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Le rapport intime à la langue - Cultures & traditions - Forum Babel
Le rapport intime à la langue
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10946
Lieu: Lyon

Messageécrit le Thursday 08 Oct 15, 10:32 Répondre en citant ce message   

A ses débuts, le Forum Babel était essentiellement tourné vers les langues régionales.

Je propose que l'on s'intéresse, dans ce Fil, au rapport intime à la langue ou aux langues :
- une langue régionale et une langue nationale
- deux langues maternelles
- une langue maternelle et une autre langue (nationale/étrangère)

Quel rapport un locuteur a-t-il avec une langue régionale ?
Comment deux langues trouvent-elles leur place respective dans l'imaginaire et le quotidien d'un locuteur ?
Les expériences qui seront rapportées dans ce Fil peuvent concerner un écrivain ... ou vous-même.



Arte (re)diffuse actuellement -le mercredi- une série documentaire "L'Europe des écrivains".
Dans l'épisode consacré à l'Autriche, l'écrivain autrichien Arno Geiger parlait de son rapport aux langues. La langue est au cœur de son travail d'écrivain.
J'ai retranscrit une partie de l'entretien.

J'ai grandi dans le Vorarlberg, la région la plus à l'ouest de l'Autriche, au bord du lac de Constance. On y parle un dialecte alémanique très proche du suisse allemand. Avec le recul, je me rends compte qu'il a été très important pour moi de grandir dans un dialecte qui n'est pas ou peu compris dans le reste de l'Autriche.
Je ressens une certaine distance avec la langue allemande, du fait que je pense dans mon dialecte et que je parle ce dialecte au quotidien et je crois que c'est cette distance fondamentale avec l'allemand qui me permet une approche créatrice de la langue.
Il y a tant de dialectes en Autriche que cela influence forcément, à mon avis, la littérature autrichienne. Il est frappant de voir le nombre d'auteurs qui viennent de province ou des régions frontalières. Il est fort possible que ces auteurs, tout comme moi, s'évertuent à s'approprier la langue allemande comme une langue littéraire. C'est probablement de là que leur vient cette conscience particulière de la langue.
(...)
Cela signifie qu'on ne raconte pas. L'intérêt n'est pas de raconter des histoires, il s'agit plutôt de jouer avec la langue, de jouer avec des contenus, peut-être même avec des sons. On le ressent de façon très marquée chez Thomas Bernhard. Et j'ai bien sûr subi cette influence. J'en ai déduit que raconter des histoires était une démarche conservatrice. C'est ce que nous devons laisser derrière nous.
La langue se suffit à elle-même, elle a sa propre dynamique, sa propre force. Pour moi, ça c'est autrichien, cette conscience très marquée de la langue que l'on observe chez les grands auteurs autrichiens, que ce soit chez Peter Handke ou Elfriede Jelinek.
Chez ces auteurs, il y a un amour de la langue, elle n'est pas qu'un moyen en vue d'une fin. Dans leur rapport à la langue, on devine une relation amoureuse.
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Jeannotin
Animateur


Inscrit le: 09 Mar 2014
Messages: 879
Lieu: Cléden-Poher

Messageécrit le Thursday 08 Oct 15, 20:42 Répondre en citant ce message   

Je pense que le rapport à la langue régionale est très différent pour un dialectophone allemand ou italien, pays ou le dialecte reste très vivace en tant que langue communautaire, et pour un locuteur d'une langue de France. Le nombre de leurs locuteurs a tant décru qu'elle ne sont plus simplement des langues de l'intime mais des langues de la solitude. Les derniers à les posséder correctement, comme langue maternelle, sont noyés dans la masse francophone, jusque dans le voisinage et au sein de la famille, et n'ont que rarement l'occasion de pratiquer.

Je pense que la façon dont Pierre-Jakez Hélias écrivait, seul dans une mansarde, isolé de l'extérieur et même de sa propre famille est une bonne métaphore de cette situation :

http://fresques.ina.fr/ouest-en-memoire/fiche-media/Region00620/per-jakez-helias-skrivagner-brezhoneg-helias-ecrivain-bretonnant.html

On n'a évidemment pas besoin d'être écrivain pour être touché par ce sentiment, comme le montre ces quelques mots d'un bretonnant de Cléden que j'ai enregistré il y a peu :

Piou ? Beñ kamaraded brezoneg, meus ket kalz, nann. Pas dé gaozeo brezoneg. Ôn neubeud pojou ar mo'-s', med pas d'ôr ô goñversasion e brezoneg.
Qui ? Ben des amis bretonnants, je n'en ai pas beaucoup, non. Pas pour parler breton. Quelques mots comme ça, mais pas pour faire une conversation en breton.
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José
Animateur


Inscrit le: 16 Oct 2006
Messages: 10946
Lieu: Lyon

Messageécrit le Friday 23 Mar 18, 11:56 Répondre en citant ce message   

Je découvre le témoignage d'Elvin l'Azerbaïdjanais dans le Fil Le turc de Turquie et d'Azerbaïdjan.

Citation:
Je voudrais partager avec vous des choses que j'ai vécues quend j'étais enfant (concernant l'alphabet latin et la langue azérie).

Dans les années 80, en Azerbaïdjan on écrivait toujours en cyrillique. Un jour j'ai fait une grande découverte. Je devais aller chez mes grands-parents maternels et ils n'y étaient pas. Mais par contre ma grand-mère maternelle m'avais laissé un message sur un papier... dehors sur la table. Quand j'ai vu ce qu'elle avait écrit... j'ai commencé à pleurer... J'avais 8 ans et ça faisait deux ans que j'allais à l'école et que j'apprenais le cyrillique... Mais j'ai rien compris à sa lettre... j'ai pensé qu'elle était morte ou quelqu'un de mal l'a tuée...

Savez-vous pourquoi je n'ai pas compris son message ? Parce qu'elle l'avait rédigé en alphabet latin. Eh oui elle avait appris cet alphabet à l'école (elle a 75 ans aujourd'hui, donc c'était au début de l'URSS). En voyant le message je me suis dit que je dois être nul car je n'arrive pas à lire la lettre de ma mémé, ou bien elle est devenue folle et écrit de n'importe comment... Mais elle ne savait pas bien écrire en cyrillique vu qu'elle n'a jamais fait d'études supérieures et avait arrêté l'école très tôt.
Mais quand maintenant j'y repense... ce n'était pas tout à fait le même alphabet latin que nous utilisons aujourd'hui en Azerbaïdjan. Il y avait des caractères différents... un mélange de cyrillique.
Il était écrit: "mon petit la clé se trouve sous le tapis etc..." et comme je n'ai pas pu lire je les ai attendus dehors 5 heures.

Deuxième aventure : c'était la fin de l'URSS (1988-1989) et dans les journaux on donnait le projet du nouvel alphabet latin. Et mon grand-père maternel m'a pratiquement obligé d'apprendre cet alphabet... résultats : quand on est passé définitivement à cet alphabet, les professeurs devaient suivre des cours destiné à l'apprentissage de cet alphabet pour pouvoir l'enseigner à nous, aux élèves. Ce qui était marrant, c'est que je lisais déjà très bien dans cet alphabet et je corrigeais et aidais ma mère et mon père qui suivaient ces cours. Eux au moins avaient appris des langues européennes qui ont cet alphabet, mais moi je n'avais pas encore commencé à apprendre le français.

J'étais très content d'être le premier de mon école à connaître cet alphabet. Le gouvernement organisait des correspondances avec les enfants de Turquie. L'objectif était de précipiter l'apprentissage, car nous devions écrire nos lettres à nos amis turcs dans cet alphabet.
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RogierF



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Messages: 7
Lieu: Villeurbanne

Messageécrit le Tuesday 01 Oct 19, 14:28 Répondre en citant ce message   

Lorsque mon grand-père maternel (né en 1906) est entré à l'école en maternelle à Gordes (84), il ne parlait pas français.
Lorsqu'il est mort (à 90 ans), il ne parlait presque plus le provençal.
Il m'a raconté les punitions, les situations où le "patois" prenait le pas sur le français, les humiliations...
Il avait rédigé un texte pour raconter son dimanche dans lequel il racontait qu'il avait chaplé du bois et que, fur à mesure qu'il le chaplait, il le jetait au moulon...
Le maître l'avait puni sévèrement et avait fait rire toute la classe.
Il avait eu du mal à comprendre que, moi, je puisse non seulement l'apprendre, mais aussi l'enseigner à d'autres. Ma grand-mère, sa femme, elle, avait gardé son "patois de Cuers" et était enchantée de m voir le retrouver et de parler avec des anciens du village.
Un autre champ du lien entre langue régionale et affect : lorsque j'ai fait ma formation d'animateur BAFA avec le secteur animation de l'Institut d'Etudes Occitanes, le directeur nous expliquait que,de nos jours, les enfants n'avaient plus de grands-parents locuteurs naturels de l'occitan, donc plus de lien affectif avec la langue régionale. Notre boulot, en tant qu'animateur était de recrééer un lien affectif entre les minots et la langue occitane : Roger, c'est mon pote, je l'aime bien. Il parle occitan, l'occitan est l langue de mon pote ! Et ça fonctionnait.
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Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4088
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Wednesday 02 Oct 19, 12:55 Répondre en citant ce message   

Qu'est-ce que le apport intime à la langue ?
On ne peut pas se contente d'opposer langue nationale et langue régionale, comme s'il y avait le français et le breton, le français et l'occitan.

Il faut aussi étudier la relation entre langue régionale et le patois.
Le rapport intime à la langue, c'est aussi, et même avant tout, le rapport intime avec le parler de son village (et de ses environs), c'est à dire le rapport avec le patois.

Nous avons trois exemples :
-dans le domaine alémanique, et en Suisse d'une façon générale, on parle le patois. Ce terme n'est pas jugé péjoratif, comme en France.
Le suisse alémanique ce n'est pas vraiment une langue régionale. Je dirais même qu'il n'y a pas de langue régionale en Suisse. Il n'y a que des patois (ou dialectes). On le voit bien avec le romanche. Il y a certes des tentatives de créer une romanche standard, mais qui le parle ? Il n'y a que des dialectes romanches.
Il y a certes une intercompréhension, mais le rapport intime avec la langue, c'est le rapport avec le dialecte romanche.

-dans le domaine breton, Jeannotin cite Pierre-Jakez Hélias. Le breton est sa langue maternelle. Mais il ne s'agit pas d'une langue régionale unifiée, c'est le patois breton de son village.
Il raconte que lorsqu'il parle avec un Bretonnant du Nord-Finistère, il préfère parler français car ce n'est pas le même breton.
Hélias est un écrivain breton mais qui n'a jamais été enthousiaste vis à vis de ce que l'on pourrait appelé le "néo-breton" ou breton standard.

-dans le domaine occitan, c'est aussi le même problème. Il y a un militantisme pour une langue du Midi de la France, de l'Atlantique au Piémont italien qui porte un seul nom : l'occitan.
Mais le rapport intime avec le patois, que devient-il ?
Faut-il enseigner une langue régionale ou une langue locale avec ses particularismes locaux ?

Le fait de prétendre que "patois" est un terme dévalorisant, cela a contribué à dévaloriser les patois, les langues locales avec leur particularismes pour imposer une langue régionale qui s'adresse à l'ensemble d'une région.

Défendre une langue régionale et défendre les patois, ce n'est pas tout à fait la même chose.
La défense de la langue régionale peut écraser les patois et la défense des patois ne facilite pas la langue régionale.

"l'union fait la force" pour les adeptes de la langue régionale qui fustigent les défenseurs des patois et les accusent de diviser pour que le français puisse mieux régner.

Il ne s'agit pas de prétendre que le patois est distinct de la langue régionale, mais il ne faut pas non plus confondre les deux.
Défendre une langue régionale, ce n'est pas forcément défendre les patois.

Le rapport intime avec la langue, c'est je pense avant tout le rapport avec la langue de ses parents. Donc avec le patois.

Certaines personnes ne font pas la différence entre langue régionale et patois. Mais d'autres la font. Il faut aussi comprendre ceux qui ont cette approche différente avec la langue. Surtout quand il s'agit de "rapport intime".
On peut avoir un rapport intime avec son patois et ne pas avoir ce rapport avec la langue régionale.
Les militants des langues régionales n'ont pas toujours conscience de cela. Ils estiment qu'en défendant une langue régionale, ils défendent aussi les "patois" : terme qu'il ne faut pas employer car c'est péjoratif, c'est aussi le meilleur moyen pour que ce que la chose désignée soit anéantie !

Le rapport intime, c'est aussi avec le nom de la langue. Et comment appelle-t-on le nom de la langue ? très souvent : le patois.
J'avais posé la question à un habitant du Couserans cet été.
Comment vous appelez votre langue ? Il me répond "patoués". Je lui demande : vous parlez l'occitan ? il me répond non. Vous désignez donc votre langue par cet unique nom "patois" ? Il me répond : non, le patoués.
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RogierF



Inscrit le: 01 Oct 2019
Messages: 7
Lieu: Villeurbanne

Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 14:16 Répondre en citant ce message   

Xavier a écrit:

-dans le domaine occitan, c'est aussi le même problème. Il y a un militantisme pour une langue du Midi de la France, de l'Atlantique au Piémont italien qui porte un seul nom : l'occitan.
Mais le rapport intime avec le patois, que devient-il ?
Faut-il enseigner une langue régionale ou une langue locale avec ses particularismes locaux ?

Le fait de prétendre que "patois" est un terme dévalorisant, cela a contribué à dévaloriser les patois, les langues locales avec leurs particularismes pour imposer une langue régionale qui s'adresse à l'ensemble d'une région.

Bonjour.
Je ne connais pas la situation en Suisse, ou très mal.
En France, le terme "patois" est chargé négativement.
Après la révolution française, l'abbé Grégoire avait fait un discours par lequel il appelait à éliminer tous les patois pour imposer le français comme langue de la République.
Du coup, l'école est devenue le lieu et le moyen d'éradication des patois. Le terme désignait toutes les langues différentes du français parlé à Paris.
C'est ainsi qu'on a vu des pancartes indiquant qu'il était interdit de cracher par terre et de parler patois. Ou des enfants punis corporellement pour avoir été surpris en train de parler patois.
Vous imaginez, un peu, le rapport affectif avec la langue ? Pour les gens, langue régionale = patois = malpropreté, honte publique et souffrance physique !
Pour en revenir à l'Occitan, il est minime et minoritaire, le courant qui veut imposer un "occitan normalisé" qui remplacerait les variantes locales. C'est même un sujet de plaisanterie, tellement c'est débile !
J’ai personnellement enseigné l’occitan dans sa variante provençale maritime dans le Var. Je disais à mes élèves que les anciens de leur village ou leurs grands-parents s’ils en avaient, appelaient l’occitan le patois. Et je leur expliquais pourquoi.
La langue que j’enseignais était celle que l’on parle dans le Var, dans les villages autour de nous. Pas un vague mélange de Languedocien et de gascon incompréhensible et injustifiable culturellement et historiquement !
Lorsque je discutais avec des personnes âgées de mon village ou d’ailleurs, je parlais de patois. J’avais réussi à faire comprendre à ces personnes, les Vieux, que notre patois, c’était du provençal, avec pédagogie et patience.
Enfin, l’occitan est une langue à variantes régionales (les dialectes.). Ce sont bien ces variantes régionales qui sont enseignées et qui font la richesse de cette langue. Il y a une réelle intercompréhension enter ces différents dialectes, si on y met un peu de bonne volonté et qu’on fait l’effort d’accepter les différences. Aucun intérêt à uniformiser l’occitan !
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Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4088
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Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 15:22 Répondre en citant ce message   

RogierF a écrit:
C'est ainsi qu'on a vu des pancartes indiquant qu'il était interdit de cracher par terre et de parler patois.

J'ai beau chercher : je ne crois pas que nous avons des traces de ces pancartes.
Les plus anciennes datent des années 1970, réalisées dans le cadre de manifestations pour la défense des langues régionales.

Est-ce une légende ? Je pense que oui.
Le fait d'associer sur une même pancarte une mesure d'hygiène et une interdiction de s'exprimer dans une langue, c'est quand même bien étrange !

RogierF a écrit:
Ou des enfants punis corporellement pour avoir été surpris en train de parler patois.

Oui, c'est un fait établi. Cependant, il faut faire attention de ne pas généraliser.
Ce n'était pas systématique.
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Glossophile
Animateur


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Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 19:15 Répondre en citant ce message   

Pierre Jakez-Helias rapporte que dans la cour du lycée de Quimper, une pancarte proclamait : il est interdit de cracher par terre et de parler breton.
Interdit de cracher sur le sol des voitures, cela se lisait encore dans le Métro parisien dans les années 50 : mesure de lutte contre la tuberculose.
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Xavier
Animateur


Inscrit le: 10 Nov 2004
Messages: 4088
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 20:32 Répondre en citant ce message   

Il faut citer la source exacte.
J'avais déjà écrit sur ce forum qu'une personne avait fait des recherches sur cette fameuse pancarte et n'avait rien trouvé.

Je pense que cela relève d'une interprétation d'une phrase parue dans le Cheval d'orgueil.
Voici la citation exacte :
Dans la cour du lycée la Tour d’Auvergne, à Quimper, en 1925, il est interdit de cracher par terre et de parler breton. [...]
Et les pions, nos persécuteurs, sont aussi bretonnants que nous. Mais un gars du gouvernement a dit, écrit et publié que, pour l’unité de la France, le breton devait disparaître.



Ce n'est pas une pancarte. Cela ne veut pas dire que ce soit une directive nationale.
Cela semble relever du règlement interne du lycée ou de son interprétation et application par un surveillant.
Il faut faire attention de ne pas prendre un cas particulier pour une généralité.

Et qui est ce gars du gouvernement ?

Voici les propos d'un "gars du gouvernement", Jean-Luc Mélenchon alors ministre, il s'en était pris à Diwan (école enseignant le breton) :
"La laïcité, c'est le refus, de la part du service public, de valider quelque option particulière que ce soit. C'est le refus des enfermements religieux mais aussi linguistiques. C'est rendre possible la présence de tout le monde à l'école. À Diwan, ce n'est pas possible puisqu'il faut accepter de parler breton du matin au soir, y compris au réfectoire et dans la cour de récréation."
"Les intégristes linguistiques développent aussi un projet politique dont l'école est un maillon essentiel. Je ne ferai pas semblant de l'ignorer. Et je n'oublie pas les racines historiques sulfureuses de ces fondamentalistes. D'ailleurs, un conseil général a exigé qu'on change le nom d'une de ces écoles car c'était celui d'un nazi !"
(Libération, 2001)

Il y a quand même une inexactitude dans cette déclaration. Le "nazi" en question, c'est Roparz Hemon, le "père" du "néo-breton" (et dont les parents ne parlaient pas breton). Il n'était pas "nazi", mais partisan de la collaboration (surtout parce qu'il était anti-français). Il a tenu en outre des propos antisémites. Il fut condamné à une peine d'indignité nationale.

Certains vont même penser qu'il a été condamné par la France parce que c'était un défenseur du breton. Car on retient la condamnation, mais pas vraiment les motifs.

Comment une personne soutenant Diwan peut interpréter ces propos d'un "gars du gouvernement" ?
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embatérienne
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Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 20:34 Répondre en citant ce message   

Je me rappelle la double inscription à l'avant des autobus parisiens de mon enfance : « Défense de fumer et de cracher » et « Il est interdit de parler au machiniste ». On ne précise pas si c'était en français, en breton ou en occitan !
Pierre Dac en parle d'ailleurs :
https://books.google.fr/books?id=s0WXPqbhowwC&pg=PT329#v=onepage&q&f=false
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Xavier
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Messages: 4088
Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 20:42 Répondre en citant ce message   

Voici l'étude à laquelle je faisais référence :

Quelle est donc l'origine de la célèbre phrase : "défense de cracher par terre et de parler breton" ?
Par Fañch Broudic

Pour revenir au "rapport intime à la langue", la déclaration de Mélenchon concernait le statut de l'école Diwan : école sous contrat ou non ?
Quand il s'en prend aux "intégristes linguistiques", il fait un parallèle avec les intégristes religieux et les écoles religieuses.

Il existe aussi un "rapport intime" à la religion.
Dans le domaine de la langue, on touche aussi à un "rapport intime" avec "l'identité nationale". Cette nation, cela peut être la nation française, la nation bretonne, la nation occitane...
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AdM
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Messageécrit le Thursday 03 Oct 19, 22:16 Répondre en citant ce message   

Dans cet état d'esprit, depuis septembre, la RTBF diffuse une émission de divertissement consacrée aux cultures régionales de Belgique francophone, et en particulier à ses dialectes : Stoemp, pèkèt… et des rawettes ! (ce qui veut dire : « potée », en bruxellois, « genièvre… et du rabiot ! », en wallon).

https://www.rtbf.be/emission/stoemp-peket-et-des-rawettes

Sans extrême rigueur linguistique — l'animateur et les invités mélangeant parfois accents ou dialectes —, c'est une émission qui veut avant tout présenter la richesse de ce patrimoine vivant, notamment en mettant en avant ce que les mots de nos dialectes et nos patois nous apportent affectivement.

Par exemple, cette semaine, l'humoriste hervien Martin Charlier expliquait comment tchoûler (wall. Lg.) ne voulait pas seulement dire « pleurer » mais « pleurer sans raison », comment le ttchh initial faisait entendre toute cette nuance… (C'est difficile à expliquer, mieux vaut l'entendre raconter.)

En tout cas, le melting pot linguistique dans lequel nous vivons est bien rendu, avec parfois deux ou trois langues mélangées, un mot flamand dans une phrase en wallon mâtinée de français !
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RogierF



Inscrit le: 01 Oct 2019
Messages: 7
Lieu: Villeurbanne

Messageécrit le Friday 04 Oct 19, 12:13 Répondre en citant ce message   

Xavier a écrit:
RogierF a écrit:
uot;]Ou des enfants punis corporellement pour avoir été surpris en train de parler patois.

Oui, c'est un fait établi. Cependant, il faut faire attention de ne pas généraliser.
Ce n'était pas systématique.


Je ne généralise pas, je dis ce que m'a raconté mon grand-père. Les minots passaient un objet à ceux qu'ils surprenaient en train de parler patois et le dernier qui l'avait en fin de journée était muni, soit en effectuant une tâche ménagère dégradante, soit en subissant une punition, genre à genoux sur une règle en fer ou, plus couramment, lorsque le maître était pressé, une gifle.
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Glossophile
Animateur


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Messages: 2283

Messageécrit le Friday 04 Oct 19, 12:54 Répondre en citant ce message   

L'objet en question se nommait le symbole. Utilisé par les Jésuites dans leurs collèges, aux XVIIe et XVIII e siècles pour contraindre les élèves à parler... latin !
C'était une méthode pédagogique et nullement une machination contre la langue française.
Je ne conteste pas que cela ne fût désagréable, mais c'était de l'imprégnation linguistique.
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Xavier
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Inscrit le: 10 Nov 2004
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Lieu: Μασσαλία, Prouvènço

Messageécrit le Friday 04 Oct 19, 13:03 Répondre en citant ce message   

RogierF a écrit:
Je ne généralise pas, je dis ce que m'a raconté mon grand-père.

C'est un témoignage qui se passait dans une école. Quand je dis que ce n'était pas systématique, je me pose la question suivante : est-ce que cela se pratiquait dans toutes les écoles ?

Je me souviens d'un article de Frédéric Mistral qui s'en prenait aux instituteurs d'un département qui combattaient le patois. Ces instituteurs ont alors déclaré que Frédéric Mistral exagérait et que tous les instituteurs ne se comportaient pas de la même façon, en tout cas celle qu'il dénonçait.
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