L’accent pied-noir

 

 

 

                    Le Pied-Noir que j’ai nommé ‘visible’ est d’abord un Pied-Noir ‘audible’, que l’on repère à son accent. « Régulièrement, un Pied-Noir, client du bistrot, me malaxe les épaules en disant : Fils, sers-moi un rosé avé’ d’cassi’. »

 

 

            Selon Michèle, l’accent exprime une origine sociale : « L’accent c’était surtout les classes populaires. Par exemple, le quartier de la Marine à Oran où il y avait un accent comme dans le film La famille Hernandez. Le petit peuple d’Oran était surtout composé d’Espagnols, ils se mélangeaient peu avec les gens venus de France. » Sous-entendu, des gens d’un niveau social supérieur, même s’ils sont seulement fonctionnaires. « A Alger, rue Michelet, il n’y avait pas d’accent, au contraire de Bab-el-Oued. J’ai fait mes études à Bugeaud, le meilleur lycée d’Alger, la plupart de mes camarades avaient peu d’accent. »

            J’ai tout de même retrouvé un accent indiscutable chez des Pieds-Noirs appartenant à des professions intellectuelles. Pas un accent appuyé certes, mais assez net pour transparaître dans chaque phrase.

            Par ailleurs, l’accent ne se manifeste parfois que dans certaines situations. Eric n’a pas d’accent. « Je retrouve l’accent quand je suis en colère. Ma femme me dit : Tu prends l’accent ! » Corinne explique :

- Ma mère et mon oncle ont un accent pied-noir surtout quand ils s’énervent. Et pour s’énerver, ils s’énervent.

- Et leurs enfants ?

- Ma cousine a le tié, les autres non.

- Le tié ?

- Tié bête, tié content...

 

Source : René Domergue, L'intégration des Pieds-Noirs dans les villages du Midi, éd.L'Harmattan, 2006, pp. 157-158

 

 

 

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