Bachouchage

 

 

            On appelle courses de bachouchage ( bachoca : bosse) les jeux taurins avec des vachettes ou des taureaux emboulés, pour les jeunes.

            Lors de la première Féria, en 1952, le programme se composait ainsi : deux corridas, un spectacle associant une capea et des taureaux emboulés pour les jeunes, un concours de manades, un spectacle comico-taurin à la mode espagnole, tout cela aux Arènes. A quoi il faut ajouter un défilé folklorique, c’est-à-dire dans la tradition camarguaise avec Arlésiennes et gardians, et une sortie aux prés en Camargue pour assister à une ferrade et participer à divers jeux taurins. On voit que les taureaux de Camargue faisaient jeu égal avec les « toros » espagnols. Pendant longtemps on a pu voir des charlotades et surtout des courses de vaches et de taureaux emboulés, ou encore des taureaux-piscine dans l’arène nîmoise. Mais peu à peu ces activités ont été évincées du célèbre amphithéâtre, au profit de grands spectacles, essentiellement de style espagnol. Certaines années, et même récemment, on a pu voir de nombreux taureaux-piscines, jusqu’à douze en l’espace de quatre jours, mais dans des arènes installées place Séverine, donc pas en plein coeur de la ville comme avant.

            Comment expliquer cette évolution qui aurait pu conduire à la disparition des courses de bachouchage ? Nous avons interrogé une vingtaine de personnes très concernées depuis longtemps par la Féria. Voici ce qui ressort de ces interviewes : 

            Eliminons l’argument du coût. En fait le prix d’une course de vachettes est dérisoire, moins de 2 000 F, et si la mairie passe contrat pour plusieurs courses un rabais important lui est consenti. Le seul coût significatif est celui de la location et de la mise en place des installations. Certes la location d’une petite arène démontable est onéreuse, mais pas la construction d’un simple bouaou (piste construite en rondins).

            L’argument que cela gêne la circulation ne tient pas non plus. En fait les installations de la place Séverine n’empêchaient pas les voitures de circuler, et, de toute manière l’accès au centre ville est désormais interdit les jours de Féria.

            En revanche un argument qui revient souvent doit être pris en compte. " Les courses de vachettes comme les courses à la cocarde ne font pas partie de la tradition tauromachique espagnole", écrit l'un. On peut lire sur d'autres fiches : "Ce n'est pas de la tauromachie", ou encore : "La Féria a été modernisée. D'une fête de village, notre Féria est devenue une fête de masse comparable, paraît-il, à la fête de la bière à Munich. Dès lors, les spectacles mineurs perdent de l'importance." Enfin : "Les étrangers à la ville ne viennent pas à Nîmes pour voir des spectacles mineurs", ce qui revient à dire que l’évolution est une conséquence inévitable de la politique de médiatisation de la Féria de Nîmes. Ce point de vue est repris et détaillé par un de nos interviewés : "La corrida, avec son côté caviard-champagne, ça passe très bien dans les petits salons parisiens, pour une certaine intelligentsia, soire une élite politique aussi bien de gauche que de droite. Par contre, le bachouchage, les courses de taureaux emboulés, ça c'est notre jeunesse, notre culture. Mais je ne pense pas que c'est quelque chose propre à passionner les foules qui peuplent les arènes de Nîmes, composées de gens qui viennent aussi là pour se faire voir bien plus que pour voir."

            Pour être complet il faut tout de même ajouter que les courses de bachouchage étaient de moins en moins fréquentées, ce qui ne pouvait que provoquer leur perte. Faut-il les abandonner définitivement ? "Oui, sans regret", répondent les uns, ceux qui ne s’intéressent qu’à la tauromachie espagnole. D’autres au contraire considèrent que "ces spectacles devraient reprendre une place dans notre Féria, car ils sont là depuis l'origine, ils appartiennent à la tradition". Un de nos interviewés, qui baigne à la fois dans la culture camarguaise et dans la culture espagnole, considère que ces spectacles de jeunes qui s’amusent ne sont pas des spectacles de masse, "ils méritent une certaine intimité, ils devraient se dérouler dans les quartiers, hors du centre-ville." Tout cela mérite un sondage à grande échelle. En attendant nous avons demandé le point de vue de Robert Piles, directeur des Arènes : "La décision dépend du service des festivités. Pour ce qui me concerne, je pense qu'il faut garder les racines, respecter les traditions. Je suis tout à fait d'accord pour qu'il y ait des courses de vaches emboulées aux arènes, mais on ne peut pas faire cela n'importe quand. Je les vois par exemple au début de la Féria, le soir après la pégoulade, comme cela se faisait avant."

 

                                    Christophe Dufourt, El Nino

 

Source : La Féria de Nîmes, tome 2, éd. AL2, 1996. Sous la direction de R Domergue

 

 

 

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