Etudes de grammaire française
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La construction : N0 V de N1
Constructions verbales et pronominalisation





2. La construction « N0 V de N1 »





Plan du chapitre



Notes préliminaires

2.1. Le groupe “de N1” est un complément circonstanciel de lieu

2.2. Le groupe “de N1” est un complément “circonstanciel” ... essentiel

2.3. Le groupe “de N1” est un complément essentiel

2.3.1. N1 = N-h (ou Nh général ou indéfini)

2.3.2. N1 = Nh défini

2.4. Questions connexes

2.4.1. À propos de la construction “N0 V de Vinf

2.4.2. À propos du pronom-adverbe “en

2.4.3. À propos du pronom personnel “LUI”





Notes préliminaires :



1. Pour la clarté de l’exposé, pour éviter des renvois fastidieux, et pour quiconque lirait ce chapitre avant d’avoir lu le précédent, nous avons repris textuellement les notes portant aussi bien sur cette construction que sur la construction “N0 V à N1”. On voudra bien nous excuser de ces redites qui n’ont donc d’autre vertu que celle – pédagogique – de la répétition.



2. Nous pouvons, pour presque tout ce chapitre, énoncer la règle suivante : N0 V de N1 –> N1, N0 en V.

Les parties ci-dessous permettent de décliner cette règle générale en fonction du statut du groupe “de N1” dans la phrase. On voit que le pronom-adverbe “en” se place, tout comme “y” vu au chapitre précédent, juste avant le verbe.





2.1.Le groupe de “N1” est un complément circonstanciel de lieu.



N1 est un nom de lieu, et V un verbe transitif direct du type extraire qqch de N1.

Le schéma de la phrase est alors plutôt « N0 V X de N1 », où N1 indique toujours une provenance, et où la place de X est occupée par le complément d’objet direct de V. Le groupe “de N1” est donc un complément circonstanciel de lieu. Citons quelques verbes de ce type : rapporter X de, ramener X de, sortir X de, tirer X de, extraire X de, éloigner X de, ...



Règle : N0 V X de Nlieu1  Nlieu1, N0 en V X.



J’ai rapporté une statuette du Mexique. Le Mexique, j’en ai rapporté une statuette.


Note :

Au risque de choquer nos collègues linguistes, nous avons préféré, dans cette partie, adopter la formule “N0 V X de N1” plutôt que celle, théoriquement plus juste, de “N0 V N1 de N2”. Nous l’avons fait pour ne pas apporter de complication supplémentaire à un exposé qui se veut avant tout pédagogique, et qui, tel quel, en comporte déjà suffisamment





2.2. Le groupe de “N1” est un complément “circonstanciel” ... essentiel.



S’il était normal d’appeler le groupe “de N1” “complément “circonstanciel” dans le paragraphe 2.1., comme le font les grammaires traditionnelles, il l’est déjà beaucoup moins pour des verbes comme descendre de, partir de, (re)venir de, sortir de, s’éloigner de, ... verbes pour lesquels il vaudrait mieux parler de complément “essentiel”, comme en 2.3., car il leur est souvent difficile de s’en passer. En tout cas, ici, un “de N1” est toujours au moins implicite. La nature de N1, nom de lieu comme en 2.1., nous incite à placer ce groupe de verbes à mi-chemin entre le groupe précédent et le suivant, et à ne le fondre ni dans l’un ni dans l’autre.



Règle : N0 V de Nlieu1  Nlieu1, N0 en V.



Max vient des Baléares. Les Baléares, Max en vient.



Notes :

1. Remarque portant sur 2.1. et 2.2. : un cas particulier – et linguistiquement intéressant, car il prouve combien la syntaxe l’emporte souvent sur le sens – est celui des verbes (r)approcher de et se (r)approcher de. Ils relèvent sémantiquement des verbes du type aller à, mais syntaxiquement ils se comportent bien comme ceux du type venir de : Bientôt les vacances, chaque jour nous en rapproche.

2. Un autre cas intéressant est celui du verbe arriver. On peut non seulement dire N0 arrive à N1, comme nous l’avons vu, mais aussi – et avec un sens évidemment différent ­– N0 arrive de N1. La préposition “de” de cette dernière construction se retrouve d’ailleurs dans le “en” figé du verbe composé en arriver à. Il est bien possible que ce phénomène rende difficiles ou peu usuelles des phrases du genre ? Les Baléares, Max en arrive. On remarquera aussi que lorsque N1 est un infinitif, c’est la construction avec à qui est sélectionnée : Max est arrivé à résoudre le problème. Max y est arrivé.

(On verra plus loin (ch. 6) le cas de la forme impersonnelle : il arrive que Psubj.)





2.3. Le groupe de “N1” est un complément essentiel.



2.3.1. N1 = N-h1 (ou Nh général ou indéfini)



Citons quelques verbes se construisant avec ce « N-h1 » :

– des verbes simples : changer de, jouer de, manquer de, mourir de, parler de, rêver de (voir note 2), rire de, souffrir de, vivre de, ...

– des verbes pronominaux : s’apercevoir de, s’assurer de, s’emparer de, s’occuper de, se garder de, se jouer de, se moquer de, se passer de, se remettre de, se servir de, se souvenir de ...

– et aussi des verbes composés : tenir compte de, se rendre compte de, ... parmi lesquels ceux, assez nombreux, du type « être Adjectif de » : être heureux / content / satisfait de, être capable / incapable de, être digne / indigne de, être fou de, ...



Règle : N0 V de N-h1 N-h1, N0 en V.



J’ai parlé du climat. Le climat, j’en ai parlé.

Je me passe de vos conseils. Vos conseils, je m’en passe.

Léa se moque des garçons (en général). Les garçons, Léa s’en moque.



Pour plusieurs de ces verbes, comme on le voit dans le tableau ci-après, N1 peut être un infinitif ou une complétive, voire même, pour se souvenir, une interrogative indirecte, et ce en conservant la même forme de pronominalisation :




de N

de Vinf

que P

Inter P

se souvenir

+

+

+

+

s’assurer

+

+

+


s’occuper

+

+



se garder

+

+



se passer

+

+



s’apercevoir

+


+




En guise d’exemples, les « microdialogues » ci-après sembleront probablement plus naturels que l’extraction :



Tu t’occupes de préparer la réunion ? – Je m’en occupe.

Je m’aperçois que les choses ont bien changé. – Je m’en aperçois aussi.

Tu te souviens où tu as mis l’argent ? – Non, je ne m’en souviens pas.



Notes :

1. Les verbes se retenir de Vinf, ne pas pouvoir s’empêcher de Vinf,se donner la peine de Vinf, ne se construisent qu’avec un infinitif ; ils ignorent donc la construction “N0 V de N1”, mais la pronominalisation de leur complément est régulière :

Max s’est donné la peine d’aider Luc. Aider Luc, Max s’en est donné la peine.

J’ai dit tout ce que j’avais sur le cœur, je n’ai pas pu m’en empêcher. (en = de dire ...).

2. À propos du verbe rêver, on notera les couples sémantiquement et syntaxiquement différenciés “N0 arêvé à N1 / N0 arêvé que P” d’une part (ch. 1) et “N0 rêve de N1 / N0 rêve de Vinf” d’autre part (ch. 2).



2.3.2. N1 = Nh1 défini



Citons quelques verbes se construisant avec ce « Nh1 » :

– des verbes simples : parler de, rire de, ... (Pour rêver de, voir note 3)

– des verbes pronominaux : s’emparer de, s’occuper de, se jouer de, se moquer de, se passer de, se servir de, se souvenir de, ...

– et aussi des verbes composés : tenir compte de, ... et ceux, assez nombreux, du type « être Adj de » : être content / satisfait de, être digne / indigne de, être fou de, ...



Règle : N0 V de Nh1 Nh1, N0 V de LUI-pp.



Max se passe de Luc / de Léa. Luc, Max se passe de lui / d’elle.

Léa se moque des garçons. (Pierre, Paul, ...). Les garçons, Léa se moque d’eux.



Notes :

1. En expression, il vaut mieux respecter cette “règle”, mais en compréhension il ne faudra pas s’étonner de lire ou d’entendre, de la part de francophones même cultivés, des contre-exemples du genre “Ce type-là, je m’en occupe. ou Max, je m’en moque.” Il est d’ailleurs possible d’expliquer cet usage de “en” en parlant d’un humain par l’objectivisation plus ou moins consciente de ce dernier dans l’esprit du locuteur.

2. LUI-ap, qui contient la préposition à et nulle autre, n’a évidemment rien à faire dans ce chapitre.

3. Pour revenir ici au verbe rêver, il semble bien qu’il y ait chez certains francophones quelque affectation à dire, par exemple, “J’ai rêvé de toi la nuit dernière” au lieu de “J’ai rêvé à toi.”





2.4. Questions connexes



2.4.1.À propos de la construction “N0 V de Vinf.



Nous avons vu ci-dessus un certain nombre de verbes pour lesquels, dans cette construction, “de Vinf” se comporte comme “de N-h” (2.3.1.) et est donc pronominalisé par “en”. Ce n’est pas une règle générale. Nous donnons ci-après un certain nombre d’autres verbes également construits avec “de Vinf” mais pour lesquels les choses se passent différemment. Pour information, nous avons également indiqué si ces verbes admettent des complétives.





VERBE

N1

deVinf

que P

oublier

+

+

+

attendre

+

+

+subj

refuser

+

+

+subj

arrêter

+

+


continuer

+

+


essayer

+

+


finir

+

+


se permettre

+

+






On remarquera tout d’abord que ces verbes ne relèvent pas de la construction “N0 V de N1”, prioritairement traitée dans ce chapitre, mais de la construction “N0 V N1” (ch. 4) où nous les retrouverons donc pour en parler plus en détail. Pour la majorité d’entre eux, on peut parler d’une pronominalisation “zéro”, sans pronom ni préposition, sans doute facilitée par la possibilité qu’ils offrent d’être employés intransitivement, ou avec un complément d’objet implicite.



Max a-t-il oublié de fermer la fenêtre ? – Oui, il a oublié.



Il semble bien que le verbe se permettre soit le seul de cette petite liste à déclencher une pronominalisation en “le” de son objet, notamment dans la réponse assez figée “(Faire telle ou telle chose), je ne me le permettrais pas”.



On rencontrera également des pronominalisations par “le faire” :



Max a-t-il oublié de fermer la fenêtre ? – Oui, il a oublié de le faire.



Notes :

1. Continuer : on dit aussi bien continuerà Vinf que continuerde Vinf. Dans tous les cas, la pronominalisation est “zéro”.

2. Il peut sembler étrange que des verbes se construisant par ailleurs directement avec un nom aient besoin d’intercaler une préposition devant l’infinitif qui les suit. C’est ce que fait pourtant l’anglais avec “to”. Ce qu’il faudra se demander, c’est pourquoi on a en français à dans certains cas, de dans d’autres, et parfois rien. Il semble bien que l’explication soit simplement historique, les trois possibilités étant apparues dans l’ordre “rien-à-de” au cours des siècles depuis le latin jusqu’au français moderne, lequel conserve toutes les traces de cette évolution. D’où encore un certain flottement pour quelques verbes, comme aimer Vinf et aimer à Vinf, continuer à Vinf et continuer de Vinf, etc. Dans la plupart des cas, ce à et ce de sont aussi explétifs que l’est leur équivalent anglais, notamment lorsque, comme ici en 2.4.1., les verbes se construisent parallèlement avec un complément d’objet direct nominal.

3. Le verbe pronominal s’arrêter ignore la construction “N0 V N1” mais pour le reste, il se comporte comme le verbe simple arrêter.



2.4.2. À propos du pronom-adverbe “en”.



Il serait possible de rattacher chacune des lexies qui suivent à l’une ou l’autre des constructions ci-dessus, par exemple de citer “Nh ne s’en sort pas” là où nous avons parlé des compléments “circonstanciels” de lieu de certains verbes (2.2.). Mais ces considérations diachroniques seraient déplacées dans un exposé dont la seule ambition est de faciliter l’accès à une question déjà suffisamment complexe telle quelle. On se contentera donc de dire, ici comme ailleurs, que les verbes et locutions ci-dessous sont des figements comportant le pronom-adverbe “en” parmi leurs composants. Ces lexies, qui ne relèvent plus de la grammaire, figurent généralement dans les dictionnaires monolingues ou bilingues à l’article “en, pronom ou adverbe, pronom adverbial” (à ne pas confondre avec la préposition en), ou à celui de leur composant principal, généralement le verbe.



FAIRE :

C'en est fait (de notre projet).

Max en fait trop.

Max ne s’en fait pas.

Max en fait voir (de toutes les couleurs) à Luc.

ALLER :

Max s’en va.

Il en va de même pour Max et Luc.

Divers :

Je m’en tiens là.

Max en impose à Luc.

Max en veut à Luc.

Max n’en peut plus.

Max ne s’en sort pas.

Max s’en prend à Luc.

Max s’en remet à Luc.



Note :

Il est temps de signaler que pour le couple en / y nous devons l’appellation de “pronom-adverbe” à Georges Gougenheim, Système grammatical de la langue française, Éditions d’Artrey, Paris, 1963, p. 73, et celle de “particule préverbale” à Maurice Gross, Grammaire transformationnelle du français, 1 – Syntaxe du verbe, Cantilène, Paris, 1986, p. 22.



2.4.3. À propos du pronom personnel “LUI”.



Pour ne pas alourdir cet exposé, nous n’avons parlé en 2.3.2. que des pronoms personnels de la troisième personne en fonction “objet indirect” avec la préposition “de”, à savoir LUI-pp (postposé avec préposition) = lui, elle, eux, elles.

Mais le lecteur appréciera peut-être de voir réunis ici dans un même tableau, et sans autre commentaire, tous les pronoms personnels ayant cette fonction :





Singulier


Pluriel


1ère personne

de moi

1ère personne

de nous

2ème personne

de toi

2ème personne

de vous

3e p. masculin

de lui

3e p. masculin

d’eux

3e p. féminin

d’elle

3e p. féminin

d’elles











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