux pour chacun des départements d'Alger, de Constantine et d'Oran. Les colonies nommeront le nombre de députés déterminé par le tableau annexé au décret du 15 septembre 1870 [voir 4.9.1.(v)] ; plus un député pour l'Inde française.






(xii) Réunie le 13 février à Bordeaux, l'Assemblée nationale accepta la remise des pouvoirs du gouvernement de la Défense Nationale que lui fit J. Favre. Le 16 février elle élut J. Grévy comme président, et désigna A. Thiers comme "chef du pouvoir exécutif de la République française". Ces mesures, indispensables pour gouverner et négocier, conduisaient l'Assemblée à se comporter en constituante et à adopter des institutions confuses et provisoires.






(xiii) Le projet de traité préliminaire de paix, négocié à Versailles jusqu'au 26 février, entraînait la perte de toute l'Alsace, sauf Belfort, et d'une bonne partie de la Lorraine, ainsi qu'une indemnité de guerre de 5 milliards. Réunie à Bordeaux, l'Assemblée nationale, après avoir proclamé à nouveau la déchéance des Bonaparte, vota le 1er mars par 546 voix contre 107 le texte du traité désormais appelé "Paix de Bordeaux".



Au nom des réprésentants alsaciens et lorrains, J. Grosjean lut le texte suivant : "Vos frères d'Alsace et de Lorraine, séparés en ce moment de la famille commune, conserveront à la France, absente de leur foyer, une affection fidèle, jusqu'au jour où elle viendra y reprendre sa place".



Le Journal officiel du 9 mars publie la loi ratifiant le traité de paix préliminaire, ainsi que la convention portant prolongation de l'armistice.



Le procès-verbal de ratification arriva à Paris le 2 mars, forçant les Allemands à quitter Paris (où conformément à l'armistice ils étaient entrés le 1er mars), où Guillaume 1er ne put pénétrer. Il était prévu de signer le traité définitif de paix le 10 mai 1871 à Francfort.






(xiv) L'Assemblée s'ajourna le 11 mars à Bordeaux ; elle aurait dû se dissoudre. En fait, la majorité estimait qu'elle devait donner une nouvelle constitution à la France et l'Assemblée décida de s'installer le 20 mars à Versailles.






(xv) Dans Paris, exaspéré par les événements subis, se développe un sursaut révolutionnaire contre une capitulation qui s'apparentait à une trahison. Les élections municipales de Paris, annulées in extremis le 23 septembre 1870, sont fixées au 22 mars, remises au 23, puis enfin au 26 mars 1871. La Commune, nom du conseil municipal nouvellement élu, s'insurge pour s'opposer à l'Assemblée nationale et au gouvernement installés depuis le 20 mars à Versailles. Cette insurrection n'est réduite par la force qu'après deux mois de luttes sanglantes, le 28 mai 1871.






(xvi) L'Assemblée adopte, le 14 avril 1871, une loi municipale formée de 20 articles. Celle-ci prévoit de procéder dans le plus bref délai au renouvellement intégral des conseils municipaux, au scrutin de liste. Paris, dont le conseil municipal est formé de 4 élus pour chacun des 20 arrondissements à un régime spécial. Provisoirement, le grouvernement désignera par décret le maire et les adjoints dans les villes de plus de 20 000 âmes, les chefs-lieux de département et d'arrondissement, et les 20 arrondissements municipaux de la capitale.














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dossier réalisé par Gérard Lang