Patois lorrain du Valtin
par Maurice Gérard
Lo trèveil, c’îre lè santè
Ây, bé sûr, a z-è trop-bé trèvè’i,
È faire dis (h)oûres a n’è mi r’hhinè.
Sus lo m’yau a z-è provè notis valoûrs,
A z-îre compètent et piè de v’latè.
Lo progrès n’îre co mi tot-la,
Tot-pwatot i fa’it dis bons brès.
Ah, ç’n’îre mi tocoûs aihant
Mais a p’ait motrè so cran.
Lo trèveil nos d’nnait d’l’importance.
A z-îre bé n-aihe d’n-allè d’l’èvant,
A n’corait mi èprès dis chimères,
A z-îre essûri d’ête prospères.
Mais v’la qu’dis sâcrés înventous
Ot prècipitè lis opèrâtios.
Èvo lis premers ordinateurs,
Is ot d’wé lis (h)euhhs è tout’ sortes d’inventios,
Et lis v’la qu’s’embâllat d’pus en pus.
Po faire montè lis enchères,
Lis robots sophistiquès n-è fèyat d’pus en pus.
Ça fait qu’a n’è pus de-b’sa d’èchtant de tant d’brès.
Lè b’sèye s’fait prèque tot pwâ lée.
I n-î d’çals que vourant co bé trèvè’i
Mais is n’ot wê d’chance de r’trovè
Èque sus pièce, i faut n-allè au grand diâle,
Et co n’mi trop-bé ête pè’i.
J’passe qu’a z-è èvu bé dè chance
Ècate lis gens d’aujud’(h)eû.
Le travail, c’était la santé
Oui, bien sûr, on a beaucoup travaillé,
À faire des heures on n’a pas rechigné.
Sur le tas on a prouvé nos valeurs,
On était compétent et plein de volonté.
Le progrès n’était pas encore là,
Partout il fallait de bons bras.
Ah, ce n’était pas toujours facile
Mais on pouvait montrer son cran.
Le travail nous donnait de l’importance.
On était bien content d’aller de l’avant,
On ne courait pas après des chimères,
On était assuré d’être prospères.
Mais voilà que des sacrées inventeurs
Ont précipité les opérations.
Avec les premiers ordinateurs,
Ils ont ouvert les portes à toutes sortes d’inventions,
Et les voilà qui s’emballent de plus en plus.
Pour faire monter les enchères,
Les robots sophistiqués en font de plus en plus.
Ça fait qu’on n’a plus besoin d’autant de tant de bras.
L’ouvrage se fait presque tout seul.
Il y en a certains qui voudraient encore bien travailler
Mais ils n’ont guère de chance de retrouver
Quelque chose sur place, il faut aller au grand diable,
Et encore ne pas beaucoup être payé.
Je pense qu’on a eu bien de la chance
À côté des gens d’aujourd’hui.
index