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Breizhadig
Inscrit le: 12 Nov 2004 Messages: 860 Lieu: Penn ar Bed / Finistère
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écrit le Monday 15 Aug 11, 1:37 |
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La conjonction "lar" (que) est, d'après ce que j'ai pu constater, utilisée uniquement en Cornouaille là où les autres dialectes utiliseront la conjonction "ez". Cette conjonction serait dérivée du verbe "lâr", dans sa forme pleine: "lavarout" (dire) qui aurait pris le rôle de conjonction.
La conjonction "lar" permet de se différencier du relatif "ez" d'où provient aussi la conjonction "ez", par exemple, il n'y a pas de différence phonétique entre:
- A-benn ket pell e vo poent mont (il faudra y aller dans pas longtemps)
et
- Lâret 'm eus deoc'h e vo poent mont (je vous ai dit qu'il faudra y aller)
Déjà, ce "e" n'est en général pas entendu à l'oral, ce qui peut expliquer son effacement des esprits (bien qu'il reste visible par la mutation qu'il provoque dans certains cas) et le besoin d'avoir un mot spécifique pour exprimer la conjonction "que". Voilà comment sera employée la conjonction "lar" dans cette phrase:
- Lâret 'm eus deoc'h la vo poent mont
C'est donc de ce besoin qu'à pu naître ce "lar", qui est le plus souvent prononcé "la" même devant des voyelles, permettant à la phrase d'insister sur cet aspect de conjonction. Pour éviter de me creuser d'avantage la tête à chercher d'autres exemples, en voici quelques uns tirés d'un livre (6 kontadenn eus arvor bro vigoudenn) de Mikael Madeg qui contient 6 histoires racontées par Marsel Divanac'h, conteur originaire du Pays Bigouden:
- Me 'lavar la an den ne dalvez ket tra anezhañ ...
- Te 'lavar la n'eus ket moaien ...
- Me 'garfe la gwern ar vag 'vefe moanaet ...
- Ar bleiz a soñje dezhañ la 'oa un taol fuzuilh ...
- Ar seurez p'he doa gwelet la 'oa trapet fall ...
- Me 'oar mat la eo gwir ...
- Gouzout a ran la eo yen ...
Avec ces phrases, on peut aussi remarquer un phénomène propre au breton parlé (mon choix de recopier ces phrases n'était donc pas innocent, certes) qui est de briser les règles grammaticales en faisant suivre la conjonction par un sujet au lieu d'un verbe, comme dans "Me 'lavar la an den ne dalvez ket tra anezhañ ...". Il serait tout à fait possible de rétablir cette phrase en plaçant le verbe après la conjonction mais, à mon avis, le choix de mettre le sujet s'est fait pour garder une certaine rythmique dans la langue, comme en français on va plutôt dire familièrement "tu veux quoi?" qui coule tout seul, au lieu de "qu'est ce que tu veux?" qui demande plus d'énergie et souligne un langage plus soutenu. |
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Troc'herkaol
Inscrit le: 07 Oct 2009 Messages: 16 Lieu: Kreiz-Breizh / Fond de Bertaeyn
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écrit le Tuesday 01 Nov 11, 1:32 |
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Il y a certaines choses comme le 'la' cornouaillais qui devraient être introduites et acceptées dans la langue littéraire car, comme vous le montrez, cette particule peut tout à la fois être suivie d'un verbe ou d'un nom, ce qui introduit de la nuance et fait que le choix d'une structure sur une autre répondra à un impératif particulier lié à la rythmique ou à l'emphase, par exemple.
Il me semble que 'la' peut se décliner en 'lar' ou 'laz' devant voyelle. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Sunday 03 Aug 14, 10:16 |
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Troc'herkaol a écrit: | Il y a certaines choses comme le 'la' cornouaillais qui devraient être introduites et acceptées dans la langue littéraire |
C'est déjà la cas. La conjonction lar est abondamment utilisée par Jean-Marie Le Scraigne dans son livre Ma buhez e Ker ar Vinaoud :
Barz an toull-ze e oa ar vrud 'lar e vije eur wrah koz oh ober krampouez 'barz eur girin.
La rumeur courait que dans ce trou, une vieille sorcière faisait des crêpes dans un pot de grès.
Il ne tient qu'aux auteurs de s'opposer à ce que leur langue soit appauvrie pas des cuistreries normalisatrices. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 23 Nov 16, 20:50 |
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À côté de lar, on a en Centre-Bretagne quelques attestations du complémenteur déclaratif lar pe-neus :
Larègn lar pe-neus oa'i walc'h 'vid, 'vid, mar, mar chomeh fikset da sell deus ar loar oa walc'h 'vid atirañ 'han(o)h
Ils disaient qu'elle était capable, si, si vous restiez fixé à regarder la lune, elle était capable de vous attirer (Karais)
https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/07/ar-loar-lonko-hanh.html
Cette forme apparaît dans le livre de Jean-Marie Le Scraigne en breton de Huelgoat :
Gwelet e-meum abaoe lar penaoz ne oa ket gwir
Nous avons vu depuis que ce n'était pas vrai
Le mot interrogatif pe-naos (comment) peut être utilisé comme complémenteur déclaratif ; ce phénomène paraît être plus typique du trégorrois, mais on en a des attestations dans tous les dialectes. Comme lar, il permet une grande liberté dans l'ordre des mots de la subordonnée complétive. En Centre-Bretagne, il existe une différence entre le mot interrogatif pe-naos [pe'nõːz/s] et le complétif pe-neus [pe'nøːz/s]. Faut-il considérer l'apparition de cette distinction et de la formation redondante lar pe-neus comme les marques d'un emprunt du sens complétif à un autre dialecte par le breton central ? |
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