Le mariage mixte

 

 

 

 

Le paradoxe des chibanis

            De nombreuses familles ‘françaises’ (ou ‘européennes’) éprouvent de la réticence à l’égard du mariage de l’un de leurs enfants avec un musulman. « Elles verront ce qui va leur arriver, l’esclavage, les dérouillées. » « Elles sont caludes [folles], en cas de séparation le père embarque l’enfant au bled. » « Si tu épouses une Arabe, tu épouses la famille, le petit sera musulman. »

 

 

             Mais la réticence n’est pas moins forte du côté des immigrés du Maghreb, fondée sur des principes religieux et plus encore sur une puissante tradition d’homogamie. (...) L’on compte relativement peu de mariages mixtes, tout particulièrement des mariages impliquant une fille ‘maghrébine’ et un garçon ‘français’. Les statistiques fondées sur la nationalité ne doivent pas faire illusion. Lorsqu’un(e) Français(e) épouse un(e) Maghrébin(e) il s’agit le plus souvent d’un(e) Français(e) d’origine maghrébine (...)

 

Ils se marient jamais

            « Les couples avec un Arabe et une fille française, ils se marient jamais » (Valérie).

 

Photo : couple mixte.

On rencontre de nombreux garçons d’origine maghrébine en compagnie de filles dites ‘Françaises’. Mais quand la relation est sérieuse le jeune maghrébin préfère souvent rester discret « par respect du père ».

 

            Le Coran autorise le mariage d’un garçon musulman avec une fille non musulmane (de religion monothéiste) mais la tradition chibanie admet difficilement de tels mariages. « Dans ma famille, c’est h’chouma » (Nawal). La honte. «Tout de suite, les cousins, la famille du bled, les réflexions » (Zohra). C’est une des raisons pour lesquelles ce type de couple en reste souvent au stade du concubinage. Ainsi pas de mariage à annoncer, donc moins de reproches à essuyer de la part des parents et, surtout, pour les parents eux-mêmes, moins de risques de subir les critiques dans la mesure où le couple demeure discret (...)

 

 

Le mariage reste souvent homogame. Néanmoins l’observation des tenues montre souvent qu’on est loin d’un repli identitaire avec le foulard islamique comme étendard.

 

Elle est célibataire, toujours loin

            (...) Certains chibanis (les anciens) acceptent toutefois le mariage d’une de leur fille avec un Français converti, un ‘reconverti’ disent-ils, ce qui est halal (conforme à l’islam), sauf si la conversion est de circonstance. Mais même dans ce cas certains parents s’accommodent. «Tu dis les mots devant des témoins, et voilà » (Bassem). Ces quelques mots, c’est la shahâda, profession de foi musulmane. La circoncision est alors facultative. Sur simple déclaration de conversion, une famille moins sensible que d’autres aux ragots peut considérer que l’honneur est sauf et accepter le mariage. Devant son père, Amar se montre catégorique : « Ma sœur elle est mariée avec un Français, il s’est converti. » Mais plus tard, en aparté : « Il l’a pas fait devant un imam... Puis c’est leur problème... Je vais pas embêter mon père avec ça. »

            La solution la plus simple pour passer outre la barrière des traditions consiste pour la fille, sous un prétexte quelconque, études ou travail, à quitter le foyer familial et s’installer assez loin pour déjouer le réseau de surveillance. Voie royale pour le concubinage. « Ma sœur s’est lancée dans les études puis a pris un travail pour échapper au mariage organisé par les parents. Elle est célibataire, mais toujours loin. C’est pareil pour d’autres filles : Les études qu’on veut faire, on peut pas les faire à Nîmes ou à Montpellier, il faut aller à Paris ou à l’étranger » (Jalal)....

 

 

Source : L’intégration des Maghrébins dans les villages du Midi, René Domergue,  Autoédition, 2011, p.212-216.

 

 

 

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