Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Thursday 09 Nov 17, 14:58 |
|
|
Paroxytons
En Centre-Bretagne, certains mots usuels de quatre syllabes accentués sur la pénultième sont réduits à trois syllabes par syncope de la voyelle précédant immédiatement l'accent. Ainsi, à Cléden, j'ai collecté int'rojet pour interrojet "interrogé" et int'ramant pour interramant "enterrement". Ce dernier se réduit même à int'ram' avec un débit rapide. Toujours dans le sud du Poher (Cléden, Carhaix, Kergloff...), on entend plutôt mat'rassenn "matelas", tandis que Gurvan Lozarc'h a collecté matalassenn à Scrignac, dans l'Arrée. Le Diksionèr Kreis-Breizh donne parmi les prononciations possibles une forme syncopée [kast(ↄ/ə)'lↄːrᵊn] pour kastolodenn "casserole" là ou j'ai collecté [kasto'lↄːdən] à Cléden. Enfin, Favereau a collecté à Poullaouen une prononciation [ʰãn'dɛ.ks] pour anowdegezh "connaissance".
Oxytons
Un semblable phénomène de syncope existe dans les mots accentués sur la dernière syllabe. C'est le cas de certains mots qui ont le suffixe -aer ou -êr, emprunté au français -aire. À Cléden, vinerêr "vulnéraire" peut ainsi se réduire à vin'rêr. À Carhaix, j'ai également collecté vet'rinêr ou vit'rinêr pour veterinêr "vétérinaire" et par'plu "parapluie", que Favereau note paraplu [parə'ply]. On remarque que dans vet'rinêr, la syncope ne touche pas la voyelle précédant directement l'accent, mais celle dont la disparition crée un cluster facile à prononcer. Ces syncopes typent fortement des emprunts au français qui, sinon, pourrait rester transparents.
Hors du Centre-Bretagne
Dans son livre Collecteur de conte en Basse-Bretagne, Yann-Fañch Kemener transcrit des contes qu'il a recueilli en Pays Fañch dans une orthographe dérivée du peurunvan, mais proche de la prononciation locale. Dans les parlers de ce terroir, l'accent tonique n'est pas à la même place qu'en Centre-Bretagne. Lorsque la syncope se produit, il arrive, alors, que la voyelle élidée soit celle qui, ailleurs, porte l'accent. Ainsi, Yann-Fañch Kemener note :
daou'gad pour dowlagad "deux-yeux" (au duel), prononcé [dↄw'lɑːgəd-t] en Centre-Bretagne
brezh'neg pour brezhoneg "le breton", prononcé [breꞌzɔ̃ːnəg-k] en Centre-Bretagne |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Tuesday 20 Mar 18, 21:11 |
|
|
En Pays-Fanch, à Saint-Nicolas-du-Pélem, on peut entendre trom'net ['trɔ̃mnəd-t] "passé", une forme élidée à cause de l'accent tonique sur la première syllabe, là où on aurait tremenet [tre'meːnəd-t] sans syncope en Centre-Bretagne :
Ha wa(r)-lerc'h euh, penoz oe trom(e)net en traow-se
Et après, euh, comment ça s'est passé ?
https://komzeras.blogspot.fr/2017/11/en-anglejed.html |
|
|
|
|
oliglesias
Inscrit le: 20 Oct 2010 Messages: 49 Lieu: Bretagne
|
écrit le Wednesday 21 Mar 18, 13:02 |
|
|
Très intéressant tout ça.
Les syncopes des voyelles intertoniques n'ont rien de surprenant en soi mais moi ce qui m'étonne c'est justement dans votre exemple de "veterinêr" que ce ne soit pas la voyelle qui précède la tonique qui disparaisse mais la plus éloignée. En espagnol par exemple, quand on a deux voyelles intérieures prétoniques c'est toujours la plus proche qui tombe... logique. Et vous ne pensez pas qu'on pourrait trouver des variantes avec syncope de l'autre voyelle, genre "veter'nêr"?
Et sinon, une autre question qui m'intéresse : Lorsqu'ils parlent français, est-ce que ces locuteurs maintiennent un accent tonique et donc potentiellement produisent des syncopes vocaliques dans des mots comme vétérinaire, enterrement, etc. ? |
|
|
|
|
Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
|
écrit le Saturday 24 Mar 18, 18:57 |
|
|
Je connais pas assez bien les parlers non-centre-breton pour dire si veter'nêr existe ailleurs.
Vous semblez intéressé par les formes non-standard du français, j'ai écrit il y a quelques années un sujet sur Babel qui décrit les particularités phonétiques du français de Basse-Bretagne. Les bretonnants, lorsqu'ils parlent français, on tendance à conserver leur accent tonique, mais je ne connais pas de forme syncopée propre au français bas-breton, absentes des autres parlers populaires français. Cela tient, à mon avis, à ce que les bretonnants ont reçu des instituteurs qui leur ont appris le français les formes syncopées admissibles dans le français de la France d'oïl (genre enterr'ment) et que se sont ces formes déjà syncopées qui ont été accentuées à la bretonne (enterr'ment accentué sur la deuxième syllabe). Par contre, la neutralisation des voyelles post-toniques en [ə] est attestée dans le français de la poétesse Añjela Duval (1905-1981) : dans cette vidéo, vers 14'12'', châtaignes est réalisé ['ʃɑtəɲ]. |
|
|
|
|
|