le Code Officiel Géographique






    > index




4.9.3. : La IIIe République (1875-1918)



(i) Toussaint Loua succède à Challot à la tête de la statistique générale de la France de 1875 à 1887. Sous son mandat la SGF dépouillera 3 recensements (1876, 1881, 1886) et publiera en 1878 le premier annuaire statistique de la France, tandis qu'un décret du 19 février 1885, précédé d'un rapport extrêmement intéressant, instituera un conseil supérieur de statistique auprès du ministre du commerce (qui assure alors la tutelle de la SGF).



C'est également sous le mandat de Toussaint Loua que sera créé en 1885, à l'occasion de la célébration quasi-simultanée du 25e anniversaire de la Société de statistique de Paris (14 au 18 juin) et surtout du 50e anniversaire de la Société de statistique de Londres (22 au 24 juin), l'Institut International de Statistique (IIS), organisme non gouvernemental qui est l'une des plus anciennes sociétés savantes internationales. Par comparaison, la plus ancienne organisation intergouvernementale internationale encore en activité après l'UIT (voir le 4.8.1. (vii)) est le Bureau International des Poids et Mesures, créé par une convention signée à Paris le 20 mai 1875 "pour assurer l'unification internationale et le perfectionnement du système métrique" (voir le 4.3.5. (i) et [43]), qui précède de peu l'Union Postale Universelle (UPU), dont la convention a été signée à Paris le 1er juin 1878 (et qui a été mise en place à la suite de la création de l'Union générale des Postes par le traité de Berne du 9 octobre 1874 ; une conférence postale internationale tenue à Paris en 1863, à l'initiative des Etats-Unis d'Amérique, avait déjà abouti à une simplification des tarifs postaux internationaux, mais échoué à créer une organisation postale internationale).



Signalons aussi que la Conférence du Méridien International tenue à Washington en octobre 1884 et réunissant 20 pays a adopté une résolution par laquelle la longitude sera comptée, à partir du méridien de l'observatoire de Greenwich, jusqu'à 180 ° dans les deux directions, la longitude Ouest étant négative. Les fuseaux horaires ont été ensuite construits à partir de cette résolution.



Jusqu'en 1920, les successeurs de Toussaint Loua à la tête de la SGF sont Victor Turquan (1887-1896), Blancheville (1896) et Lucien March (1896-1920) pendant 24 ans.

(ii) Après le recensement de 1872, la question de la date du recensement suivant se pose : 1876 ou 1877 ? Un décret du 24 août 1876 prescrit "qu'il sera procédé, avant l'expiration de la présente année, au dénombrement de la population par les soins des maires" ; le rapport joint au décret explicite les raisons de continuité qui imposent le choix de 1876.



Un décret du 31 octobre 1877, précédé d'un rapport au Président de la République du 7 novembre 1877, authentifie les résultats du recensement des 87 départements, 362 arrondissements, 2 863 cantons et (pour la première fois) de l'ensemble des 36 056 communes de la métropole, pour un total de 36 056 788 habitants, pour 5 ans à compter du 1er janvier 1878.



Le nombre des départements et des arrondissements est identique à celui de 1872, celui des communes augmente de 67, à la suite de la transformation de 67 sections de communes en municipalités distinctes.



La disparition de 2 cantons est commentée dans le rapport : "En 1872, on avait compté comme autant d'unités, et jusqu'à ce qu'il eût été statué sur leur constitution définitive, les fractions restées françaises des anciens cantons de Gorze, de Château-Salins, de Vic, de Lorquin et de Réchicourt (anciens départements de la Meurthe et de la Moselle), de Sâales et de Schirmeck (Vosges).



Ces situations ont été depuis régularisées.



Des fractions des 5 cantons démembrés de la Meurthe et de la Moselle, on a formé les 3 cantons provisoires de Chambley, d'Arracourt et de Cirey (loi du 21 mars 1873) ; avec les communes restées françaises du canton de Sâales, on a créé un canton dont le chef-lieu a été fixé à Provenchères (loi du 5 avril 1873) et la commune de Raon-sur-Plaine, qui restait seule du canton de Schirmeck, a été rattachée au canton de Raon-l'Etape (Vosges) par la loi du 31 mars 1873.



Enfin, la division du canton de Mont-Saint-Vincent (Saône-et-Loire) en deux cantons ayant pour chefs-lieux, l'un Montceau-les-Mines, l'autre Mont-Saint-Vincent (loi du 27 mars 1874) complète la nomenclature des changements apportés aux circonscriptions des justices de paix."

Par ailleurs, une note figurant depuis 1846 dans la première page du tableau n° 2, qui donne pour chaque département la population des arrondissements, celle des cantons et le nombre des communes par arrondissement et par cantons, précise à nouveau (mais sa signification devient désormais physiquement explicitée par la publication intégrale de l'ensemble des communes de chaque département) que le nombre des communes d'un arrondissement donné peut être inférieur à la somme du nombre des communes des cantons formant cet arrondissement du fait que dans certains cas plusieurs cantons ont pour chef-lieu la même commune, dont la population et le territoire sont divisés entre ces cantons.



Le volume du ministère de l'intérieur "Dénombrement de la population - 1876" [31.8] contient pour la première fois (et cela durera jusqu'en 1936 [31.19]) les résultats du recensement de l'Algérie, à la fin de l'ouvrage. Un décret du 3 décembre 1877 déclare authentique pour 5 ans, à partir du 1er janvier 1878, les tableaux de la population des 3 départements (Alger, Oran, Constantine) des 15 (4,5,6) arrondissements et des différentes catégories de communes (167 de plein exercice et 33 mixtes de territoire civil ; 18 mixtes et 32 indigènes de territoire de commandement) de l'Algérie [un décret du 27 juillet 1875 a érigé en sous-préfectures les commissariats civils d'Orléansville, Sidi-bel-Abbès, Bougie et Guelma].



La population totale est de 2 867 626 habitants, répartis entre les départements d'Alger (1 072 607, dont 484 771 sur le territoire civil), d'Oran (653 181, dont 416 465 sur le territoire civil), et de Constantine (1 141 838, dont 414 714 sur le territoire civil).

En outre, la première édition (1878) de l'annuaire statistique de la France publie un tableau donnant la population (au dénombrement de 1876) et la surface de chaque département et arrondissement [dans ce tableau les départements, classés alphabétiquement sont numérotés, et le n° 66 s'appelle : Haut-Rhin [Belfort], un autre sur le dénombrement de l'Algérie en 1876 et un tableau donnant une estimation de la population des colonies en 1875.



Dans la deuxième édition (1879) de l'annuaire statistique de la France, on trouve un tableau plus détaillé sur le "recensement des colonies et possessions françaises - Année 1876".



Les populations de colonies sont les suivantes (voir tableau XVII A) :



Martinique : 161 995 ; Guadeloupe et dépendances : 175 516 ; Guyane française : 27 082 ; Réunion : 183 786 ; Sénégal et dépendances : 107 431 ; Etablissements français de l'Inde : 235 022 ; Mayotte et dépendances : Mayotte : 10 100, Nossi-Bé : 7 780, Sainte-Marie de Madagascar : 6 948 ; Saint-Pierre-et-Miquelon : 5 213 ; soit un total général de 1 060 873 habitants.



Les populations des possessions françaises sont les suivantes (voir encore le tableau XVII A) :



Nouvelle-Calédonie : 18 833 ; Etablissements français dans l'Océanie (en fait "Taïti et Mooréa avec leurs districts ; non compris les Marquises, les îles Tuamotu et les îles Tubuai, dont les tableaux de recensement ne sont pas arrivés") : 21 936 ; Cochinchine française : 1 528 836 ; soit un total général "approximatif" de 1 569 605.



En ajoutant les populations de la métropole, de l'Algérie, des colonies et des possessions françaises, on aboutit à une population totale de la France de 42 403 892 habitants.

Ces chiffres ne sont pas cohérents avec un tableau publié dans le J.O. du 16 juin 1881 (page 3203) qui donne la superficie et la population pour chacune des années de 1865 à 1879 des colonies françaises, dans une nomenclature très proche de la précédente.

(iii) Le 31 décembre 1875, enfin, l'Assemblée, "élue en un jour de malheur", vote une loi "relative à la date des élections des sénateurs et des députés et à la séparation de l'Assemblée nationale" et se sépare le jour même. Seul restait en place le Président de la République, maréchal de Mac-Mahon. Les élections sénatoriales, amorcées par celles des déléguées municipaux (16 janvier 1876), se firent le 30 janvier 1876 et, compte tenu des 75 sénateurs inamovibles déjà désignés, donnent 154 sièges aux conservateurs contre 146 aux républicains.

Pour les élections des députés, 310 républicains furent élus au 1er tour (20 février 1876), contre 110 conservateurs dont 50 bonapartistes. Au second tour (5 mars), 50 républicains et 43 conservateurs furent élus. Il y avait au total 360 députés républicains et 153 députés conservateurs, dont 75 bonapartistes.



Le conflit entre les députés et Mac-Mahon se développa et le Sénat finit par accorder le 22 juin 1877 la dissolution de l'Assemblée, qui fut prononcée le 25 juin. Le cabinet Broglie, appelé au pouvoir par Mac-Mahon le 17 mai 1877, prépara les élections par une très forte pression officielle. Les républicains réagirent vivement, notamment à l'occasion des obsèques de Thiers, décédé le 3 septembre 1877, qui donnèrent lieu à une imposante manifestion.



Avec seulement un quart d'abstentions, il y eut 321 républicains élus, contre 207 conservateurs. De plus les élections aux conseils généraux, tenues le 4 novembre 1877, furent nettement favorables aux républicains. Après que des élections sénatoriales partielles du 5 janvier eurent renversé la majorité du Sénat, formé désormais de 174 républicains et 126 conservateurs, Mac-Mahon démissionna le 30 janvier 1879. Son successeur, J. Grévy, fut élu le jour même par 563 voix sur 705 votants. La République était installée et l'Assemblée accompagna cette installation par quelques mesures spectaculaires : adoption de la Marseillaise comme hymne national, fixation de la fête nationale au 14 juillet, retour des chambres de Versailles à Paris. Cette dernière mesure nécessitait la révision de l'article 9 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 sur l'organisation des pouvoirs publics, qui fut opérée par une loi constitutionnelle du 21 juin 1879, complétée par une loi du 22 juillet 1879 précisant que le Congrès chargé d'élire le président de la République, ainsi que les Assemblées nationales de révision, continueraient à se réunir à Versailles.



Une autre révision fut opérée par la loi constitutionnelle du 14 août 1884. Celle-ci comprend quatre articles, dont trois concernent la convocation des collèges électoraux en cas de dissolution de la chambre, la majorité requise à l'Assemblée nationale pour qu'une révision soit possible, l'élection et la composition du Sénat (dont les modalités perdent le caractère constitutionnel). Mais surtout, l'article 2 stipule :



"La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision. Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la présidence de la République".





(iv) Un décret du 3 novembre 1881 prescrit un nouveau dénombrement dans le cours de l'année 1881. Un décret du 7 août 1882 déclare authentiques, à partir du 1er janvier 1883, les états de population (relatifs à la France continentale et à la Corse) dressés par les préfets en exécution du décret du 3 novembre 1881.



La population totale de la métropole s'établit à 37 672 048 habitants répartis entre 87 départements, 362 arrondissements, 2 868 cantons et 36 097 communes.



Le rapport au président de la République précise que la durée habituelle de 5 ans pour la validité des résultats n'a pas été reprise dans le décret d'authentification "afin de réserver la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu d'avancer d'un an le prochain recensement (1885 au lieu de 1886), pour le faire concorder avec les dénombrements de la plupart des pays de l'Europe, lesquels ont lieu dans le cours des années dont le millésime se termine par 0 ou 5."



Depuis 1876, le nombre des cantons a augmenté de 5 par suite des créations de ceux de Cagnes (Alpes-Maritimes, loi du 30 juillet 1881), Decazeville (Aveyron, loi du 12 avril 1881), Nancy-Sud (Meurthe-et-Moselle, loi du 8 avril 1879), Badonviller (Meurthe-et-Moselle, loi du 8 avril 1879) et Le Raincy (Seine-et-Oise, loi du 7avril 1882). Dans le même temps, le nombre des communes a augmenté de 41, par création de 45 communes et suppression de 4 communes (dont le détail figure dans le rapport).



En 1881, les 47 villes comptant plus de 30 000 âmes (dont 29 de plus de 50 000 et 10 de plus de 100 000) regroupent 5 948 242 habitants, soit près du sixième de la population totale, et leur accroissement depuis 1876 est de 561 869 habitants, soit les cinq septièmes de l'accroissement total de la population.



L'ouvrage [31.9] sur le dénombrement de 1881 contient également les résultats du dénombrement de l'Algérie, authentifiés par un décret du 11 septembre 1882 en référence au décret du 3 novembre 1881.



La population totale de l'Algérie compte 3 310 412 âmes, réparties entre 3 départements (Alger : 1 251 672, Oran : 767 322, Constantine : 1 291 418), 16 arrondissements de territoire civil (Alger, Médea, Milana, Orléansville, Tizi-Ouzou ; Mascara, Mostaganem, Oran, Sidi-bel-Abbès, Tlemcen, ; Bône, Bougie, Constantine, Guelma, Philippeville et Sétif) et 9 subdivisions de territoire militaire (Aumale, Médéa ; Mascara, Oran, Tlemcen ; Batna, Bône, Constantine et Sétif), et entre 195 communes de plein exercice et 77 communes mixtes en territoire civil et 6 communes mixtes et 15 communes indigènes en territoire militaire. La commune d'Alger compte 70 747 habitants, celle d'Oran 59 377 habitants et celle de Constantine 42 721 habitants.





(v) La loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale remet totalement à plat le statut des communes. Elle compte 168 articles, s'applique à toutes les communes de la métropole, sauf Paris, ainsi qu'aux communes de plein exercice de l'Algérie (sauf pour quelques dispositions spécifiques) et aux communes des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion (sous quelques réserves).



La loi abroge explicitement, totalement ou partiellement 27 textes antérieurs parus entre 1790 et 1882 (notamment les lois du 22 juillet et 14 avril 1871, ainsi que des décrets coloniaux du 12 juin 1827 [Martinique] et du 20 septembre 1837 [Guadeloupe]).



Le titre 1er ("Des communes") spécifie que le corps municipal de chaque commune se compose du conseil municipal, du maire et d'un ou de plusieurs adjoints.



Le titre II ("Des conseils municipaux") fixe la composition du conseil municipal en fonction de la population communale ainsi que les conditions des élections des membres du conseil municipal, notamment en cas de sectionnement. Sont également fixées les conditions de fonctionnement des conseils municipaux, ainsi que leurs attributions.



Le titre III ("Du maire et des adjoints") définit les attributions correspondant aux fonctions de maire et d'adjoint. L'article 104 donne au préfet du Rhône, en ce qui concerne Lyon et les communes proches, des attributions identiques à celles que les textes de 1800 et 1859 ont confié au préfet de police pour Paris et les communes suburbaines de la Seine [voir 4.8.1. (vi)].



Le titre IV ("De l'administration des communes"), le titre V ("Des biens et droits indivis entre plusieurs communes"), le titre VII ("Dispositions relatives à l'Algérie et aux colonies") et le titre VIII ("Dispositions générales") complètent le dispositif de ce véritable code des communes, dont l'application suit immédiatement les élections municipales fixées par la loi au 4 mai 1884.





(vi) Un décret du 5 avril 1886 prescrit qu'il sera procédé, le 30 du mois de mai au dénombrement de la population, par les soins des maires. Un décret du 31 décembre 1886 déclare authentiques, à partir du 1er janvier 1887, les états de population dressés par les préfets pour la France continentale et la Corse. Un décret du 30 décembre fait de même pour "les tableaux de la population des départements, des arrondissements des subdivisions administratives et des communes de l'Algérie". En outre un décret du 29 janvier 1887 authentifie le tableau, par département, des étrangers résidant en France, dont le total atteint 1 115 214.



Le dénombrement de 1886 donne à la métropole une population de 38 218 903 habitants, répartis entre 87 départements, 362 arrondissements, 2 871 cantons et 36 121 communes. Depuis 1881 le nombre des cantons a augmenté de 3, par suite de la création de deux nouvelles justices de paix à Marseille (loi du 13 novembre 1885) et d'une nouvelle circonscription judiciaire à Denain (Nord, loi du 29 décembre 1886) ; le nombre des communes a augmenté de 23, à la suite de la suppression de 7 communes et de la création de 30 autres (dont celle de Malakoff, distraite de Vanves dans le département de la Seine, par un décret du 8 novembre 1883).

Le dénombrement de l'Algérie de 1886 compte 3 910 309 habitants, dont :



- 1 380 541 dans le département d'Alger, répartis entre d'une part les cinq arrondissements (Alger, Médéa, Miliana, Orléansville, Tizi-Ouzou), les 89 communes de plein exercice et les 23 communes mixtes du territoire civil (en tout 1 202 768 habitants) et d'autre part les deux subdivisions administratives (Aumale, Médéa) et les 3 communes mixtes et les 6 communes indigènes du territoire militaire (en tout 177 773 habitants) ;



- 1 566 419 dans le département de Constantine, répartis entre d'une part les sept arrondissements (Batna, Bône, Bougie, Constantine, Guelma, Philippeville et Sétif), les 69 communes de plein exercie et les 35 communes mixtes du territoire civil (en tout 1 369 153 habitants) et d'autre part les deux subdivisions administratives (Batna, Constantine) et les 5 communes indigènes du territoire militaire (en tout 197 266 habitants) ;



- 963 439 dans le département d'Oran, répartis entre d'une part les cinq arrondissements (Mascara, Mostaganem, Oran, Sidi-Bel-Abbès, Tlemcen), les 74 communes de plein exercice et les 20 communes mixtes du territoire civil (en tout 752 554 habitants) et d'autre part les deux subdivisions administratives (Mascar, Tlemcen), les 3 communes mixtes et les 2 communes indigènes du territoire militaire (en tout 117 951 habitants).





(vii) En 1871, l'empire colonial français était encore assez mince ; moins d'un million de km2, moins de 6 millions d'habitants. Le repliement où la France avait vécu jusqu'en 1879 expliquait que l'on ne s'occupat guère d'élargir les frontières du domaine colonial (cependant l'île de Saint-Barthélemy, conquise par la France en 1648, puis vendue à la Suède en 1784 [voir 4.2.2.(ii) B e) et D f)], fut rachetée à la Suède par un traité du 10 août 1877). Toutefois les conversations tenues au Congrès de Berlin (1878) convoqué pour réorganiser les Balkans à la suite du succès des Russes contre les Turcs et du traité préliminaire de San Stefano indiquèrent que les puissances européennes n'avaient pas d'objection à opposer à un nouveau développement de l'empire colonial français. Aussi de nouvelles conquêtes furent-elles entreprises dès 1881, cependant qu'un ministère des colonies fut créé en 1894, et qu'une nouvelle organisation administrative des territoires récemment conquis, conduisant à la création de quatre gouvernements généraux en Afrique Occidentale Française (A.O.F.), en Afrique Equatoriale Française (A.E.F.), à Madagascar et en Indochine Française, fut installée.



En 1904 J. Cambon, ambassadeur de France à Londres réussit à concrétiser l'Entente cordiale, principal objectif de la politique de Delcassé, ministre des Affaires Etrangères sans interruption de 1898 à 1905.



Ainsi un accord pour règler les problèmes coloniaux, rendu nécessaire par la crise de Fachoda (forteresse en ruine située au Soudan égyptien sur le cours supérieur du Nil, où l'arrivée d'une expédition française [la "Mission Marchand"] en juillet 1898 précéda celle des Anglais du sirdar Kitchener, le 26 septembre ; invité à rendre Fachoda, Marchand attendit l'ordre d'évacuation qui lui fut donné le 4 novembre 1898 et provoqua l'ire du parti colonial français) et par les rivalités en Egypte (où l'influence intellectuelle et économique française faisant suite à l'ouverture du Canal de Suez était contrebalancée par les ambitions anglaises), était signé à Londres le 8 avril 1904.



La France renonçait à son monopole de la pêche de la morue à Terre-Neuve et laissait à l'Angleterre toute liberté d'action en Egypte. En échange, les sphères d'influence en Afrique étaient précisées et les difficultés à Madagascar et au Siam liquidées, la souveraineté sur les Nouvelles-Hébrides partagée ; en outre la France avait liberté d'action au Maroc, sauf dans la zone située face à Gibraltar.



Il n'est évidemment pas question de détailler ici l'ensemble des conquêtes territoriales réalisées et des organisations administratives mises en oeuvre par la IIIe République, et seules les principales étapes sont retracées dans les paragraphes qui suivent.



(viii) En Afrique du Nord, l'expansion territoriale de l'Algérie fut complétée par le protectorat sur la Tunisie et le protectorat sur le Maroc.



A - Des décrets de 1881 rattachèrent tous les services centraux de l'Algérie aux ministères parisiens, cependant que les territoires militaires étaient réduits aux régions à faible population indigène des hauts plateaux et du Sahara. En territoire civil l'afflux de la population blanche, résultant notamment de l'installation entre 1871 et 1884 de 11 000 familles d'optants alsaciens, mais aussi de l'immigration italienne, maltaise et espagnole, permit de porter le nombre des communes civiles (soit de plein exercice, soit mixtes) à 369 en tout.



A partir de 1892, l'ensemble des services rattachés aux ministères métropolitains furent replacés sous l'autorité du gouverneur général de l'Algérie, qui redevint le moteur de l'administration algérienne.



Dans le sud de l'Algérie, la région saharienne restait inexplorée à partir d'El Goléa, devenu poste avancé en 1891. En 1898, une expédition traversa le Sahara pour atteindre le lac Tchad. En 1900 l'Algérie fut dotée d'un budget autonome, la métropole ne gardant à sa charge que des dépenses militaires.

Les territoires militaires du sud de l'Algérie furent agrandis jusqu'en 1905. Une loi du 24 décembre 1902 et un décret du 14 août 1905 dotèrent les territoires du Sud de la personnalité civile et d'un budget propre et les organisèrent en quatre territoires (Aïn-Sefra, Ghardaïa, Oasis et Touggourt), tout en les rattachant au gouverneur général de l'Algérie.





B - A l'est de l'Algérie, la Régence de Tunis était dirigée par le bey, théoriquement dépendant du sultan de Constantinople. Le bey de Tunis s'était fortement endetté sous le second Empire, et le consul de France, Roustan, gagna de vitesse les consuls d'Italie et d'Angleterre pour s'introduire dans les affaires du bey. Sous le prétexte que la tribu tunisienne des Kroumirs, en guerre avec une tribu algérienne, avait attaqué un corps français, le cabinet Ferry obtint le 4 avril 1881 les crédits nécessaires pour une intervention de police. Le bey signa, le 12 mai 1881, le traité du Bardo, qui établissait le protectorat français par le moyen d'un "ministre résident à Tunis", poste aussitôt confié à Roustan. Celui-ci fit signer par le bey, en 1883, une convention en vue de réorganiser l'administration beylicale, désormais contrôlée par des fonctionnaires français.





C - A l'ouest de l'Algérie, la frontière avec l'Empire du Maroc avait été fixée dès 1845. Le Maroc, comptant 5 millions d'habitants sur 440 000 km2, allait passer sous protectorat français en plusieurs étapes de 1904 à 1914.





En complément de l'accord avec l'Angleterre du 8 avril 1904, un protocole du 3 octobre 1904 avec l'Espagne aboutit à un traité du 1er septembre 1905, dont les clauses secrètes fixaient les zones d'influence des deux Etats au Maroc.



Mais alors que la France, forte de ses accords avec l'Angleterre et l'Espagne, envoyait une mission à Fez pour élaborer un accord avec le sultan, l'empereur d'Allemagne, Guillaume II, débarquait à Tanger où, reçu par l'oncle du sultan le 31 mars 1905, il prononçait un discours agressif.



Une conférence internationale fut convoquée à Algésiras, en Espagne, de janvier à avril 1906 où l'Allemagne ne fut soutenue que par l'Autriche-Hongrie et la Turquie et dut se résigner à laisser le champ libre à la France.



A la suite de divers incidents, la France occupa Oujda, puis Casablanca en 1907. En 1911 le nouveau sultan, Moulaï-Hafid, fut assiégé à Fez par des rebelles de son empire, et fit appel à la France le 27 avril. Ainsi furent occupées Fez (21 mai), Meknès (8 juin) et Rabat (9 juillet).

L'Allemagne réagit en envoyant une canonière à Agadir le 1er juillet 1911. Deux conventions franco-allemandes du 4 novembre 1911 furent définitivement signées le 12 mai 1912 ; l'une concernait le régime du Maroc, l'autre concédait à l'Allemagne 275 000 km2 du Congo contre le "Bec de canard", territoire en pointe du Cameroun s'appuyant sur le lac Tchad. Dès le 30 mars 1912, la convention de Fez imposait au Maroc un protectorat français analogue à celui de la Tunisie, tout en tenant compte de rôle de chef religieux du sultan. Le premier résident fut le général Lyautey, cependant que le sultan, ayant abdiqué, était remplacé par le pacifique et francophile Moulay-Yousef. Dès septembre 1912, Marrakech était occupée et en mai 1914 la "tache" de Taza était réduite et les communications algéro-marocaines assurées.





(ix) En Afrique noire, l'expansion est vigoureusement poursuivie.



A - A partir du Sénégal, les troupes françaises remontent les rives du Niger et conquièrent le Soudan, dont les limites sont fixées par des conventions avec l'Angleterre (1882), le Portugal (1882) et l'Allemagne (1885) et qui devient territoire militaire en 1892. En 1893, la colonie de Côte d'Ivoire est constituée, puis en 1894 celle du Dahomey, tandis que le territoire des "Rivières du Sud" devient en 1899 la colonie de Guinée.



En 1895 fut créé le gouvernement général de l'Afrique Occidentale Française (A.O.F.), résidant à Dakar, dont l'organisation fut modifiée en 1899. Le régime français ne fut concédé qu'aux quatre villes sénégalaises. L'organisation de l'A.O.F. fut remaniée par des décrets du 1er octobre 1902 et du 18 octobre 1904. Le gouvernement général de l'A.O.F., capitale Dakar, comprend alors les colonies du Sénégal, de la Guinée française, de la Côte-d'Ivoire, du Dahomey, du Haut-Sénégal et du Niger, ainsi que le territoire civil de la Mauritanie.





B - Plus au sud, à partir du Gabon, Savorgnan de Brazza assura à la France dès 1880 le protectorat des terres du Congo à l'Oubangui : ce fut la colonie de l'Ouest africain, puis en 1884 le Congo-Gabon, dont les limites furent fixées par des conventions avec l'Allemagne (1885), le Portugal (1886) et l'Etat indépendant du Congo (1887). Le Tchad fut conquis en 1901. Le gouvernement général de l'Afrique Equatoriale Française (A.E.F.), capitale Brazzaville, est fondée par un décret du 15 janvier 1910. Il comprend les colonies du Gabon, du moyen-Congo, de l'Oubangui-Chari et du territoire du Tchad.





C - En Afrique orientale, l'installation en 1884 d'un protectorat sur Tadjourah, et surtout en 1888 d'un protectorat à Djibouti, vint relayer l'établissement médiocre d'Obock et donner à la France une vue sur la mer Rouge, concrétisée par la création en 1896 du territoire de la Côte française des Somalis.



L'occupation de Madagascar lui donna une place de premier ordre dans l'Océan Indien. La France y possédait déjà la Réunion, ainsi que les îles de Sainte-Marie, Nossi-Bé et Mayotte et avait déjà possédé anciennement des comptoirs à Madagascar, sur la route des Indes.



En 1868, un traité passé avec la reine des Hovas, qui régnait sur Tananarive, avait permis aux Français d'acquérir des immeubles. Mais l'interprétation du traité suscita des difficultés à partir de 1878. Les troupes françaises débarquèrent sur l'île en mai 1883 aboutissant à un traité du 17 décembre 1885 qui organisait un protectorat de fait sur l'île, dont la baie de Diego-Suarez constituait avec Nossi-Bé et Mayotte un gouvernement particulier. Les sultans des îles de Moheli, de la Grande-Comore et d'Anjouan demandèrent le protectorat de la France, par des traités du 26 avril 1886, approuvés respectivement par des décrets du 11 juillet 1886 et des 6 et 8 janvier 1892. Un décret du 6 juillet 1897 place ces 3 îles, conjointement avec celle de Mayotte et l'archipel des îles Glorieuses (dont il fut pris possession le 23 août 1892), sous l'autorité d'un administrateur résidant à Mayotte.



La situation restait peu claire, et un nouveau débarquement amena le traité du 1er octobre 1895 qui instaurait un protectorat total. Mais, dès le 12 décembre 1895, un décret rattachait l'île à l'administration des colonies, puis le 18 janvier 1896 le traité était annulé et le 6 août 1896 une loi déclarait l'île colonie française.

En outre, les îles Juan de Nova, Europa et Bassas da India (situées dans le golfe du Mozambique) furent rattachées à Madagascar, après leur prise de possession effectuée en octobre 1897. Un décret du 30 juillet 1897 transforma l'emploi de résident général à Madagascar en celui de gouverneur général de la colonie de Madagascar et dépendances.





(x) L'empire s'étendait et s'organisait également en Asie et dans le Pacifique.



A - A partir de la Cochinchine, il était naturel de remonter le Mékong vers la Chine. En mars 1874, le gouvernement français passa un traité avec l'Annam, que la Chine ne voulut pas reconnaître. Après un débarquement, le protectorat français fut reconnu à Hué le 25 mai 1883, puis la guerre contre la Chine terminée par le traité de T'ien-Tsin de mai 1884. Mais les hostilités reprirent à la suite d'une révolution de Palais à Pékin. Le second traité de Hué (6 juin 1884) instituait un complet protectorat sur l'Annam et trois provinces du Tonkin, et un contrôle particulier, au moyen du résident particulier installé à Hanoï, sur le reste du Tonkin. Puis les traités de Paris (15 avril 1885) et T'ien-Tsin (9 juin 1885) enregistrent la renonciation de la Chine à la souveraineté sur l'Annam.



Au Cambodge, la France imposa le 17 juin 1884 un nouveau traité modifiant profondément le sens du protectorat initial.



Le Siam, soutenu par l'Angleterre, tenta de résister contre l'occupation du Laos, mais signa un traité d'octobre 1893, qui reconnaissait la souveraineté de l'Annam, donc le protectorat de la France sur le Laos et fixait la frontière sur le Mékong. L'Angleterre fit de même en 1896.



En octobre 1887, les divers territoires de la péninsule furent regroupés en Union Indo-Chinoise. Cette Union comportait un gouverneur général à Saïgon, un lieutenant-gouverneur en Cochinchine, des résidents généraux au Cambodge (Phnom-Penh), en Annam (Hué) et au Tonkin (Hanoï). Le Laos fut incorporé en 1899, ainsi que le territoire du Kouang-Tchéou-Wan cédé à bail par la Chine pour 99 ans à la suite de la révolte des Boxers.





B - En Océanie, les protectorats sont remplacés par des annexions directes à Tahiti (loi du 30 décembre 1880) et aux Gambier (1881), tandis que la France réussit en 1887 après quelques difficultés à affirmer sa souveraineté sur les Iles Sous-le-Vent, fraction occidentale des îles de la Société (loi du 19 mars 1888), puis les érige en établissement distinct de l'Océanie (décrets du 27 juin et 28 juillet 1897).



Les îles Wallis (décret du 5 avril 1887), puis Futuna (décret du 16 février 1888) deviennent également directement annexées et rattachées au gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, commissaire général de la République dans l'Océan Pacifique (décret du 10 juin 1909). Les Nouvelles-Hébrides deviennent en 1887 un condominium franco-britannique (organisé par une convention du 20 octobre 1904 et un protocole du 6 août 1914).



(xi) Un décret du 1er mars 1891, signé du président de la République (Carnot), prescrit qu'"il sera procédé, le 12 du mois d'avril, au dénombrement de la population par les soins des maires".



Deux décrets du même signataire datés du 31 décembre 1891 authentifient, à compter du 1er janvier 1892 :



- l'un, les tableaux de la population des départements (87), arrondissements (362), cantons (2 881) et communes ( 36 144) de la France continentale et de la Corse, pour une population totale de 38 343 192 habitants ;



- l'autre, les tableaux des départements (3), des arrondissements (17) et des territoires de commandement (3 ; un dans chaque département) et des communes (249 de plein exercice et 73 mixtes en territoire civil ; 6 mixtes et 11 indigènes en territoire de commandement) de l'Algérie, pour une population totale de 4 124 732 habitants, dont 3 636 967 en territoire civil.

Depuis 1886, le nombre des cantons a augmenté de 10 unités par suite de nouvelles circonscriptions cantonales au Havre, à Lille, à Bordeaux, à Reims, à Calais et à Carmaux (mais seule la circonscription cantonale créée à Calais a établi une nouvelle justice de paix). Par ailleurs, 4 communes ont disparu et 27 ont été créées (dont celle du Perreux, distraite de Nogent-sur-Marne dans la Seine par une loi du 2 mars 1887, et celle de Cherré dans la Sarthe rétablie à la suite de l'annulation, par un arrêt du Conseil d'Etat du 18 mai 1888, du décret du 23 juillet 1886 qui l'avait réunie à la Ferté-Bernard). Enfin, les subdivisions administratives de l'Algérie ont disparu.



Le quinzième volume (1892-1893-1894) de l'annuaire statistique de la France publie les résultats du recensement de 1891 de la métropole et de l'Algérie, et donne (en pages 720 et 721) plusieurs tableaux sur les populations (indigène, britannique, maltaise, italienne et française) de la Tunisie, ainsi que (surtout) un tableau donnant une estimation de la superficie et de la population (répartie par sexe) des colonies françaises (pour un total de 31 053 774 individus, dont 18 000 000 pour Annam - Tonkin - Cambodge !) en 1893, dans la nomenclature suivante (voir tableau XVII B).



Annam - Tonkin - Cambodge ; Cochinchine ; Inde ; Mayotte ; Nossi-Bé ; Diego-Suarez ; Sainte-Marie de Madagascar ; Réunion ; Nouvelle-Calédonie ; Océanie ; Congo ; Rivières du Sud ; Sénégal et dépendances ; Guyane ; Martinique ; Guyane [lire Guadeloupe !] et dépendances ; Saint-Pierre et Miquelon ; Obock.



Juste avant le rapport au Président de la République accompagnant le décret relatif à la métropole, le J.O. du dimanche 8 mai 1881 (pages 2522 à 2537) publie la loi du 7 mai 1881 relative à l'établissement du tarif général des douanes, qui est le plus ancien tarif des douanes français publié.



(xii) Un décret du 10 février 1896, signé du président de la République (Félix Faure) prescrit qu'il sera procédé, le 29 du mois de mars, au dénombrement de la population par les soins des maires.



Un décret du 31 décembre 1896, du même signataire, déclare authentiques à compter du 1er janvier 1897 les tableaux de population annexés audit décret.



Les 38 517 975 habitants de la métropole sont répartis entre 87 départements, 362 arrondissements, 2 899 cantons et 36 170 communes. Depuis 1891 il a été créé 18 cantons :



- le canton de Vichy (Allier ; loi du 18 mai 1892) ;

- le canton de Sotteville-lès-Rouen (Seine-Inférieure ; loi du 12 mai 1892) ;

- le 3e canton de Roubaix (Nord ; loi du 20 juillet 1892) ;

- le canton de Biarritz (Basses-Pyrénées ; loi du 25 avril 1895) ;

- le 2e canton de Tourcoing (Nord ; loi du 21 juillet 1895) ;

- et 13 cantons dans le département de la Seine par une loi du 14 avril 1893 (dans l'arrondissement de Saint-Denis, les 8 cantons d'Asnières, Aubervilliers, Boulogne, Clichy, Levallois-Perret, Noisy-le-Sec, Puteaux et Saint-Ouen ; dans l'arrondissement de Sceaux, les 5 cantons d'Ivry, Montreuil, Nogent-sur-Marne, Saint-Maur et Vanves).



De même 3 communes ont été supprimées et 29 créées (dont le détail est donné dans le rapport joint au décret ; dans la Seine, la commune de Bois-Colombes, distraite de celles d'Asnières et de Colombes est créée par une loi du 18 mars 1896 et celle du Kremlin-Bicêtre est distraite de Gentilly par une loi du 13 décembre 1896).



Un autre décret du 31 décembre 1896 fixe la population des 3 départements, 17 arrondissements (257 communes de plein exercice et 73 communes mixtes) et 3 territoires de commandement (6 communes mixtes et 12 communes indigènes de l'Algérie à un total de 4 429 421 habitants, dont 1 526 667 pour le département d'Alger (132 communes), 1 874 506 pour le département de Constantine (111 communes) et 1 028 248 pour le département d'Oran (105 communes).



(xiii) De son côté le docteur J. Bertillon (membre d'une dynastie remontant à A. Guillard, inventeur du mot "démographie" en publiant en 1855 son ouvrage "Eléments de statistique humaine ou démographie comparée" ; sa fille Zoé épouse L.-A. Bertillon chef du bureau de statistique de la Ville de Paris. Ils ont trois fils, dont J. Bertillon qui succède à son père et A. Bertillon, fondateur de l'anthropométrie [37.1]), chef des travaux statistiques de la ville de Paris, publie en 1895 son "cours élémentaire de statistique administrative" [39]. L'ouvrage contient notamment une histoire de la statistique des principaux pays du monde et une nomenclature des maladies (causes de décès ou causes d'incapacité) présentée à la réunion tenue par l'IIS à Chicago en 1893 et qui est l'ancêtre de la nomenclature (dont la 10e édition est aujourd'hui en vigueur) de l'OMS (Organisation Mondiale de Santé).



(xiv) Autour de 1900, les relations internationales continuent à se développer. Après les expositions universelles tenues à Paris en 1878 et en 1889 (dont le point d'orgue fut l'inauguration de la Tour Eiffel qui devient rapidement le monument le plus visité de la planète), celle de 1900 réunit plus de 83 000 exposants et compte plus de 50 millions de visiteurs. A l'initiative du baron P. de Coubertin, le Comité International Olympique (CIO) est fondé le 23 juin 1894 et les premiers jeux olympiques de l'époque moderne ont lieu à Athènes en 1896.



Par ailleurs une conférence internationale sur le "droit de la guerre" se tient à La Haye en 1900, dans l'esprit du mouvement international de la Croix-Rouge fondé en 1863 par cinq citoyens suisses dont H. Dunant (qui partagera avec F. Passy le premier prix Nobel de la Paix en 1901) et en prolongement de la convention de Genève du 22 août 1864. Plusieurs accords sont signés le 28 juillet 1899 (dont la création d'une cour permanente d'arbitrage siègeant à la La Haye) et entrent en vigueur (pour la France) le 4 septembre 1900 ; la plupart de ces accords seront remaniés le 18 octobre 1907.





(xv) En France, la loi de séparation des églises et de l'Etat, votée le 3 juillet 1905, clôt dans la douleur une longue période de relations troublées entre le IIIe République et l'Eglise catholique.

Après les lois du 30 juin 1881 sur les réunions publiques et du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, survient en 1882 le krach de la banque de l'Union générale, hâtivement (et fautivement ?) mise en faillite, qui agite le monde catholique, dont la banque était l'instrument symbolique contre la "haute banque" juive (Rothschild, Pereire) et protestante. Cependant que J. Ferry faisait voter le 28 mars 1882 la loi sur l'enseignement primaire laïc et obligatoire, la loi du 30 octobre 1886, qui achevait la laïcisation de l'enseignement primaire en interdisant de nommer des congréganistes avait haussé le ton. Après l'épisode du boulangisme (1888-1889), le scandale de la faillite de la société du canal de Panama, dans lequel on avait scrupule à mettre en cause un "grand Français", Ferdinand de Lesseps, déjà créateur du canal de Suez, qui éclata fin 1892, alourdit encore l'atmosphère et permit de mettre en cause les financiers cosmopolites. Mais c'est l'affaire Dreyfus, qui commence fin 1894, qui secouera le plus le pays et le divisera durablement et brutalement.



Seule l'Exposition Universelle de 1900, ouverte le 14 avril par Emile Loubet, calmera un peu le pays. Mais la loi du 1er juillet 1901, "relative au contrat d'association" se présente à la fois comme un texte général de droit public et comme une mesure offensive contre l'Eglise, puisque la règle générale est la liberté d'association, mais que les congrégations ne peuvent exister qu'en vertu d'une loi, et leurs nouveaux établissements qu'en vertu d'un décret.



Malgré l'application "douce" que fit le Conseil d'Etat de ces dispositions, les heurts avec le Vatican devinrent graves, et l'ambassadeur de France auprès du Saint-Siège fut rappelé le 21 mai 1904 par le gouvernement Combes, qui fut approuvé par la Chambre, sans aller cependant jusqu'à la rupture du concordat.



La loi du 3 juillet 1905 complétée par la loi du 2 janvier 1907 concernant l'exercice public des cultes consacra la rupture avec le Vatican ; l'ère séculaire pendant laquelle l'Etat et l'Eglise avaient intimement collaboré était close.



(xvi) Le 7 juillet 1909, la Société de Statistique de Paris fête avec un grand faste (et une année d'avance, pour profiter de la tenue à Paris du 4 au 10 juillet 1909 de la douzième session de l'Institut International de Statistique), le 50e anniversaire de sa création.

(xvii) Un décret du 20 janvier 1901, signé d'Emile Loubet, prescrit qu'il sera procédé, le 24 du mois de mars 1901, au dénombrement de la population par les soins des maires. Un décret du 31 décembre 1901 authentifie, à compter du 1er janvier 1902, les résultats du dénombrement pour la France continentale et la Corse. La métropole compte 38 961945 habitants, répartis entre 87 départements, 362 arrondissements, 2 908 cantons et 36 192 communes.



Depuis 1896 le nombre des cantons a augmenté de 9, à la suite de la création :



- des 9e, 10e, 11e et 12e, cantons de Marseille (Bouches du Rhône ; loi du 19 juin 1901) ;

- du canton du Firminy (Loire ; loi du 29 novembre 1901 ;

- des 3e et 4e cantons de Toulon (Var ; loi du 18 juillet 1901) ;

- des cantons Est et Ouest de Limoges (Haute-Vienne ; loi du 3 juillet 191).



En outre, une loi du 12 mai 1898 a transféré à Herimoncourt le chef-lieu du canton de Blamont (Doubs) et une loi du 9 mars 1897 a transféré à Saint-Alban-sur-Limagnolle le chef-lieu de canton de Serverette (Lozère).



Enfin, un décret du 27 juin 1901 modifie le décret du 16 septembre 1871 et stipule que pour la formation de la commission départementale de neuf membres tenant lieu de conseil général du territoire de Belfort, le canton de Belfort élit quatre commissaires et le canton de Delle élit deux commissaires cependant que chacun des trois autres cantons élit un commissaire.



De même, depuis 1896, une commune a été supprimée (Villeponge, Charente-Inférieure) et 23 communes ont été créées (dont Champagne-au-Mont-d'Or, distraite de Saint-Didier [Rhône] par une loi du 30 décembre 1900), la liste détaillée figurant dans le rapport joint au décret d'authentification.



Un décret du 28 décembre 1901 fixe la population de l'Algérie à 4 739 331 habitants, répartis entre les trois départements d'Alger (1 640 985 habitants pour 135 communes), d'Oran (1 107 354 habitants pour 112 communes) et de Constantine (1 990 992 habitants pour 112 communes). La structure administrative de l'Algérie comprend 17 arrondissements formés de 262 communes de plein exercice et 72 communes mixtes, et 3 territoires de commandement (un dans chaque département) formés de 6 communes mixtes et 12 communes indigènes.



Outre le volume du dénombrement de la population de 1901 [31.13] publié comme les précédents par le ministère de l'Intérieur, le service du recensement de la direction du travail (ministère du commerce, de l'industrie, des postes et des télégraphes), dirigé par L. March, publie en 1904 un ouvrage "Résultats statistiques du recensement général de la population effectué le 24 mars 1901" qui comprend un rapport au ministre daté du 10 juin 1904 du comité de contrôle et de publication des résultats du recensement (du Conseil supérieur de statistique) présidé par E. Levasseur, alors administrateur du Collège de France et auteur d'une histoire de la population française [36], qui précise qu'en 1901 pour la première fois le dépouillement de tous les formulaires du recensement a été effectué par un service central, solution préconisée depuis 1880. On trouve à la fin du rapport de la Commission un historique sur "les procédés des précédents recensements (de la métropole)" depuis 1801.

(xviii) Un décret du 1er janvier 1906 signé d'Emile Loubet prescrit qu'il sera procédé, le 4 du mois de mars 1906, au dénombrement de la population par les soins des maires. Un décret du 30 décembre 1906 (signé Fallières) authentifie les résultats du dénombrement de la France continentale et de la Corse à partir du 1er janvier 1907.



La population de la métropole, répartie entre 87 départements, 262 arrondissements, 2 911 cantons et 36 222 communes compte 39 252 245 habitants (dont 1 009 415 étrangers).



Depuis 1901, 3 cantons ont été créés :



- le canton de Roquebillières (Alpes-Maritimes ; loi du 29 janvier 1904) ;

- le canton d'Arcachon (Gironde ; loi du 17 avril 1906) ;

- le canton de Lens (Pas-de-Calais) a été divisé en deux cantons Est et Ouest par une loi du 18 février 1804).



De même, 3 communes ont été supprimées (ainsi Aubigny-Ville et Aubigny-Village ont été réunis en Aubigny-sur-Nère, dans le Cher, par un décret du 23 août 1906), cependant que 33 communes ont été créées (dont le Pavillon-sous-Bois, distraite de Bondy, dans la Seine, par une loi du 3 janvier 1905).



L'urbanisation continue à croître. On compte en 1906 (comme en 1901) quinze villes de plus de 100 000 habitants soit : Paris (2 763 393), Marseille (517 498), Lyon (472 114), Bordeaux (251 947), Lille (205 602), Toulouse (149 438), Saint-Etienne (146 788), Nice (134 232), Nantes (133 247), Le Havre (132 430), Roubaix (121 017), Rouen (118 459), Nancy (110 570), Reims (109 859) et Toulon (103 549). On compte 129 villes de plus de 20 000 âmes.



Un autre décret du 30 décembre 1906 authentifie à partir du 1er janvier 1907 les résultats du dénombrement :



- du territoire du Nord et des territoires du Sud de l'Algérie ;

- des territoires civils et du commandement du territoire du Nord ;

- des divers territoires du Sud ;

- des communes du territoire du Nord et des territoires du Sud ;

- des sections de communes non chefs-lieux, ayant au moins 1 000 habitants de population agglomérée.

La population totale de l'Algérie est de 5 231 850 habitants, dont 4 785 759 pour le territoire du Nord (3 départements comptant d'une part 17 arrondissements formés de 267 communes de plein exercice et 75 communes mixtes et d'autre part 3 territoires de commandement formés de 3 communes mixtes et 5 communes indigènes) et 446 091 pour les territoires du Sud (Ain-Sefra : 97 886 habitants répartis entre 3 communes mixtes et 1 commune indigène ; Ghardaïa : 146 419 habitants répartis entre 2 communes et 3 communes indigènes ; Touggourt : 141 155 habitants dans 2 communes indigènes ; Oasis sahariennes :

60 631 habitants formant 1 commune indigène).



Ainsi, en 1906, le nombre total des communes de l'Algérie atteint 369 : la population municipale d'Alger est de 145 280 habitants, celle d'Oran est de 101 009 habitants et celle de Constantine de 54 247 habitants.



En outre, le vingt-septième volume (1907) de l'annuaire statistique de la France publie un tableau (page 332) de la superficie, population et densité des colonies et protectorats de la France au recensement de 1906 (voir tableau XVII C). La population totale (hors la métropole, mais y compris l'Algérie) recensée est de 46 125 510 habitants pour une superficie de 10 293 844 km2.

L'Afrique représente 29 036 414 habitants pour 9 377 310 km2, répartis selon la nomenclature suivante : Algérie (territoires du Nord et du Sud), Tunisie (protectorat), Sahara, Afrique occidentale française (Sénégal, Mauritanie, Haut-Sénégal et Niger, Territoire militaire du Niger, Guinée française, Côte-d'Ivoire, Dahomey), Congo français (Gabon, Moyen-Congo, Oubangui-Chari, Tchad), Mayotte et Comores, Madagascar et dépendances, Réunion (y compris Saint-Paul et Amsterdam), Côte des Somalis.

L'Asie représente 16 592 786 habitants pour 803 568 km2, répartis selon la nomenclature suivante : Indes françaises, Indochine (Cochinchine, Cambodge [protectorat], Annam [protectorat], Tonkin, Laos, Kouang-Tchéou-Ouan).

L'Océanie représente 86 449 habitants pour 21 718 km2, répartis selon la nomenclature suivante : Nouvelle-Calédonie [Grande Terre], Iles environnantes [Lifou, Maré, Ouvéa], Dépendances (Belep, Pins, Loyalty, Huon, Wallis, Chesterfield), Etablissements de l'Océanie (Tahiti et Moorea, Iles Touamotou, Iles Gambier, Iles Marquises, Sous-le-Vent, Toubouaï, etc.).

L'Amérique représente 409 861 habitants pour 91 248 km2 (dont 88 240 km2 pour la Guyane), répartis selon la nomenclature suivante : Saint-Pierre-et-Miquelon, Guadeloupe et dépendances (Guadeloupe et Grande-Terre, Désirade, Petite-Terre et Saintes, Marie-Galante, Saint-Martin [partie française], Saint-Barthélemy), Martinique, Guyane.





(xix) Un décret du 12 décembre 1910, signé A. Fallières, prescrit qu'il sera procédé, le 5 du mois de mars 1911, au dénombrement de la population par les soins des maires.

Un décret du 30 décembre 1911 authentifie, à partir du 1er janvier 1912, les tableaux annexés relatifs aux départements de la France (moins l'Algérie).



La métropole compte 39 601 509 habitants, répartis entre 87 départements, 362 arrondissements, 2 915 cantons et 36 241 communes.



[Ainsi de 1871 à 1911, à territoire inchangé, le découpage de la France métropolitaine en 87 départements et 362 arrondissements est resté invariable, tandis que le nombre des cantons augmentait de 50 unités et celui des communes de 252 unités].



Le rapport joint au décret précise que depuis 1906 :



- le nombre des cantons a augmenté de 4, à la suite de la division du canton Dijon-Ouest en deux cantons Ouest et Sud de Dijon (Côte d'Or ; loi du 19 juillet 1907), de la création du 7e canton de Nantes (Loire-Inférieure ; loi du 3 avril 1908), de la division du canton de Maubeuge en deux cantons Nord et Sud de Maubeuge (loi du 7 juillet 1910) et de la création du canton de Colombes, formé des communes de Colombes et Bois-Colombes distraites du canton de Courbevoie (Seine ; loi du 3 avril 1908) ;



- le nombre des communes a augmenté de 20 (le nombre des communes au recensement de 1906 étant en fait 36 221, en tenant compte de la fusion créant Aubigny-sur-Nère, et non 36 222 comme le déclare le rapport joint au décret du 30 décembre 1906) du fait de la suppression de 7 communes est de la création de 27 autres (dont La Garenne, distraite de Colombes par une loi du 2 mai 1910 dans la Seine).



La liste des 15 communes de plus de 100 000 habitants est identique à celle de 1906 ; Paris atteint 2 888 110 habitants, Marseille en compte 550 619 et Lyon 523 796, cependant que 134 villes ont plus de 20 000 habitants.



Le rapport indique que le nombre des étrangers est de 1 132 696 en 1911, et rappelle que le recensement de la population étrangère a été officiellement constaté pour la première fois en 1886 (en raison de la loi électorale du 16 juin 1885 d'après laquelle la fixation du nombre des députés de chaque département ne dépend que de la population de nationalité française de ce département) et a subi une diminution importante résultant des effets de la loi du 26 juin 1889 sur la nationalité ("qui a imposé la qualité de Français, sans faculté d'option ou de répudiation, à des catégories d'étrangers qui, autrefois, résidaient en France, parfois depuis plusieurs générations, sans supporter la charge du service militaire").



Un autre décret du 30 décembre 1911 authentifie les résultats du recensement de l'Algérie, qui compte 5 563 828 habitants dont 5 069 522 pour les trois départements (17 arrondissements, trois territoires de commandement, 269 communes de plein exercice, 77 communes mixtes et 4 communes indigènes) du territoire du Nord, et 494 306 pour les quatre territoires du Sud.



En outre, le trente-deuxième volume (1912) de l'annuaire statistique publié par la SGF donne pour 1911 un tableau analogue à celui publié pour 1906 par l'annuaire de 1907. La population totale (y compris l'Algérie et la partie française du Maroc, hors métropole) est évaluée à 54 725 000 habitants (dont 5 000 000 pour le Maroc) pour 10 592 842 km2 (dont 500 000 pour le Maroc).



Outre l'apparition du Maroc et de l'Afrique Equatoriale Française (qui se substitue au Congo français), on note que les îles Saint-Paul et Amsterdam sont détachées de la Réunion et forment, avec les îles Kerguelen, le poste "Iles du Sud" classé en Afrique.



(xx) Un décret du 14 août 1907 rattache le service de la statistique générale de la France (SGF) au ministère du travail, et met le service sous la dépendance de la direction du travail. Puis un décret du 1er novembre 1910 rattache la SGF directement au ministre du travail. Un décret du 17 octobre 1917 crée ensuite le service d'observation des prix (dont les crédits avaient été votés par la loi de finances du 15 juillet 1914), rattaché au directeur de la SGF.



(xxi) A l'occasion de l'exposition universelle et internationale de Gand en 1913, la Statistique Générale de la France publie un ouvrage très intéressant [41], intitulé "Historique et travaux de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle", avec 103 tableaux graphiques relatifs aux travaux les plus récents.



(xxii) L'assassinat par un étudiant serbe le 28 juin 1914 à Sarajevo de l'archiduc héritier d'Autriche (François-Ferdinand) et de sa femme déclenche la première guerre mondiale, par l'engrenage des alliances qui lient d'un côté la Triplice (Allemagne, Autriche-Hongrie, Italie) depuis 1882 (mais l'Italie se déclarera neutre au début du conflit pour se tourner ensuite vers les Alliés) et de l'autre la Triple alliance qui comprend l'alliance franco-russe (1894) et l'Entente cordiale franco-anglaise depuis 1904.

Le 28 juillet l'Autriche déclarait la guerre à la Serbie ; le 3 août (après avoir, la veille, violé la neutralité du Luxembourg et fait quelques incursions en Lorraine) l'Allemagne déclare la guerre à la France. R. Poincaré a été élu Président de la République le 17 janvier 1913 et Joffre est chef d'état-major général de l'armée française depuis 1911.

Les Allemands appliquent le plan Schlieffen, envahissent la Belgique, puis le Nord et l'Est de la France. Le gouvernement français, voyant Paris menacé, se replie à Bordeaux le 3 septembre. Mais la bataille de la Marne (4 au 12 septembre 1914), où Joffre donne l'ordre "de se faire tuer sur place plutôt que de reculer", stoppe (avec l'aide "des taxis de la Marne" de Galliéni) l'avance de l'armée allemande, qui n'a pas réussi à gagner la "guerre-éclair". En France, "l'Union sacrée" est assurée par l'élargissement du ministère Viviani, réalisé le 26 août 1914. Après la "course à la mer" une longue guerre de position ("la guerre d'usure") s'installe sur le front de l'Ouest, symbolisée par Verdun, où les assauts et les massacres se multiplient.

Le 27 décembre 1916, Briand décide de remplacer Joffre par Nivelle, partisan d'une offensive qui produit de très lourdes pertes, provoque son remplacement par Pétain le 15 mai 1917 et engendre des mutineries conduisant à des condamnations à mort dont plusieurs seront exécutées avant que l'apaisement ne l'emporte.

L'entrée en guerre des Etats-Unis contre l'Allemagne (conséquence des torpillages par les sous-marins dans l'Atlantique), proclamée le 2 avril 1917 devant le Congrès par W. Wilson, est l'un des tournants de la Grande Guerre.

Sur le front de l'Est, la révolution russe qui éclate en 1917 renverse l'empereur. La prise de pouvoir des Bolchéviques menés par Lénine en octobre 1917 conduit à la signature, le 15 décembre 1917, de l'armistice de Brest-Litovsk entre les Russes et les Austro-Allemands, puis au traité de paix entre l'Allemagne, l'Autriche et l'Ukraine (nouvel Etat, formé par la suite de la dislocation de l'empire russe) le 9 février 1918 et au traité de Brest-Litovsk du 3 mars 1918 qui met fin à la guerre ente la nouvelle Russie et les Empires centraux.

A l'Ouest, tandis que Poincaré appelle au pouvoir, le 16 novembre 1917, Clémenceau, qui a 76 ans et déclare que le mot "paix" doit être banni, Foch est nommé généralissime unique à partir du 15 avril 1918, en application de l'accord de Doullens du 26 mars, cependant que le nouvel empereur d'Autriche, Charles Ier, qui a succédé à François-Joseph décédé le 22 novembre 1916, cherche à négocier une paix séparée avec les Alliés dès le 31 mars 1918.



Pressée de vaincre avant l'arrivée massive des troupes américaines, et profitant de l'anéantissement du front russe, l'armée allemande, qui parvient à bombarder Paris (la "grosse Bertha", mars 1918), lance plusieurs offensives en France ente le 21 mars et milieu juillet 1918 ("la victoire en 4 mois" de Ludendorff). Les troupes alliées de Joffre passent à leur tour à l'attaque à partir du 18 juillet et obligent leurs adversaires à se replier. Par ailleurs, l'Autriche-Hongrie signe le 3 novembre à Villa Giusti l'armistice qu'elle a sollicité sur le front Ouest, et le 4 novembre elle obtient l'armistice sur le front d'Orient.

L'Allemagne reste alors seule face aux Alliés, mais alors que l'agitation populaire gronde la marine allemande se révolte à Kiel, le 3 novembre 1918.

Le 8 novembre 1918, l'Allemagne demande à Foch, généralissime des forces alliés, un armistice en vue de la conclusion de la paix, cependant que la révolution éclate à Berlin le 9 novembre et proclame la République, tandis que Guillaume II abdique et passe en Hollande le 10 novembre. Un armistice de 36 jours est signé dans un wagon, à Rethondes (dans la forêt de Compiègne), par les plénipotentiaires allemands dirigés par Erzberger, le 11 novembre 1918 à 11 heures.



(xxiii) La première guerre mondiale est alors terminée, par la défaite de l'Allemagne et des Empires centraux. Elle laisse plus de 7 millions de morts, le territoire de l'Europe est dévasté et son économie en ruines. Une épidémie de grippe espagnole, qui intervient au cours du dernier trimestre 1918 cause, dans le monde entier, autant de morts que ceux de la Grande Guerre et aggrave encore la situation.















le code officiel géographique : sommaire

dossier réalisé par Gérard Lang