Comprendre la souffrance de l’autre ?

 

 

 

            Comment toucher du doigt la souffrance du Pied-Noir ?

            Tout s’éclaire lors d’une conversation avec un ami. Parlant du prix de la maison qu’il vient d’acheter, il affirme : « Si on m’en propose un bon prix, je suis prêt à la vendre. » Je pense alors à mon maset. « Jamais je vendrai mon maset, et la terre qui l’entoure, cela n’a pas de prix. » Il y a trop de liens, trop de souvenirs.

 

 

            Le maset, c’est là qu’on s’abritait pendant les vendanges, lorsqu’il pleuvait. C’est là qu’on faisait feu dans la cheminée pour se sécher. C’est là qu’on rangeait les outils pour travailler le jardin. C’est là que j’ai vu les plus beaux lilas. C’est l’arbre qui pousse contre le maset qui m’a fait découvrir l’inoubliable saveur des pêches de vigne... C’est là que j’ai cru retrouver le corps de mon père le jour où il a décidé de mettre fin à ses jours. Imaginons qu’on me dise : ce maset on te le prend, on te prend le jardin qui est à côté, avec le puits et l’eau fraîche, on te prend la ribe (bord de champ) et les arbres de la ribe où il était si facile de construire des cabanes, on te prend la rivière qui coule au fond du champ, par forte pluie, et où tu as appris à faire des moulins, on te prend le figuier et les figues, on te prend les fraises qui poussaient dans le jardin, l’eau qui coule de la pompe. On te prend la terre de ton enfance et le ciel qui est au-dessus,... Et tu dois partir bien vite, dans un pays que tu ne connais pas, où l’on ne t’attend pas. Tu dois partir bien vite, sinon on va venir t’assassiner.

 

Source : René Domergue, L'intégration des Pieds-Noirs dans les villages du Midi, éd.L'Harmattan, 2006, pp. 181-182

 

 

 

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