Pieds-Noirs et parler méridional

 

 

 

            Un nombre significatif de Pieds-Noirs, parmi ceux installés depuis longtemps dans les villages, utilisent volontiers, et parfois inconsciemment, des expressions d’ici.

            Par exemple, Paul au téléphone, pour convenir d’un rendez-vous. « Pour venir chez moi il faut enquiller la rue du Temple ». Enquiller quelque chose c’est l’emboîter, et par extension suivre une direction.

 

Mélange des cultures

 

            Les paroles de Jacques sont émaillées de français régional. La première fois que nous nous rencontrons, il arrive dans son camion pour vider la terre, il demande : Où on l’escampe ? Plus tard, nous parlons de ses moutons : « Je les bandis dans les prés, autour de chez moi. » Bandir, lâcher. « Là-bas, en Algérie, dans la région de Bône, l’hiver, les sangliers venaient se réchauffer dans les charbonnières, il creusaient des trous. Ils chiaplaient tout. » Chiapler, casser.

            A la question : Il y avait beaucoup de colons parmi les Pieds-Noirs ? Madame Saadoum répond : « Peuchère ! Surtout ceux du Mas de Mingue ! » Peuchère, le pauvre, mon pauvre, les pauvres... (Le Mas de Mingue est un ensemble construit dans l’urgence, à la périphérie de Nîmes, afin de loger les Pieds-Noirs.)

            Parfois, l’intégration du langage local prend du temps. Ainsi Francis qui assiste aux parties de boules dans son village m’écrit : « Une expression qui revient assez souvent est ‘aquestécour’, que j’écris phonétiquement, et qui à mon avis a le sens de Enfin ! Enfin réussi ! » L’interprétation est bonne, mais l’expression exacte est aqueste còp, prononcé a-ques-té-cau.

 

Source : René Domergue, L'intégration des Pieds-Noirs dans les villages du Midi, éd.L'Harmattan, 2006, pp. 169-170

 

 

 

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