Ceux qui arrivent d’Espagne

 

De nombreux espagnols étaient employés dans les carrières. Ici la carrière des Lens.

Source : Alain Delage, Le canton de Saint-Mamert-du-Gard, éd. Alan Sutton.

 

 

 

Manja-tomatas

 

         « Les vendangeurs espagnols, il portaient de tout. Toujours la morue, des pleines valises. Dès arrivés, ils suspendaient les morues séchées dans la remise » (étienne). « Mes vendangeurs venaient avec de la merluce (morue), séchée et salée. A la vigne, pour déjeuner, ils en portaient toujours un taillon (morceau). Pour manger,  béou, ils en coupaient un bout. Ils rousiguaient (rongeaient) ça et te le mangeaient avec un oignon. On les appelait manja-merluças », mange-morues (Raoul). Le plus souvent, les Espagnols mettent la morue à tremper afin de la cuisiner, le soir, avec du riz ou autre chose.

         Manja-merluças a un contenu péjoratif. A l’époque « la morue est bon marché, bien moins chère que la viande », donc relativement méprisée. (...)

         Les Espagnols, ce sont aussi des manja-tomatas, des mange-tomates. Expression courante dans les années 50, difficile à cerner alors pour les étrangers puisque les gens d’ici consomment également des tomates.

         Pour comprendre il faut faire un détour par le passé. Ici, on a toujours cultivé des tomates dans les jardins. Mais on les utili­sait seulement pour la ratatouille, pour faire la sauce des aubergines frites ou pour les tomates farcies. On ne les consommait jamais crues, contrairement aux Espagnols. Certains d’entre eux cueillaient même la tomate sur la plante et la mangeaient ainsi, sans sel et sans huile. « On les appelait manja-tomatas. Ils te mangeaient ça comme une pomme » (Bertrand). « Moi, il m’a fallu arriver en 1930 pour manger ma première tomate crue, avec une sauce vinaigrette » (Robert). On disait alors : « Tus, siás coma lis Espanhòus, manjas de pomas d’amor crusas. » Toi, tu es comme les Espagnols, tu manges des pommes d’amour (tomates) crues.

 

Source : R. Domergue, La parole de l'estranger, éd. L'Harmattan, p.122

(Etude de l'intégration des étrangers dans les villages du pays de Nîmes, Gard)

 

 

 

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