La garéna

 

Poème écrit par l’auteur en souvenir de la destruction de la Garenne, magnifique bois qui s’étendait sous sa maison.

C’était l’ancien parc du Château. Le Marquis l'avait offert à la mairie de l’époque pour en faire deux stades, pour le ballon et d’autres activités. Comme la pente était assez raide, les travaux furent considérables.

Cette activité destructrice des bulldozers serait impensable aujourd’hui, mais à l’époque (vers 1955)  personne ou presque n’avait trouvé à redire à la décision municipale.

 

      

 

 

La garenne

 

Je peux vous en parler puisque j’y suis  né,

Et qu’en son milieu toute ma vie j’y ai vécu

Ma maison, sur l’avant, donne dans la rue

Mais par derrière, ma cour, elle, y fait frontière.

 

Trois hectares de chênes blancs, de chênes verts et de tamaris 1

Etaient de ce temps propriété du marquis.

On disait que dans un temps c’était d’accès réservé

Mais notre jeunesse prouvait en profiter

 

Petits et grands quand on sortait de l’école

On courrait sur le plan faire de cabrioles

Sur l’espace plat on jouait au ballon

De courir aux Perrières 2 ne nous faisait pas besoin.

 

Comme tous les enfants qui sont sur notre terre

Avec des fusils de bois on jouait à la guerre.

Dans les buissons mata on faisait de jolies cabanes

Où on se cachait pour fumer des lissanes 3

 

Et les un peu plus âgés qui avaient la passion de la chasse fé dé la cassa

Grimpaient sur les chênes verts lever des nids de pie. d’agasse

On courrait, on criait, on était tous un peu foufous foulage

On se sentait libre comme un troupeau sauvage

 

Et quand las de courir on se sentait fatigué

À l’ombre du gros chêne on allait se reposer.
Il dépassait les autres du double dans le ciel

Il avait au moins mille ans m’avait dit un bon vieux.

 

On pouvait s’allonger dans un matelas d’herbes baouca

On se sentait protégés sous ses grosses branches. branca

On écoutait chanter rossignol et linotte

Ça sentait bon l’aspic et embaumait le thym

 

Mais le marquis un jour, il y a bien quelques décades

De donner ce terrain à la commune, fit la couillonade.

Et on a eu beau changer de municipalités municipalita

Toutes, j’ai bien dit toutes, n’on fait que la détruire l’esclapa

 

D’abord pendant des mois a manoeuvré un bulldozer

Et du plus petit endroit rode ils en firent un désert.

Même le gros chêne, je m’en souviens toujours

Ils ont troué à son pied pendant plus de deux jours.

 

Et quand il s’est abattu, le sale bulldozer

S’est vu soulever panléva tout droit dans les airs.
En s’arrachant ses racines ont emporté la terre

À la place du chêne est resté un gros cratère.

 

Depuis, le bas de la garenne

Est laissé aux buissons bartas et ça me fait peine.
Où les amoureux faisaient de belles litières
de pouli dias

L’herbe s’en est allée et ont poussés des ronciers arroundias

 

Ceux qui sont venus ensuite étaient autant mabouls,

Adieu les chardonnerets, voici un jeu de boules.
À l’emplacement où chantaient de nombreux rossignols
roussignaou

Vous trouverez un espace désert pour faire courir les taureaux biaou

 

Et pour finir le tout, ça c’est la plus belle,

Les derniers arrivés en ont fait une poubelle. 4

 

 

À Montpezat, 1980

 

1 - Licence poétique, il n’y a jamais eu de tamaris dans la Garenne, ni ailleurs dans notre village de garrigue.

2 - Le nouveau stade, éloigné du village (l’ancien n’a jamais servi, il n’était pas aux normes et le sol argileux le rendait impraticable après chaque pluie)

3 - Ailleurs on dit Rabissane. Il s’agit de la Clématite des haies ou Clématite vigne-blanche.

4 - Allusion à l’implantation de containers.