« L’officier désœuvré »
La famille OPUS
Patriarche indoeuropéen : *OP-, « travailler, produire »
Les branches
1. Parmi les ancêtres de cette famille on trouve les mots latins
opera, « activité du travailleur », et
operari, « travailler ». En sont issus tous les mots français qui contiennent le radical -
oper- :
opéra, opération, opérer, coopérer, postopératoire, ...
2. Parmi les ancêtres de cette famille on trouve aussi des mots latins où n’apparaît que le radical -
op, comme
opus, « œuvre », et
copia, « abondance ». En sont issus un certain nombre de mots français qui contiennent le radical -
op- :
optimal, optimisation, optimisme, opulence, opus, opuscule, copie, copieux, photocopie, polycopie, recopier, opime...
3. Parmi les ancêtres de cette famille on trouve aussi des mots latins où le radical -
op- est devenu -
of- au contact du
f qui le suivait, comme comme
officium (<
opificium), « travail, tâche, obligations d’une charge, service, fonction ». En sont issus tous les mots français qui contiennent le radical -
offic- :
office, officier, officiel, officieux, officine, ...
4. Les plus anciens descendants français de cette famille ont bien évolué depuis l’époque latine, ce qui fait qu’on a maintenant du mal à discerner l’étymon
opera sous des mots comme
œuvre ou
ouvrage et leurs dérivés :
œuvrer, désœuvré, désœuvrement, manœuvre, manœuvrer, ...
ouvrable, ouvragé, ouvré, ouvrier, ..
L’invité masqué
usine, issu de
wisine, mot dialectal du nord de la France, qui est lui-même une altération du picard
ouchine ou
œuchine, “atelier de brasseur”, issus du latin
officina.
Usine et
officine (du pharmacien) sont donc des doublets. Dérivés :
usiner, usinage.
Curiosités
1.
copie : emprunté au latin
copia, « abondance » (> fr.
copieux, et angl.
cornucopia, « corne d’abondance »), lequel, au sens médiéval de “reproduction d’un écrit”, serait le déverbal du verbe dérivé
copiare, « reproduire (un écrit) », à partir de l’idée de transcrire en quantité, multiplier. L’idée d’abondance s’étant perdue, il a fallu inventer le récent
polycopier.
2.
Les dépouilles opimes :
spolia opima en latin, c'était, dans l'Antiquité romaine, le butin remporté par le général romain qui avait tué de sa propre main le général ennemi. En principe, un butin
opulent si on en croit l'étymologie. Le mot
opime est en effet issu du latin
opimus, dérivé de
ops, opis, « pouvoir; richesse ».
Faux frères
1. En dépit de l’ambigu jour
ouvrable – jour de travail et non d’ouverture, mais les deux se confondent forcément dans les villes –, la famille d’
ouvrir n’a rien à voir avec celle-ci. Elle est issue du latin populaire *
operire, « ouvrir » (> fr.
opercule), du latin classique
aperire, même sens, d’origine obscure. Le
a initial est devenu
o sous l’influence de son contraire
cooperire, « couvrir ». Dans la famille d’
ouvrir on trouve donc à la fois l’
apéritif et le
couvert. Autres dérivés :
couverture, couvrir, découverte, découvrir, recouvrir, ouverture, ouvertement.
2. Le préfixe
op- de mots comme
opportun, opposer, opprimer, etc. est sans rapport avec
opus. Il est issu du préfixe latin
ob-, « devant, contre », et est probablement apparenté à la préposition grecque
επι, epi, « sur ».
3. Ils ne sont pas de la famille :
opale, opaque, opinion, opium, option, optique. Ce dernier est le seul des six à appartenir à une assez grande famille dans laquelle on trouve aussi
œil, oculaire, aveugle et
ophtalmologue.
Dans d’autres langues indoeuropéennes
esp.
copia, copioso, maniobra, obra, oficina, oficio, ópera, operar, opíparo, óptimo, opulento, uebos
port.
cópia, manobra, obra, oficial, ópera, opíparo, ótimo
it.
fucina, officina, opera, opra, opulento, ottimo, scioperare, uopo
angl.
cooperate, copious, copy, cornucopia, office, officer, opera, operate, optimum, opulent, opus, manure
all.
Kopie, Offizier, Oper, Opfer, opfern, Optimist, üben, üblich, Ubung
rus.
кооперация, копия, опера, офицер