« Germain et Nathalie, René et Eugénie »
La famille GENS
Patriarche indoeuropéen : *GEN-, « faire naître, engendrer »
Les branches
1. Les principaux ancêtres de cette famille sont les noms latins
gens, « race, famille élargie, famille noble », et
genus, « extraction, race, genre », ainsi que les noms grecs
γενος, genos, « naissance, famille, race », et
γενεσις, genesis, « force productrice, origine, création ». En sont issus la plupart des mots qui contiennent le radical -
gen- (ou -
gén- ou -
gèn- ou
gon-) :
Mots issus du latin :
gendarme, gendre, général, générateur, génération, généreux, générique, génial, génie, génital, géniteur, génitif, genre, gens, gent, gentil, gentilé, gentilhomme, congénère, congénital, dégénérer, engendrer, entregent, indigène, s’ingénier, ingénieur, ingénieux, ingénu, progéniture, régénérer ...
Mots issus du grec :
gène, généalogie, genèse, génétique, génome, anxiogène, Diogène, électrogène, Eugène, Eugénie, eugénisme, hétérogène, homogène, hydrogène, Iphigénie, oxygène, pathogène, photogénique ; cosmogonie
Mot hybride :
génocide (l’élément -
cide vient du latin
caedere, "tuer")
2. Une autre branche latine de cette famille, dans laquelle n’apparaît plus que le
n de -
gen-, est bien représentée par les mots latins
natio, « naissance, peuplade, nation »,
natura, « action de faire naître, caractère naturel, ordre naturel », et
natus, « né ». En sont issus la plupart des mots qui contiennent les radicaux -
natur- ou simplement -
nat- :
nature, naturel, naturellement, naturisme, dénaturer, naturaliser, surnaturel...
natal, natalité, natif, nativité, nation, prénatal, Nathalie, Natacha, ...
3. On aura compris que le verbe français
naître, participe présent
naissant, participe passé
né, est de la famille, même s’il ne ressemble plus guère à son étymon latin
nascere. Rappelons la petite famille de ce verbe :
naissance, naissant, aîné, inné, puîné, renaissance, renaître, René
Les invités masqués
1. Ils ne montrent plus que le
n de -
gen-, du moins au masculin : les adjectifs
bénin et
malin, du latin
benignus, « d’une bonne nature, bienveillant », et son contraire
malignus, qui eux-mêmes, comme on le voit, en avaient déjà perdu le
e. Le
g subsiste dans les formes féminines
bénigne et
maligne.
2. Dans -
gen-, il a changé le
e en un
i :
engin, du latin
ingenium, « talent, intelligence ». Le mot
engin a d’abord signifié « adresse, ruse », avant d’avoir son sens actuel. C’est de ce même étymon que viennent notre
ingénieur et l’
engineer anglais.
3. Déjà dans
germen, son étymon latin, le
n de
gen- était devenu
r au contact du suffixe
men :
germe. Dérivés :
germer, dégermer, germination, germinal, germain, germanopratin.
4. Déjà dans son étymon latin, -
gen- était réduit à -
gn- :
imprégner est un ré-emprunt au latin
impraegnare, « rendre enceinte », de
praegnas, « enceinte » (cf. anglais
pregnant). Le verbe
imprégner a été introduit en français sur son modèle latin au début du XVIe s. pour le distinguer de son doublet
empreigner, alors trop facilement confondu avec
empreindre. Dérivé :
imprégnation.
5. C’est un
natif qui a perdu son
t :
naïf. Les deux mots sont donc des doublets issus du latin
nativus. Dérivé :
naïveté, naïvement.
6. Seul son
n initial permet encore de le reconnaître :
Noël vient du latin
natalis (
dies), « le jour de la naissance (de Jésus) ». On disait
Nael au Moyen Âge, et puis le
a est devenu
o.
Curiosités
1.
agencer est une sorte d’enfant abandonné adopté par une autre famille ; il est en effet issu de l’ancien adjectif
gent, gente, « noble, beau », encore connu par le syntagme
gente dame ; or
gent vient du latin
genitus, « né », spécialement « bien né » en latin médiéval ;
agencer est donc bien, à l’origine, un membre de la famille de
gens. D’abord attesté sous la forme
rajancier, il s’est employé en ancien français pour « organiser, disposer en bon ordre » et absolument pour « arranger, adoucir les choses ». La valeur étymologique de « rendre agréable ou beau » s’étant perdue au cours des siècles, c’est à
agent - agir que le verbe se rattache sémantiquement à partir des XIVe-XVe s., l’idée dominante devenant « organiser, arranger ». (Voir la famille
AGIR).
2.
aîné : de l’ancien français
ains, ainz, « avant » et
né, participe passé de
naître. Son contraire est le
puîné, « celui qui est né après », composé de
puis et de
né.
3.
germanopratin : adjectif se référant à Saint-Germain-des-Prés, quartier de Paris. Le terme est d’allure savante, et formé sur les mots latins
germanus, « Germain » et
pratum, « pré ». Dans les années qui suivirent la Libération, on parla des « milieux germanopratins » liés à l’« existentialisme » (le mot ayant fini par désigner une mode et un mode de vie). L’adjectif et le gentilé se rapportent non seulement au quartier et aux habitants du quartier mais aussi à ceux qui y passaient la nuit pour y faire la fête. (Source : Wikipedia)
De l’élément
pratum sont également dérivés
préau et
prairie. Et, en castillan,
prado, d’où
El museo del Prado de Madrid, littéralement « le musée du pré ».
4.
néant est probablement issu d’un latin tardif *
ne gentem, « pas un (seul) être vivant ». Cette formation est à rapprocher de celle des pronoms indéfinis espagnols
nadie, « ne ... personne », qui vient du latin
(homines) nati (non fecerunt), littéralement « des hommes nés n’ont pas fait cela », et
nada, « ne ... rien », qui vient du latin
(rem) natam (non fecit), littéralement « il n’a pas fait la chose née ».
5. La locution adjectivale latine
sui generis signifie « qui n’appartient qu’à son espèce ». Elle s’emploie par euphémisme dans
une odeur sui generis pour qualifier une mauvaise odeur dont l’origine est facilement reconnaissable.
Homonymes et faux frères
1. Il y a
gène et
gêne !
Le nom
gêne : il est féminin, l’accent de son
e est circonflexe, et il remonte au francique *
jehhjan, qui a donné l’ancien français
gehir, « avouer », et
gehine, « torture ». Le mot s’est altéré en
gêne sous l’influence de
géhenne, mot biblique signifiant « séjour des réprouvés ». Avec son faux air de remonter elle aussi au même mot francique, la sinistre
gégène (abrégé familier de
groupe électrogène) des tortionnaires modernes fait donc curieusement le lien entre les deux mots.
2. Il y a
germain et
germain !
– L’adjectif
germain (1), comme on le dit de notre plus proche cousin, est de la famille. C’est un emprunt au latin
germanus, "naturel, germain", de
germen au sens de « progéniture du même sang ».
Germain s’est longtemps employé au sens de « frère ou sœur de mêmes parents » – comme l’espagnol
hermano, anciennement
germano – mais n’est plus guère employé aujourd’hui que dans le nom composé
cousin germain.
– L’adjectif
germain (2), de la
Germanie, est aussi un emprunt au latin, mais d’un autre
germanus, lequel est peut-être composé du celtique
gair, « voisin », et de
maon,
man, « peuple », nom que les Gaulois donnaient à leurs voisins de l’Est. Quand, dans cet ouvrage, nous parlons de
cousins germains, nous voulons dire « mots d’origine germanique », et nous associons donc ces deux «
germain » dans un volontaire jeu de mots.
3. Ne sont de la famille ni
génisse (< lat.
junix[
1], même sens) ni
genou (< lat.
genu[
2], même sens) ni
natation (< lat.
natare, « nager ») ni
natte (< bas lat.
natta, altér. de
matta, mot d’emprunt d’origine sémitique).
Dans d’autres langues indoeuropéennes
esp.
general, genero, gente, hermano, nacer, nada, nadie, yerno
port.
género, gente, geral, irmão, nada, nascer, natural, primogênito
it.
genere, genero, genio, genitore, gente, gentile, germano, primogenito
angl.
benign, degenerate, engine, gender, general, generation, generous, genial, genital, genius, gentle, gentry, genuine, germ, impregnate, ingenious, kin, kind, king, naive, nation, native, nature, pregnant
all.
Gen, Gendarm, General, Genie, Kind, König, naiv, Natur, natürlich
rus.
генерал, гений, Германия, дегенерат, жандарм, натуральный, нация
Notes :
1 Famille du latin
juvenis dans la descendance duquel on trouve aussi
jeune, jouvence, juvénile et
junior.
2 D’une racine indoeuropéenne homonyme *GEN-, “articulation, angle”, dans la descendance de laquelle on trouve aussi
ganache, diagonale, polygone, ricaner et
quenotte.