Les enseignes de Liège en pierre sculptée : historique
Les enseignes de Liège en pierre sculptée




HISTORIQUE



Qu’est-ce qu’une enseigne ? Une marque, un signe qui sert à distinguer une maison de commerce, celle d’un artisan (vient du latin « insignia » : chose remarquable, signe distinctif). Elle peut être aussi l’emblème d’un métier. Depuis l’antiquité, nous connaissons les enseignes. Les personnes qui ont visité Pompéi se souviennent certainement des enseignes peintes sur les murs de certaines boutiques ou des lupanars… L’enseigne a donc une fonction publicitaire ou de renseignement ; elle s’adresse à une population souvent illettrée. Les sujets des enseignes sont descriptifs, symboliques et ils apparaissent sous une forme d’imagerie populaire naïve et parfois très artistique.


La grande époque des enseignes a été le Moyen-âge. Les enseignes étaient soit sculptées dans le bois ou la pierre, soit peintes sur panneau et suspendues à une potence en fer forgé. Elles étaient exécutées d’une manière artistique, car les corporations de métiers surveillaient les travaux de leurs membres. On peut encore voir des enseignes de ce genre dans les vieux villages alsaciens ou les petites villes allemandes et anglaises.


À Liège, la destruction systématique de la ville organisée en 1468 par Charles le Téméraire n’épargna aucune des maisons gothiques généralement construites en bois. La ville se releva lentement de ses ruines. Sous l’impulsion d’Erard de la Marck, au début du 16e siècle, une période de renaissance commence et de beaux immeubles s’élèvent dans la ville. L’agriculture, le commerce, l’artisanat et l’industrie se développent et au 17e siècle, les marchands et les banquiers s’enrichissent.
Les arts sont influencés par les modes italiennes et le mouvement baroque.
En ce qui concerne les enseignes liégeoises, un mandement du prince–évêque Maximilien-Henri de Bavière daté du 17 juillet 1657 ordonne que « dans le terme d’un mois, toutes les enseignes des maisons, au lieu d’être suspendues, fussent retirées et appliquées contre les muraille ». Par ailleurs, « les maisons seront construites en pierre de taille et en briques pour éviter les incendies ». On peut supposer que les enseignes en saillie entravaient la circulation dans les rues étroites. Les enseignes en pierre sculptée vont faire leur apparition. D’autres villes que Liège, comme Maestricht, montrent encore beaucoup d’enseignes de cette époque, en relief assez accentué.
Hélas, pour Liège, un nouveau désastre va anéantir beaucoup de maisons du centre et d’Outre-Meuse. Le maréchal français Boufflers bombarde la ville en 1691, parce que Louis XIV veut punir le prince–évêque d’avoir adhéré à la Paix d’Augsbourg.


La reconstruction est rapide. On peut voir des enseignes datées de 1692. Dès ce moment, elles vont faire partie intégrante de la façade. Les bas-reliefs sont finement sculptés, souvent situés sous la fenêtre du premier étage. Ils sont peints en rouge, bleu, vert, blanc ou or, qui est le summum de la richesse. Quelques enseignes conservent encore des traces de polychromie. Le sujet traité se trouve parfois sur un cartouche (rectangle de pierre), encadré d’ornements, de rinceaux, de feuillages et surmontant un phylactère (banderole à inscription, souvent datée), se terminant par des glands de passementerie (on dirait « floches », en Belgique) Les sujets représentés sont descriptifs, symboliques, humoristiques parfois, comme




1. « 17-A LA FOLIE ORIGINELLE-06 » REPARE LAN 1716. rue Hocheporte, 33





Le meunier croit soulager sa monture en portant son sac de farine sur l’épaule…


Ce sont les 17e et 18e siècles qui ont vu fleurir à Liège les plus belles enseignes en pierre, surtout le 18e. De grands artistes y ont sans doute travaillé.
Au siècle suivant, pendant les régimes français et hollandais, il y a une certaine indigence artistique due aux événements qui troublèrent la paix. Aux gracieux bas-reliefs succèdent de banales enseignes peintes appliquées au-dessus des portes ou suspendues aux façades. Vers le milieu du siècle, des statues en terre cuite ornent de nouveaux établissements commerciaux, puis apparaissent des sujets en zinc doré ou peint.
À la fin du siècle, les illettrés deviennent plus rares et on remplace les sujets figuratifs par des inscriptions sur les vitrines ou sur des panneaux de bois. Un autre genre d’enseignes allait connaître une grande vogue : des lettres en cuivre émaillé, collées sur une vitre teintée, encadrée de bois et suspendue à une barre de fer.
En 1922, un règlement communal supprime les enseignes placées trop bas ou trop saillantes.
Actuellement, le triomphe des enseignes lumineuses surcharge les plus belles façades. Les enseignes de tous genres se côtoient, et l’effet n’en est pas toujours très heureux.


En ce qui nous concerne, nous nous limiterons aux enseignes en pierre des 17e et 18e siècles. Elles ont eu une influence sur les noms de rues, dont certaines ont pris le nom de l’enseigne située à un coin (rue du Pot d’or, rue du Mouton blanc, rue Bonne fortune, rue de l’Epée, rue de la Casquette etc.) (ex. :Statue de la Vierge au coin d’une rue à Aix-la-Chapelle). Elles ont aussi donné leur nom à des familles : on trouve un Jehan du Château, à l’enseigne du « Château de Bouillon » en 1655, un Beaudouin du Marteau au « Marteau d’or », un Lacroix à la « Croix d’or » et ainsi de suite.


Je vous propose maintenant une promenade à travers les rues de Liège, où nous pourrons
admirer ensemble la plus grande partie des enseignes qui ont réussi à traverser le temps, alors que
des centaines d’autres ont disparu. Je vous signalerai les enseignes réutilisées ou transférées sur
d’autres façades




2. POT D’OR rue du Pot d’or, 11 :





enseigne intégrée dans la façade d’une maison remplaçant celle du bourgmestre Sébastien Laruelle.





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