Dossier

 

La société paysanne, 

objet d’étude ethnographique

 

Montpezat - carte postale - coll. René Domergue

 

 

 

La société paysanne comme société primitive

 

         Le voyageur passionné d’ethnographie revient souvent déçu de son périple à l’étranger, même dans des contrées lointaines. Le mode de vie occidental marque tous les peuples de son empreinte, et les particularités semblent réduites à quelques clichés exotiques. L’immersion dans ce qu’il est convenu de nommer « société primitive » n’est plus possible désormais.

         Et si la diversité culturelle était à notre porte ?

         L’étude de la société paysanne d’il y a quelques décennies à peine fait apparaître une multitude de pratiques aussi étranges que celles observées par les ethnologues dans les sociétés dites primitives. Et les leçons à en tirer ne sont pas moins intéressantes.

Ainsi, la beauté des filles, synonyme de teint pâle dans la société paysanne, est dans la société actuelle synonyme de teint bronzé. La beauté des murs, exprimée hier par le crépi, l’est aujourd’hui par la pierre apparente. Que signifie beauté sinon la conformité à une norme ? Dans la société paysanne, être pudique signifiait porter des bas noirs de manière à ne pas exposer la chair au regard d’autrui alors que, dans notre société, il s’agit simplement d’avoir une partie des cuisses couverte. Qu’est-ce que la pudeur ? Cette même pudeur imposait aux femmes le port de bas noirs mais elle ne prescrivait pas celui de la culotte, les normes de pudeur d’aujourd’hui sont inversées, le port de bas en été provoquerait même des moqueries. Qu’en sera-t-il demain ? Dans la société paysanne, les jeunes pouvaient escumer des galines en vue d’un réveillon sans que cet acte soit vraiment perçu comme du vol ; aujourd’hui, siphonner de l’essence dans une voiture afin de pouvoir sortir en bande dans une fête est un vol. Qu’est-ce que le vol ? Hier, la salade de tomates était impropre à la consommation, elle est très prisée aujourd’hui. Un bon  vin était très coloré, de faible degré et il « arrachait », ce même vin est considéré comme détestable aujourd’hui. Qu’est-ce que le bon ? Les anciens interdits religieux concernant le mariage entre catholiques et protestants nous scandalisent ; dans la société paysanne du village, il y a quarante ans à peine, cette union aurait été jugée inconvenante. Qu’est-ce qui est normal et convenable ? Nous considérons les veillées funèbres d’antan comme irrespectueuses ; comment prouver que nous respectons mieux les morts aujourd’hui ? Dans l’ancien temps, c’est l’absence de veillées qui aurait été considérée comme le signe du plus grand irrespect. Qu’est-ce que le respect ?

 

Source : Extrait de la conclusion du livre de René Domergue, Des Platanes, on les entendait cascailler, éd. RD.

(Etude de la vie quotidienne dans un village du pays de Nîmes, Gard)

 

 

 

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