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langue innue

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kakatshu



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Lieu: Québec

Messageécrit le Wednesday 07 Feb 07, 4:21 Répondre en citant ce message   

Kuei!
Je suis une Québécoise qui s'intéresse grandement à la langue Innu, depuis peu, mais avec une grande motivation. J'apprend malheureusement seule par mes propres moyens, qui sont la lecture sur internet ou livres, et la musique d'artistes Innu qui me donne une bonne idée de la prononciation.
Je veux vous présenter ce que j'ai trouvé, le tout n'étant pas du tout du copier coller, transcrirai les choses que je trouve les plus pertinentes dans les documents que je me suis procurée.

1) L'évolution de la langue innue (tiré de ''mémoire soumis à la Commission des institutions'' dans le cadre de la Consultation générale à l'égard du document intitulé ''entente de principe d'ordre général entre les Premières Nations de Mamuitun et de Nuutashquan et le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada.)

'' La langue innue est l'une des langues algonquiennes les mieux documentées sur le plan historique. Cela s'explique d'une part par la présence en territoire innu de missionnaires lettrés qui ont très tôt fait des études de cette langue et qui la parlaient couramment. La relation du jésuite Le Jeune (1634) contient des mots, des phrases et même un petit précis de grammaire, qui témoignent de l'état de la langue peu après l'arrivée des Français en territoire innu. (...) D'autre part, grâce aux nombreux travaux effectués par les linguistes, nous connaissons à présent assez bien l'évolution des langues de la famille algonquienne, à laquelle appartient l'innu, depuis langue-mère qu'on appelle le proto-algonquien.

Dans l'état actuel des connaissances, il ne fait aucun doute que l'innu, qui est aujourd'hui parlé depuis le lac Saint-Jean jusque sur la côte du Labrador, a une filiation directe avec la langue qui était parlée au XVIIe siècle dans le bassin du Saguenay, au lac Saint-Jean et sur la Côte-Nord.

Bien entendu, la langue innue contemporaine n'est pas identique à celle qui était parllée il y a 400 ans, pas plus que le français qui est aujourd'hui parlé au Québec n'est identique à celui qui était parlé au XVIIe siècle. (...)
Les linguistes ont l'habitude de dire que seules les langues mortes ne changent pasl Les spécialistes de la linguistique historique (Michelson 1939; Pentland 1978; Goddard 1978; Rhodes et Todd 1981) et de la dialectologie (MacKenzie 1980) ont particulièrement bien décrit les changements de prononciation qui sont survenus dans la langue innue depuis 400 ans.
Dès les années 1600, et peut-être même aussi tôt que 1500, des changements ont commencés à affecter la prononciation du son k qui existait en innu ancien. En finale de mot, k est progressivement passé à tsh puis a ts et finalement à t. On peut observer les différentes étapes du changement en examinant l'évolution par exemple du mot pour ''des porcs-épics'' . Au début du XVIIe siècle, on disait kakuak. Puis la prononciation a progressivement changé pour kakuatsh puis pour kakuats et finalement pour kakuat. En innu contemporain, on prononce kakuat sauf dans deux communautés, une au lac Saint-Jean et l'autre au Labrador, où on a retenu la prononciation plus ancienne kakuats. En vertu du même mécanisme, la prononciation des syllabes ki et ke a progressivement changé pour tshi et tshe et plus tard pour tsi et tse. Par exemple le mot pour ''chef''', prononcé ukimau au début du XVIIe siècle, est devenu utshimau, et le mot pour ''quelque chose'', prononcé kekuan au XVIIe siècle, est devenu tshekuan. Par la suite, mais dans un seul des dialectes de l'innu, utshimau est devenu utsimau, et tshekuan est devenu tsekuan. La somme des changements affectant le son k a fini de se propager à l'ensemble de la langue innue probablement aux environs de 1800.

Un autre changement bien documenté concerne le son r. Il est attesté qu'à partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, le son r de l'innu ancien a été progressivement remplacé par les sons l ou n. Prr exemple, le mot pour ''il vente'', rutin, a changé pour lutin ou pour nutin et le mot pour ''crapaud'', arik, a changé pour alik ou anik. De nos jours, nutin et anik sont plus répandus en innu mais on a conservé lutin et alik dans l'un des dialectes. La disparition du son r dans la langue innue n'a probablement été achevée qu'aux environs de 1800.
(...)
D'autres changements sont survenus entre 1800 et 1850, qui ont affecté cette fois la grammaire des verbes. Le plus spectaculaire d'entre eux concerne la façon de construire les verbes à la forme négative. En innu des XVIIe et XVIIIe siècles, ''il y est'' se disait tau et ''il n'y est pas'' se disait nama tau; vers 1850, ''il y est'' se disait toujours tau mais ''il n'y est pas'' était devenu apu tat. La forme future des verbes s'est aussi modifiée. Jusque vers 1800, ''il y sera'' se disait kata tau mais au cours du XIXe siècle, cela a changé pour tshika tau. Sont aussi alors apparues quelques conjugaisons secondaires qui n'existaient pas en innu ancien.
Ce rapide survol de l'évolution de la langue innue démontre hors de tout doute qu'il y a une filiation directe entre la langue innue qui était parlée au XVIIe siècle et la langue innue d'aujourd'hui.
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kakatshu



Inscrit le: 03 Feb 2007
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Lieu: Québec

Messageécrit le Wednesday 07 Feb 07, 8:05 Répondre en citant ce message   

extrait: La langue montagnaise: grammaire et ethnographie
par: Danielle Cyr
+note de Kakatshu : J'ai beaucoup appris sur la langue innue grâce à ce document et je tenais a vous en faire profiter.

Introduction:
Mon propos sera ici de donner au lecteur un aperçu le plus simple et le plus clair possible de ce système particulier de communication qu'est la langue montagnaise. Le montagnais, comme la majorité des langues amérindiennes, se caractérise par ses propriétés polysynthétiques. Lorsqu'on dit d'une langue qu'elle est polysynthétique, on signifie par là que cette langue offre la possibilité de construire des mots si complexes qu'ils incorporent une quantité de sens souvent équivalente à celle qui est contenue dans toute une phrase d'une autre langue, le français par exemple. Un tel mot se construit, dans une langue polysynthétique, au moyen d'une base de mot, nommée ''radical'', à laquelle on ajoute de nombreux affixes. Ces affixes correspondent généralement, dans une phrase française, au sujet, aux compléments d'objets, directs et indirects, ainsi qu'aux adverbes. La plupart du temps, les mots polysynthétiques sont classés comme des verbes en ce sens qu'ils indiquent une action posée par un sujet sur un objet, éventuellement au moyen d'un certain instrument et d'une certaine manière. Parce que les langues polysynthétiques permettent d'incorporer en un seul mot une telle quantité d'éléments de sens, on appelle aussi ces langues ''langues incorporantes''. Considérons, par exemple, les verbes montagnais suivants:

(1a) tashkamassetshipanu : il traverse le marécage tout droit en volant
(1b)tashkamassetshipatau : il traverse le marécage tout droit en courant (ou motorisé)
(1c) tashkamassekaim : il traverse le marécage tout droit en marchant

Chacun de ces trois verbes incorpore l'adverbe taskam, signifiant ''droit en travers'' ou ''d'un bord à l'autre'', le substantif massek(u), ''marécage'' et, alternativement, (1b) incorpore la base verbale -patau ''il court'', (1a) la base-panu ''il vole'', etc.
Parallèlement à ces propriétés incorporantes du verbe montagnais, et en ce qui a trait au nom, cette langue se comporte d'une façon assez semblable à celle des langues qui nous sont plus familières. Ainsi, la façon de fabriquer les noms composés du montagnais ne diffère pas beaucoup de celle du français si l'on pense à des mots tels que ''téléviseur'', ''télécopieur'' et ''téléporteur''.

(2a) napeu (homme) + mashk(u) (ours) napeshk(u) (ours mâle)
(2b) napeu (homme) + uapush (lièvre) napeipush (lièvre mâle)

Ces brefs exemples nous permettent de constater que, si le montagnais diffère largement, à certains égards, du français et des langues européennes en général, cette langue fonctionne aussi selon des principes généraux communs à l'ensemble des langues du monde. Ce chapitre constituera une description succincte de la grammaire du montagnais. Je m'efforcerai de fonder d'abord ma description sur les similitudes grammaticales entre le montagnais et l'ensemble des langues du monde, pour ensuite faire ressortir les particularités de cette langue et de la famille à la quelle elle appartient, c'est-à-dire la famille des langues algonquiennes. Les exemples seront tirés des ouvrages cités en référence et pourront ainsi provenir de différentes localités entre Betsiamites et le Labrador terre-neuvien. Cela ne portera pas à conséquence puisque, à moins de mention particulière, je ne décrirai que ce qui est commun à l'ensemble des dialectes de cette vaste région.

Cela équivaudra cependant à une description d'un type de montagnais ''classique'' qui n'existe probablement plus que dans la bouche des locuteurs montagnais les plus âgés. La langue montagnaise, en effet, confrontée de plus en plus étroitement à la langue française par la voie du bilinguisme des ses locuteurs plus jeunes, est entrée dans un processus où elle se modifie si rapidement qu'une description absolument fidèle en est presque impossible.

Cette description grammaticale du montagnais sera présentée de la façon suivante: dans la première section, je décrirai la phonologie c'est-à-dire l'ensemble des sons utilisés en montagnais. Dans la deuxième secion, je décrirai la morphologie, c'est-à-dire la constitution interne du mot montagnais. Nous y verrons d'une part la morphologie dérivationnelle, c'est-à-dire celle qui sert à construire les mots ainsi que la composition, deux procédés relevant du lexique. D'autre part, nous y verrons la morphologie flexionnelle, c'est-à-dire celle qui permet d'accorder les mots entre eux à l'intérieur de la phrase et qui relève ainsi de la grammaire. Dans cette section, j'aborderai aussi la question importante des néologismes; la création de mots nouveaux est en effet un processus très dynamique dans cette langue d'abord confrontée à la culture européenne française et, ensuite, comme le français lui-même, aux nouvelles réalités de la vie contemporaine. Dans la triosième section, je parlerai des diverses catégories de mots en montagnais, autrement dit des parties du discours. Ce sont les catégories du verbe, du substantif, de l'adverbe, des pronoms, des déterminants (articles, démonstratifs et numéraux), des prépositions et des conjonctions. Dans la quatrième section, j'esquisserai les principales règles syntaxiques du montagnais, c'est-à-dire les principes qui régissent l'ordre et l'accord des mots dans la phrase. Enfin, dans la cinquième section, je montrerai comment se structure le discours montagnais; j'y traiterai par exemple de l'organisation des paragraphes, de la répartition de l'information, des procédés argumentatifs servant à mettre en valeur ou à diluer l'importance d'une information, etc.
PHONOLOGIE
Pour un locuteur francophone, dont la langue comporte plus d'une trentaine de sons différents (19 consonnes et 15 voyelles), le système phonologique du montagnais paraîtra extrêmement simple. Ce système ne comporte en effet que 8 consonnes et 7 voyelles, en tout donc 15 sons, dont la réalisation peut cependant varier selon les accents régionaux et les particularités de chaque dialecte. Ce nombre restreint de sons de base est sans doute ce qui explique certains préjugés. Un francophone non averti qui entend pour la primière fois du montagnais peut éprouver une impression de répétition déconcertante. Pourtant, si le montagnais se révèle une langue plutôt économique quant au nombre de sons utilisés, cette langue est quand même loin d'être ce que les linguiste appellent une ''langue pauvre'', comme certaines langues où le sens s'exprime au moyen de trois voyelles et deux ou trois consonnes seulement.

LES CONSONNES
Les consonantiques du montagnais se répartissent comme suit: deux consonnes nasales, m et n , et six orales dont trois occlusives, p, t, k, une affriquée tf et deux fricatives, f et h. Le h ne se prononce presque plus, sauf lorsqu'il se trouve entre deux voyelles comme dans ehe ''oui''. Quant aux consonnes p, t, k, ainsi que tf et f, elles peuvent se présenter sous une variante sonore lorsqu'elles sont placées entre deux voyelles. La sonorisation de ces consonnes sourdes ne change aucunement le sens des mots exactement comme en français où le mot ''rouge'' peut se prononcer avec un R roulé au fond de la gorge ou un r roulé sur la pointe de la langue. Le m et le k peuvent se présenter avec un trait de labialisation lorsqu'ils se trouvent en finale de mot. Cette variante est notée par un petit u en exposant (note de kakatshu: je représenterai u en exposant par (u)), comme dans kak(u).

LES VOYELLES
Le système vocalique du montagnais comporte sept voyelles orales, dont quatre voyelles longues, e, â, û, î, et trois voyelles bèves, a, u et i. Dans certaines régions, les voyelles brèves ont tendance à se centraliser, c'est-à-dire à se prononcer toutes de la même façon avec un timbre équivalent à celui du e muet français. Ce genre d'évolution est un phénomène répandu dans les langues du monde. Par exemple, le e muet français provient de la centralisation des anciennes voyelles laines a et u.
En outre, dans certains dialectes, en particuliers ceux de la Basse-Côte-Nord, le n peut disparaître en position intervocalique, ce qui provoque la rencontre diphtonguée de deux voyelles qui sont alors nasalisées, par exemple, nitanish ''ma fille'' devient nitaish. Au niveau de l'ortographe, cette nasalisation n'est pas notée et le n est rétabli.

LES TONS
On note dans le montagnais actuel l'existence de tons contrastifs provenant de la disparition d'anciens phonèmes. En disparaissant, ces sons ont en quelque sorte laissé une ''trace'' qui se reflète dans le ton de la voyelle précédente. Par exemple, le mot pûshî signifiera ''embarque'' ou ''embarque-moi'' selon que la voyelle ''i'' se prononce avec un ton normal ou un ton montant.

L'ACCENT
Exactement comme en français, l'accent tonique en montagnais porte sur la dernière syllabe d'un mot, d'un groupe de mots ou d'une phrase.

L'ORTHOGRAPHE
Les différences de prononciation existant d'une communauté à l'autre ont créé à la longue une certaine disparité dans l'orthographe. Parallèlement aux différentes prononciations dialectales explicables par l'isolement initial des communautés sur un vaste territoire, les variations notées dans l'orthographe sont aussi dues d'une part, au fait que les premières personnes qui ont commencé à écrire le montagnais ont d'abord cherché à représenter la prononciation exacte des mots tels qu'on les prononce dans la région dont ils décrivaient le parler spécifique et, d'autre part, au fait qu'ils n'ont pas toujours eu l'occasion de se concerter sur une façon uniforme de transcrire les mêmes sons. Cependant, Drapeau et Mailhot (1989) ont récemment produit un guide pratique d'orthographe montagnaise où la plupart des problèmes orthographiques sont soumis à un effort de standardisation. Il va sans dire que cette standardisation est rendue nécessaire par la production de plus en plus abondante d'écrits appelés à être utilisés dans l'ensemble des communautés.
Il est à noter que, dans l'orthographe standardisée, la longueur des voyelles n'est pas notée. Dans le reste de ce chapitre, et à des fins de précision linguistique, je signalerai cependant les voyelles longues au moyen de l'accent circonflexe.

LA MORPHOLOGIE

La morphologie du montagnais se divise, comme je l'ai dit plus haut, entre la morphologie dérivationnelle ou lexicale, la morphologie flexionnelle ou grammaticale et la composition. Dans les deux premières catégories, on retrouve des morphèmes préfixés et des morphèmes suffixés. Jusqu'ici, cela ne diffère en rien du français. Cependant, selon la terminologie de la grammaire traditionnelle, qui a bien sûr été créée pour les besoins de la description des langues indo-européennes, les morphèmes du montagnais ne sont pas toujours facile à classer. Dans une perspective où l'on décrit la grammaire comme l'ensemble des unités qui sont d'usage obligatoire dans une langue et le lexique comme l'ensemble des unités qui sont d'usage optionnel, on se rend compte qu'il existe en montagnais une catégorie d'affixes qui pourraient, selon les points de vue, être classés comme morphèmes dérivationnels parce qu'ils servent à construire des unités lexicales mais qui, par ailleurs relèvent aussi de la grammaire parce qu'ils servent nettement à marquer un accord de sens entre le verbe et certains de ses compléments ouvertement exprimés. Ces morphèmes sont en quelque sorte des hybrides entre le lexique et la grammaire.

Je décrirai, dans l'ordre, la morphologie lexicale du montagnais, les morphèmes hybrides, les procédés morphologiques mis à l'oeuvre dans la création des mots nouveaux et, enfin, la morphologie grammaticale.
LA MORPHOLOGIE LEXICALE
Dans la formation de ses mots, le montagnais utilise, comme la majorité des langues du monde, des préfixes et des suffixes. Ces différents affixes peuvent non seulement modifier le sens des mos sur lesquels ils agissent, mais aussi modifier ou non l'appartenance d'un mot à une classe. Par exemple, les morphèmes lexicaux peuvent transformer:
-des noms en d'autres noms (substantivation dénominale)
-des verbes en d'autres verbes (verbalisation déverbale)
-des verbes en noms (verbalisation dénominale)
-des noms en verbes (substantivation déverbale)

Comme beaucoup d'autres langues, le montagnais peut construire des mots par recours à la composition, c'est-à-dire en associant deux mots ou un mot et un radical de mot. Voyons comment toutes ces opérations s'effectuent.

LES SUFFIXES
Prenons par exemple un substantif de base, le mot nâpeu qui signifie ''homme'' auquel nous voulons ajouter l'idée de ''petit''. Nous pouvons le faire en additionnant au mot de base le suffixe diminutif -ss, ce qui donnera nâpess, signifiant ''jeune garçon''. De la même façon, on peut former ishkuess, ''jeune fille'', à partir de ishkueu, ''femme'' . Cela ne diffère en rien du français où l'on forme ''fillette'' à partir de ''fille'' par addition d'un suffixe diminutif.

LES PRÉFIXES
À l'inverse, on peut aussi modifier le sens d'un mot en ajoutant un préfixe. Par exemple, si l'on ajoute au mot nâpeu le préfixe augmentatif mishta-, on obtiendra le mot Mishtàpeu avec mamuscule et signifiant, selon le lexique McNulty-Basile, ''personnage légendaire'', ''géant'' ou ''âme'' . On peut aussi obtenir, selon le lexique Maillot et Lescop, mista-nâpeu, signifiant tout simplement '' grand homme''. En cela non plus le montagnais ne diffère en rien du français où l'on trouve, avec majuscule le Surhomme ''personnage légendaire des bandes dessinées'' et un surhomme, signifiant ''grand homme'' , '' homme très fort'' .

AFFIXES ET CHANGEMENTS DE CLASSE
Les exemples proposés pour les suffixes et les préfixes ont illustrés les cas où la morphologie permet de dériver des noms à partir de noms. Cette morphologie permet de façon similaire de dériver des verbes à partir de verbes. Ainsi, à partir du verbe âuatâu '' il le transporte'', on peut dériver le verbe âuatauâshu '' il transporte ses bagages''.
Certains suffixes permettent par contre de créer des verbes à partir des noms. Par exemple, si on ajoute au nom apuî ''aviron'', ''rame'', le suffixe verbal -tsheu, on obtient le verbe apuîtsheu ''il fait des rames''. Cela ressemble fort au procédé français qui dérive à partir du nom ''guerre'' le verbe ''guerroyer'', faire la guerre.

À la différence du français, le montagnais ne possède pas de verbe correspondant à l'usage du verbe ''être'' comme verbe copule ou comme verbe prédicatif. Lorsqu'il y a lieu, par exemple, d'énoncer en montagnais l'équivalent de ce qui s'énonce en français par ''c'est une femme '', c'est à l'aide du suffixe verbal -û ajouté à un nom qu'on rendra la même idée. Le nom ishkueu ''femme'' auquel on ajoute le suffixe verbal -û, dénotant l'idée d'existence, debiendra le verbe ishkueû, signifiant ''elle est femme'' ou ''c'est une femme''.

LES MOTS COMPOSÉS
Comme je l'ai signalé dans l'introduction, le montagnais,à l'instar de la majorité des langues, peut aussi former un mot à partir de deux autres mots. Ces noms composés sont formés à partir de mots déjà existants qui peuvent être des radicaux libres (mots pouvant apparaître seuls ailleurs dans la langues et être suivis de flexions) ou de racines (mots ne pouvant apparaître seuls dans la langue ni être suivis immédiatement de flexions). Ils sont constitués d'un nom ''constituant la tête lexicale de la construction auquel on préfixe un autre nom, un verbe, une particule ou encore un modifieur''. Les noms, les verbes et les particules appartiennent à la classe des radicaux libres tandis que les modifieurs sont des racines (formes liées).
En ce qui concerne les radicaux libres, comparativement au français qui a formé les mots ''cheval-vapeur'' ou ''bien-être'', par exemple, le montagnais a formé à partir des mots nipi ''eau'' et kûkûsh ''cochon'' le mot nipîu-kûkûsh ''hippopotame'' ou encore, à partir des mots mitâshiâpi et assikumân, le mot mitâshiâpû-assikumân ''aiguille à tricoter''. Dans les deux langues on voit que, dans le processus de composition, les mots ont gardé leur forme originale et peuvent, en dehors de la composition, se retrouver seuls ailleurs dans le lexique. On notera qu'en montagnais il existe une règle qui provoque l'apparition d'un -u- dit ''de composition'', lorsque le dernier élément du premier radical est une voyelle. Linsertion de ce -u- a pour effet d'allonger la voyelle si elle est brève.
Par contre, on retrouve en montagnais comme en français des mots composés dont chaque partie ne peut pas se retrouver à l'état libre dans la langue. C'est le cas, par exemple, des formes liées, ou racines.
-Tshishe-Manitû «grand» + «esprit» Dieu
-Milu-Manitû «bon» + «esprit» Esprit Saint
-Matshi-Manitû «mauvais»+«esprit» Lucifer
CLASSES DE RADICAUX ET D'AFFIXES
LES RACINES
En ce qui concerne les radicaux liés du montagnais, il existe une façon de les classer qui rend compte de leur comportement particulier. Une première classe de radicaux est appelée ''racine''. Cela signifie que, dans la formation d'un mot, ce radical a la possibilitlé d'apparaître en première position. Ainsi le radical ishkue- a la capacité d'apparaître en début de mot et de supporter tout autre élément qui viendra à la suite, comme dans la série ishkueiâpush ''lièvre femelle'', ishuemisk(u), ''castor femelle'', ishkuemesh ''poisson femelle''.

LES SUFFIXES
Par ailleurs, à ce radical initial correspond un autre type d'unités radicales qu'on appelle ''non initiales''et qui ne peuvent apparaître qu'après le radical initial du mot. Ainsi, au radical initial mîtshuâp ''maison'' correspond un radical non initial, de sens équivalent, -tshuâp- comme dans le mot shûniâutshuâp où le radical initial shûniâu- ''argent'' est suivi du radical non initial -tshuâp- pour donner le composé signifiant ''banque''. Les radicaux initiaux n'ont pas tous un équivalent non initial et l'inverse est également vrai: les radicaux non initiaux n'ont pas tous un équivalent initial.
LES MÉDIANES
Un autre type d'unités servant à former les mots est ce qu'on appelle les ''médianes''. Par médiane on entend cette catégorie d'untités suffixées qui ne peuvent apparaître, en principe, qu'entre un radical initial et un suffixe final. Parmi ces médianes on retrouve, entre autres, les affixes indiquant les parties du corps. Ces médianes se retrouvent souvent dans les verbes, comme dans la série suivante où -n- ''avec les mains'' et -sk- ''avec les pieds'' donnent respectivement pâkânam '' il crève quelque chose avec les mains'' et pâkâshkam ''il crève quelque chose avec les pieds, le corps''.
Les ''classificateurs'' sont un autre ensemble d'affixes médians qui servent à la construction des mots et qui relèvent en ce sens de la morphologie lexicale. Ils indiquent par exemple la sorte d'instrument avec lequel on agit, la forme ou la substance, etc. Ces classificateurs expriment ainsi, lorsqu'ils se retrouvent dans les verbes, un accord sémantique entre ces verbes et leurs différents sujets et compléments. Voici la liste de quelques classificateurs:
-âshku- en bois
-pishk- minéral
-apek- filiforme
-ek- étalé
-ikam- liquide

Prenons comme exemple de fonctionnement des classificateurs la racine de base shîpekû ''c'est vert''. La forme du verbe variera selon que le sujet du verbe est filiforme, minéral, long, en bois, étalé etc. Autrement dit, on ne peut utiliser la même forme du verbe ''est vert'' pour un lacet, un gobelet de métal des ski ou un couvre-lit. Pour chacun de ces sujets, on obtient respectivement les formes suivantes du verbe:

[ le lacet ] est vert shîpekuâpekan
[le gobelet (de métal)] est vert shîpekuâpishkau
[le ski] est vert shîpekuâshkuan
[le gazon] est vert shîpekuekan

ou encore:
il plie quelque chose de filiforme en deux napueiapetshenam
il plie quelque chose d'étalé en deux napuekaim

LES FINALES
Ces affixes sont les éléments qui constituent le dernier élément du radical immédiatement avant les flexions. Ce sont eux qui déterminent la partie du discours à laquelle le mot appartiendra. Il faut distinguer à cet égard les finales nominales et les finales verbales. Ces suffixes sont en quantité telle qu'on ne pourrait ici les énumérer tous. Contentons-nous de dire que chaque suffixe apporte avec lui une idée caractéristique de la classe d'objets à laquelle il s'associe.
Parmi les suffixes nominaux, par exemple, le suffixe -un indiquera un nom d'action, comme dans nîkamûn ''chant'' ou aimûn ''parole'', le suffixe -kan indiquera un instrument, comme dans mashinaikan ''crayon'', tipashkunikan ''verge en bois'' (pour mesurer).
Les suffixes verbaux, pour leur part, exprimeront diverses notions pertinentes à la catégorie grammaticale du verbe. Par exemple, le genre animé ou inanimé de l'objet ou du sujet, l'idée d'existence, le caractère transitif, intransitif, réciproque ou réfléchi du procès, etc.

LES NÉOLOGISMES
Tant qu'une culture est en position forte, elle a la capacité d'absorber les réalités nouvelles qui se présentent à elle et de traduire ces réalités dans les termes et selon les mécanismes de sa propre langue, en créant des mots nouveaux. Comme toute autre langue, le montagnais a lui aussi à sa disposition un éventail de moyens pour exprimer les innombrables réalités auxquelles ses locuteurs ont eu à faire face surtout depuis leur acculturation par les Européens. Nous verrons que les procédés néologiques du montagnais sont non seulement diversifiés mais que les mots nouveaux qui en résultent témoignent souvent, et de façon fort évocatrice, de l'importance du choc culturel auquel cette société à été soumise.
Les principaux procédés auxquels la langue montagnaise a eu recours jusqu'ici dans la création de néologismes sont, d'une part, les moyens habituels de formation des mots tels que nous les avons vus dans la section portant sur la morphologie. Je donnerai ci-après des exemples d'utilisation de ces processus dans la création néologique proprement dite. D'autre part, la langue a aussi recours à d'autres processus tels que la périphrase, l'emprunt direct et le changement de sens. Voyons d'abord les néologismes nés des processus morphologiques habituels dans la formation des mots montagnais pour ensuite examiner ceux qui résultent des seconds types de processus.
NÉOLOGIE PAR LA FORMATION TRADITIONNELLE DE MOTS
Pour illustrer cette section, il suffira d'un exemple, celui des néologismes dérivés par suffixation et préfixation du verbe pâshtâitu ''il commet une faute grave''. Ce mot est tiré du dictionnaire Drapeau, où on trouve également pâshtâ-tûtam avec le même sens. Dans cet ouvrage on trouve aussi en entrée la nominalisation pâshtâitûn ''péché'' à côté de pâshtâielitam ''il commet un péché en pensée''. Face au besoin d'exprimer une réalité introduite très tôt par les premiers missionnaires, les montagnais ont donc nominalisé le verbe pâhtâitu exprimant l'idée de ''faute''. Cela a donné le nom pâhtâlitûn, signifiant ''péché''. Puis, comme les péchés ne sont pas tous d'égale importance, il a fallu exprimer cette différence et c'est ainsi que, dans le lexique McNulty-Basile, on trouve un mot formé au moyen du suffixe diminutif -ss qui a créé pâshtâitûniss ''péché véniel''. Dans la même veine on a exprimé au moyen du préfixe augmentatif mishta- le concept de ''péché mortel'', ce qui a donné mishtapâhtâitûn.
Dans un domaine beaucoup plus concret, celui de la nourriture, le choc culturel est flagrant lorsqu'on considère les mots composés suivants (tirés du lexique McNulty-Basile mais remis en orthographe standardisée) qui constituent également des néologismes:
- auâssîss ''bébé'' + mei ''excréments'' = auâssmeish ''moutarde''
-âpikûshîsh ''souris'' + mei = âpikûsshishimeish ''riz''
-shitâk(u) ''moufette'' + shu ''sentir'' = shikakussu ''oignon''
LA PÉRIPHRASE
Nous avons vu que le verbe montagnais a la capacité d'exprimer une quantité de sens égale à celui d'une phrase simple en français. Dans le cas où de tels verbes sont nominalisés par l'addition du préfixe kâ-, on aura affaire à un mot qui constitue une sorte de périphrase. Par exemple, la forme conjuguée du verbe makuneu ''il le serre avec la main'', ''il l'attrape'' donne kâ-mâkunauesht ''policier'', littéralement ''un qui les attrape''. Le même procédé a doné, d'abord à partir du nom uâshtenitamâkan ''lumière'', le verbe uâshtentipmântsheu ''il fait de la lumière'' puis la périphrase kâ-uâshtentipmântshet ''un qui fabrique de la lumière '', c'est-à-dire un électricien.

L'EMPRUNT DIRECT
Évidemment, le recours à la périphrase tend à produire, comme dans l'exemple précédent, des mots plutôt longs. Lorsque c'est le cas, il arrive que, pour exprimer la même chose, on recourt plus volontiers à l'emprunt direct, c'est-à-dire que l'on choisisse d'utiliser un mot fourni par une autre langue. Ainsi, dans la langue montagnaise, on a pu d'abord produire la périphrase mishtatshishkutamâtsheutshuâp où l'on retrouve les composantes suivantes:

mishta- grand
tshishkutamâtsheu il/elle enseigne
-tshuâp maison

Le sens de cette périphrase est ''grande maison où l'on enseigne'', c'est-à-dire ''université''. Mais, étant donné la longueur de ce mot, certains locuteurs montagnais utilisent couramment à sa place un mot directement emprunté au français, qu'ils ont cependant adapté au système phonétique de leur langue. Dans l'oeuvre d'Antane Kapesh, on trouve, là la place de mishtatshishkutamâtsheutshuâp, le mot ninipassité. On reconnaît aussi dans ce mot le nom français ''université'' avec la présence de l'article défini du français. Jusqu'à très récemment, l'emprunt direct du montagnais au français incluait généralement l'article défini. Ce phénomène a donné la série de mots suivants:
nâpien bière
nânuâ loi
napatât patate
napanân banane
nâshiet assiette
nekâutû gâteau
neshu chou

Ce mécanisme économique d'emprunt est le même qui agit en français lorsque, par exempe, au lieu de ''traîneau-fait-de-planches-minces-recourbées-à-l'avant'', on dit tout simplement ''toboggan'', provenant du mot utâpâkan ''traîneau'' emprunté directement aux langues algonquiennes.

LE CHANGEMENT DE SENS
Pour signifier une nouvelle réalité, on peut utiliser un mot de sa propre langue qui a un certain rapport avec cette nouvelle réalité. Ainsi le mot montagnais uhtikuan, qui exprimait à l'origine ''sa tête'', en est venu à exprimer le sens de ''trimbre''; le mot utâpâkan, qui signifie au départ ''traîneau'', a pris maintenant le sens de ''véhicule'', ''auto''.

LA MORPHOLOGIE GRAMMATICALE
Certaines catégories grammaticales du montagnais, c'est-à-dire celles qui sont exprimées par une morphologie obligatoire, ne diffèrent en général pas beaucoup des catégories que l'on retrouve dans les langues qui nous sont plus connues. On retrouve ainsi dans le nom les catégories du genre et du nombre; dans le verbe, on note les catégories de la personne, du genre et du nombre, de temps et du mode.
En plus de ces catégories grammaticales comparables à celles de nos langues, le montagnais, comme la plupart des langues algonquiennes, possède d'autres catégories, s'appliquant soit au nom, soit au verbe et qui le distinguent des langues plus connues de nous. Il sagit pour les verbes de la transitivité, de la direction et des ordres. Pour les noms, nous retrouvons la catégorie du locatif et, enfin pour les noms et les verbes, la catégorie obviation.
Examinons d'abord les catégories qui nous sont plus familières pour nous arrêter ensuite aux autres.

LE GENRE
En montagnais, la catégorie du genre ne se divise pas, comme en fançais, entre le masculin et le féminin. Le genre mongagnais se répartit plutôt, comme en anglais, entre l'animé (a.) et l'inanimé (i.). Comme en français, le genre montagnais est, la plupart du temps, arbitraire. Si les noms d'êtres humains et d'animaux sont de genre animé, pour le reste on ne voit pas toujours ce qui motive l'appartenance d'un nom à un genre. Ainsi, âtshikûiân ''sac pour transporter les bébés'' et ashtish ''mitaine'' sont de genre animé alors que mûkumân ''couteau'' et mitâsh ''chaussette'' sont du genre inanimé.
Comme en français, également, on ne distingue pas à la seule forme de sa terminaison à quel genre un mot appartient. Par exemple, mashinaikan ''livre'', ''lettre'' est de genre inanimé, alors que maikan ''loup'' est de genre animé, ûsh ''canot'' es inanimé tandis que mûsh ''orignal'' est animé.
La seule façon de vérifier le genre d'un mot est dans la façon dont ce mot s'accorde avec un autre mot de la phrase, avec un verbe par exemple. En montagnais, en effet, les verbes s'accordent en genre avec leur sujet et avec leur objet, et la forme des verbes animés et inanimés diffère, de telle sorte que, par la forme d'un verbe, on peut connaître le genre du sujet e de l'objet. Cela est illustré dans la série d'exemples suivante:

uâpinuâu mashinaikan
il est gris-INANIMÉ livre (i.)
c'est un livre gris

uâpinushîu maikan
il est gris-ANIMÉ loup (a.)
c'est un loup gris

nuâpmâu maikan
je vois-ANIMÉ loup (a.)
je vois un loup

nuâpaten mashinaikan
je vois-INANIMÉ livre (i.)
je vois un livre

Une autre façon de connaître le genre d'un mot est sa forme plurielle. En effet, bien que rien ne distingue le genre d'un mot au singulier, l'animé et l'inanimé diffèrent au pluriel.

pîshâkaniâpîa (i.) cordes
apuîat (a.) rames
LE NOMBRE
La catégorie du nombre se répartit entre le singulier et le pluriel. Comme on l'a vu dans l'exemple précédent, le pluriel des noms s'exprime en ajoutant -a aux noms de genre inanimé et -at aux animés.
Le verbe, quant à lui, s'accorde en nombre avec sont sujet et avec son objet, lorsque celui-ci est exprimé. Cela augmente bien entendu le nombre possible de formes du verbe. voici, par exemple, comment on peut conjuguer la première personne du verbe ''voir'', au présent de l'indicatif et à l'ordre indépendant, lorsque l'objet est de genre animé:
nuâpmâu je le vois
nuâpmâuat je les vois
nuâpmânân nous le voyons
nuâpmânânat nous les voyons

LA POSSESSION
Contrairement au français où la possession est indiquée par des déterminants possessifs (mon, ton, son, etc.), le concept de possession s'exprime en mongagnais au moyen de préfixes accolés au nom de l'objet possédé, comme l'illustre la série suivante:

mashinaikan livre
nimashinaikan mon livre
tshimashinaikan ton livre
umashinaikan son livre

Il existe plusieurs sous-règles pour la morphologie du possessif, dont je ne ferai pas état ici. Qu'il suffise de noter que certains mots, dits '' termes de possession inaliénable'', tels les termes de parenté, les parties du corps ne peuvent se présenter sans être poruvus d'un préfixe de possession. La forme possessive de certains noms requiert de plus l'addition du suffixe-(i.)m.

minûsh chat
niminûshim mon chat
tshiminûshim ton chat

LE LOCATIF
les noms et leurs déterminants, lorsqu'ils agissent comme compléments de lieu sont pourvus d'un suffixe de locatif -it. Ainsi, mîtshuâp ''table'' donnera mîtshuâpit ''sur la table'' et tepuâkan ''chaise'' donnera tetapuâkanit. Lorsqu'il suit une voyelle, le suffixe prend la forme -t comme dans nipî ''eau'' qui donne nipît ''dans l'eau''.

LA PERSONNE
Cette catégorie s'exprime, comme en français, dans le verbe. En montagnais beaucoup plus de notions sont exprimées par des verbes qu'en français. C'est pourquoi beaucoup de mots que l'on classerait comme des noms dans d'autres langues sont fléchis comme des verbes en montagnais. Ces mots reçoivent donc la morphologie de la personne. Comparez, par exemple, le nom français ''indien'' qui est traduit par un verbe dans les deux phrases suivantes:

Kie tshinuau e innuiek tshika tshishikashunau
Et vous indien-2PL. 2FUT. payer-2PL.
Et vous indiens, vous paierez.


Ninan e inniuiak ninaskumanan
Nous indien-1PL. remercier-1PL.
Nous, indiens, le recercions.

Ces exemples permettent maintenant au lecteur d'analyser et de comprendre mieux le titre de deux chandsons du groupe Kashtin. E uassiuian et E peikussian. Le premier titre a été traduit en français par Mn enfance et le second par Solitude. Cependant, ces titres ne peuvent pas correspondre à des noms en montagnais et doivent s'analyser comme suit:

E uassiuian
enfant-1SING.
quand je suis enfant

E peikussian
seul-1SING.
quand je suis seul


comme le français, le montagnais distingue entre la première, la deuxième et la troisième personne, au singulier et au pluriel. L'expression de la personne, au pluriel offre en outre une distinction supplémentaire qu'on appelle ''inclusif''. Cette distinction morphologique est un intermédiaire entre la première et la deuxième personne du pluriel et répartit le sens de la façon suivante:

1 PL. =nous (je + les personnes au nom de qui je parle)
1PL. INCL. = nous (je + vous, les personnes à qui je parle)
2 PL. = vous (vous, les personnes à qui je parle)

La distinction morphologique des personnes s'exprime dans le verbe au moyen de préfixes et de suffixes, et grâce à des pronoms personnels. Ces derniers ne sont cependant pas obligatoires et servent surtout à exprimer l'insistance. Étant donné toutes les possibilités d'accord du verbe (avec le genre et le nombre du sujet et de l'objet et ce, aux différents modes et aux différents temps), il est impossible de donner ici des exemples de toutes les formes personnelles d'un verbe. Contentons-nous, à titre d'exemple, de donner la conjugaison du verbe ''voir'', au présent de l'indicatif actif (à l' ''ordre'' indépendant et dans la ''direction'' directe; ces deux catégories serontexpliquées par la suite). La première colonne donne la conjugaison du verbe avec un complément de genre inanimé.

nuâpmâu nuâpaten je le vois
tshuâpmâu tshuâpaten tu le vois
uâpmeu uâpatam il le voit
nuâpmânân nuâpatenân nous le voyons
tshuâpmânân(u) tshuâpatenân(u) nous (incl.) le voyons
tshuâpmâuâu tshuâpaatenâu vous le voyez
uâpmeuat uâpatamuat ils le voient

LE TEMPS
Les temps principaux du montagnais sont le passé et le futur. Toute action qui suit, immédiatement ou non, le moment de la parole est exprimée au futur, c'est-à-dire marqué d'un préverbe.

nika uâpmâu je le verrai

Toute action qui a pris place dans une époque passée et qui est séparée explicitement du moment de la parole (par exemple, hier, il y a une heure, il y a cinq minutes) est marquée par un morphème de passé, dans les dialectes de la Basse-Côte-Nord tout au moins. Le fait que l'action soit terminée ou non n'est pas marqué formellement.

Question : que fait-il (en ce moment)?
Réponse : Mîtshishu il mange

Question : que faisait-il quand tu es arrivé hier?
Réponse : mîtshishûpan il mangeait

Question : Qu'a-t-il fait quand tu es arrivé hier?
Réponse : mitshishûpan il a mangé

Si le locuteur estime qu'une action passée a une conséquence ou un résultat dans le présent, il marquera le verbe exprimant cette action d'un morphème de parfait.

shâsh tshî mîtshishu
parfait il-mange
il a mangé (= il n'a plus faim)

LE MODE
En montagnais comme dans beaucoup de langues, le mode est une façon de marquer, par des morphèmes particuliers, le degré de vérité, de ''fiabilité'' que le locuteur assigne personnellement à l'information qu'il donne. Ces distinctions, marquées par des flexions verbales en montagnais, sont souvent exprimées par des périphrases en français. La liste suivante énumère les principaux modes du montagnais avec des exemples les illustrant et la traduction de ces exemples:

indicatif âtusseu il travaille (j'en suis certain)
indirect âtussetak il travaille (j'en suis certain bien que je n'en sois pas témoin)
subjectif ka-âtusseua il me semble qu'il travaille
dubitatif âtussitshe il doit travailler
subjonctif âtusseti il se peut qu'il travaille
LA TRANSITIVITÉ
Les verbes du montagnais, comme on l'a vu plus haut, sont marqués d'un accrod de genre et de nombre avec leur complément d'objet. En outre, leur forme va aussi différer selon qu'ils ont ou non un complément d'objet. C'est ce qu'on appelle la ''transitivité''. Ainsi, selon le genre du sujet, la présence ou l'absence d'un objet exprimable à l'extérieur du verbe et le genre de cet objet, on pourra avoir quatre formes du même radical verbal. La série d'exemples suivante illuste comment s'exprime la transitivité:

utâmitin - (intransitif, sujet inanimé--i.i.)
quelque chose cogne sur un objet, une surface

utâmishinu- (intransitif, sujet animé--a.i.)
il se frappe, se cogne contre un objet, une surface

utâmaim- (transitif, objet inanimé--t.i.)
il frappe quelque chose

utâmishimeu- (transitif, objet animé--t.a.)
il le frappe contre un objet, une surface

Si l'on combine cette série d'exemples illustrant la transitivité du verbe à une autre série illustrant à nouveau les classificateurs, on est maintenant à même de constater la finesse et la précision de la langue montagnaise.

utâmikateshinu (a.i.) il se frappe la jambe
utâmikatueu (t.a.) il le frappe à la jambe
utâmikatikueshinu (a.i.) il se cogne le front
utâmikaitikueueu (t.a.) il le frappe au front


L'OBVIATION
L'obviation (obv.) est une catégorie grammaticale propre aux langues algonquiennes et elle s'exprime autant dans le verbe que dans le nom et ses déterminants. En ce qui concerne le sens, on peut décrire cette catégorie comme l'expression de la ''prédominance'' d'un actant de troisième personne sur un autre actant de la troisième personne. En linguistique algonquienne, on se réfère également à cette catégorie avec le terme ''quatrième personne''. Les termes anglais de proximation et de personal distance révèlent eux aussi de quelle sorte de notion il s'agit. Il convient cependant de prendre ces termes dans leur sens abstrait et non dans le sens de ''distance physique''. L'actant qui est marqué comme ''obviatisé''' doit être perçu comme moins ''saillant'' dans le contexte où il apparaît que celui qui n'est pas obviatisé. Ce dernier, au contraire, apparaît par opposition comme mis en relief.
Peut-être l'obviation est-elle plus facile à comprendre si l'on examine d'abord sa fonction grammaticale et ses formes.
L'obviatif est marqué formellement dans le nom en ajoutant au radical un suffixe -a aux noms de genre animé et un suffixe -nu aux inanimés. Lorsque l'animé est obviatisé, on ne peut plus y faire la distinction entre le singulier et pluriel. Par exemple, uâpameu mashkua signifiera tout autant ''il voit un ours'' que ''il voit des ours''. Lorsque le sujet du verbe est obviatisé, l'accord se fait avec le berbe et l'obviatif est aussi marqué dans le verbe par différents morphèmes selon le mode et le temps du verbe.
Dans une proposition où il y a deux troisièmes personnes, par exemple ''l'enfant voit le lièvre'', une de ces troisièmes personnes devra obligatoirement être présentée comme obviatisée, c'est-à -dire comme ''éloignée mentalement'', alors que l'autre, celle qui n'est pas marquée par un morphème d'obviatif, paraîtra, par contraste plus visible, plus importante dans la trame du récit. En général, le personnage-sujet est considéré comme plus important, et le personnage-objet, comme moins important. Mais cette impertance accordée aux participants relève avant tout du narrateur: il a toute la liberté, selon ce qu'il veux mettre en évidence, de marquer l'objet comme prédominant et le sujet comme ''éloigné''. Les exemples suivants, tirés de McNulty (1971) , illustrent le phénomène:

Kue nätshât ntshent auâssat nenua uâpuha.
et ils-vont-le-voir les enfants le-OBV lièvre-OBV

Et les enfants vont voir le lièvre (McNulty et Basile, s.d.)

Dans ce cas, les enfants et ce qu'ils font, ou ce qu'ils feront par la suite, sont considérés comme plus importants dans le déroulement du récit. Par contre, dans le cas suivant, c'est le lièvre qui est présenté comme plus important, même s'il est en position d'objet du verbe:

Minuât kue itukut nenua nâpessa: (...)
À nouveau et dire-3OBV. les-OBV. garçons-OBV.
-->3 SING.

Et à nouveau les garçons lui disent: (...) (McNulty et Basile, s.d.)

LA DIRECTION OU LA HIÉRARCHIE DES PERSONNES

Le montagnais ne connaîs pas, à proprement parler, de voix passive. Il possède cependant une catégorie grammaticale appelée la ''direction'' ou la ''hiérarchie personnelle'', et qui sert à exprimer les relations interpersonnelles souvent exprimées par la voix passive dans d'autres langues.
Le terme ''hiérarchie personnelle'' signifie qu'en montagnais il existe une préséance de certaines personnes sur d'autres et que cette préséance s'exprime morphologiquement. Prenons le cas où ''je'' et ''tu'' sont en interrelation, comme en français dans ''je te vois'' ou ''tu me vois''. En montagnais, peu importe qui agit sur qui, il faut obligatoirement exprimer le ''tu'' en premier. Autrement dit, dans l'expression des relations interpersonnelles, ''tu'' a toujours préséance sur ''je ''.

Tshi-uâpam-in
2-voir-1SING.
tu me vois

Cet exemple exprime une relation directe de ''toi'' sur ''moi''. Ceci est permis par la grammaire de la hiérarchie personnelle où ''tu'' a la possibilité d'agir sur ''je''. Cependant, comme selon cette hiérarchie il n'y a pas de possibilité d'exprimer directement l'action de ''je '' sur ''tu'', la seule façon d'exprimer une relation où ''je'' est le sujet réel de l'action posée sur ''tu'' est d'indiquer une inversion du processus, inversion qui sera marquée formellement par un morphème appelé inversif (inv.).

Tshi-uâpam-ti-in
2-voir-1SING.
tu est vu par moi (=je te vois)

Cela est beaucoup plus qu'une formule de politesse, puisqu'il n'y a pas d'autre façon d'exprimer la chose. Il en va de même dans le cas des relation entre ''je'' ou ''tu'' et ''il'' . La première et la deuxième personne ont toujours préséance sur la troisième. ON peut exprimer directement:

ni-uâpamâu et tshi-uâpamâu
1-voir/3SING. 2-voir/3SING.
je le vois tu le vois


Mais pour dire ''il me voit'' ou ''il te voit'', on est obligé d'utiliser un morphème inversif de troisième personne, comme dans l'exemple suivant:

ni-uâpam-iku ou et tshi-uâpam-iku
1-voir-inv./3SING. 2-voir-inv./3SING.
je suis vu par lui tu est vu par lui
(=il me voit) (=il te voit)

LES PRÉVERBES

Les préverbes constituent une catégorie d'affixes se préfixant immédiatement au radical du verbe. Lorsqu'un préfixe personnel doit être appliqué, le préverbe se place entre le préfixe personnel et le radical, comme dans ni-mishta-mitshishun ''je mange beaucoup''. Le sens des préverbes va du concret à l'abstrait, comme dans la liste suivante: matshi-''mauvais'', minu-''bon'', mishta-''beaucoup/gros'', nîtâu-''savoir'', ka-''futur'', pâ-''devoir'', uî-''vouloir'', etc. Il va sans dire qeu les préverbes ayant un sens concret jouent plutôt un rôle dans la dérivation lexicale alors que ceux ayant un sens abstrait sont surtout utilisés comme constituants de la morphologie grammaticale et servent à exprimer les modalités comme le vouloir, le devoir, le pouvoir, etc.

LES ORDRES
Les ''ordres'' sont aussi une catégorie grammaticale propre aux langues algonquiennes. Cette catégorie s'exprime exclusivement dans le verbe, bien que son emploi puisse avoir une influence sur les autres parties du discours.
Comme le rôle de l'obviation était d'indiquer l'importance d'un participant, le rôle des ordes est d'indiquer celle qui est accordée à une action ou à un événement dans le déroulement global d'un récit. La langue montagnaise offre ainsi deux séries de morphèmes particuliers, '' l'indépendant'' et le ''conjonctif'', permettant de distinguer l'importance des événements dans un discours ou un récit. Voici un exemple des différentes formes que peut prendre un verbe, selon qu'il se présente à l'indépendant ou à l'une des deux subdivisions du conjonctif, c'est-à-dire le conjonctif simple ou la forme changée:


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kakatshu



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Messageécrit le Tuesday 13 Mar 07, 19:50 Répondre en citant ce message   

Merci beaucoup pour ces très précieuses informations sur des langues algonquines trop meconnues.
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