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ARABE : Pyramide - Cours & Documents - Forum Babel
ARABE : Pyramide

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Papou JC



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Messageécrit le Friday 02 Mar 18, 7:07 Répondre en citant ce message   


P Y R A M I D E


هرم [haram] et πυραμίς [puramís]

par Jean-Claude Rolland

AVERTISSEMENT : cette étude, née d'un Mot du jour, a déjà fait l'objet d'une publication (avec dessins, photos, notes de bas de page et bibliographie) dans Dix études de lexicologie arabe.

1. Quelques hypothèses sur l’origine du grec πυραμίς [puramís]

La plupart des langues ont emprunté le mot grec πυραμίς [puramís] pour parler des pyramides d’Égypte et pour désigner plus généralement cette forme géométrique et les divers monuments ayant cette forme ailleurs dans le monde. La langue arabe a son propre mot, هرم haram, mieux connu en Occident par son pluriel déterminé, Al-Ahrām, titre d’un célèbre quotidien égyptien. Le persan et quelques langues africaines utilisent le mot arabe, plus ou moins déformé mais reconnaissable. Le turc a emprunté les deux, sous les formes piramit et ehram. Quelques langues ont un mot propre : l’arménien dit burg, dont on reparlera, le chinois jīnzìtǎ, le haoussa dala, le maori koeko, le yorouba jibiti… Un cas particulièrement intéressant est celui de l’hébreu moderne. Curieusement, au vu de la place tenue par l’Égypte dans l’Ancien Testament, ce mot n’a pas de support biblique, si bien que, sous la forme פירמידה [piramidah], on voit que c’est le terme grec que l’hébreu moderne a emprunté. Nous y reviendrons.

On s’est beaucoup interrogé sur l’origine de ce terme grec, sans parvenir à une certitude. Pour certains, πυραμίς [puramís] serait un dérivé de πυρός [purós] « farine de blé », car cette forme géométrique serait celle d’un gâteau de froment, lui aussi justement appelé πυραμίς [puramís]. C’est l’étymologie donnée sans sourciller par le Diccionario de la Real Academia Española :

del gr. πυραμίς, -ίδος, originariamente, pastel de harina de trigo de forma piramidal, der. de πυρός, harina de trigo.

Les auteurs l’ont probablement copiée de Chantraine, qui, plus prudemment, se contentait de la rapporter, sans nier l’existence d’un gâteau de froment de ce nom, mais en avertissant qu’on ignore quelle forme avait ce gâteau.

Pour d’autres, πυραμίς [puramís] serait un dérivé de πῦρ [pur] « feu », par allusion à la forme de la flamme, large à la base et se terminant en pointe. C’est l’étymologie proposée – heureusement non sans précautions – pour l’italien piramida par le dictionnaire Treccani :

dal lat. pyrămis -ĭdis, e questo dal gr. πυραμίς -ίδος, nome d’origine incerta, connesso in età ellenistica col greco πῦρ «fuoco», e considerato come allusivo alla forma delle piramidi, assomigliata a quella della fiamma, larga alla base e terminante a punta.

Au vu des deux étymologies plutôt fantaisistes proposées ci-dessus, on peut s’étonner que personne n’ait encore eu l’idée d’en proposer une troisième où πυραμίς [puramís] serait dérivé de πύργος [púrgos] « tour, fortification », dont un dérivé, πυργίσκος [purgískos], a le sens de « monument funéraire ». Ce n’est pas notre hypothèse mais rappelons néanmoins que le grec πύργος, le français bourg, les mots sanscrits pur- et purî-, anglais borough, avec toutes ses variantes (dont barrow, « monument funéraire » en vieil anglais tardif), allemand Berg, kurde berz, etc. se rattachent au thème indo-européen *bheregh- avec les sens de « hauteur, élever, renforcer » qui conduisent aussi bien à la montagne qu’à la forteresse et à la ville. On aurait été d’autant plus fondé à proposer une telle étymologie que, comme on l’a vu plus haut, c’est le mot burg qui, en arménien, désigne la pyramide ; Chantraine aurait pu ajouter ce rapprochement à celui qu’il fait du hittite parku- « haut ».

Les égyptologues eux-mêmes ont évidemment cherché à quel mot égyptien rattacher le terme grec. Ils semblent être plus ou moins d’accord sur un ensemble consonantique PR-M-S qui désigne une ligne déterminante de la pyramide, sa hauteur ou l’arête, dont le grec πυραμίς serait la forme hellénisée. Ils n’établissent pas de lien entre les groupes M-(H)-R et PR-M-S, pas plus qu’avec le paronymique nom de la ville de Pi-Ramsès (ou Per-Ramsès, littéralement « Maison de Ramsès »), située à l’emplacement de l’actuelle Qantir, et qui fut la capitale de l’Égypte sous les XIXe et XXe dynasties. Sans avancer le moindre argument, Chantraine écarte sèchement cette hypothèse : « L’hypothèse d’un emprunt à l’égyptien pr-m-us « hauteur » qui remonte à Brugsch, Z. f. aegypt. Spr. 1874, est sans valeur. »


2. L’hypothèse de Karl Lang

Chantraine semble ignorer une autre hypothèse, pourtant formulée dans le premier quart du XXe siècle, celle beaucoup plus plausible de Karl Lang, qui a vu dans le grec πυραμίς la transcription d’un démotique *pi-ram-, lui-même issu par métathèse de l’ancien égyptien p3 + mr qui désignait la pyramide.

Nous devons les premières attestations du terme grec à Hérodote (mort en 420 avant J.C.). Le célèbre historien fut d’abord un grand voyageur : il se rendit notamment en Égypte, où il vit l’une des Sept Merveilles du Monde, la Grande Pyramide. Voici le texte d’Hérodote dans lequel le mot πυραμίς apparaît pour la première fois.

ἀπὸ δὲ Ἡλίου πόλιος ἄνω ἰόντι στεινή ἐστι Αἴγυπτος. Τῇ μὲν γὰρ τῆς Ἀραβίης ὄρος παρατέταται, φέρον ἀπ᾽ ἄρκτου πρὸς μεσαμβρίην τε καὶ νότον, αἰεὶ ἄνω τεῖνον ἐς τὴν Ἐρυθρὴν καλεομένην θάλασσαν : ἐν τῷ αἱ λιθοτομίαι ἔνεισι αἱ ἐς τὰς πυραμίδας κατατμηθεῖσαι τὰς ἐν Μέμφι.

[2,8] VIII. En allant d’Héliopolis vers le haut du pays, l’Égypte est étroite ; car, d’un côté, la montagne d’Arabie, qui la borde, tendant du septentrion vers le midi et le notus, prend toujours, en remontant, sa direction vers la mer Érythrée. On y voit les carrières où ont été taillées les pyramides de Memphis.
Trad. du grec par Larcher

On sait que les Grecs furent présents en Égypte dès le VIIe s. av. J.-C. Cette première attestation ne signifie donc pas qu’Hérodote ait été le premier Grec à les avoir vues ni nommées ainsi. Les premiers Grecs à avoir vu les pyramides ou même simplement à en avoir appris l’existence de la bouche d’un Égyptien ou d’un Phénicien dans quelque port de la Méditerranée, entendirent vraisemblablement le nom utilisé par les autochtones. L’hypothèse de Lang semble donc légitime : le mot πυραμίς doit être l’hellénisation du nom que les Égyptiens donnaient alors en démotique à ces monuments. Hérodote ne fait pas la moindre allusion à un concept abstrait, à un terme de géométrie qui aurait pu être en usage chez les mathématiciens de son temps, ni à un objet concret auquel les pyramides auraient pu plus ou moins ressembler. Il appelle tout simplement les pyramides par ce qui devait être leur nom depuis leur conception.

Le mot égyptien pour « pyramide » est représenté par l’ensemble pictographique ci-dessous :



En partant de la gauche, le ciseau a ici la valeur de la double consonne MR, corroborée par les deux dessins suivants où la chouette représente la consonne M et la bouche ouverte la consonne R ; le tout est suivi (ou précédé, si on lit de droite à gauche) par un dessin représentant une pyramide ; ce dessin joue le rôle du déterminatif ; c’est un simple symbole visuel destiné à indiquer le champ lexical auquel appartient le mot ; ici, c’est le déterminatif de la pyramide, de tombes et de villes situées près d’une pyramide. Il y a des variantes : la chouette est parfois placée au-dessus de la bouche. Les voyelles ne sont pas représentées. Selon une hypothèse argumentée par plusieurs égyptologues , le mot MR pourrait se lire en réalité MHR.

Lang va plus loin : il pense que l’élément -ram est d’origine sémitique. C’est ce même élément que l’on retrouverait dans l’arabe هرم haram, mot d’origine hébraïque ou phénicienne, selon lui, où ha- serait le déterminant sémitique correspondant au pi- du démotique. Que le mot arabe soit un emprunt à l’hébreu, c’est peu probable ! Nous avons vu qu’il n’y a – curieusement – pas la moindre trace d’un tel mot dans la Bible. Une origine phénicienne ? Pourquoi pas, mais le plus probable est que cet élément -ram est tout simplement commun à plusieurs langues sémitiques, sans qu’il soit bien utile de savoir s’il y a eu emprunt ou bien ancêtre commun. Il n’est pas vraisemblable, comme le soutient Lang, que les Arabes et les Égyptiens se soient longtemps ignorés, alors qu’ils étaient les uns pour les autres de si proches voisins, en dépit d’un Sinai et d’une Mer Rouge loin d’être infranchissables, même dans l’Antiquité.


3. Le mot هرم haram dans les dictionnaires

Un siècle après Lang, armé d’outils dont il ne disposait pas, nous nous sommes proposé d’approfondir son hypothèse en examinant la place occupée par le mot هرم haram au sein même du lexique arabe. Après avoir vérifié que ce mot n’a pas été traité par Lane et que tout ce qu’en disent les dictionnaires arabes est cet extrait du Lisān :

والهَرَمانِ:بناءان بمصر، حرسها الله تعالى

nous nous sommes une fois de plus tourné vers le dictionnaire de Kazimirski, qui reste, jusqu’à nouvel ordre, la source d’information la plus complète et la plus fiable sur le lexique arabe. Voici une reproduction de la notice qu’il consacre à la racine هرم √hrm :

هرم harima être cassé par l'âge, être caduc, décrépit – II. rendre qqn caduc et décrépit (se dit de Dieu ou du grand âge) ; s'ébouler ou tomber en ruine ; honorer, vénérer – IV. rendre décrépit (se dit d'un âge avancé) ; se faire passer pour un homme très âgé
هرم harm nom gén. sorte de plante, solsola imbricata ; sorte de plante de la famille
de حص dont les chameaux se nourrissent
هرم hirm entendement, esprit
هرم haram vieillesse très avancée, décrépitude ; pl. هرام hirām et أهرام ’ahrām pyramide d'Égypte – Au duel, les deux grandes pyramides sur la rive occidentale du Nil
هرم harim très vieux, décrépit ; âme entendement, esprit
هرمة harima vieille femme ; lionne
هارم hārim qui se nourrit de la plante هرم harm et qui en a au bout de quelque temps les poils sous le menton blancs
هروم harūm femme méchante
هرمى harmā bois sec, brins secs de bois
هرمان hurmān entendement, raison, esprit

Kazimirski a fait un travail magnifique mais, plus lexicographe que lexicologue, il ne s’est guère soucié de classer les formes recensées en fonction de leurs significations. Aussi se demande-t-on ce que viennent faire les pyramides en compagnie d’un nom de plante, de mots désignant l’âme, la raison ou l’esprit, d’un autre désignant le bois sec, et d’un ensemble de vocables appartenant au champ sémantique de la grande vieillesse et de la décrépitude. Il s’est évidemment trouvé des gens pour dire que les pyramides étaient ainsi nommées parce qu’elles étaient des monuments très anciens et très endommagés... Passons.

Quand on trouve au sein d’une racine un mot aussi sémantiquement isolé, il est légitime de se demander s’il ne pourrait pas s’agir d’un emprunt. Lang a pensé à l’hébreu et au phénicien. Pourquoi pas l’iranien ? Dans son dictionnaire bilingue persan-anglais, à l’article هرم haram, Johnson reprend exactement les mêmes mots que Kazimirski, avec leurs dérivés, et il affecte son article de la lettre P comme chaque fois qu’il pense qu’un mot – ou un groupe de mots – est d’origine persane. Il ne s’agit certainement pas d’une négligence de sa part ni d’une coquille éditoriale car, un peu plus bas, les dérivés هرمان hirmān « longue vie, vieillesse », هرمان hurmān « intelligence », et هرمة harma, nom d’unité de la plante citée, sont eux aussi tous affectés de la même lettre P.

Malheureusement pour Johnson, Ali Nourai, auteur d’un utile dictionnaire étymologique du persan, est muet sur tous ces mots. Peut-on au moins relier quelques-uns d’entre eux, sinon tous, à d’autres mots persans ? Tout ce qu’un œil naïf peut constater, en parcourant les colonnes des ouvrages de Johnson et de Nourai, c’est une certaine proximité formelle avec les mots hurmās « mauvais guide, esprit malin », Hurmuz, l’une des désignations de Dieu et aussi de la planète Jupiter, et Hurmus, qui désigne aussi cette planète, mais qui est d’abord le nom persan de Hermès Trismégiste, « le trois fois grand », mots que Nourai rapproche de l’avestique Ahura Mazda « esprit sage, Dieu » et rattache au thème indo-européen *ansu-, « esprit ». Peut-être le mot هرم hirm « entendement, esprit » est-il apparenté à ces derniers mots, peut-être est-il donc, lui d’origine iranienne ? Johnson pourrait avoir raison pour ce mot mais, à notre avis, il se trompe pour les autres.

Qu’en est-il du nom de la plante, هرم harm ? Les termes arabes de zoologie et de botaniques sont généralement des noms-bases dont l’origine se perd dans la nuit des temps, souvent des emprunts à des langues disparues, et qu’il est vain de vouloir absolument rattacher à une racine indigène identifiée. En l’occurrence, il y a de fortes chances pour qu’une plante dont se nourrissent les chameaux soit une spécialité locale. Quant à هرمى harmā « bois sec », il est assez facile d’y voir un emploi dépendant du champ sémantique de la vieillesse, domaine qui, à l’exception de هرم haram « pyramide », regroupe tous les vocables restants. Ces derniers sont à l’évidence construits sur la séquence HR que l’on observe surtout à l’initiale, mais pas seulement, de toute une série de mots relevant du même champ sémantique de la vieillesse et de l’infirmité :

هارٍ hārin faible, débile, infirme ; tombé en ruine
هرب haraba être vieux, décrépit
هرج hirǧ faible
هرجع harǧa‛ boiteux
هرجف hirǧaf faible, débile
هردبّة hirdabba vieille femme
هرط hirṭ âgée et maigre (chamelle ou brebis)
هرم haram décrépitude, vieillesse
هرمل harmala être dans la décrépitude (se dit d’une vieille femme)
هرهر hirhir vieille chamelle ou vieille brebis
هرهور hurhūr vieille brebis
هرول harwala crouler (mur)
دهريّ duhriy très âgé
دهشر dahšara chamelle âgée
شهبر šahbar âgé (sans être infirme)
etc.


4. Une hypothèse sur l’étymologie de هرم haram

Il ne nous reste plus à examiner que le cas de هرم haram « pyramide ». Si Lang a raison, c’est sur la séquence RM que ce mot est quant à lui construit. Un chercheur américain, Bernice Varjick Hecker, a rassemblé en un tableau que nous reproduisons ci-dessous une liste impressionnante de mots appartenant à diverses langues sémitiques qui ont deux dénominateurs communs : 1. une structure consonantique RM, et 2. les notions de tas, hauteur ou élévation comme charge sémantique :


Ajoutons quelques autres données : en hébreu moderne les toponymes merôm-Siyôn et Ramat Gan – nom d’une ville israélienne de la banlieue est de Tel Aviv – signifient respectivement « les hauteurs de Sion » et « les hauteurs du jardin », et en syriaque, râmâ signifie « élevé ; orgueilleux », rawmâ, « hauteur élévation », et ryâma, « élévation ».

Revenons à l’arabe : si هرم haram « pyramide » est isolé au sein de la racine هرم √hrm, les deux mots donnés dans la quatrième colonne du tableau ci-dessus – ريّم rayyama et ريم raym – sont-ils vraiment les seuls mots arabes qui lui soient apparentés ? C’est peu probable. Aussi allons-nous nous appliquer à trouver à notre هرم haram une plus nombreuse – et plus solide – parentèle.


5. Du tas de sable à la montagne

En nous en tenant strictement à la séquence RM – mais en acceptant, comme David Cohen lui-même , que ces deux consonnes ne soient pas forcément collées l’une à l’autre mais puissent être séparées par un glide ou n’importe quelle autre consonne – nous avons relevé dans le dictionnaire de Kazimirski un nombre relativement important de racines qui, pour la plupart d’entre elles, offrent des parallélismes sémantiques qui nous invitent à associer entre elles un certain nombre de notions, à savoir la matière minérale, l’élévation géographique, le tas, la tombe, le dépassement et le volumineux :

Pierre, sable, roc, cailloux...

إرم ’iram grosse pierre, borne destinée à indiquer le chemin dans le désert / crêtes ou pics des montagnes / Pl. أروم ’urūm pierres sépulcrales des Adites
خورم ẖūram rochers crevassés / خرم ẖarm ou ẖurm pic d’une montagne / مخرم maẖrim sommet saillant d'une colline
رثيمة raṯīma gros rocher noir – إرتثم ’irtaṭama être accumulé, entassé (se dit des choses)
رجم raǧam et رجمة ruǧma tas de pierres jetées sur un cadavre / tombeau
رخام ruẖām marbre
رضم raḍm pierres de bâtisse (avec lesquelles on bâtit en les posant les unes sur les autres)
ركام rukām monceau, tas de sable / ركم rakama entasser, amonceler
رمضاء ramḍā’ sol jonché de cailloux, cailloux
رمل raml sable
صريمة ṣarīma monticule de sable / صريم ṣarīm tas de grains en gerbes
عرمس ‛irmis pierre
كرتم kurtum ou كرتوم kurtūm rocher, grosse pierre
يرمع yarma‛ pierres plates, molles et friables

Montagnes, collines, pics et sommets

إرم ’iram crête ou pic de montagnes / grosse pierre, borne destinée à indiquer le chemin dans le désert / Pl. أروم ’urūm pierres sépulcrales des Adites
براعيم barā‛īm hautes montagnes
خرشوم ẖuršūm montagne escarpée
خرم ẖarm, ẖurm pic d’une montagne – مخرم maẖrim sommet d'une colline / خورم ẖūram rochers crevassés
ريم raym et ريمة rayma colline, tertre / tombeau
غرمول ġurmūl au pl. collines de sol rougeâtres
هرشمّ hiršamm montagne dont le terrain est tendre

Tas, monceaux et monticules

رثم raṭama – إرتثم ’irtaṭama être accumulé, entassé (se dit des choses) / رثيمة raṯīma gros rocher noir
رجم raǧam et رجمة ruǧma tas de pierres jetées sur un cadavre / tombeau
ركم rakama entasser, amonceler – ركام rukām monceau, tas de sable
ترمّى tarammā s'amonceler (se dit des nuages jetés les uns sur les autres) / رمى ramā dépasser le nombre de n
صريم ṣarīm tas de grains en gerbes / صريمة ṣarīma monticule de sable
عرمة ‛urma tas, amas (de sable, de grains)

Sépulcres, tombes et tombeaux

إرم ’iram Pl. أروم ’urūm pierres sépulcrales des Adites / grosse pierre destinée à indiquer le chemin dans le désert / crêtes ou pics des montagnes
رجم raǧam et رجمة ruǧma tombeau / tas de pierres jetées sur un cadavre
رمس rams terre de la fosse, du tombeau ; tombeau, lieu où l'on enterre – راموس rāmūs et مرمس marmus tombe, tombeau ; endroit où l'on enterre ordinairement des morts
ريم raym tombeau, sépulcre / surplus, surcroît, addition, supplément / colline, tertre – ريم rīm tombeau, sépulcre – ريمة rayma tombeau / tertre, colline

Dépassement, supériorité et croissance

رمأ rama’a aller au delà d'un chiffre, surtout dépasser cent
رمث ramaṯa dépasser le chiffre de cinquante – رمث ramaṯ supériorité
رمى ramā dépasser le nombre de / ترمّى tarammā s'amonceler (se dit des nuages jetés les uns sur les autres)
ريم raym surplus, surcroît, addition, supplément / colline, tertre / tombeau, sépulcre
كرم karama surpasser quelqu'un en noblesse d'origine, en noblesse de caractère
ورم warima être grand, avoir une belle croissance et s'élever au dessus du sol (se dit d'une plante)

Haut, grand et gros

إرم ’iram grosse pierre
جراهم ǧurāhim gros, corpulent
رثيمة raṯīma gros rocher noir / إرتثم ’irtaṭama être accumulé, entassé (se dit des choses)
طرماح ṭirmāḥ et طرموح ṭurmūḥ long, haut, grand
كرتم kurtum ou كرتوم kurtūm grosse pierre
مجروم maǧrūm grand, gros, d'un grand volume
مقرمد muqarmad haut, élevé (édifice)
ورم warima être grand, avoir une belle croissance et s'élever au dessus du sol (se dit d'une plante)

6. La séquence MR

Au vu de la récolte qui précède, et compte tenu de ce que Georges Bohas appelle la réversibilité des étymons , nous ne résistons pas à la tentation de vérifier ce qu’il en est de la séquence MR. Nous avons repris les mêmes intitulés que ci-dessus, avec parfois quelques ajouts propre à cette séquence :

Pierre, sable, roc, cailloux...+ diamants et pierres précieuses, sol dur

أمرة ’amara petite pierre qui indique la route / tertre
جمار ǧimār petits cailloux qu'on jette, pendant les fêtes de la Mecque, à la vallée de Muna, selon les cérémonies d'usage, comme pour lapider Satan / pierre sépulcrale
جمهور ǧumhūr monticule de sable / جمهر ǧamhara élever un tombeau
حمارة ḥimāra en gén., grosse pierre ; de là, grosse pierre qui ferme un réservoir d'eau et l'empêche de s'écouler au dehors, et grosse pierre qui masque la retraite du chasseur / grosse pierre dont on ferme le tombeau
زمرّذ zumurruḏ ou زمرّد zumurrud émeraude
سامور sāmūr diamant
شمّور šammūr diamant
صمعر ṣam‛ar sol dur et raboteux
ضمرز ḍumruz sol dur – ضمرزة ḍamraza pays dont le terrain est raboteux et où l'on évite de voyager la nuit
مراد murād monticule de sable / ممرّد mumarrad élevé à une grande hauteur
مرمر marmar marbre
مرو marw silex
همر hamir grande masse de sable / gras et gros – يهمور yahmūr masse de sable

Tas, monceaux et monticules

أمرة ’amara tertre / petite pierre qui indique la route
جمهور ǧumhūr monticule de sable / جمهر ǧamhara élever un tombeau
عمير ‛amīr entassé
مراد murād monticule de sable / ممرّد mumarrad élevé à une grande hauteur

Sépulcres, tombes et tombeaux + fosse, caveau

جمار ǧimār pierre sépulcrale / petits cailloux qu'on jette, pendant les fêtes de la Mecque, à la vallée de Muna, selon les cérémonies d'usage, comme pour lapider Satan
جمهر ǧamhara élever un tombeau, c.-à-d. remplir la fosse, en lui donnant la forme convexe / جمهور ǧumhūr monticule de sable
حمارة ḥimāra grosse pierre dont on ferme le tombeau / grosse pierre
مطمورة maṭmūra caveau, fosse murée par dessus où l'on conserve les grains, silo / طمار ṭamāra et ṭamāri hauteur, point élevé

Dépassement, supériorité et croissance

خمر ẖamara lever la pâte en y mettant du levain
غمر ġamara prendre le dessus sur quelqu'un, l'éclipser, l'effacer
مأر ma’ara – III. se vanter de qqch en présence de quelqu'un, et prétendre le surpasser dans cette chose, et engager un pari avec quelqu'un au sujet de qqch – VI. au pl. se vanter comme supérieurs aux autres.
ممرّد mumarrad élevé à une grande hauteur, au point de se dresser orgueilleusement dans les airs / مراد murād monticule de sable
مهر mahara – III. chercher à surpasser qqn en habileté, lutter d'habileté (dans un métier, dans un art, etc.)

Haut, grand et gros

شمخر šamẖara – IV. إشمخرّ ’išmaẖarra être haut, se dresser dans les airs
ضمخر ḍumaẖr gros et gras
طمار ṭamāra et ṭamāri hauteur, point élevé / مطمورة maṭmūra caveau, fosse murée par dessus où l'on conserve les grains, silo
كمتر kumtur et كماتر kumātir gros, épais et court
همر hamir gras et gros / grande masse de sable
ممرّد mumarrad élevé à une grande hauteur, au point de se dresser orgueilleusement dans les airs / مراد murād monticule de sable

+ Lune

Ni montagne ni colline dans cette deuxième récolte mais, pour compenser, trois mots désignant une très grosse pierre, la Lune : زمهرير zamharīr , سنّمار sinnimār et قمر qamar. Pour qui s’étonnerait de la présence ici du satellite de la Terre, on lira dans Rolland (2015), p. 25, note 23 : « Les mots avestique ās-mān, “pierre, ciel”, et sanskrit aśman-, “pierre, rocher, ciel”, ont un correspondant bien connu dans le grec ákmōn (ἄκμων), “enclume”, qu’on sait être originellement un nom de la pierre, le ciel étant considéré comme une voûte de pierre dont quelquefois se détachent des météores. » (Outis, 9 aout 2008, 17.49)

Notre deuxième récolte, on le voit, est loin d’être négligeable. Elle renforce la première et confirme l’existence d’un étymon {r,m} réversible, représenté sans ambiguïté par رمى ramā, ريم raym, ورم warima, مرمر marmar et مرو marw.

Quant à notre هرم haram « pyramide », sa riche et claire parentèle – 30 racines de séquence RM, et 25 de séquence MR – nous en donne désormais une description complète : une pyramide, c’est une très haute et volumineuse accumulation de pierres constituant le digne tombeau d’un roi.


7. Une remarque en marge : l’absence d’un terme hébraïque biblique

Comme nous l’avons relevé plus haut, un des nombreux mystères relatifs aux pyramides d’Égypte est l’absence d’un terme hébraïque pour désigner ces monuments du grand voisin de la terre d’Israël, monuments uniques au monde connu de l’époque. Comment est-il possible qu’il n’en soit fait nulle part mention dans l’Exode, par exemple, quand bien même l’histoire de Moïse serait purement légendaire et symbolique ? Il y a pourtant probablement eu des Hébreux en Égypte depuis la plus haute Antiquité. Quel mot utilisaient-ils donc pour nommer les pyramides ? Comme tous les étrangers, ils devaient oralement adapter le terme démotique à leur propre langue, mais comme il n’est jamais question des pyramides dans l’Exode, on n’y trouve pas plus trace du signifiant que du signifié.

On commence à admettre que la Bible ne mentionne nulle part les pyramides car l’Égypte au pharaon anonyme de l’Exode est un pays purement imaginaire au service d’un mythe. Les rédacteurs du fameux texte biblique ne se souciaient donc guère de couleur locale. Cette absence est une confirmation de ce que nous savions déjà depuis la parution en 2001 du livre d’Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, The Bible Unearthed, dans lequel les auteurs confrontent les textes de la Bible aux résultats des recherches archéologiques permettant d’éclairer les événements qui y sont rapportés. Un de leurs constats est qu’il n’existe en Égypte aucune trace ni d’arrivée massive ni d’exode massif, ni d’emploi massif d’une population d’esclaves. Aucune trace non plus de la longue errance des Hébreux dans le Sinaï.

L’Égypte a bien dominé les ancêtres des Hébreux et les premiers « Israélites » mais à Canaan même ; on sait, par exemple, que Bethléem fut pendant longtemps une garnison égyptienne. Les deux peuples se connaissaient donc très bien, et il y aura bien eu un mot hébreu pour dire « pyramide », mais, cantonné aux échanges oraux, il n’aura pas été consigné par écrit et se sera perdu avec la diaspora. D’où l’emprunt tardif du mot grec par l’hébreu moderne.
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