Li banu

Sourneto (conte pour rire)

Je pense qu’il s’agit d’une histoire qu’on racontait lors des veillées, et que l’auteur a adapté à sa façon. (R.D.)

 

 

 

Les cocus

 

Il te faudra prendre femme, disait Maître Seguin,

A vingt-cinq ans, mon garçon, tu n’es plus un poulain.
Il ne faut pas laisser passer tous les bons partis.
Prends-là, jolie et riche, tel est mon avis.
Émile, en moins de temps qu’il me faut pour vous le dire,

Porta son dévolu sur la fille de Sire.
Une jolie fille avec ses longs cheveux bruns

Qui en contenteraient sûrement plus d’un.
Content comme un Pierrot il alla en parler à son père

Qui lui dit sur le champ : « C’est pas une petite affaire,

Avec la mère Sire, il y a déjà quelques années,

Durant quelques jours, on n’a pas fait semblant,

C’est ta soeur, je n’osais pas de le dire,

Il aurait pu arriver quelque chose de bien pire. »

Émile s’en alla, la tête basse

En disant que personne pourrait prendre la place.
Mais comme le temps finit par tout effacer

Son regard un jour croisa Margaridou

Et comme ses yeux tombèrent sur le corsage,

Notre jeune homme alors tourna la page.

Et si pouvait parler la rue du four,
Elle vous conterait tous ses projets d’amour.

Alors il retourna dire au père Seguin

Que son célibat allait prendre fin.*

- Ah, et quelle est la bien heureuse élue ?

- C’est Margaridou, la fille de Gertrude.

- Tu veux dire la fille de cette vieille peste,

C’est le tonnerre qui me tombe sur la tête.

Oh, tu peux me pardonner car c’est bien le hasard

Qui nous fit nous rencontrer un soir alors qu’il était un peu tard.
Ce qui devait arriver alors est arrivé,

On a sauté une fois, et même recommencé.

Maintenant, avec le temps, j’en ai bien un peu honte.vergougna

Ce n’est pas une raison pour faire cette tête trougna

Des filles à marier, ici, il n’en manque pas

Seulement, mon ami, il faut savoir les trouver li trouba

Émile en resta muet au moins deux mois,

Il rongeait son malheur pour la seconde fois

Quand un jour par hasard, sous un figuière

Il vit Manon, la fille de la bouchère.

Comme on dit maintenant, elle était habillée cool,

Avec un petit jupon bien au dessus des genoux.
En s’étirant sans faire de manière

Ça lui bouchait à peine la raie de la misère 1

En ramassant très haut la dernière figue 2

Émile en frémit des ongles des pieds jusqu’au col.
Le jour, la nuit, il pensait à Manon,

A ses jolies gambettes sous son cotillon.
Pour en trouver la même, il faut aller loin d’ici.
Elle est encore mieux faite qu’une poupée Barbie.

Elle était légère saouta-rigola mais savait rester sage

Et dit : « Tu feras ceinture jusqu’au jour du mariage. »

Émile alla dire à son père sans façon :

- Cette fois c’est fait, j’épouse la Manon

- Que le diable m’emporte car avec la bouchère boutièira

On n’est pas toujours resté le cul sur la chaise. cadièira
De devoir te le dire, ça me fait mal au cœur,

Mais Manon elle aussi est ta soeur.

Pour Émile c’est trop, il ne peut pas le supporter

Il partit chercher une corde pour se pendre.
Avant de mourir, il alla voir sa mère

Pour lui dire qui était son salopard de père.

- Tu as bien fait mon enfant de me raconter cela,

Et je vais t’empêcher de faire une bêtise,

Cherche parmi les trois et prend celle que tu voudras

Car tu n’es pas le garçon de ce grand couillonas.

 

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* Passage oublié lors de l'enregistrement.

1 - Règa de la misèra = raie des fesses.

2 - J’ai du mal à traduire. Le texte écrit est le suivant : «  En ramassan tan naou le dernier pendia col. » Il s'agit de figues bien mûres, pendantes, à col tordu.