Dossier

 

Statistiques relatives à la présence « d’étrangers » dans le village de Montpezat

 

En 1942, l'équipe de football du village compte 3 fils d'italiens

En 1951, ils seront 6 sur un total de 13.

Montpezat - coll. René Domergue

 

 

 

1 - Les étrangers venus de la montagne

 

         Un travail de recherche mené en collaboration avec Jacqueline Grenet, à partir de sa reconstitution des généalogies des vieilles familles du village de Montpezat, permet de fournir une information chiffrée. Si on considère comme étant ‘d’ici’ toute famille dont l’un des membres au moins, portant le patronyme, est présent au village de 1901 à 2001, le nombre de familles ‘d’ici’ se chiffre à 19. En prenant pour base la génération née autour de 1900, la remontée des arbres généalogiques en ligne directe sur une ou deux générations fait apparaître que 6 familles ‘d’ici’ ont pour ancêtre un(e) Gavot(e). Si la remontée s’effectue jusqu’à cinq générations, le total atteint 10 familles. La prise en compte de l’origine de l’épouse pour la seule génération utilisée comme base (G) amène le total à 15 familles ‘d’ici’ ayant un ancêtre Gavot. La prise en compte des mariages réalisés au sein de la génération G+1, née dans les années 1920-1940 le plus souvent, permet d’atteindre un total de 19 familles. Sur 19 !

         A noter que la recherche est menée parmi les seuls ascendants dont nous avons la trace, soit du fait de leur inscription dans l’état Civil et dans les recensements relatifs à Montpezat, soit du fait des souvenirs familiaux. De nombreux ascendants ne sont donc pas répertoriés. L’importance de l’ascendance gavote se trouve donc sous-estimée.

 

Source : René Domergue, La parole de l'estranger, éd. L'Harmattan, p. 55

 

 

2 - Les Italiens

 

         Dès les années 20, la colonie italienne de Montpezat a une importance significative. Aucun Italien n’est recensé en 1906, huit le sont en 1926, dix en 1931, seize en 1936. Mais du fait du mariage des enfants et des naissances qui en découlent, c’est dans les années d’après-guerre que la présence italienne apparaît la plus forte. A ce moment, certaines familles sont naturalisées, et quand ce n’est pas le cas les enfants nés en France sont le plus souvent devenus Français. Des Italiens au sens strict, il y en a peu, à peine plus d’une dizaine.

         Toutefois, du point de vue des villageois, les choses ne fonctionnent pas ainsi. « Des Italiens, tu en as à boudre », en quantité. Quatorze maisons au moins sont occupées par des familles dont le chef porte un patronyme italien, ce qui représente environ soixante-cinq personnes, pour un village de quatre cent cinquante habitants. Sans compter les quelques femmes d’origine italienne mariées en dehors de leur milieu, ainsi que leurs enfants. Et en laissant de côté les travailleurs temporaires.

 

Source : René Domergue, La parole de l'estranger, éd. L'Harmattan, p. 55

 

 

3 - Les Espagnols

 

        Avant 1940, « des familles d’origine italienne, tu en avais à raballer (en nombre) à Montpezat ou à Villevieille ». Elles sont quasiment inexistantes à Souvignargues, où en revanche on trouve énormément de familles venues de la montagne, Raïous et Gavots. A la même époque il y a peu de familles d’origine espagnole à Montpezat, alors que celles-ci abondent dans d’autres villages. Le meilleur exemple est la petite ville de Sommières. « Sommières, c’était clafi d’Espagnols. » C’était gorgé d’Espagnols. Comme les Italiens, ils sont souvent ouvriers agri­coles, ouvriers maçons, ou encore travaillent dans les carrières ou dans les usines locales. « Il y avait un moulon (une quantité) d’Espagnols employés dans les usines de coton » (René). (...)

         Montpezat n’était pas clafi d’Espagnols. Certes, quelques familles espagnoles ont vécu au village avant 1940, mais aucune n’est restée. (...)

         Des Espagnols arrivent également au village dans les années 40 et 50. Mis à part les deux familles de réfugiés politiques, les autres étaient en France depuis plusieurs décennies. L’une d’entre elles s’est fixée, mais les autres ont seulement fait étape à Montpezat, assez longtemps toutefois pour que des souvenirs persistent. Souvenirs fragmentaires, avec d’énormes trous noirs concernant leur histoire, lacunes que la rencontre avec les descendants ne permet pas toujours de dissiper.

         La colonie espagnole de Montpezat ne se développe pas, le village sert surtout d’étape, et si un membre se fixe, les autres s’en vont souvent travailler ailleurs. La plupart des mariages se font à l’extérieur du village.

         Si on laisse de côté les travailleurs saisonniers et les familles qui demeurent très peu de temps au village, le plus fort de l’implantation espagnole se situe au début des années 60. On compte alors six foyers dotés d’un patronyme espagnol. Pour la moitié d’entre eux, l’arrivée de la famille en France est relativement ancienne, et la plupart des membres, sinon tous, sont français. Si ce n’était leur patronyme, les jeunes villageois ne pourraient soupçonner leur origine.

         Au total, le poids de la communauté espagnole de Montpezat est nettement inférieur à celui de la communauté italienne. Mais les trajectoires sont comparables. A l’exception d’une famille qui a pu se constituer un pécule et acheter « un mas en ruine, avec des armas » (terres incultes), les familles d’origine espagnole qui arrivent au village sont démunies. Dans un premier temps tout au moins, leurs membres doivent « prendre le travail où il est », c’est-à-dire le plus souvent effectuer des tâches qui rebutent les Français. Comme c’était le cas pour les Italiens, ils deviennent ouvriers agricoles ou ouvriers maçons. Ils subissent le même regard de la part des villageois de souche, et ils affrontent les mêmes difficultés.

 

Source : René Domergue, La parole de l'estranger, éd. L'Harmattan, p.111

(Etude de l'intégration des étrangers dans les villages du pays de Nîmes, Gard)

 

 

 

Accueil

 

Sommaire

Dossier suivant

Début de page