Glaçons

 

 

        Jean-Charles évoque l’activité de l’entreprise familiale qui, outre la location de vaisselle et autres éléments relatifs à la restauration, fabrique et vend des glaçons. Qui se doute de l’importance de cette activité ?

 

            Comment vous est venue l’idée de vendre des glaçons ?

            Avant, mon père était cafetier. Il avait remarqué qu’au mois de mai-juin beaucoup de monde cherchait des glaçons pour les communions ou d’autres bringues. Alors il a eu l’idée géniale de fabriquer des glaçons. Et les glaçons, c’est tout con ! C’est de l’eau que tu congèle ! Il existe des machines spéciales pour produire les glaçons. Puis tu mets les glaçons dans des sacs, et tu conserves les sacs au froid en attendant de livrer. 

 

            Et pendant la Féria ?

            Au printemps il y a des fêtes, des ferrades, des communions. C’est une période où on vend pas mal de glaçons. Mais il y a une pointe au moment de la Féria. A ce moment notre chiffre d’affaires passe du simple au double.

 

            Quels sont vos clients à ce moment-là ?

            Les cafetiers ont des petites machines à glaçons qui peuvent supporter un apéritif ou deux, en temps ordinaire, mais en temps de féria il leur faut des glaçons. Il y a aussi les bodégas. C’est surtout les grosses qui nous achètent des glaçons, les plus réputées. Les petites cherchent à réduire au maximum leurs frais, ils ne prennent pas trop de risques sur les glaçons.

 

Dessin Eddie Pons

 

            Donc pour vous la Féria est une affaire rentable ! Pas de problèmes !

            Oui, mais vous savez, pendant la Féria on en voit des vertes et des pas mûres ?

 

            Pour les vertes ?  

            Tu en as qui ouvrent une bodéga pour la première fois et qui, au moment de servir se rendent compte qu’ils n’ont pas de glaçons. Certains appellent n’importe quand, pour voir si on peut les livrer ! Mes parents sont parfois réveillés au milieu de la nuit ! Il y en a d’autres qui se chargent de glaçons alors qu’ils n’ont aucune idée de ce qu’il leur faut, ils ne savent pas comment les stocker et se retrouvent avec de la flotte. Des clients  prévoyants, ceux-là, veulent à tout prix savoir combien il y a de glaçons dans un sac de 16 kilos. Nous on en sait rien, on prend pas les glaçons un par un, on remplit les sacs avec des pelles ! 

     

            Après les vertes, les pas mûres...

            Pendant la féria, on fait plusieurs rotations. Certains veulent être livré avant de se coucher, vers sept ou huit heures (du matin) : ils mettent les sacs de glaçons dans leur congélateur, comme ça ils sont tranquilles pour faire l’ouverture vers 19 heures. D’autres te disent : « Passe à 8 heures, pas de problème, on sera là ! » Et à 8 heures la bodéga est portes closes, ou tu te retrouves avec des mecs empégués en face de toi. Quand tu sors les sacs, ils comprennent pas ce que c’est ! Il y en a même un qui a laissé les sacs dehors, à côté des poubelles... et quand les éboueurs sont passés, ils ont tout embarqué. 

 

            Et pour la fin, une bien juteuse ?

            Juteuse, c’est le cas de le dire ! Certains viennent chercher les glaçons directement au magasin. Tu as par exemple des vendeurs à la sauvette de saucisse ou de merguez. Certains sont tellement sales que tu oses à peine les servir ! Une fois un de ces mecs arrive, immatriculé 69.  Il venait chercher de la glace pour rafraîchir ses merguez. Tu imagines dans quel état elles arrivent s’ils les a acheté là-bas ! Une fois je transportais un sac de glaçons pour le déposer dans le coffre de la voiture d’un de ceux-là . Quand il a ouvert, j’ai reculé ! Il se dégageait une odeur de ce coffre ! Tu aurais cru un cadavre en état de décomposition; Le mec nous dit : « Ne vous en faites pas ! c’est ma viande ! c’est ma viande ! » Quand je pense qu’il allait vendre ça le soir !

 

Note : A priori le problème se pose désormais avec moins d’acuité puisque la nouvelle municipalité a déclaré une guerre sans merci aux « ambulants sauvages ». Guerre menée avec succès, en tout cas lors de la Féria des Vendanges 1995.

 

                              Adaptation de l’article de Bastien Bagnol et Arnaud Compan

 

Source : La Féria de Nîmes, tome 1, éd. AL2, 1994. Sous la direction de R Domergue

 

 

 

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