L’interdiction du Clinton et autres cépages ‘américains’

             une histoire d’intérêt   

                           une question de liberté

 

 

Par René Domergue

 

 

 

         Une branche de ma famille est originaire de l’Estréchure, dans les basses Cévennes. Je voyais souvent ces cousins dans les années 70, ils vivaient depuis deux générations en pays de Nîmes. Lors des repas de fête, chacun apportait une bouteille de ‘bon vin’, la grand-mère goûtait, et déclarait immanquablement : « C’est bien bon, mais ça vaut pas le Clinton. » Le Clinton, c’était le vin de son enfance, des veillées en famille, des castagnades (brasucades). Le mot Clinton évoque aussi les treilles et les tonnelles. Tout cela est cher au cœur de ceux qui sont nés en Cévennes, de ceux qui y habitent, de ceux, d’où qu’ils soient, qui aiment cette montagne.

         Au-delà des souvenirs, le vin de Clinton est devenu un vin mythique. Cela non seulement à cause de l’attachement des Cévenols d’hier et d’aujourd’hui à ce produit de leur terre, mais aussi à cause de l’interdiction qui a frappé la vente de ce vin et la plantation d’un tel cépage. À cause également de la rumeur, très vivace aujourd’hui encore, selon laquelle la consommation du vin de Clinton rendrait fou. Mais certains producteurs font de la résistance, rejoints par des associations comme Fruits oubliés qui mène une action de longue haleine en faveur de la réhabilitation du Clinton. Il y a fort à parier que l’histoire ne s’arrêtera pas là.

 

 

         (...) On boit, pour finir, un verre de Clinton. C’est le pauvre vin de ceux qui n’ont pas de vignes, pas besoin de lui sacrifier une bonne barre à flanc de montagne, on la laissera pour la luzerne ou le jardin, le Clinton se débrouillera toujours, c’est de la vigne haute, pauvre, robuste et rebutante. Pauvre au point d’être interdite, du raisin hors-la-loi, un vrai cévenol (...) La loi interdit de faire du vin avec ce raisin, nos mairies ont reçu des instructions pour l’arrachage de ces treilles. Le misérable qui assassine son Clinton reçoit une prime, de l’argent du gouvernement (...)

Jean-Pierre Chabrol, Les Rebelles

 

 

         L’origine du mythe du Clinton remonte à 1935, quand un décret publié par le ministère de l’agriculture fait du Clinton un cépage interdit. « Article 1er : Il est interdit d’offrir et de vendre sur le marché intérieur ainsi que d’acheter, de transporter ou de planter les cépages énumérés ci-après, quelles que soient les dénominations locales qui leur sont données : Noah, Othello, Isabelle, Jaquez, Clinton, Herbemont » J.O. du 24 janvier 1935.

         Interdiction reprise et inscrite dans le droit européen : ces cépages ne peuvent entrer comme raisin de cuve dans la fabrication des vins, des moûts et du vinaigre 1.

         Notons au passage que d’autres cépages que le Clinton font l’objet d’un interdit. Point commun : ces cépages proviennent d’Amérique, d’où le nom cépages américains. Importés à partir du XVIIIe siècle, ils ne suscitaient guère que l’intérêt  des botanistes 2. Ceci jusqu’à la crise du phylloxéra, dont ils sont à la fois la cause et le remède. En effet, ces plants sont porteurs sains de l’insecte. Mais ce dernier, qui auparavant, mourait faute de nourriture au cours des longs trajets entre les Amériques et l’Europe, finit par conserver sa vitalité, la durée du voyage ayant été écourtée du fait de la révolution des transports. C’est ainsi que des plants américains, proposés par quelques pépiniéristes expérimentateurs, ont été le vecteur de la maladie, observée pour la première fois dans les environs de Roquemaure (Gard), en 1863. D’un autre côté, ces plants résistaient à la maladie, ils furent donc utilisés lors des opérations de reconstitution du vignoble, soit comme plant direct, soit comme porte-greffe.

 

         Pour ce qui concerne le Sud de la France, les cépages américains ont été maintenus en Cévennes, en tant que producteurs directs. Ils s’illustrent par une remarquable adaptation au so et au climatl 3. Le fait qu’ils soient très résistants aux maladies, donc ne demandent aucun traitement, ou du moins ne nécessitent que des traitements modérés, est aussi une des raisons de l’intérêt que leur portent les Cévenols. Nous sommes aux antipodes de la logique productiviste des agriculteurs dans les zones de grande production.

 

 

À l’origine de la loi, la surproduction de vin

 

         À la lecture du compte-rendu des débats à la Chambre des députés et au Sénat, rien n’est bien clair concernant la décision d’interdiction.  En effet, le problème à traiter d’urgence en cette fin d’année 1934 est celui de la surproduction de vin qui atteint un niveau record, entraînant l’effondrement des cours et le désespoir dans les campagnes viticoles. « Le vigneron est ruiné (...) Le chômage (des ouvriers agricoles) a augmenté (...) En présence d’une telle détresse (...) la colère gronde dans nos campagnes. C’est la paix sociale qui est menacée... », explique M. Barthe, président de la Commission des Boissons à l’Assemblée, en charge de la présentation du rapport sur le projet gouvernemental.

         La surproduction est endémique, et régulièrement des mesures sont prises pour ‘assainir’ le marché du vin, mesures qui consistent principalement en des opérations de blocage d’une partie des récoltes, suivies d’une distillation. Ce qui ne peut en aucune façon résoudre le problème d’une surproduction structurelle.

         Comme les élus n’envisagent pas une solution de type libéral consistant à laisser jouer l’offre et la demande, ce qui maintiendrait un cours très bas du vin finissant par décourager les producteurs les moins compétitifs, la seule solution valable sur le long terme est l’arrachage.

         Mais où arracher ?

         Dans de nombreuses régions la production n’a pas augmenté depuis des décennies. Elle a parfois baissé : dans le centre de la France, dans l’Est, dans l’Ouest et en Champagne. Les représentants des départements concernés font valoir qu’il serait injuste de pénaliser leurs viticulteurs.

         En revanche, dans deux régions la production a fortement augmenté. D’une part au sud du pays, dans la « zone méditerranéenne » (Pyrénées-Orientales, Aude, Hérault, Gard), où la surface plantée s’est nettement accrue en même temps que les rendements, désormais considérables : plus de 350 hl/ha pour l’aramon, en Camargue sur des terres irriguées, à comparer aux 40 ou 50 hl/ha dans d’autres régions. D’autre part, dans les départements français d’Algérie, où la surface plantée a, là aussi, énormément augmenté, et où la vigne bénéficie d’un climat très propice en même temps que d’une main d’œuvre à très bon marché (ce qui n’empêche pas un haut degré de mécanisation dans les grands domaines).

         D’énormes intérêts sont en jeu. Les représentants des gros viticulteurs de la « zone méditerranéenne » considèrent que la concurrence des viticulteurs d’Algérie est déloyale, ils argumentent pour une limitation drastique des quantités de vins de cette provenance. Les représentants des territoires d’outre-mer font valoir que leurs viticulteurs ont planté en respectant la loi, que l’Algérie c’est la France, et qu’il ne serait pas acceptable pour la république que soit votée une loi discriminatoire. Argument entendu par le gouvernement. 

         Les débats s’enlisent. Ils sont menés dans un climat de fébrilité. Les discussions ont lieu à la veille des vacances de Noël (24 décembre pour la dernière séance au Sénat) ! De plus une décision doit être prise d’urgence de façon que le budget de l’année à venir soit voté d’ici le 31 décembre, conformément à la Constitution.

         Sous la pression de divers lobbies le gouvernement finit par obtenir le vote d’un ensemble de mesures qui, pour l’essentiel, reconduisent en l’amplifiant la politique de distillation (rémunérée) d’excédents. Ce qui, bien entendu, ne règle rien dans une perspective de long et même de moyen terme. L’enjeu est le suivant. D’une part il convient de redonner du souffle au marché du vin en réduisant l’offre, afin de répondre au désespoir et ainsi d’éviter une révolte dans les régions viticoles. D’autre part, et sans que cela ne soit revendiqué par personne (on s’en serait douté) il s’agit de ne pas pénaliser les gros producteurs. Au fil des débats, le souci de préserver l’intérêt de ces derniers l’emporte, et une seule mesure de nature à réduire la production apparaît, dérisoire, celle qui aboutit à la loi interdisant le vin issu de cépages américains 4.

 

 

Réactions critiques

 

                Diverses interventions montrent que les élus les plus concernés sont parfaitement conscients que cette loi ne peut rien régler en terme de surproduction, car elle affecte une part infime de la production 5

         Les interventions les plus remarquables sont celles de Renaud Jean, député communiste du Lot-et-Garonne et leader syndicaliste. Mis à part son exposé sur l’inefficacité du projet en regard des quantités en jeu, il insiste sur son côté injuste. L’interdiction affectera les petits viticulteurs de 70 départements, où du fait du climat il n’est pas possible de cultiver d’autres cépages, et laissera indemne les vrais responsables de la surproduction que sont les gros producteurs du Midi méditerranéen et l’Algérie. «Articles scélérats destinés à faire supporter à des travailleurs des fautes commises par le grand capitalisme viticole (...) Politique de défense des féodaux du Midi et de l’Algérie » désignés plus loin par l’expression « gros vinassiers » 6.

         Mais ces arguments ne changent rien à l’affaire car, bon gré mal gré, une majorité de députés, puis de sénateurs, soutient le gouvernement. Certains, issus des départements où vivent de nombreux petits producteurs qui seront fortement affectés, négocient des mesures de transition : délais d’application, possibilité de vente du vin ‘interdit’ dans le canton de production et dans les cantons (ou les arrondissements) voisins, statut particulier pour certains cépages hybrides greffés sur plants américains comme les Siebel et les Couderc, voire pour certains cépages américains 7.

            En ce qui concerne le sud du pays, la limitation de production affecte entre autres les Cévennes et le sud-ouest où les paysans cultivent des cépages américains 8.

 

 

 

         (...) Le père Louiset rentre des neuf cent litres de vin de Clinton par an :

- Il est bon, oh, j’en bois quoi ? Un litre par jour, et encore pas tous les jours...

         Un moment après, au cours de la conversation, il revient sur ses vignes :

- J’ai juste fit la soudure. Quand la vendange est arrivée, il ne me restait qu’un fond de tonneau.

- Vous en vendez ?

- Que non !

- Mais alors ? Sur neuf hectos, ça fait presque du trois litres par jour, ça !

         Le vieux se retourne, piqué, et il s’exclame, presque furieux : Dé qué t’y prén dé coumpta tant vité, pichot ! (Qu’est-ce qui te prend de compter si vite, petit !)

Jean-Pierre Chabrol, Le crève-Cévenne

 

 

 

La question du goût

 

         Les conditions d’adoption de la loi d’interdiction sont d’autant plus intéressantes à étudier qu’un autre argument interfère avec celui de la surproduction, celui du goût. Au fil des débats un glissement a lieu de la question des excédents structurels de vins vers celle de la qualité 9. Concernant le Sénat, on est surpris de constater que c’est seulement en fin de séance qu’apparaît l’unique argument clairement fourni pour justifier l’interdiction des cépages américains : leur vin est de qualité inférieure, il a « mauvais goût ».

         Albert Sarraut, ministre, va même jusqu’à déclarer : « ... si nous voulons voir cesser de se propager dans l’univers certaines légendes reposant sur les qualités de certains vignobles de certaines régions, de certains pays, le moment est venu de faire l’épuration... » 10.  Le Clinton et ses frères, vins pour l’essentiel consommés localement, responsables de la réputation des vins français non seulement en Europe, mais dans l’univers entier !

         Interdire un produit, non sur le critère de sa dangerosité pour les consommateurs (pas un mot n’est dit à ce sujet lors des débats), mais sur celui du goût, quelle étrange démarche !

         La moindre lecture à caractère ethnographique, le moindre voyage un peu loin de chez nous, montrent que chaque peuple a sa conception du bon et du mauvais, en terme de comportement comme en matière alimentaire, et on ne voit pas au nom de quoi le goût des uns servirait de référence pour les autres 11. Pourquoi ne pas interdire certains whiskies au prétexte qu’ils ont un goût de punaise ou de tourbe, interdire certains chocolats car ils sont trop amers, etc. ? Tous les gens honnêtes répondront : « À chacun ses goûts. »

         Dans une note du 21 mars 1935, la Direction des services agricoles de la Lozère note : « Le clinton est le (cépage le) plus cultivé dans le département (...)  Ce vin est très goûté des indigènes » 12. Une délibération du conseil  municipal de Saint-Germain-de-Calberte en date du 24 mars 1935 mentionne : « Le consommateur a toujours eu et conserve le droit d’acheter le vin de son choix... »

         Au-delà, une question d’éthique est posée : au nom de quoi, en démocratie, les élus du peuple sont-ils mandatés pour dire ce qui a un goût agréable et ce qui a mauvais goût ?

         Quelques élus s’offusquent. C’est le cas du sénateur Sireyjol : Qui connaît la qualité d’un vin si ce n’est l’acheteur ?(...) Pourquoi voulez-vous guider, violenter le goût de l’acheteur ? C’est inutile et vexatoire.... » 13. Le député Renaud Jean déclare : « Vous n’avez pas le droit de condamner ces plants à cause de leur goût. » Il est très applaudi notamment sur les bancs de l’extrême gauche. Plus tard dans le débat le député Albert Perrin évoque ces vins qui vont être interdits et pourtant « la population laborieuse (...) les préfère » 14.

 

 

L’arbre qui cache la forêt

 

         À lire attentivement le déroulement des débats, on ne peut s’empêcher de penser que l’argument du goût est l’arbre qui cache la forêt. Une fois cette cible désignée, les gros producteurs (responsables de la crise) se retrouvent hors du champ de vision. Hors de cause en quelque sorte. Ainsi la production issue des cépages américains qui, statistiquement, représente un pourcentage infime de la production totale, donc de la surproduction, joue le rôle de bouc émissaire.

 

         Curieusement, les producteurs de vins issus de cépages américains n’ont pas de véritable défenseur parmi les élus de la majorité, alors que  toutes les autres catégories socioprofessionnelles concernées par le débat parviennent à faire valoir leur intérêt au travers de leurs représentants. Outre les gros producteurs du sud et ceux d’Algérie, omniprésents, on entend la voix des représentants des viticulteurs du Centre et de l’Ouest, de la Champagne, du Haut-Rhin, du Sud-Ouest (jamais des Cévennes, semble-t-il !) mais aucun ne défend explicitement  les cépages américains. Et lorsque le débat porte sur la distillation, on peut compter sur l’obstination des représentants du « groupe cidricole », ou encore des betteraviers. Ces derniers obtiennent que l’alcool de vin ne puisse être vendu sur leurs marchés privilégiés : parfumerie, vinaigrerie, pharmacie, industrie chimique 15.

 

         On imagine facilement que d’autres groupes de pression œuvrent en coulisse en faveur d’une formulation de la loi qui ne pénalise point leurs mandants. À commencer par les producteurs et vendeurs de fongicides, insecticides et autres produits phytosanitaires : la préservation de leurs débouchés va de pair avec le maintien de la production dans les zones de grande culture. Notons au passage que l’interdiction des cépages américains n’affecte en rien les intérêts de l’industrie chimique car ces cépages sont résistants aux maladies et ne nécessitent pas d’intrants, comme on dit aujourd’hui, l’intérêt des industriels de la chimie est donc de voir ces cépages remplacés par d’autres, plus fragiles 16. De même pour les producteurs d’engrais, car les cépages américains poussent sans soins particuliers. On peut aussi penser que les producteurs et vendeurs de vins autorisés et d’alcools en tous genres (vin inclus) vont trouver leur avantage dans la promulgation de la loi : dans les zones d’interdiction leur marché a des chances de s’élargir. Ce sera par exemple le cas en Vendée ou dans d’autres départements atlantiques où la culture (notamment du Noah) à fin de consommation personnelle est très répandue 17. Le cas aussi en Cévennes. N’oublions pas que les Cévennes de l’époque sont aussi un grand pays de mines, et que les mineurs sont de grands buveurs à fort pouvoir d’achat. S’ils ne peuvent plus acheter du Clinton, ils achèteront d’autres vins. Et si, dans les cafés cévenols, on ne sert plus de Clinton, on servira davantage de Byrrh ou de Pernod. Les producteurs de vin de cépage autorisé trouveront aussi des débouchés nouveaux, là où les autres vendaient en dehors de leur zone d’origine 18.

 

         Les raisons historiques du sacrifice des cépages américains étant mises au jour, il convient de présenter la situation actuelle.

 

 

Évolution de la législation et action des réboussiers cévenols

 

         Une multitude d’articles de loi et de décrets encadre la production viticole. Finalement l’interdiction de vente du vin de Clinton et autres cépages américains a connu une dérogation, concernant l’intérieur du département de production, tout au moins jusqu’en 1942. Du fait de la guerre et de la pénurie de vin, cet interdit a même été (provisoirement) levé. C’est seulement en 1953 que la loi s’applique dans toute sa brutalité : il est désormais interdit sous peine de sanctions de vendre du vin issu de cépages américains 19. Pour convaincre les plus réticents, une prime à l’arrachage est proposée en 1962, ce qui entraîne l’arrachage de nombreuses vignes.

         Mais, ici et là, des producteurs ont résisté. Pour ce qui concerne les Cévennes, et malgré le contexte très défavorable, des réboussiers ont continué à produire et récolter pour leur consommation personnelle et celle de leurs amis. Peut-être même quelques-uns ont-il vendu (et vendent-ils encore) un peu aux amateurs, sous le manteau. De nombreuses personnes se souviennent en avoir dégusté lors de fêtes de la châtaigne. Certains Cévenols de l’Ardèche ont même déclaré à Freddy Couderc, lors de son enquête dans cette région, qu’ils n’avaient jamais entendu parler d’une loi d’interdiction.

         Or, non seulement cette loi existe, mais elle a été reprise dans les règlements européens. C’est pourquoi un groupe de réfractaires a décidé de lutter contre cet interdit discriminatoire, rejoignant en cela des viticulteurs d’autres contrées, comme les viticulteurs Franciliens, et plus largement le Réseau Fruits oubliés qui milite en faveur de la biodiversité.

 

         Toutefois, le problème du Clinton et autres cépages américains n’est pas seulement celui de l’interdiction ; en effet, persiste un peu partout en limite des Cévennes (dans la région Nîmoise, par exemple)  une  croyance qui discrédite les cépages concernés.

         « Le Clinton, c’est un vin qui rend fou », « Il contient du méthanol », « de l’arsenic », « ce vin attaque le système nerveux », « en boire trop, ça rend aveugle ». Remarques négatives à l’égard du goût également. « Ça arrache », « Il faut le boire à deux mains, une pour tenir le verre, une pour se tenir à la table ». Certains commentaires évoquent un goût foxé, herbacé, d’autres une odeur de punaise écrasée 20.

 

 

 

 

La question du méthanol

 

         Passons sur la teneur en arsenic et le risque de cécité 21, pour en venir à un argument qui vaut d’être pris au sérieux : ces vins rendent fou. Gageons que si c’était vrai l’argument aurait été utilisé par les détracteurs des cépages interdits lors des débats tant à l’Assemblée qu’au Sénat. En conclusion de sa thèse de doctorat en pharmacie 22, Claire Dubus ne voit qu’une explication à cette rumeur : « La prise de conscience des dégâts physiques et psychiques entraînés par les quantités énormes bues, même par des enfants, dans certaines campagnes à faible potentiel viticole et où les cépages interdits sont facilement cultivés. » Prise de conscience qui est à l’origine des campagnes anti-alcooliques menées après la Guerre de 39-45.

         En vérité, les vins issus de cépages américains ne rendent pas plus fou que les autres, et le problème est bien celui de la quantité ingurgitée. Le vin de Clinton contient du méthanol et, ingurgité à forte dose, ce produit (acide méthylique) a bien un effet négatif sur les cellules du cerveau. Mais, tous les vins contiennent du méthanol, et plus généralement tous les alcools issus de la fermentation de fruits. Et même certains jus de fruits en contiennent à plus haute dose encore, comme le jus de tomate 23 . Par ailleurs, le taux de méthanol contenu dans le vin de Clinton et autres cépages interdits, produit dans des conditions normales, est toujours inférieur au seuil de dangerosité, et pas nécessairement plus élevé que le taux de méthanol mesuré pour d’autres vins, comme le montrent  les analyses évoquées par Freddy Couderc 24.

 

          « L’alcool méthylique ou méthanol est un des composants volatils et odorants du vin. Celui-ci en contient toujours, à faible dose, variant de 40 à 400 mg par litre. Il (le méthanol) provient de l’hydrolyse des pectines du raisin, réaction chimique qui se produit en cours de fermentation (...) Le taux de méthanol est proportionnel à l’importance de la macération des parties solides de la vendange, notamment des pellicules dans le moût » F. Couderc 25.

         Autrement dit, le méthanol a pour origine la pectine, qui est le ciment des cellules. On trouve celle-ci notamment dans la pellicule du raisin ainsi que dans la rafle, c’est-à-dire dans la charpente ligneuse de la grappe (ce qui tient les grains).

 

 

Au plus tu quiches, au plus tu as du méthanol

 

         Plus on écrase les grappes au moment du pressage, et plus on laisse macérer le jus avant de soutirer, plus il y a de pectine dans le jus, donc plus le taux de méthanol est important. Et à ce stade, il faut bien avouer que certains paysans, des Cévennes comme d’ailleurs, avaient tendance à presser fortement afin d’extraire un maximum de jus, cela d’autant plus que la récolte était peu abondante. « Tu en as qui quichaient tant qu’ils pouvaient. » Or, « au plus tu quiches, au plus tu as du méthanol ! »

         La production de méthanol est d’autant plus forte que l’on presse des grappes à forte charpente ligneuse et à petits grains, « à la fin, on presse du bois ». Cela vaut d’autant plus pour des raisins comme ceux de Clinton, caractérisés par des grains assez petits et de gros pépins (source de production d’acide mélique, là encore) 26.  

         De même, plus on laisse macérer longtemps la pulpe dans le jus (ce qui est source de tanin et de caractère du vin) plus l’hydrolyse de la pectine est importante, donc plus il y a de méthanol. C’est pourquoi le vin blanc contient moins de méthanol que le rouge, car « on presse, et tout de suite on met la pulpe de côté ».

 

         Désormais, l’origine de la teneur en méthanol est scientifiquement identifiée et, pour autant que le producteur le souhaite, il lui est aisé de produire  en réduisant considérablement ce taux. La plupart des cépages américains ont un taux de méthanol au dessus de la moyenne. « La rafle, charpente ligneuse de la grappe... relativement plus importante pour les cépages américains que pour les autres » 27. Il faut donc ne pas trop quicher la grappe lors du passage au pressoir. « L’idéal c’est d’érafler », c’est-à-dire d’égrapper, de séparer les grains de la rafle avant pressage. Mais l’opération prend du temps. Une autre solution est de procéder à un foulage qui n’écrase pas trop la rafle : foulage aux pieds, ou tout au moins à l’aide d’un fouloir mécanique avec des cylindres (entre lesquels passe la vendange) pas trop rapprochés 28.

         Le processus peut être amélioré par un  « cuvage court », de l’ordre d’une semaine environ, et de nombreux soutirages pour aérer le vin 29.

 

 

Le goût foxé

 

         L’autre critique à l’égard des cépages américains concerne le goût. À franchement  parler, j’ai été assez surpris le jour où pour la première fois on m’a servi du vin de Clinton. C’était à Pont-de-Rastel, en 1998, un jour de dédicace en compagnie du regretté Jean-Pierre Chabrol. Pour tout dire, j’ai fait la grimace. Commentaire du producteur : « Il faut que la gorge se fasse ! » Depuis, j’ai bu des Clinton qui arrachaient bien moins (ou alors ma gorge s’est faite !), et même un Jaquez somptueux 30. Dans un article du 26 février 2014, dans Midi Libre, Michel Hermet, président de l’Association Nationale des Sommeliers, évoque le rouge 2012 de Gilbert Bischeri : « Il a une bonne attaque en bouche avec de la rondeur (...) Il y a toujours cet arôme de fraise, et je pense qu’il a un joli petit potentiel. » En même temps il conseille aux producteurs des vins de cépages interdits de s’attacher les services d’un œnologue, et considère qu’il y a « aussi quelque chose à faire pour du jus de fruit ».

         En toute rigueur il faudrait mener l’analyse cépage par cépage 31, mais dans le cadre de cet article il faut se contenter de remarques d’ordre général.

         On a vu qu’en pressant moins et, dans l’idéal, en éraflant, on limite énormément l’introduction de produits ligneux dans le jus. De ce fait, non seulement on réduit le taux de méthanol, mais on modifie le goût. « C’est la présence d’éléments ligneux qui explique le goût herbacé », commente Gilbert Bischeri. « Une présence excessive de rafle accentue la teneur en tanin, le vin devient plus âpre et plus amer », écrit F. Couderc 32. Le goût « foxé » du vin vient de là. 

         Pour les mêmes raisons il convient d’ôter les feuilles et autres végétaux susceptibles de se trouver mêlés à la vendange.

 

         Il existe par ailleurs de nombreuses techniques permettant d’améliorer la qualité des vins - celui des vins de cépages américains comme tous les autres - que les producteurs à l’ancienne ne privilégient pas nécessairement. Ne serait-ce que le nettoyage régulier des tines (cuves) pour éviter que les dépôts de tartre ne retiennent les moisissures, ou le changement régulier de tonneau, tous les dix ans au maximum.

         Je conseille aux personnes intéressées d’aller visiter les caveaux de Gilbert Bischeri à Aujaguet (commune d’Aujac) ou d’Hervé Garnier, producteur de Jaquez à Beaumont, (Ardèche) et de profiter des commentaires.

 

 

 

Contribution de Daniel Travier,

 

conservateur du Musée des Vallées Cévenoles (Saint-Jean-du-Gard)

 

            « Bien sûr le goût de certains cépages américains est surprenant quand on n’en a pas l’habitude. Mais l’appréciation gustative est à relativiser. Dans la documentation sur les cépages américains des années 1870 on voit que d’un point de vue gustatif ils étaient diversement appréciés. Ils avaient leurs détracteurs mais aussi leurs défenseurs. En revanche il est vrai qu’on a imputé aux cépages américains l’incompétence notoire de bon nombre de paysans cévenols pour vinifier leur vin. Je me souviens, participant avec Jean-Pierre Chabrol aux premières fêtes de la châtaigne de Chamborigaud (1966 à 1969), du vin qui se buvait dans les « tavernes » installées le temps de la fête. Certains, sous prétexte que le Clinton est un vin « spécial » débitaient du vin piqué !!! En revanche dans certaines il y avait du bon Clinton (mais souvent réservé aux amis). Mon grand-père qui était un cultivateur Saint-Jeannais me disait dans les années 50 que les gens des Cévennes ne prenaient pas suffisamment soin de leur vin. D’abord dans les hautes vallées, le raisin mûrit tard et on craignait que les grandes pluies ne l’abîme. On vendangeait donc avant parfaite maturité. J’ai vu ramasser des grappes avec un pourcentage de grains verts impressionnant. Evidemment le vin était très acide, il fallait s’accrocher à la table pour le boire. On pressait trop la rafle aussi comme tu dis très bien. Par ailleurs disait mon grand-père on ne prend pas suffisamment soin des futailles qui sont mal lavées, mal séchées et qui moisissent. Forcément le vin à mauvais goût. Parfois aussi on laisse entrer de l’air et le vin aigrit. Si le vin cévenol n’était pas bon ce n’était la faute des goûts particuliers de ces cépages, mais du fait que bon nombre de cévenols le faisait mal et le buvait car ils n’en avait pas d’autre pour comparer. Je me souviens que mon grand-père qui faisait au total une dizaine d’hectos, prenait un très grand soin de son vin. Il vendangeait d’une part les raisins pour le vin courant (Couderc, Aramon…) et pour respecter les temps de maturité, vendangeait séparément les divers cépages avec lesquels il faisait le bon vin, celui du dimanche (Bacot, Clinton, Jacquez). Il en vinifiait en rouge en rosé et faisait, certaines années des vins de garde tout fait remarquables. J’ai bu dès mon plus jeune âge des vins remarquables, des cartagènes de Jacquez excellentes et même des jus de Clinton ! »

(...)  Je trouve que le Jacquez et le Clinton peuvent être vraiment excellents, notamment vinifiés en rosé (fermentation hors rafle) ils sont moins taniques. J’ai actuellement un vieil ami St-Jeannais qui fait un excellent rosé de Clinton et qui m’en donne un peu. Je consomme aussi un Clinton rouge produit par François Hugerot à Courry qui est tout aussi excellent. Ses vignes sont bien exposées et la maturité est bonne. C’est un vin qui varie d’une année sur l’autre entre 13,5° et 15° voire un peu plus et qui est parfaitement vinifié. Tous les amateurs de vin ne l’apprécient pas nécessairement, toutefois je suis surpris du nombre de ceux qui l’aiment vraiment

 

 

 

         Ainsi, les producteurs de cépages ‘interdits’ ont désormais des éléments en main pour faire taire les critiques malveillantes. Mais ils ont aussi le droit de ne rien modifier dans la mesure où ils sont satisfaits de leurs produits, car si quelqu’un trouve son bonheur dans une production « traditionnelle » au nom de quoi l’empêcherait-on de persévérer ? Laissons aux députés et aux sénateurs de 1934 la présomption de définir le bon goût.

         En vérité, ce n’est pas au nom du goût (critère éminemment subjectif) du vin issu de ces cépages que la lutte pour la levée de l’interdiction doit être menée, mais au nom de la liberté.

         Le fait que les cépages américains soient librement cultivés ailleurs et que le vin qui en est issu soit en vente libre, doit donner à réfléchir aux décideurs. « Ce vin indigne de nos gosiers de spécialistes et de grands amateurs n’est-il bon que pour les autres pays, l’Italie, l’Inde, les États-Unis, le Brésil, le Canada.... » 33.

 

...

 

         Le vin de Clinton est devenu un vin mythique car il incarne le combat pour la liberté. Il est significatif que ce combat soit mené tout particulièrement en Cévennes, terre sur laquelle les Huguenots (avec en apogée l’épisode des Camisards) ont lutté pour la liberté religieuse, les maquisards ont lutté pour la liberté politique, les réseaux de cache des juifs ont lutté contre les persécutions. Les défenseurs du Clinton et autres cépages dits américains n’ont pas la prétention de se comparer aux précédents, mais ils s’inspirent de leur histoire. Leur lutte pour la liberté n’est pas une coquetterie. D’une part, parce que la liberté vaut d’être défendue partout dans la mesure où son usage ne fait de tort à personne. D’autre part, parce que l’enjeu est aussi celui de la préservation de la biodiversité. Enjeu décisif non seulement pour les Cévenols, mais pour l’humanité entière.

 

 

René Domergue, 28 octobre 2014

Article publié dans Les Cahiers des fruits oubliés, supplément au n°51, 2014

 

 

 

Notes et références

 

1 - Interdiction reprise et inscrite dans le droit européen en 1970 par le règlement 2005, confirmé en 2013 par le règlement 1308 du Conseil et du Parlement. Source : Réponse faite à Dominique Garrel, président de l’Association Fruits Oubliés, par M. Ciolos au nom de la commission européenne, dans une lettre du 20 mars 2014.

 

2 - Claire Dubus, « Thèse pour obtenir le grade de docteur en pharmacie », Université de Bordeaux II, 23 mars 1999. Page 15 pour ce qui concerne les infos évoquées, mais la thèse est un trésor pour celui qui s’intéresse aux cépages interdits, avec des développements importants sur le Noah en particulier.

 

3 - Ces cépages sont mal adaptés aux plaines calcaires où, dans l’espoir de mettre les vignes à l’abri du phylloxéra, on a tenté de les utiliser comme porte-greffe (pour des cépages méridionaux). Cf. Freddy Couderc, « Les vins mythiques de la Cévenne ardéchoise et du Bas-Vivarais », éd. La Mirandole, 2005, p.127. Ce livre fournit une très riche documentation sur les cépages interdits, qui vaut pour les Cévennes en général. Il sera souvent donné en référence dans cet article.

 

4 - La liste des cépages interdits n’est d’ailleurs pas établie par la loi, c’est un décret qui devra s’en charger. À noter qu’au départ il est question d’interdire tout vin produit à partir de plants américains producteurs directs ou d’hybrides issus de ces plants. Or, un peu partout, y compris dans la zone méditerranéenne à forte production, des vignes prospèrent, greffées notamment, sur Noah. Après diverses interventions au contenu relativement abscons, le président du Sénat, après mise aux voix, modifie le projet de loi : « Les mots ‘introduits d’Amérique, dits hybrides de producteurs directs de type Noah’ sont supprimés. » Ainsi, ce sont les seuls cépages américains, caractéristiques des Cévennes, qui se retrouvent frappés par l’interdiction.

 

5 - Marie-Lucy Dumas, dans « Aujac, entre route et Cèze » (2009), montre que la production viticole est essentiellement consommée sur place. Vers 1935 une centaine de cultivateurs de Clinton ou autres produisaient 85 000 hl de vin,  ce qui  correspond à 1 litre par jour et par habitant. Les hommes pouvaient boire jusqu’à 4 litres d’un vin, certes, de petit degré. « À l’époque l’eau était considérée comme nuisible à la santé. Ce n’est pas aberrant, en effet elle charriait des germes issus de défécations (...) On donnait très tôt à boire aux enfants du vin coupé d’eau. » (Intervention lors d’une rencontre sur Les cépages interdits) C’est dire à quel point le vin cévenol avait peu d’importance pour expliquer la surproduction.

 

6 - Journal officiel du 16 décembre 1934, compte-rendu des Débats à la Chambre des députés, séance du 15 décembre 1934. pp.3254 ,3261 et 3262. À noter que Renaud Jean était un personnage très connu dans le monde viticole, surnommé « le tribun des paysans » cf. Wikipédia.

 

7 - Id. p.3258 : Edouard Froment, député de l’Ardèche, demande au gouvernement de « dire d’ores et déjà que les hybrides Siebel et Couderc » et le producteur direct connu sous le nom de Clinton ne seront pas compris dans la liste des cépages interdits. Antérieurement (p.3256), Jean Félix, au nom des députés minoritaires dans la commission, avait établi un distinguo entre les producteurs directs « lianes importées d’Amérique » (= les cépages américains), dont le vin est « infâme », et les hybrides qui utilisent seulement ces cépages comme porte-greffe, dont le vin, « à bon marché », est de « qualité correcte ».

 

8 - Claire Dubus, op.cit., p.17. « Il y avait deux régions principales de culture pour ces cépages interdits : les département atlantiques (Vendée,...) et la Bourgogne, ainsi que deux petits îlots : le Bas-Rhin, en Alsace, et les Cévennes (Ardèche et Gard). » En considérant le tableau fourni, il faudrait ajouter le Sud-ouest avec notamment la Dordogne et la Gironde.

 

9 - Cela apparaît clairement dans les délibérations au Sénat. Concernant la Chambre des députés (séance du 14 décembre), l’interdiction de certains cépages producteurs directs (cépages américains) est annoncée assez rapidement par le président de la commission des Boissons, mais les débats s’orientent, tout comme au Sénat, sur les causes de la surproduction - Midi, Algérie... -  sur la politique de retrait, de distillation, etc. 

 

10 - Il précise : « Même dans ma propre région. » Sa région c’est l’Aude où, dans les vastes plaines, on fait pisser la vigne. Les cépages américains sont très minoritaires, rien à voir avec la situation en Cévennes où les conditions climatiques sont très différentes.

 

11 - « Comme les clients de l’époque apprécient un vin bien rouge, le gros qui tache, les paysans plantent dans les vignes des souches de noirs, pour lui donner une couleur sombre. Les clients veulent aussi un vin qui arrache. Le degré n’est pas recherché. Avant, les vendanges se faisaient de bonne heure. Pour la foire de Nîmes, vers le 26 septembre, tout le monde avait terminé. Une fois, le grand Léon a même commencé à ramasser le 26 août. Les vins faisaient 8° ou 8°5. C’étaient les premiers qui partaient. » René Domergue, « Des Platanes, on les entendait cascailler », p.48. L’idée que les conceptions des uns, les dominants, devraient être une référence pour les autres, porte un nom : ethnocentrisme.

 

12 - Cité par Dominique Garrel, Petite histoire de la vigne en Lozère, revue Fruits oubliés, avril 2014. Id. pour la citation suivante.

 

13 -  Annales du Sénat, séance du 23 décembre 1934, p.1607.

Autres interventions intéressantes lors de cette même séance :

- p.1605 : M André Fallières : « Il ne faudrait pas perdre de vue que dans la rédaction de cette loi, notre but n’est pas d’améliorer la qualité des vins français » (...) « Ce projet de loi a surtout été déposé pour remédier à une crise de surproduction... »

-  p.1606 : M Sireyjol (Dordogne) : «  ... la loi sur les vins est faite par les représentants des départements (gros) producteurs... Nous voilà écrasés par les régions de grande production » Réactions dans la salle : Très bien, très bien ! (en fait,  sur les bancs de l’extrême gauche)

- Id Delthil, 1607 (Tarn-et-Garonne) : « Nous n’obtiendrons rien parce que nous sommes trop peu nombreux et que les gouvernements n’écoutent, malheureusement, que ceux qui sont forts et qui peuvent imposer leur volonté. »

On voit donc (pp.1607-8) que s’élèvent diverses critiques, mais cela ne va pas plus loin, et on en voit plusieurs se rendre très vite à la volonté du gouvernement : « Vous nous adressez un appel patriotique ! Je retire mes amendements. » 

 

14 - Journal officiel du 16 décembre 1934, compte-rendu des Débats à la Chambre des députés, séance du 15 décembre 1934. p.3273

 

15 - Annales du Sénat, op.cit, p.1582.

 

16 - « ... nous souhaitons... que la défense de la viticulture (...) ne soit plus confiée (...) aux marchands de sulfate de cuivre », in Freddy Couderc, op.cit., p. 141-4 . Référence est faite à une déclaration au Congrès viticole de Toulouse, en sept. 1942.

 

17 - Claire Dubus, Thèse, op.cit., p.21.

 

18 - Daniel Travier me précise que pour les gros producteurs de vin, l’enjeu de la production cévenole était de peu d’importance. « Il n’en était pas de même de la production ardéchoise. En effet depuis des lustres, temps où le transport du vin se faisait à dos de mulets dans des outres de peau, ces viticulteurs approvisionnaient le Velay et l’Auvergne. On a construit encore des terrasses au début du XXe siècle en Ardèche pour y planter de la vigne alors que les dernières construites en Cévennes (gardoise et lozérienne) remontent au milieu du XIXe. Les cépages essentiellement utilisés par les ardéchois étaient des cépages américains. Leur interdiction favorisait l’approvisionnement du Massif Central par les vignerons du Midi. »

 

19 - Dans un premier temps la culture est tolérée pour les « producteurs-consommateurs ». La quasi-éradication se fait en 62 avec les primes à l’arrachage. À noter que peu après la publication du décret d’interdiction, un assouplissement a lieu (juillet 1935) repoussant à 1942 l’interdiction totale. Daniel Travier fournit une précision utile pour ceux qui souhaiteront mener une recherche sur ce thème. « La question de l’interdiction des plants américains a été relancée suite aux grandes manifestations de juillet 1953, par le Décret viticole » de septembre 1953 dont l’objet était  « l’élimination des vins de mauvaise qualité ». A ce moment-là un élu cévenol Marceau Lapierre, maire et conseiller général socialiste de St-Jean-du-Gard a réagi dans la presse invitant les paysans cévenols à résister.

 

20 - Goût foxé : De l’anglais fox, « renard ». En France, on dit aussi de certains raisins au goût musqué que « le renard a pissé dessus » (...) odeur ou saveur animale excessive. (...) qui a le goût de cassis, en parlant du raisin de certaines vignes américaines. (Wiktionnaire).

Goût Herbacé : Catégorie particulière des parfums végétaux indiquant un manque de maturité du raisin et/ou de la rafle (avis-vin.lefigaro). Goût d’herbe ou de rafle écrasée (oenologie.fr)

 

21 - Article publié le 21 mars 2012  dans Dico-du-Vin : « ...des composés inorganiques d’arsenic sont présents naturellement en petite quantité dans la terre. En tant que matière minérale, l’arsenic se retrouve dans le vin, mais rassurez-vous, en quantité infinitésimale (...) En 1909 éclatait en France le scandale de l’arsenic dans le vin. Pour protéger alors les vignes des attaques d’insectes et de parasites, certains vignerons sans scrupule utilisèrent une bouillie très efficace, l’arséniate de plomb, qu’ils répandaient sur  leurs vignes. Résultat, cet arsenic se retrouvait dans leurs vins avec les conséquences que l’on sait ! » Rien de particulier pour les cépages américains.

 

22 - Référence de l’opuscule, cf. note 2

 

23 - Claire Dubus, Thèse, op.cit., p.80

 

24 - Freddy Couderc, Les vins mythiques, op. cit., p.71

 

25 - Id. p.70

 

26 - Discussion avec Alain Laborieux, ancien directeur de la revue Chemin Faisant, auteur de nombreux articles sur les vins. 

 

27 - Freddy Couderc, op.cit., p.166

 

28 - id. p.66-7

 

29 - id. p.175-6

 

30 - Certains anciens buvaient ce vin en ajoutant du sucre ou de la limonade. Ils s’en servaient aussi pour faire chabrot, opération qui consiste à verser une petite quantité de vin dans son assiette de soupe.

 

31 - Une fois encore je me réfère au livre de F. Couderc qui, p.62, rend compte de travaux d’experts.

- le vin issu des cépages du groupe Labrusca (Isabelle, Concord) a un goût foxé.

- celui issu des cépages du groupe Labrusca-Riparia (Clinton, Othello) a un goût herbacé

- celui issu des cépages du groupe Aetivalis-Cinerea-Vinefera (Jacquez, Cunninghan, Herbemont) a un goût qui rappelle le cassis.

 

32 - id. p.166.

 

33 - F Couderc, op. cit. p.185. En Italie, le clinton est planté dans le Frioul et la Vénétie. (https://fr.wikipedia.org/wiki/Clinton_%28c%C3%A9page%29).  On en cultiverait aussi dans la Nappa Valley, aux Etats-Unis.

 

 

 

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