La légende de La Barben

 

 

 

 

            « Avant, c’était que de la caillasse, avec quelques éousés. Même les bédigues trouvaient rien à rousiguer. » Des cailloux avec quelques chênes verts, où même les moutons ne trouvaient rien à manger. « Ils ont planté là où il y avait que des armas », des terres incultes. « C’était la garrigue. Le père Durand disait : Saïque, ils vont pas faire du vin là-dedans ! »

          « Ils », ce sont les Pieds-Noirs.

          Avant, c’est avant les travaux de défrichage effectués aux environs de 1960.

          Le domaine évoqué, c’est celui de La Barben, exploitation agricole implantée à une dizaine de kilomètres de Nîmes, sur la D 999 qui mène au Vigan.

          Les moyens mis en œuvre ont beaucoup impressionné la population. « Boudiou ! Tu peux croire qu’ils en ont cassé, des moulons de caillaous ! » « Avec des foutrassaous d’engins. » Des tas de cailloux, avec des engins énormes. ça te faisait une poussiérasse de tous les diables. »

 

Sous-sol du terroir de La Barben

 

          A l’époque, dans les années 50, la rentabilité des exploitations agricoles de la région est subordonnée à la production de vin de consommation courante, d’où le souci d’un haut rendement. La caillasse des garrigues n’était pas un sol de prédilection.

          Au bout du compte, soixante hectares ont été défrichés, d’un seul tenant. La vigne longeait la route sur plus de six cents mètres. On n’avait jamais vu cela ici. Puis La Barben sort des esprits. Mais une chose est restée : les Pieds-Noirs ont esfaté (défriché) la garrigue sans craindre les caillasses ! Et ils l’ont mise en culture. Ce qui était inconcevable pour les gens d’ici. « Planter dans les caillaous ! Pour faire ce genre de boulot, il y avait que les Pieds-Noirs ! »

 

Entrée du domaine

 

          En réalité, le défrichage n’a pas été fait par un Pied-Noir. Il s’agit d’une légende. La légende de La Barben, à la gloire des Pieds-Noirs et de leur esprit colon, est d’autant plus significative qu’elle s’inscrit dans un contexte social où les esprits se montrent souvent critiques à l’égard des Pieds-Noirs.

 

Source : René Domergue, L'intégration des Pieds-Noirs dans les villages du Midi, éd.L'Harmattan, 2006, extraits pp. 15-20

 

 

 

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