Patois lorrain du Valtin
par Maurice Gérard
Lè ratrâye d’èkûnle

Tout’ lis ennâyes au moûs d’octôbe, c’îre lè ratrâye è l’èkûnle. Po lis pus vîx, c’îre lè fête de vêr errivè lis novés. Lis çals do villêge, malîns ‘na qu’dis sînges, k’nnahhant tout’ lis autes. Mais il y avoût lis mons degordis que v’nant de derri dè Combe, de Rambas ou bé do Tanet. Is avant tortus sept ou (h)eût’ ans. Po lis pus jènes, c’îre bé lan po faire lo chemi è pîd. È midi, is mingeant lû pot d’camp d’sope qu’is rèhhauffant sus lo foné d’l’èkûnle ou bé chîz dis parats. È l’(h)euvé, quand’ lè nage îre tot-la, is errivant èn nûf (h)oûres et is r’pwatant è trâs (h)oûres po ête ratrès dant lè neût. Bé sovat, is n’praquant mi lo français et is n’compeurnant ré do tot. Lis pus malîns do villêge praquant lo patwès èvo zâs das lè cour de l’èkûnle. - K’mmat ‘st-ce que te t’heuches ? Où’st-ce que te d’moures ? Qu’ôst-ce que fait to pêre ? Qu’ôst-ce que fait tè mêre ? Et tis sûs ? Lo pûnre belaud, ène câille cwêtoux, chiâlait bé sovat sus sè biaude tote nûve. Il avoût lis eux tot roges po ratrè è l’èkûnle. Lo mâte ne praquait mi lo patwès. Chèque ennâye, i li fa’it dis interprètes. Ah, ç’qu’a p’ait rîre. Ène foûs, lo lend’main dè ratrâye, è nûf (h)oûres, vala l’Émil que s’leuve et que brâille : J’ai de-b’sa de r’phh’wi. Tout’ lis boûbes se botant è rîre. Lo mâte demandeut : Qu’ôst-ce qu’i dit ? Lo Victôr, toucoûs hâblâd, deheut : I vût n-allè au cabinet po r’p’hhwi. - Bon, qu’il y alleusse, que d’heut lo mâte. Ç’ast dîna que s’pessait co pa tot-ci lè ratrâye d’èkûnle is enviros d’lè guêrre de qwètôhhe.

La rentrée à l'école

Toutes les années au mois d'octobre, c'était la rentrée à l'école. Pour les plus vieux, c'était la fête de voir arriver les nouveaux. Ceux du village, malins comme des singes, connaissaient tous les autres. Mais il y avait les moins dégourdis qui venaient de derrière la Combe, de Rombas ou bien du Tanet. Ils avaient tous sept ou huit ans. Pour les plus jeunes, c'était trop loin pour faire le chemin à pied. À midi, ils mangeaient leur pot de camp de soupe qu'ils réchauffaient sur le fourneau de l'école ou bien chez des parents. En hiver, quand la neige était là, ils arrivaient à neuf heures et ils repartaient à trois heures pour être rentrés avant la nuit. Bien souvent, ils ne parlaient pas le français et ils ne comprenaient rien du tout. les plus malins, du village, parlaient le patois avec eux dans la cour de l'école. Comment t'appelles-tu ? Où demeures-tu ? Que fait ton père ? Que fait ta mère ? Et tes sœurs ? Le pauvre bêta, un peu triste, pleurait bien souvent sur sa blouse toute neuve. Il avait les yeux tout rouges pour rentrer à l'école. Le maître ne parlait pas le patois. Chaque année, il lui fallait des interprètes. Ah, ce qu'on pouvait rire. Une fois, le lendemain de la rentrée, à neuf heures, voilà Émile qui se lève et crie : J'ai besoin de pisser. Tous les gamins se mettaient à rire. Le maître demanda : Qu'est-ce qu'il dit ? Victor, toujours bavard dit : Il veut aller au cabinet pour pisser. Bon, qu'il y aille, dit le maître. C'est ainsi que se passait encore par ici la rentrée d'école aux environs de la guerre de quatorze.

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