le Code Officiel Géographique






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4.9.2. : Du traité de Francfort à la Constitution de la IIIe République (1871-1875)



(i) Le traité de paix définitif, signé à Francfort le 10 mai 1871, est ratifié par l'Assemblée le 18 mai et publié au Journal officiel daté du 31 mai 1871. Ses clauses territoriales diffèrent quelque peu de celles de la "Paix de Bordeaux". Après de très pénibles marchandages, le "rayon" conservé par la France autour de Belfort est élargi et la frontière est placée au seuil de Valdieu où coïncident la ligne de partage des eaux du Rhin et du Rhône et la limite linguistique, en échange de la cession à l'Allemagne de 12 villages lorrains de la Moselle dont le sous-sol est riche en minerai de fer. Une convention additionnelle au traité de Francfort est signée à Berlin le 12 octobre 1871.





(ii) Ainsi, c'est un territoire de 600 km2 que conserve la France en Alsace. Il est formé de 106 des 191 communes de l'arrondissement de Belfort du département du Haut-Rhin.





(iii) Les élections partielles du 2 juillet 1871 donnent aux républicains 99 sièges sur 114. L'équilibre de l'Assemblée nationale est alors remis en cause, d'autant que le comte de Chambord affaiblit notablement la position royaliste en s'arc-boutant au drapeau blanc dans une déclaration publiée le 6 juillet.





(iv) La loi "Rivet-Vitet", votée le 31 août, précisa que d'une part le pouvoir exécutif serait exercée par un Président de la République, nommant et révoquant les ministres, avec obligation du contreseing ministériel pour la publication de ses actes, et obligation pour parler à l'Assemblée d'en informer le président de celle-ci, et que d'autre part, l'Assemblée exercerait le pouvoir constitutionnel, le président de la République, responsable devant elle, n'en étant que le délégué.

Il s'agissait, en somme, de la première des lois constitutionnelles de la République, substituant au provisoire du 4 septembre 1870 un autre provisoire.





(v) Une loi du 28 août 1871 établit un nouveau statut des départements (non applicable au département de la Seine, auquel une loi spéciale sera consacrée). La loi établit, dans chaque département, un conseil général formé d'un membre élu par canton, qui est l'organe législatif du département (et peut déléguer certaines attributions à la commission départementale). "Le préfet est le représentant du pouvoir exécutif dans le département, il est chargé de l'instruction préalable des affaires qui intéressent le département ainsi que de l'exécution des décisions du conseil général et de la commission départementale".



Ce texte, qualifié de loi organique départementale, est suivi de la loi (dite "de Treveneuc") du 15 février 1872, relative au rôle éventuel des conseils généraux dans des circonstances exceptionnelles, d'une loi du 7 juin 1873 sur la démission d'office des conseillers généraux et de la loi du 3 juillet 1875 relative à la vérification des pouvoirs des membres des conseils généraux.



Les conseils généraux des trois départements de l'Algérie sont réorganisés par un décret du 12 octobre 1871, (les élections à ces trois conseils généraux, ainsi qu'aux conseils municipaux des communes de l'Algérie étant fixées au 12 novembre 1871), puis par une loi du 23 décembre 1875 qui fortifie notamment le rôle des assesseurs musulmans qui "sont nommés par le gouverneur général et siègent au même titre que les membres élus" (un décret du 20 janvier 1873 avait entre temps, en confirmation de divers arrêtés du gouverneur général de l'Algérie, publié le tableau des circonscriptions cantonales des trois départements algériens).



Des conseils généraux seront ensuite créés le 23 décembre 1878 en Guyane, le 25 janvier 1879 aux Indes françaises, le 4 février 1879 au Sénégal, le 8 février 1880 en Cochinchine, le 2 avril 1885 aux îles Saint-Pierre-et-Miquelon et en Nouvelle-Calédonie, ainsi que dans les établissements français de l'Océanie,





(vi) Une loi du 7 septembre 1871 stipule : "Les territoires restés à la France qui dépendaient du département de la Moselle forment un arrondissement, dont le chef-lieu est fixé à Briey, et qui sera rattaché provisoirement au département de la Meurthe.

Le département de la Meurthe portera provisoirement le nom de Meurthe-et-Moselle".






(vii) Un décret du 16 septembre 1871 fixe au dimanche 8 octobre la date des élections pour le renouvellement complet des conseils généraux et des conseils d'arrondissements des départements autres que l'Algérie. Deux décrets de la même date précisent les conditions de l'exercice pour le nouveau département de la Meurthe-et-Moselle et pour les "territoires restant français de l'ancien département du Haut-Rhin". Ce dernier texte stipule qu'une commission de 5 membres élus (un pour chacun des cantons, étant entendu que les 3 communes de l'ancien canton de Dannemarie votent avec le canton de Delle) fait fonction de conseil général et de conseil d'arrondissement pour l'application de la loi du 10 août 1871.






(viii) Un décret du 21 septembre 1871 ouvre des prêts aux optants de l'Alsace-Lorraine qui demandent à garder la nationalité française, contre l'engagement de se rendre en Algérie pour y cultiver et mettre en valeur des terres.






(ix) Un décret du 19 avril 1871, précédé d'un rapport très clair, ajourne à 1872 "le dénombrement de la population qui devait avoir lieu en 1871" et prolonge jusqu'au 31 décembre 1872 la validité des résultats du dénombrement de 1867. Un décret du 8 mars 1872 prescrit l'exécution, par les maires, du dénombrement de la population "dans le cours de la présente année".



Un décret du 31 décembre 1872 authentifie, pour cinq ans à partir du 1er janvier 1873, les résultats du dénombrement de 1872. (A cette époque , de 1871 à 1875, la statistique générale de la France est dirigée par Challot).



La population totale de la France métropolitaine est arrêtée à 36 102 921 habitants pour 87 départements (- 2), 362 arrondissements (- 11), 2 865 cantons (- 76) et 35 989 communes (- 1 559).



Le rapport (daté du 4 janvier 1873) joint au décret d'authentification détaille les mouvements du découpage territorial intervenus depuis 1866.

Parmi ces mouvements, seuls ne sont pas liés aux cessions territoriales à l'Allemagne résultant du traité de Francfort ceux conduisant d'une part à la création de 8 cantons (Villars [Ain], Trouville [Calvados], Bessèges [Gard], Amplepuis [Rhône], le Creusot [Saône et Loire], La Seyne [Var] et division en deux nouveaux cantons des cantons anciens de Boulogne [Pas-de-Calais] et Roubaix [Nord]) et d'autre part à la transformation de 130 sections de communes en municipalités distinctes.






(x) En ce qui concerne la Lorraine et l'Alsace, on peut résumer comme suit l'effet du traité de Francfort sur les découpages administratifs (la régularisation au niveau des cantons n'apparaîtra que dans le rapport joint au décret donnant les résultats du dénombrement de 1876) :



A - le département des Vosges a été amputé de 18 communes de l'arrondissement de Saint-Dié (dont 7 communes sur 13 du canton de Schirmeck et 11 sur 12 des communes du canton de Saales [seule Raon-l'Etape restant française]) ;



B - le département du Bas-Rhin (4 arrondissements, 33 cantons, 541 communes au recensement de 1866) a été entièrement cédé à l'Allemagne ;



C - le département du Haut-Rhin (3 arrondissements, 30 cantons, 490 communes au recensement de 1866) a été cédé à l'Allemagne à l'exception de 106 des 191 communes de l'arrondissement de Belfort formant la "zone française détachée du Haut-Rhin". Ainsi 384 communes ont été cédées à l'Allemagne ;


D - le département de la Meurthe (5 arrondissements, 29 cantons, 714 communes au recensement de 1866) a cédé à l'Allemagne 135 des 147 communes de l'arrondissement de Château-Salins (restent françaises 3 des 38 communes du canton de Château-Salins et 9 des 24 communes du canton de Vic) et 107 des 116 communes de l'arrondissement de Sarrebourg (restent françaises 8 des 26 communes du canton de Lorquin et une des 18 communes du canton de Réchicourt). Ainsi 472 communes (dont l'ensemble des arrondissements de Lunéville, Nancy et Toul) sont restées françaises et 242 ont été prises par l'Allemagne ;


E - le département de la Moselle (4 arrondissements, 27 cantons, 629 communes au recensement de 1866) a cédé à l'Allemagne 19 des 131 communes de l'arrondissement de Briey (à savoir 10 des 34 communes du canton d'Audun-le-Roman, 7 des 24 communes du canton de Briey et 2 des 27 communes du canton de Longwy), 211 des 223 communes de l'arrondissement de Metz (restent françaises 12 des 29 communes du canton de Gorze), et les arrondissements de Sarreguemines (156 communes) et de Thionville (119 communes) en entier. Ainsi 124 communes (dont 112 de l'arrondissement de Briey) sont restées françaises et 505 ont été prises par l'Allemagne.



Au total les transferts vers l'Allemagne touchent 5 départements (dont 1 en entier), 14 arrondissements (dont 8 en entier), 97 cantons (dont 84 en entier) et 1690 communes.



En contrepartie, deux départements ont été créés :



F - Le Territoire de Belfort, formé des 106 communes (les cantons de Belfort [32 communes], Delle [27 communes], Giromagny [19 communes] en entier, 21 des 29 communes du canton de Fontaine, 4 des 18 communes de l'ancien canton de Massevaux et 3 des 27 communes de l'ancien canton de Dannemarie) restées françaises du Haut-Rhin [voir 4.9.2.(ii)] réparties entre 6 cantons (les fractions restées françaises des cantons de 1866 restent comptées comme des cantons au recensement de 1872) et un arrondissement [voir 4.9.2 (vii)].



[Un projet de loi d'août 1871 déclarait : "La portion d'Alsace demeurée française conservera le nom de Haut-Rhin et formera un département dont Belfort sera le chef-lieu". Mais ce projet n'a pas abouti et la création d'un département du Territoire de Belfort résulte implicitement du tableau relatif aux départements annexé au décret du 31 décembre 1872, qui compte 87 départements métropolitains et contient une ligne : "Belfort (Territoire de) ; 1 arrondissement ; 6 cantons ; 106 communes ; 56 871 habitants".

D'ailleurs, dès le 14 mai 1871 un administrateur de la "zone française détachée du Haut-Rhin" est nommé, tandis qu'un décret du 10 novembre 1871 a nommé à Belfort un secrétaire général de préfecture et trois conseillers de préfecture. Et jusqu'au 11 mars 1922 l'Administrateur du Territoire de Belfort sera le seul fonctionnaire ayant un rang intermédiaire entre celui de préfet et celui de sous-préfet.]


G - le département de la Meurthe-et-Moselle [voir 4.9.2.(vi)], formé des 596 = 472 + 124 communes restées françaises des départements de la Meurthe et de la Moselle, réparties entre l'arrondissement de Briey (6 cantons et 124 communes), formé des 124 communes restées françaises du département de la Moselle (les 12 anciennes communes du canton de Gorze de l'arrondissement de Metz lui étant transférées, et comptant pour un canton de 1872], les trois arrondissements de Lunéville (6 cantons, 145 communes), de Nancy (8 cantons, 187 communes) et de Toul (5 cantons, 119 communes), transférés en entier du département de la Meurthe, ainsi que des 21 communes meurthaises des cantons de Château-Salins, Vic, Lorquin et Réchicourt, non redistribuées en 1872 entre les 4 départements, et comptées pour 4 cantons en 1872. De ce fait la Meurthe-et-Moselle compte, au recensement de 1872, 4 arrondissements, 29 cantons (dont 4 ne sont attribués à aucun arrondissement) et 596 communes.

[Tous comptes faits, il subsiste une petite divergence. En effet le compte des communes entre les recensements de 1866 et 1872 indique que 1559 + 130 = 1689 communes d'Alsace-Lorraine ont disparu en 1871, alors que la somme des données correspondant aux 5 départements touchés, selon le recensement de 1866, donne 1690 communes cédées à l'Allemagne. Il semble donc qu'il faut en conclure que, sur le territoire devenu allemand en 1871, et plutôt en Lorraine qu'en Alsace, deux communes ont été fusionnées entre 1866 et 1871].




(xi) Le dénombrement de l'Algérie de 1872 recense 2 416 225 habitants, chiffre total (peu fiable, à cause de la méthode de dénombrement "en bloc" de certaines populations "musulmanes") donné par le document "Statistique générale de l'Algérie, années 1867 à 1872" dont 279 691 non-musulmans (répartis entre 129 601 Français, 34 574 israélites naturalisés français par l'effet du décret Crémieux et 115 516 étrangers), le chiffre comparable aux dénombrements antérieurs concernant les "non-musulmans" étant donc de 245 117.





(xii) Dès le 13 mai 1872, un décret institue des conseils municipaux à Saint-Pierre-et-Miquelon en référence à la loi du 14 avril 1871. Puis un décret du 20 novembre 1872 porte organisation d'institutions municipales dans la colonie du Sénégal et dépendances et crée les communes de Saint-Louis et Gorée-Dakar (qui sera divisée en deux communes distinctes par un décret du 17 juin 1887, et fusionne à nouveau le 9 avril 1929), tandis que la commune de Rufisque sera créée au Sénégal par un décret du 12 juin 1880. Entre temps un décret du 8 mars 1879 avait organisé des municipalités en Guyane française. Une commune, ayant pour chef-lieu Papeete, ne fut créée en Océanie que par un décret du 20 mai 1890.





(xiii) Une loi du 27 juillet 1872 établit le service militaire obligatoire pour les hommes.





(xiv) Un décret du 12 décembre 1874 organise l'administration de la Nouvelle-Calédonie et y crée un gouvernement autonome. De 1853 à 1860 la Nouvelle-Calédonie avait été rattachée adminstrativement aux Etablissements français de l'Océanie, puis y avait été érigée en établissement distinct par un décret du 14 janvier 1860 concernant les Etablissements français de l'Océanie.



(xv) Grâce à une politique d'emprunts ambitieuse, Thiers obtient la libération plus rapide du territoire dès le 15 mars 1873.





(xvi) Cependant les royalistes, alertés par de nouvelles élections partielles du 27 avril 1873 qui donnent plusieurs sièges aux républicains, décident de se débarrasser de Thiers. Ils interpellent Thiers le 23 mai et celui-ci, qui n'obtient le 24 mai que 344 voix contre 360, démissionne, persuadé que les royalistes n'ont pas de solution de rechange.





(xvii) En fait ceux-ci ont pressenti le maréchal de Mac-Mahon, qui est décidé à s'effacer devant le roi le moment venu et est élu président de la République le 24 mai 1873 par 390 voix sur 721 présents.



(xviii) Le 20 novembre 1873, l'Assemblée vote une loi décidant que "le pouvoir exécutif est confié pour 7 ans au maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta à partir de la promulgation de la présente loi ; ce pouvoir continuera à être exercé avec le titre de Président de la République".




(xix) Ce n'est qu'à partir du 6 janvier 1875 que l'Assemblée se résoud à doter la République, qui fonctionne depuis trois ans, non pas à proprement parler d'une constitution, mais de lois constitutionnelles.



- La première loi sur "l'organisation des pouvoirs publics" codifiait le régime en vigueur depuis 1871. Un amendement présenté par H. Wallon est voté le 22 janvier 1875 par 353 voix contre 352 et devient l'article 2 de la loi où il introduit le mot "République" et insère le dispositif de la loi du 20 novembre 1873. Il stipule : "Le président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans ; il est rééligible". La loi est votée le 25 février 1875.



- La deuxième loi relative à l'organisation du Sénat est votée dès le 24 février 1875. L'article 1 précise que le Sénat se compose de 300 membres dont 225 élus par les départements et les colonies et 75 élus par l'Assemblée nationale.



L'article 2 donne le nombre de sénateurs élus pour chaque département et colonie, qui va de cinq pour la Seine et le Nord à un pour le Territoire de Belfort [dont le statut de département est ainsi "constitutionnalisé"], les trois départements de l'Algérie, les quatre colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises.



L'article 4 précise le collège électoral composé : des députés ; des conseillers généraux ; des conseillers d'arrondissements ; des délégués élus, un pour chaque conseil municipal, parmi les électeurs de la commune ;



- La troisième loi constitutionnelle, votée le 16 juillet 1875, règle les rapports entre les pouvoirs publics.



Ces trois lois constitutionnelles, ainsi que les deux lois organiques du 2 août 1875 sur l'élection des sénateurs et du 30 novembre 1875 sur l'élection des députés (qui précise que les trois départements de l'Algérie, et les quatre colonies qui élisent un sénateur, élisent chacun un député et détermine en annexe les circonscriptions électorales pour l'élection des députés au "scrutin d'arrondissement") qui les complètent, sont mises en vigueur par la loi du 30 décembre 1875, leur révision n'étant possible que sous des conditions très strictes.





Ainsi était créée la IIIe République.














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dossier réalisé par Gérard Lang