Etudes de grammaire française
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La construction : N0 V Prep N1
Constructions verbales et pronominalisation





3. La construction « N0 V Prep N1 »





Plan du chapitre



3.1. Préambule sur les prépositions

3.1.1. Les trois “Prep” que la pronominalisation transforme.

3.1.2. Les “Prep” que la pronominalisation ne transforme pas.

3.1.3. Les “Prep” qui ne sont ni transformables ni détachables de N1.

3.2. “Prep N1” est un complément circonstanciel.

3.3. “Prep N1” est un complément essentiel.

3.3.1. N1 est non-humain (N-h1)

3.3.2. N1 est humain (Nh1)





3.1. Préambule sur les prépositions



Après avoir examiné

– dans le chapitre 1, le cas des N1 précédés de la préposition à et constaté que la pronominalisation de “à N-h1” se faisait à l’aide d’un y placé avant le verbe,

– dans le chapitre 2, le cas des N1 précédés de la préposition de et constaté que la pronominalisation de “de N-h1” se faisait à l’aide d’un en placé avant le verbe,

n’oublions pas qu’il existe au sein du lexique français, outre à et de, bien d’autres prépositions – que nous appellerons collectivement Prep –, et que nous devons alors nous demander, sachant que en et y sont les seuls pronoms-adverbes existants, comment se fait la pronominalisation de “Prep N-h1”.



Commençons par faire une liste de la vingtaine de prépositions collectivement représentées par Prep. Nous avons répertorié : après, avant, avec, chez, contre, dans, depuis, derrière, dès, devant, en,entre, jusque, hors, par, pendant, pour, sans, sous, sur, vers, ...



Les choses seraient évidemment trop simples si, dans la pronominalisation de N1, toutes ces prépositions se comportaient de la même façon. Nous avons cependant pu constituer trois groupes au sein desquels les comportements sont relativement comparables.



3.1.1. Les trois “Prep” que la pronominalisation transforme.

= dans, sur, sous.



N0 V dans N-h1  N-h1, N0 V dedans.

N0 V sur N-h1 N-h1, N0 V dessus.

N0 V sous N-h1 N-h1, N0 V dessous.


Obélix est tombé dans la marmite. La marmite, Obélix est tombé dedans.

Max est monté sur cette table. Cette table, Max est monté dessus.

Luc est caché sous le lit. Le lit, Luc est caché dessous.


Outre la transformation particulière subie par ces trois prépositions, on voit qu’il se produit ici une forme de pronominalisation que nous n’avions pas encore rencontrée, qui est commune à d’autres prépositions (cf. 3.2.), et qui est, en quelque sorte, une pronominalisation ... sans pronom, ou plutôt sans pronom-adverbe ! En l’absence d’un tel pronom-adverbe qui se placerait avant le verbe, comme c’était le cas pour y et en, c’est la préposition elle-même qui se place après, mais seule.



Notes :

1. La grammaire traditionnelle donne à ces prépositions transformées et placées après le verbe l’appellation d’ « adverbes », ou bien elle parle d’ “emploi adverbial de la préposition”. Ce n’est pas une position infondée mais comme il s’agit plutôt de cas particuliers (3) que du cas général (17), nous préférons quant à nous leur conserver à toutes – et ce quelle que soit leur place dans la phrase – l’appellation de “préposition”, tout en signalant que trois d’entre elles subissent exceptionnellement une transformation par suite de la pronominalisation de N1.

2. En d’autres temps nous aurions pu inclure dans ce groupe le couple “hors / dehors” ; il aurait constitué un beau pendant à “dans / dedans” et complété harmonieusement la série. Ce n’est malheureusement plus possible depuis que la préposition “hors” a pratiquement cessé d’être employée librement pour laisser la place aux prépositions composées “au dehors de” (= à l’extérieur de) et “en dehors de” (= à part). “Hors (de)” est néanmoins encore bien vivante dans un certain nombre de locutions adjectivales : “hors les murs”, “hors concours”, “hors service”, “hors piste”, “hors catégorie”, “hors du coup”, “hors d’âge”, “hors d’état de nuire”, “hors de soi”, ... Quant à “dehors”, s’il a cessé d’être une humble préposition, il n’en conserve pas moins les mêmes emplois nominaux et adverbiaux que connaît également son antonyme “dedans”.



3.1.2. Les “Prep” que la pronominalisation ne transforme pas.

= avec, sans, pour, contre, avant, après, devant, derrière, depuis.


Quelques exemples suffiront :


N0 V avec N-h1 N-h1, N0 V avec : Ses vêtements, Max dort avec.

N0 V contre N-h1 N-h1, N0 V contre : La peine de mort, Léa est contre.

N0 V depuis N-h1 N-h1, N0 V depuis : Luc est sorti à 8 h, et je ne l’ai pas vu depuis.



On voit que ces prépositions ne sont pas transformées par la pronominalisation, mais que la forme de cette pronominalisation est la même que ci-dessus, sans pronom-adverbe, la préposition se plaçant après le verbe, et seule.



Notes :

1. On aimerait bien qu’il n’y ait pas d’exceptions mais force est de constater que, pour certains verbes, les choses ne se passent pas ainsi. C’est notamment le cas de en finir avec, passer pour, se frapper pour, se prendre pour, où les Prep ne sont pas détachables et relèvent donc de 3.1.3.

2. On remarquera la forme des prépositions devant, derrière, et depuis ; elles commencent par de-, ce qui leur donne un fort air de ressemblance avec les prépositions devant, dessus et dessous vues plus haut. Mais à la différence de ces dernières, elles conservent ce de- quelle que soit leur place dans la phrase, avant et après la pronominalisation ; de plus l’adverbe puis n’a syntaxiquement plus rien à voir avec depuis.


3.1.3. Les “Prep” qui ne sont ni transformables ni détachables de N1.

= en, entre, par, chez, dès, vers, pendant, jusque

Et parfois : avec, pour (cf. 3.1.2. note 1)



Pour ces prépositions, toute pronominalisation classique est impossible, sauf à recourir à ça ou ou à d’autres tournures.



Deux exemples suffiront. Prenons d’abord la préposition par :

Max a commencé par le haut. * Le haut, Max a commencé par est impossible.

On dira : Le haut, Max a commencé par là. (ou : par ça).

Ou encore mieux : Le haut, c’est par là que Max a commencé.



Deuxième exemple : nous avons mis la préposition en dans ce groupe alors que nous l’avons déjà rencontrée dans le chapitre 1. Mais elle n’était là qu’une variante formelle de à (par ex. Max est allé en Italie). Elle est employée dans bien d’autres circonstances, par exemple :

Nous avons voyagé en train * Le train, nous avons voyagé en est impossible.

On pourra dire : Le train, c’est ce que nous avons pris pour voyager.





Notes :

1. Nous avons inclus la préposition chez dans ce groupe car elle connaît la même contrainte, mais, à la différence des autres prépositions, elle ne précède que des N1 humains. (Voir 3.3.2. ci-après)

2. Il peut être utile, dans certaines occasions, de regrouper les prépositions dites “locatives” : dans, sur, sous, devant derrière, chez, ... On verra en effet ci-après qu’à l’instar de à, la première d’entre elles, elles entraînent souvent une pronominalisation par “y”. (Voir 3.2. note 3)





3.2. “Prep N1” est un complément circonstanciel.



Après avoir fait le tour d’horizon des différentes prépositions entrant en jeu dans la construction « N0 V Prep N1 » passons maintenant à l’application des règles énoncées plus haut selon les différents types de complément, en commençant par le cas où le groupe “Prep N1” n’est qu’un simple complément circonstanciel.



Par rapport à notre schéma-titre – N0 V Prep N1 – le schéma de la phrase doit ici se lire  « N0 V x Prep N-h1 », où N-h1 peut certes représenter un “lieu”, au sens large du terme, mais également bien d’autres choses selon la préposition concernée. Les compléments d’objet direct ou indirect occupant éventuellement la place de X ne jouent aucun rôle dans la pronominalisation de N1.



Notes :

1. Au risque de choquer nos collègues linguistes, nous avons préféré la formule “N0 V X Prep N1” à celle, théoriquement plus juste, de “N0 V N1 Prep N2”. Nous l’avons fait pour ne pas apporter de complication supplémentaire à un exposé qui se veut avant tout pédagogique, et qui, tel quel, en comporte déjà suffisamment

2. On nous objectera peut-être que N1 pourrait bien être également humain. On peut effectivement “monter sur Nh” ou “lui rentrer dedans” ce qui prouverait la nature locative de Nh. Nous reviendrons sur ce point en 3.3.2.



Le groupe “Prep N-h1” n’étant ici qu’un simple complément circonstanciel, beaucoup de verbes du lexique peuvent occuper la place de V. Citons-en quelques-uns à titre d’exemples :

– verbes intransitifs : aller / courir / marcher / passer derrière ou devant, venir / arriver / partir avant ou après, se poser sur, monter sur / dans, se jeter dans, tomber dans, rester dans, regarder sous / sur / dans, partir avec, passer sous / sur / dans, ...

– verbes transitifs directs : chercher X sous / sur / dans, passer X sous / sur / dans, ...


Pour les règles, on se reportera ci-dessus en 3.1. ; on les appliquera selon la préposition concernée. Nous nous limiterons donc ici à redonner quelques exemples :


La marmite, Obélix est tombé dedans.

Ses vêtements, Max dort avec.

Le haut, Max a commencé par là.



Notes (suite) :

3. “N0 V dans N-h1” peut donner lieu à “N-h1, N0 V dedans”, mais aussi à “N-h1, N0 y V”. Il est bien difficile d’émettre une règle. Et cette remarque vaut en fait pour toutes les prépositions locatives : en, sur, sous, devant, derrière, chez, ...



3.3. “Prep N1” est un complément essentiel.


3.3.1. N1 est non-humain (N-h1)


Plusieurs verbes fréquents sont construits avec la préposition sur : agir sur, compter sur, porter sur, tomber sur, s’arrêter sur, se jeter sur, ...

... mais aussi avec d’autres prépositions : aller avec, en finir avec, se battre avec / contre / pour, s’assurer contre, être contre / pour, courir après, ...



Pour les règles, on se reportera ci-dessus en 3.1. ; on les appliquera selon la préposition concernée. Nous nous limiterons donc ici à donner ou redonner quelques exemples :



Je suis tombé sur ce livre par hasard. Ce livre, je suis tombé dessus par hasard.

Max court sans cesse après l’argent. L’argent, Max court sans cesse après.

Luc veut en finir avec les problèmes. Les problèmes, Luc veut en finir avec ça.



Notes :

1. Pour ce dernier exemple, voir note 3.1.2. note 1.

2. Le verbe compter, qui se construit directement – c.-à-d. sans préposition – aussi bien avec l’infinitif qu’avec une complétive au futur ou au subjonctif, entraîne curieusement une pronominalisation de son objet par y, comme si son complément nominal était “à N1” au lieu de “sur N1” :

Vous comptez gagner ? / qu’il avoue(ra) ? / sur une victoire ? – J’y compte bien !

Familièrement on dit aussi : Compte (là-)dessus !



3.3.2. N1 est humain (Nh1)



Plusieurs verbes sont construits avec la préposition sur : agir sur, compter sur, tomber sur, se jeter sur, ...

... mais aussi avec d’autres prépositions : s’entendre avec, voter pour, se présenter contre, sortir avec, coucher avec, se battre avec / contre / pour, être contre / pour, venir / arriver / partir avant ou après, passer devant / derrière, habiter / aller chez, ...



Quant à la pronominalisation de N1, les choses semblent ici plus simples : quelle que soit la préposition et pour la plupart des verbes, la règle est la même :



Règle, N0 V Prep Nh1  N1, N0 V Prep LUI-pp



Je compte sur Max. Max, je compte sur lui.

Max sort / couche avec Léa. Léa, Max sort / couche avec elle.

Luc habite chez ses parents. → Ses parents, Luc habite chez eux.



Cela dit, surtout dans la langue familière, un certain nombre de verbes fonctionnent un peu différemment. Par exemple :



– “Nh1, Nh0 lui court après” : expression familière courante signifiant que Nh0 cherche à obtenir les faveurs de Nh1. On pourrait croire à une sorte de pronominalisation de la phrase “Nh0 court après Nh1”. Or on dit en fait beaucoup plus couramment Léa, Max lui court après que Max court après Léa. Il semble bien qu’on ait ici affaire à un figement qui fait de ce verbe “LUI-ap courir après” un véritable verbe composé ayant un tout autre sens que celui de “courir après N-h” que nous avons vu en 3.3.1.



– “Nh1, Nh0 lui est rentré dedans” : expression familière courante signifiant que Nh0 s’est montré physiquement ou verbalement hostile à Nh1. On pourrait ici aussi croire à la pronominalisation de la phrase “Nh0 est rentré dans Nh1”. Or il n’en est rien, on n’entendra jamais * Max est rentré dans Luc. On a donc aussi affaire à un figement qui fait de “LUI-ap rentrer dedans” un véritable verbe composé.



– Idem avec “Nh1, Nh0 lui est tombé dessus” : expression familière courante signifiant que Nh0 s’en est pris verbalement à Nh1 de façon subite et violente. On entendra souvent ce verbe “LUI-ap tomber dessus ...” complété par “... comme la misère sur le pauvre homme.”



Note :

Dans un contexte d’échange d’idées ou d’élections, on ne sera pas surpris d’entendre “Nh1, je suis contre” ou “Nh1, je vote pour”, etc. On a ici probablement affaire, pensons-nous, à un fait de langue comparable à celui déjà relevé antérieurement (Ce type-là, je m’en occupe, 2.3.2. note 1), à savoir une forme d’objectivisation de Nh1.











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