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Eurindien 1 : la théorie de la racine - Cours & Documents - Forum Babel
Eurindien 1 : la théorie de la racine

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Outis
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Messageécrit le Monday 22 Oct 07, 11:30 Répondre en citant ce message   

En attendant les pages que je projette d'écrire sur la reconstitution des formes primitives des langues eurindiennes, voici quelques mots pour expliquer la terminologie que j'utilise dans divers messages quand il s'agit de présenter des « racines ».

La « Théorie de la racine » a été présentée en 1935 par Émile Benvéniste dans un chapitre de son ouvrage Origines de la formation des noms en indo-européen. Elle est aujourd'hui acceptée par la grande majorité des linguistes.

note : Le terme « eurindien » que j'utilise n'est à considérer que comme la version courte de « indo-européen ». Ce ne devrait être qu'un adjectif pour qualifier des langues apparentées mais, par un abus de langage usuel, il désigne aussi l'ensemble des reconstructions fondées sur l'étude de ces apparentements. On n'oubliera pas cependant qu'il ne s'agit que d'une théorie et que, probablement, l'eurindien n'a jamais été parlé.

La racine

Les mots pleins de l'eurindien sont basés sur des racines verbales dilitères dont l'armature consiste en deux consonnes (occlusives, sifflante, laryngales, sonantes ou semi-voyelles), elles sont séparées par une voyelle alternante qui peut être :
rien au degré zéro (zero grade, Nullstufe)
e ou o au degré plein (full grade, Vollstuffe)
plus rarement et dans des conditions particulières :
ē ou ō au degré long (lengthened grade, Dehnstuffe)
Par convention, on utilise le degré plein e (ou degré e) quand on note la racine.

Exemple : racine *bʰer- « porter » (skr. bharati, gr. pherō, lat. ferō, got. baíran, angl. bear)
en grec (langue la plus conservative du vocalisme) :
degré zéro dans dí-phr-os « siège, caisse de char » (= doublement porté)
degré plein e dans phér-ō « je porte »
degré plein o dans -phór-os] « qui porte » (> fr. -phore)
degré long ō dans phṓr « voleur » (= qui porte sur lui l'objet volé, témoin de sa culpabilité)

Suffixes et thèmes

Les racines peuvent recevoir un suffixe, constitué d'une consonne, précédée ou non de la voyelle alternante, le tout constituant un thème. Racine et suffixe ne peuvent être tous deux au degré plein et il ne reste que trois possibilités.

Le thème I (degré plein de la racine et degré zéro du suffixe, ton radical) s'oppose normalement au thème II (degré zéro de la racine et degré plein du suffixe, ton suffixal)
*pet- « tomber, voler » + *-er- :
thème I *pét-r-, skr. pátra- « aile » ;
thème II *pt-ér-, gr. ptéron « aile » (> fr. ptérodactyle, coléoptère)

Dans le cas où parmi les trois consonnes impliquées il y a des laryngales, sonantes ou semi-voyelles, toutes susceptibles d'avoir une réalisation vocalique, on pose aussi un thème III (degré zéro de la racine et du suffixe) mais ce thème est toujours secondaire (il ne fournit jamais de verbe) et il ne doit être considéré que comme le degré zéro d'un thème I ou II.
*h₂eu-g- « accroître »
thème I *h₂eu-g- : gr. aúksō, lat. augeō « augmenter », skr. ojas- « vigueur »
thème II *h₂u-eg- : gr. aéksō (< *awéksō) « augmenter », skr. vakṣaṇa- « revigorant », got. wahsjan, all. wachsen « croître »
thème III *h₂u-g- : skr. ukṣita- « accru »
*h₂eu-s- > *h₂eu-s-ōs « aurore »
thème I *h₂eu-s-ōs : gr. éol. auōs, lat. aurōra
thème II *h₂u-es- : skr. vāsara- « lueur matinale, jour »
thème III *h₂u-s-ōs : skr. uṣās

Un grand nombre de thèmes II ont été pris pour des racines. Par exemple, on pose classiquement une racine *suep- « dormir », au degré o *suop-no- dans lat. somnus « sommeil » (> fr. insomnie), au degré zéro *sup-no- dans gr. húpnos « sommeil » (> fr. hypnose). En fait, il faut poser un thème II *su-ep- d'une racine *seu- attestée au thème I avec un autre suffixe dans :
- *seu-d- : gr. heúdō « dormir »

Élargissements

Une racine suffixée au thème II peut aussi recevoir un élargissement, qui est de même nature qu'un suffixe mais qui est toujours au degré zéro. Le point essentiel ici est que, si d'une racine supposée on ne connaît que des élargissements, on peut raisonnablement penser que cette racine est en fait le thème II d'une racine suffixée. Et cette démarche s'avère constructive dans la mesure où elle permet d'en déduire un thème I, souvent attesté mais non reconnu jusque là comme appartenant à la même racine. Prenons un exemple.

On a longtemps supposé une racine *nek- « porter atteinte, faire périr », attestée par les latins nex « mort », necō « tuer ». De cette racine on ne connaît que des élargissements :
- *-i- dans skr. naśyati « périr » ;
- *-s- dans lat. noxa « dommage causé »
- etc.
On peut alors reconstituer un thème II *h₂n-ek- d'une racine *h₂en- et s'apercevoir que le thème I de sa suffixation en *-k- est effectivement attesté :
*h₂en-k-
- breton : ankoù « mort » (personnalisée dans l'Ankou, la Mort des légendes bretonnes)
- tokharien A : oṅk « homme » (= destiné à mourir)
- hittite : ḫenkan « mort fatale »
- grec : anánkē (< *h₂n-h₂en-k-) « nécessité »

Sémantique

Alors que les divers élargissements d'un thème II montrent toujours une grande parenté sémantique, il n'est pas toujours facile de discerner le sens précis des suffixes, même quand la racine nue est attestée :
*uel- « vouloir », lat. uolō (> fr. vouloir), angl. will
*ul-eh₁-, gr. lẽma (< *wlē-mn) « volonté, résolution, courage »
*uel-d-, gr. éldomai « désirer, aspirer à »
*uel-p-, gr. élpomai « attendre, espérer »

Quand la racine nue n'est pas attestée, on en est réduit à des hypothèses non vérifiables, même si elles sont vraisemblables :

La racine *h₂en- de *h₂en-k- « faire périr » est probablement celle qu'on trouve avec le suffixe *-gʰ- dans le latin angō « étreindre, oppresser » et l'allemand Angst « angoisse » car le latin necō ne s'emploie que pour la mort sans effusion de sang (ce qui explique le sens particulier qu'a pris en français le verbe noyer qui en est issu) mais imaginer à la base une racine *h₂en- « respirer » n'est qu'une hypothèse fondée sur le thème
- *h₂en-h₁-, skr. aniti « souffler », gr. ánemos « vent », lat. anima « souffle, air, âme »
sans qu'on puisse expliquer pourquoi les suffixations en gutturale marquent plutôt un étouffement, une difficulté de ce souffle.

De même, on perçoit bien un mouvement lent et continu vers le haut dans *h₂eu-g- « accroître » comme dans *h₂eu-s- > *h₂eu-s-ōs « aurore » mais on est bien en peine de préciser si l'aurore est perçue comme une montée du soleil ou un accroissement de la lumière …

Dans de telles conditions, on est très loin de pouvoir donner un rôle sémantique à chaque suffixe. Il est probable que celui-ci a existé mais il s'est aujourd'hui perdu à travers les évolutions propres à chaque langue.


Dernière édition par Outis le Monday 12 Nov 07, 16:58; édité 6 fois
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Outis
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Messageécrit le Friday 07 Feb 20, 19:38 Répondre en citant ce message   

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