Etudes de grammaire française
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Questions diverses
Constructions verbales et pronominalisation





6. Questions diverses





Plan du chapitre



Note préliminaire

6.1. Les constructions des principaux verbes impersonnels

6.1.1. La construction “Il V Det N1”

6.1.2. Les constructions “Il V Vinf / à Vinf / de Vinf”

6.1.3. Les constructions “Il V que P” et “Il V que Psubj”

6.2. La pronominalisation du complément de nom

6.2.1. La pronominalisation est possible

6.2.2. La pronominalisation est impossible

6.3. Récapitulatif

6.3.1. Les principaux exemples

6.3.2. Les pronoms personnels : formes et fonctions

6.4. Annexes

6.4.1. Le cas du verbe croire.

6.4.2. La pronominalisation de l’attribut.





Note préliminaire



Comme son titre l’indique, ce chapitre manque certainement de cohérence dans la mesure où s’y trouvent rassemblées un certain nombre de questions diverses qui n’ont pas pu être traitées dans les chapitres précédents, et qui le sont donc ici par souci d’embrasser le plus largement possibles les nombreux aspects posés par le vaste et complexe sujet de la pronominalisation. Entrer dans ce sujet par les constructions verbales nous a semblé la moins mauvaise solution, mais cela n’en permettait évidemment pas un traitement exhaustif, et nous ne sommes d’ailleurs pas persuadé qu’une autre entrée eût donné de bien meilleurs résultats. Nous avons certainement omis de traiter certains points importants. Merci d’avance à qui voudra bien nous les signaler. Mais disons-le d’emblée : sera ajouté tout – et seulement – ce qui nous semblera vraiment utile pour l’enseignement du français aux étrangers.





6.1. Les constructions des principaux verbes impersonnels



Le tableau ci-dessous fait l’inventaire des constructions – parfois simples et parfois doubles – d’une petite liste de verbes impersonnels parmi les plus fréquents. Nous y avons inclusles présentateurs “voici” et “voilà”, qui, bien que ne se conjuguant pas, possèdent plusieurs caractéristiques des verbes impersonnels.





VERBES

Det N1

Vinf

à Vinf

de Vinf

que P

que Psubj

Il arrive (à N2)




+


+

Il faut (à N2)

+

+




+

Il manque (à N2)

+



+


+

Il n’empêche





+


Il paraît





+


Il reste (à N2)

+


+


+


Il s’agit




+



Il se peut






+

Il semble






+

Il vaut mieux


+




+

Il y a





+


Voici / Voilà

+




+



Nous nous bornerons, pour chaque verbe, à donner un ou deux exemples illustrant ses constructions les plus courantes, en renvoyant éventuellement aux chapitres et paragraphes où ces dernières ont été traitées.



6.1.1. La construction “Il V Det N1 (à N2)”



Il faut Det N1 (à N2) :

Cet homme, à Max, il le lui faut. (Mais : Cet homme, à moi, il me le faut.) (cf. 5.1.1.)

De la chance, (à Max), il (lui) en faudrait beaucoup. (cf. 5.1.3.)

Combien faut-il d’hommes au général ? – Il lui en faut mille de plus.



Il reste Det N1 (à N2) :

De l’argent, (à Max), il (lui) en reste un peu. (cf. 5.1.3.)



Il manque Det N1 (à N2) :

Des vêtements, (à Max), il (lui) en manque plusieurs. (cf. 5.1.3.)



C’est donc un petit groupe assez homogène, auquel nous pouvons associer



Voici / Voilà Det N1 :

Montre-moi tes mains. – Les voilà. (Molière, L’avare) (cf. 4.2.1.)

Tu veux du pain ? En voici (un morceau). (cf. 4.2.2. et 4.2.3.)



6.1.2. Les constructions “Il V Vinf / à Vinf / de Vinf”



Il faut Vinf :

Faut-il donc tout laisser ? – Il le faut.



Il vaut mieux Vinf :

Vaut-il mieux partir ? – Ça vaut mieux. (Var. Il vaut mieux ça.)



Ces deux formes de pronominalisation, que nous n’avions pas encore rencontrées, montrent bien qu’il existe deux types de verbes impersonnels, ceux du type il faut, qui admettent bel et bien un Vinf complément d’objet direct, et ceux du type il vaut mieux, où, sous l’apparence d’un Vinf complément d’objet direct, se cache en fait un Vinf sujet qui est le véritable sujet du verbe. La grammaire traditionnelle appelle ici le pronom il le “sujet apparent” du verbe, par opposition à son “sujet réel”, l’infinitif postposé.



Il reste à Vinf :

Il reste à examiner beaucoup d’autres sujets.

Malgré l’emploi – probablement explétif – de la préposition à, l’infinitif semble bien être ici aussi le sujet réel du verbe, mais sa pronominalisation est difficile ; on ne peut pas dire *Examiner beaucoup d’autres sujets, ça reste. Mais on peut dire, à la rigueur, Examiner beaucoup d’autres sujets, il reste ça (à faire).



Il ne manque plus que de Vinf :

La préposition change – c’est de au lieu de à – mais la pronominalisation est aussi difficile que pour il reste. On dira donc :

Il ne manque plus que de fermer l’eau (avant de partir). → Il ne manque plus que ça (à faire).



Note :

Pour “Il ne manquerait plus que ça !” (= ce serait le bouquet ! / un comble !), phrase figée exclamative où ça représente une action redoutée, envisagée comme venant éventuellement s’ajouter à d’autres déjà réalisées et tout aussi néfastes, voir 6.1.3. ci-après.



Il arrive à N2 de Vinf :

Il m’arrive de fumer. → Fumer, ça m’arrive.

L’infinitif est ici le sujet réel du verbe et sa pronominalisation est possible, preuve que de est bien ici un mot explétif, comme nous l’avons vu d’autres fois tout au long de cet exposé.



Il s’agit de Vinf / de N1 :

Il s’agit d’être ou de ne pas être.

L’infinitif est bien ici le complément essentiel du verbe et non son sujet, comme le prouve la construction “de N1” en regard, et sa pronominalisation est tout aussi impossible ; on tourne de diverses façons :

Être ou ne pas être, voilà de quoi il s’agit / c’est de ça qu’il s’agit / il s’agit de ça.

Idem avec un complément nominal :

De quoi s’agit-il ? – Il s’agit de notre rendez-vous. → Notre rendez-vous, voilà de quoi il s’agit. Etc.



6.1.3. Les constructions “Il V que P” et “Il V que Psubj”



La pronominalisation des “que P”, complétives à l’indicatif, est impossible :



Il (n’en) reste (pas moins) que P : Il (n’en) reste (pas moins) que tu m’as menti.

Voici / Voilà que P : Voici que l’hiver approche.

Il n’empêche que P : Il n’empêche que j’avais raison.

Il paraît que P : Il paraît qu’il va faire beau.

Il y a que P : Tu ne manges pas ? Qu’est-ce qu’il y a ? – Il y a que je n’ai pas faim.



La pronominalisation est également impossible pour



Il semble que Psubj : Il semble que le temps soit en train de changer.

Ce verbe, qui ne connaît donc pas de construction avec Vinf., s’apparente ainsi aux verbes suivis d’une complétive à l’indicatif. Il y a d’ailleurs dans l’usage un certain flottement quant au mode de la complétive ; on ne s’étonnera donc pas de tomber, à l’oral tout du moins, sur des il semble que P + indicatif : Il semble que le temps est en train de changer.



En revanche, la pronominalisation des “que Psubj”, complétives au subjonctif, est, grosso modo, la même que celle des infinitifs (6.1.2.), ce qui montre bien, une fois de plus, que le subjonctif est en quelque sorte une “forme conjuguée” de l’infinitif. (cf. notre série d’articles sur le Système verbal sur le site EduFLE.net, et notamment le ch. VI, 3).



Il faut que Psubj : Faut-il que j’aille voir le médecin ? – Il le faut.

Il vaut mieux que Psubj : Il vaut mieux que je me taise. → Je me tais, ça vaut mieux.

Il arrive que Psubj : Il arrive qu’on se trompe. → On se trompe, ça arrive.

Il ne manque(rait) plus que Psubj : Que Max vienne ? Il ne manquerait plus que ça !

Il se peut / se pourrait (bien) que Psubj : Qu’il pleuve ? Ça se pourrait bien.





6.2. La pronominalisation du complément de nom



Notre entrée dans le sujet par les constructions verbales nous a permis d’en traiter la plus grande partie. Cet exposé reste néanmoins à compléter par un aspect de la pronominalisation qui échappe aux constructions verbales et qui est celui de la pronominalisation du complément de nom.



Le groupe formé par un nom et son complément est de la forme « Nx de Ny », où « de Ny » est le complément du nom « Nx ». Le groupe nominal « Nx de Ny » peut avoir dans la phrase diverses fonctions et occuper diverses places.



Note :

Ny est généralement un N-h ou un Nh général, et non un Nh particulier : Max a réparé la voiture de Luc. * Luc, Max en a réparé la voiture est impossible. On dit : Luc, Max lui a réparé sa voiture. Fam. et régional (sud de la France) : Max lui a réparé la voiture.

Autre exemple, où un Ny humain est visiblement “objectivisé” : Ma mère était à moi, personne ne m'en contestait la tranquille possession. (Sartre)



6.2.1. La pronominalisation – qui se fait donc par le pronom-adverbe en dont on connaît bien maintenant les affinités avec la préposition deest possible dans les cas suivants :



– « Nx de Ny » est le sujet d’un verbe d’état :

La solution de ce problème est simple. → Ce problème, la solution en est simple.

– « Nx de Ny » est le sujet d’un verbe intransitif :

La durée de la vie augmente. → La vie, la durée en augmente.

– « Nx de Ny » est le complément d’un verbe transitif direct :

Max a réparé le moteur de sa voiture. → Sa voiture, Max en a réparé le moteur.

– « Nx de Ny » est l’attribut d’un verbe d’état :

Max est l’âme de son groupe d’amis. → Son groupe d’amis, Max en est l’âme.



6.2.2. La pronominalisation est impossible – mais compensée par le recours à l’adjectif possessif – dans les cas suivants :



– « Nx de Ny » est le sujet d’un verbe transitif :

Le soleil se leva : ses rayons caressèrent la cime de la montagne.

– « Nx de Ny » est le complément d’un verbe transitif indirect :

Si cette pièce était un tableau, comme on s’extasierait sur sa matière.

– « Nx de Ny de Nz  », ou “la cascade” de compléments :

Je revoyais (...) l’antique château (...), la rivière qui baignait le pied de ses murailles.





6.3. Récapitulatif



6.3.1. Les principaux exemples



Conscient des imperfections de cet “essai de clarification”, et de la difficulté qu’il peut y avoir à passer de la théorie à la pratique, il nous a semblé utile de rappeler ci-dessous les 25 principaux exemples qui ont jalonné notre exposé, et dont la liste pourrait, faute de mieux, être proposée comme aide-mémoire à des apprenants, et ce, dans l’ordre qu’on voudra.

Volontairement, nous ne les avons conservés ici ni sous leur forme originale, ni dans leur ordre chronologique d’apparition, ni référencés ; ils ont été homogénéisés, simplifiés et alphabétiquement ordonnés. Libre à chacun d’opérer des regroupements comme bon lui semblera en fonction des constructions verbales, des formes de pronominalisation, des caractéristiques des actants, etc. Il sera même utile de battre et de rebattre ce jeu de 25 cartes de diverses façons et à plusieurs reprises car personne n’imagine qu’un tel sujet puisse être assimilé – sauf par un génie de type mozartien – en une seule fois.



Il faut cet homme à Max. → Cet homme, à Max, il le lui faut.

Il me faut cet homme. → Cet homme, à moi, il me le faut.

Max a obtenu un prêt de son banquier. → Max en a obtenu un de lui.

Max a parlé à Luc de sa femme. → Max lui a parlé d’elle.

Max a parlé à Luc de son travail. → Max lui en a parlé.

Max a parlé à Luc. → Luc, Max lui a parlé.

Max a parlé du climat. → Le climat, Max en a parlé.

Max a présenté Léa à Luc. → Max la lui a présentée.

Max a présenté une amie à Luc. → Max lui en a présenté une.

Max a remis le tableau à sa place. → Max l’y a remis.

Max a retrouvé ses amis. → Ses amis, Max les a retrouvés.

Max a une bonne dose de courage. → Du courage, Max en a une bonne dose.

Max a une maison aux Baléares. → Les Baléares, Max y a une maison.

Max assure Luc de sa sympathie. → Max l’en assure.

Max compte sur Luc. → Luc, Max compte sur lui.

Max court après l’argent. → L’argent, Max court après.

Max n’aime pas le beurre. → Le beurre, Max n’aime pas ça.

Max ne croit pas à la chance. → La chance, Max n’y croit pas.

Max pense à Léa. → Léa, Max pense à elle.

Max pense à son travail. → Son travail, Max y pense.

Max reçoit des amis ce soir. → Des amis, Max en reçoit ce soir.

Max se passe de Luc / de Léa. → Luc, Max se passe de lui / d’elle.

Max tient la nouvelle de Luc. → Max la tient de lui.

Max vient des Baléares. → Les Baléares, Max en vient.

Obélix est tombé dans la marmite. → La marmite, Obélix est tombé dedans.



6.3.2. Les pronoms personnels : formes et fonctions




A

B

C

D

Singulier





1ère personne

je

me

me

moi (*)

2e personne

tu

te

te

toi (*)

3e p. mascul.

il

le

lui

lui

3e p. féminin

elle

la

lui

elle

Pluriel





1ère personne

nous

nous

nous

nous

2e personne

vous

vous

vous

vous

3e p. mascul.

ils

les

leur

eux

3e p. féminin

elles

les

leur

elles



A : forme utilisée en fonction « sujet ».

B : forme utilisée en fonction « objet direct ».

C : forme utilisée en fonction « objet indirect antéposé », sans préposition.

D : forme utilisée en fonction « objet indirect postposé », avec préposition,

ou en fonction « apposition du sujet ».

(*) : formes également utilisées en fonction « objet direct » après un impératif.



On soulignera notamment l’existence des deux lui, l’un, en D, uniquement masculin (membre du groupe LUI-pp), et l’autre, en C, valant pour les deux genres (membre du groupe LUI-ap) ; et on attirera l’attention, dans les deux premiers exemples cités plus haut en 6.3.1., sur les places respectives des pronoms selon les cas :



Cet homme, à Max, il le (B) lui (C) faut.

Cet homme, à moi, il me (C) le (B) faut.



On n’oubliera pas enfin de compléter l’information donnée ici par l’examen des mêmes phénomènes lorsque les verbes sont à l’impératif. (Donne-lui-en un morceau, Donne-le-lui, etc.). Cette question est généralement bien traitée dans les grammaires.





6.4. Annexes



6.4.1. Le cas du verbe croire.



Comme nous le disions en note de 4.1.1., le verbe croire est riche en constructions puisqu’on peut aussi bien croire N1, croire à N1, croire en N1, croire Vinf, croire que P, ... Quelques exemples vaudront mieux que de longues explications :



N1 est humain :



Nh0 croit Nh1 : Max croit Luc. → Luc, Max le croit. (= Max pense que Luc lui dit la vérité)



Nh0 croit en Nh1 : Max croit en ses enfants. → Ses enfants, Max croit en eux.(= Il a de l’espoir pour eux)



Cas particulier de Nh : Max croit en Dieu, il croit en Lui.(= Il Lui fait confiance)



N1 est non-humain :



Nh0 croit à N-h1 : Max croit à la réincarnation. → La réincarnation, Max y croit.



Plus rarement, Nh0 croit N-h1, sauf si ce N-h1 est un Vinf ou une que P :



Tu crois qu’il va pleuvoir ? – Oui, je crois.

Max croit avoir été le seul à ..., du moins c’est ce qu’il croit.



Locutions figées :



À vous en croire, ...

Je n’en crois pas mes yeux / oreilles !


6.4.2. La pronominalisation de l’attribut.


Il y a effectivement une construction verbale à laquelle nous n’avons pas jugé nécessaire de consacrer un chapitre mais que nous ne pouvons pas passer ici totalement sous silence : la construction “N0 Vétat N1”, où Vétat est un verbe d’état et où N1 est donc, dans les termes de la grammaire traditionnelle, “attribut” de N0. Ici, les choses sont extrêmement simples puisque la règle s’écrit en toutes circonstances :



Règle : N0 Vétat N1 N1, N0 le Vétat



le : pronom personnel neutre et invariable.



La petite liste des verbes d’état est bien connue : être, rester, demeurer, paraître, sembler, devenir, ...



L’attribut N1 peut être un nom, un adjectif, un participe passé, ou encore une locution adjectivale.



Max est-il ici le maître ? – Il l’a été et il le reste.

Léa est-elle intéressante ? – Je ne sais pas si elle l’est mais elle le paraît.

Léa a-t-elle été aimée par Max ou par Luc ? – Elle l’a été par Luc, en tout cas.

Luc est-il de bonne compagnie ? – Il ne l’a pas toujours été mais il l’est devenu.



FIN



1 On trouvera une liste exhaustive des déterminants dans Gross (M.), Grammaire transformationnelle du français, 2 - Syntaxe du nom, Paris, Cantilène, 1986 (réédition).










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