Etudes de grammaire française
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La construction : N0 V à N1
Constructions verbales et pronominalisation





1. La construction « N0 V à N1 »





Plan du chapitre



1.1. N1 est non-humain : il se pronominalise en “y”.

1.1.1. Le groupe “à N1” est un simple complément circonstanciel.

1.1.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe de résidence ou de déplacement.

1.1.3. Le groupe “à N1” est le complément essentiel de V.

1.2. N1 est humain

1.2.1. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe n’admettant qu’un seul complément.

1.2.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe admettant implicitement un deuxième complément.

1.3. Questions connexes

1.3.1. À propos de la construction “N0 V à Vinf.

1.3.2. À propos du pronom-adverbe “y”.

1.3.3. À propos du pronom personnel “LUI”.





1.1. N1 est non-humain : il se pronominalise en “y”.



Nous pouvons, pour toute cette partie, énoncer la règle générale suivante :



Règle : N0 V à N1  N1, N0 y V



Les sous-parties ci-dessous permettent de décliner cette règle générale en fonction du statut du groupe “à N1” dans la phrase. On voit que le pronom-adverbe “y” se place juste avant le verbe. Ce “y”, l’un des plus petits mots de la langue française, est parfois aussi appelé “particule préverbale” justement à cause de cette place dans la phrase.



1.1.1. Le groupe “à N1” est un simple complément circonstanciel.


Le schéma de la phrase est, dans ce cas-là et plus précisément, « N0 V (x) à N1 ». Les mots occupant éventuellement la place de X, à savoir celle des compléments d’objet direct ou indirect, ne jouent aucun rôle. Le groupe “à N1” n’étant ici qu’un simple complément circonstanciel de lieu – le lieu où se trouve N0, ou bien, si l’on préfère, celui où se déroule l’action exprimée par V –, il est probable que tous les verbes du lexique peuvent occuper la place de V.



Règle : N0 V x à Nlieu1  Nlieu1, N0 y V X



Max a une maison aux Baléares. Les Baléares, Max y a une maison.

Luc a passé ses vacances en Italie. L’Italie, Luc y a passé ses vacances.



Notes :

1. Rappelons en effet que la préposition en s’impose comme variante de à avec les noms de lieux féminins qui ne comportent pas d’article dans leurs composants (par ex. enFrance, enEspagne, mais àLa Martinique), mais cela est sans incidence sur la pronominalisation, qui se fait par y dans tous les cas.

2. Comme on le verra au chapitre 3, le groupe “dans N1” peut aussi donner lieu à une pronominalisation par y : Obélix est tombé dans la marmite. Obélix est tombé dedans ou Obélix y est tombé. Fam. Obélix y est tombé dedans. Idem pour d’autres prépositions : Mon sac est sur le siège arrière? – Non, il n’y est pas. Etc.

3. Avec le verbe “passer ses vacances à Nlieu” de notre deuxième exemple, on est ici un peu embarrassé pour dire si “à Nlieu” est un complément circonstanciel ou essentiel. Il est effectivement difficile de trouver des énoncés simples du genre “Luc a passé ses vacances, son temps,le mois de mars, une durée quelconque” sans préciser où. D’où l’on peut conclure que nous avons bel et bien affaire ici à un verbe à deux compléments obligatoires. (cf. 5.1.2.)

4. Au risque de choquer nos collègues linguistes, nous avons préféré, dans cette sous-partie, adopter la formule “N0 V X à N1” plutôt que celle, théoriquement plus juste, de “N0 V N1 à N2”. Nous l’avons fait pour ne pas apporter de complication supplémentaire à un exposé qui se veut avant tout pédagogique, et qui, tel quel, en comporte déjà suffisamment



1.1.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe de résidence ou de déplacement.



Le groupe « à N1 » peut indiquer aussi bien le « lieu où l’on est, où l’on réside » (comme in ou at en anglais) que le « lieu où l’on va » (comme to en anglais). Comme on vient de le voir, ce complément, appelé “circonstanciel” dans les grammaires traditionnelles, l’est effectivement pour la plupart des verbes, mais il est bel et bien “essentiel” – car ils auraient du mal à s’en passer – avec ceux du type habiter à, vivre à, s’installer à, demeurer à, se trouver à, ... (lieu où l’on est) et aller à, arriver à, se rendre à, (re)venir à, retourner à, ... (lieu où l’on va).



Règle : N0 V à Nlieu1  Nlieu1, N0 y V.



Max réside aux Baléares. Les Baléares, Max y réside.

Luc est allé en Italie l’an dernier. L’Italie, Luc y est allé l’an dernier.



Notes :

1. Aux formes du futur et du conditionnel du verbe aller, « y » est effacé : la forme théorique *J’y irai(s), etc.devient J’irai(s), etc. Pour plus de clarté, il vaudra mieux alors utiliser un synonyme du verbe aller : Max ira bientôt en Italie. L’Italie, Max s’y rendra bientôt.

2. Remarque sur le verbe arriver : si l’on excepte les verbes aller et venir dont on connaît le rôle d’auxiliaires grammaticaux dans le système des temps verbaux (Max va partir, Max vient de partir) et dont les infinitifs qui les suivent ne peuvent pas être pronominalisés, le verbe arriverà présente dans ce groupe la particularité de se construire aussi avec un infinitif dont la pronominalisation se fait également par y : Max est arrivé à résoudre le problème. Max y est arrivé.

Nous trouverons ci-après plusieurs verbes ayant la même propriété syntaxique.



1.1.3. Le groupe “à N1” est le complément essentiel de V.



C’est le cas de

– verbes simples comme croire à,jouer à, consentir à, penser à, rêver à, songer à, tenir à, renoncer à, ...

– verbes pronominaux comme s’associer à, s’attendre à, s’engager à, s’essayer à, s’intéresser à, s’opposer à, se (re)mettre à, se donner à, se faire à, se refuser à, se rendre à, ...

– de verbes composés comme prendre plaisir à, voir un inconvénient à, faire attention à, ...



Règle : N0 V à N-h1 N-h1, N0 y V.



Max ne croit pas à la chance. La chance, Max n’y croit pas.

Luc joue aux cartes mais Max n’y joue pas.

Max pense à son travail. Son travail, Max y pense.

Max a renoncé à son voyage. Son voyage, Max y a renoncé.

Max s’est opposé au projet. Le projet, Max s’y est opposé.

Max s’intéresse à la philatélie. La philatélie, Max s’y intéresse.



Pour certains verbes, N1 peut aussi être un infinitif ou une complétive :



Max prend plaisir à regarder les étoiles ? – Oui, il y prend plaisir.

Vous croyez vraiment à ce que vous venez de dire ? – Oui, j’y crois.

Vous tenez vraiment à la voir ? – Oui, j’y tiens.

Vous vous attendiez à ce que je me taise ? – Oui, je m’y attendais.

Tu t’engages à faire ce que je te demande ? – Oui, je m’y engage.



Notes :

1. La construction “N0 V à Vinf” n’est pas propre aux verbes ayant la construction “N0 V à N1”, comme on le verra ci-après en 1.3.1. et au chapitre 4.

2. Le verbe penser, selon son sens, peut se construire en “penser Vinf” ou “penserà Vinf” :

Max pense partir bientôt (= il en a l’intention.) Pronominalisation impossible. (Voir aussi 1.3.1., note 1).

Max, tu as pensé à écrire à Luc ? (= tu n’as pas oublié ?) Pronominalisation normale : Max y a pensé.

3. Les verbes composés en “en”, comme en appeler à, en arriver à, en venir à, s’en prendre à, s’en remettre à, n’autorisent pas l’emploi de “y” pour la pronominalisation de leur objet non-humain. Nous ne donnerons pas ici de règle car la substitution du seul « N1 » après l’extraction – “à” étant alors conservé ­– peut se faire de diverses façons :

Max s’en est pris à la bêtise. La bêtise, voilà à quoi Max s’en est pris.

Ou : La bêtise, c’est à ça que Max s’en est pris.

Ou encore, mais plus rarement : La bêtise, Max s’en est pris à ça.





1.2. N1 est humain



1.2.1. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe n’admettant qu’un seul complément.



C’est le cas de

– verbes simples comme penser à, rêver à, songer à, tenir à, renoncer à, ...

– verbes pronominaux comme s’associer à, s’intéresser à, s’opposer à, se donner à, se faire à, se refuser à, se rendre à, se joindre à, ...

–verbes composés comme faire attention à, en appeler à, s’en prendre à, s’en remettre à, ...



Règle : N0 V à Nh1 Nh1, N0 V à LUI-pp.



LUI-pp = lui, elle, eux, elles. Rappelons que “LUI-pp” signifie que ces quatre pronoms sont postposés, c-à-d. placés après le verbe et ici précédés de la préposition “à”.



Max pense à Léa. Léa, Max pense à elle.

Léa tient à Luc. Luc, Léa tient à lui.

Max s’est joint à ses amis. Ses amis, Max s’est joint à eux.

Luc s’intéresse à Léa. Léa, Luc s’intéresse à elle.

Max s’en est pris à Luc. Luc, Max s’en est pris à lui.



1.2.2. Le groupe “à N1” est le complément essentiel d’un verbe admettant implicitement un deuxième complément.



Parmi ces verbes, nous avons

– des verbes simples : parler à, écrire à, répondre à, téléphoner à, ... où sont sous-entendues les choses dites ou écrites – on parle toujours à qqn de qqch et on écrit toujours qqch à qqn, même si on ne dit pas quel est ce qqch –, mais aussi manquer à, succéder à, où le deuxième complément n’est pas aussi évident.

– des verbes composés comme faire confiance à, donner raison à, ... où l’on voit que les noms confiance et raison fonctionnent en fait comme deuxième complément, ce qui n’est pas le cas pour attention dans faire attention à, vu ci-dessus en 1.2.1.



Règle : N0 V à Nh1 –> Nh1, N0 LUI-ap V.



LUI-ap = lui, leur. Rappelons que “LUI-ap” signifie que ces deux pronoms sont antéposés, c-à-d. placés avant le verbe et sans la préposition à. Rappelons aussi que lui et leur valent pour le féminin aussi bien que pour le masculin. (Voir ci-dessous 1.3.3.)



Max parle à Léa. Léa, Max lui parle.

Max fait confiance à Luc. Luc, Max lui fait confiance.



On verra au chapitre 5, qu’avec les verbes qui admettent un deuxième complément, le pronom LUI-ap, ainsi antéposé et sans préposition, permet facilement une deuxième pronominalisation : Max parle à Léa de son travail. Max lui en parle. Max parle à Luc de Léa. Max lui parle d’elle.





1.3. Questions connexes



1.3.1. À propos de la construction “N0 V à Vinf.



Nous avons vu en 1.1.3. un certain nombre de verbes pour lesquels, dans cette construction, Vinf se comporte comme un non-humain et où le groupe “à Vinf” est pronominalisé par un “y”. Ce n’est pas une règle générale. Nous donnons dans le tableau ci-après un certain nombre d’autres verbes pour lesquels les choses se passent différemment. Pour information, nous avons également indiqué si ces verbes admettent des complétives (que P(subj)) et/ou des interrogatives (Inter P) :



V

N1

àVinf

que P(subj)

Inter P

demander

+

+

+

+

chercher

+

+


+

commencer

+

+



continuer

+

+



apprendre

+

+

+

+



Max a-t-il demandé à voir un médecin ? – Oui, il a demandé.

Max a-t-il cherché à comprendre ? – Oui, il a cherché.

Max a-t-il commencé à écrire un roman ? – Oui, il a commencé.

Max a-t-il continué à / de manger ? – Oui, il a continué.

Max a-t-il appris à nager ? – Oui, il a appris.



On remarquera tout d’abord, en observant le tableau, que ces cinq verbes ne relèvent pas de la construction “N0 V à N1”, traitée prioritairement dans ce chapitre, mais de la construction “N0 V N1” (ch. 4) où nous les retrouverons donc pour en parler plus en détail. On remarquera ensuite, en observant les exemples, qu’on peut parler pour ces verbes d’une pronominalisation “zéro”, laquelle est sans doute facilitée par la possibilité qu’ils offrent d’être employés intransitivement, ou avec un complément implicite. Dans certains cas – mais pas dans tous – on rencontrera une autre forme de pronominalisation par “le faire” :



Max a-t-il appris à bien se tenir ? – Oui, il a appris à le faire.



Notes :

1. Nous distinguons la pronominalisation “zéro” de la pronominalisation impossible par le fait que, dans le premier cas, l’extraction est possible, alors qu’elle est impossible dans le deuxième. Il est par exemple impossible de dire *Partir, Max pense.

2. Continuer : on dit aussi bien, et sans changement de sens, continuerà Vinf – le plus fréquent des deux – que continuerde Vinf. On a dans les deux cas une pronominalisation “zéro”.

3. Par ailleurs et plus généralement, il peut sembler étrange que des verbes se construisant directement avec un nom aient besoin d’intercaler une préposition devant l’infinitif qui les suit. (C’est aussi ce que fait l’anglais avec “to”.) Ce qu’il faut se demander, c’est pourquoi on a “à” dans certains cas, “de” dans d’autres, et rien ailleurs. Il semble bien que l’explication soit purement et simplement historique, les trois possibilités étant apparues dans l’ordre “rien-à-de” au cours des siècles depuis le latin jusqu’au français moderne, lequel conserve toutes les traces de cette évolution. D’où encore un certain flottement pour quelques verbes, comme aimer Vinf et aimer à Vinf (littér.), continuer à Vinf et continuer de Vinf, etc. De toutes façons, dans la plupart des cas, à et de sont alors, comme leur équivalent anglais, purement explétifs.



1.3.2. À propos du pronom-adverbe “y”.



Il serait sans doute possible de rattacher une par une les lexies ci-après à l’un ou l’autre des groupes de verbes que nous avons constitués dans les paragraphes qui précèdent, par exemple de citer Allez-y ! Allons-y ! Vas-y ! là où nous avons parlé des verbes de déplacement (1.1.2.) et en particulier du verbe aller. Mais ces considérations diachroniques auraient alourdi un exposé dont la seule ambition est de faciliter l’accès à une question déjà suffisamment complexe. On se contentera donc de dire, ici comme ailleurs, que ces verbes et locutions sont des figements comportant le pronom-adverbe “y” parmi leurs composants. Ces lexies qui ne relèvent plus de la grammaire mais du lexique, figurent généralement dans les dictionnaires monolingues ou bilingues à l’article “y” ou à celui de leur composant principal, généralement le verbe.



AVOIR : Il y a ...

ÊTRE : Ça y est ! J’y suis !

Max n’y est pour rien (dans cette affaire, dans cette histoire, etc.)

... pendant que tu y es ! (Fam. ... pendant que t’y es !)

ALLER : Allez-y ! Allons-y ! Vas-y ! Comme tu y vas !

Il y va de ma vie. /de mon honneur. / de votre santé. etc.

Max n’y va pas de main morte. / avec le dos de la cuiller. / par quatre chemins.

Autres verbes : Max y regarde à deux fois avant de Vinf

Max y voit clair.

Max s’y connaît / s’y entend (en peinture, en musique, etc.)

Max s’y prend bien / mal (pour Vinf)

On ne m’y reprendra pas / plus !

Rien n’y fait

Si tu t’y mets aussi ... !



1.3.3. À propos du pronom personnel “LUI”.



Pour ne pas alourdir cet exposé, nous n’avons parlé ci-dessus que des pronoms personnels de la troisième personne en fonction “objet indirect” avec ou sans la préposition “à”, à savoir,

LUI-pp (postposé avec préposition) = lui, elle, eux, elles, et

LUI-ap (antéposé sans préposition) = lui, leur.

Mais le lecteur appréciera peut-être de voir réunis ici dans un même tableau, et sans autre commentaire, tous les pronoms personnels ayant cette fonction :




antéposé

postposé


antéposé

postposé

Singulier



Pluriel



1ère personne

me

à moi

1ère personne

nous

à nous

2e personne

te

à toi

2e personne

vous

à vous

3e p. masculin

lui

à lui

3e p. masculin

leur

à eux

3e p. féminin

lui

à elle

3e p. féminin

leur

à elles











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