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aboukhaldoun
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 441 Lieu: Bruxelles/Tripoli (Liban)/Homs (Syrie)
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écrit le Wednesday 23 Apr 08, 17:57 |
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J'ai remarqué que certains mots arabes (classique ou dialecte) étaient inversés tout en gardant le même sens, ne sachant pas d'où ce phénomène vient, je m'adresse à vous en espérant des éclaircissements.
En attendant je donne deux exemples, l'un en dialecte et l'autre en classique.
1) En dialecte HaDarî ainsi qu'en dialecte maghrébin (dans toute sa diversité bien entendu), qaddîš est employé pour dire combien. Or, le même mot en bédouin (et bizarrement à Halab aussi) se dit šqâdd (en bédouin se prononce šgâdd) avec une sukûn sur le šîm. Vous remarquerez que la dyslexie n'est pas uniquement consonnantique puisque c'est tout le mot qui est inversé, pas uniquement deux consonnes qui s'interchangent dans un même mot.
2) En classique (comme dans certains dialectes d'ailleurs), le mot Haqq renvoit à une notion de vérité or, quHH (remarquez la Damma qui remplace la fatHa) indique la même notion grossomodo.
J'attends vos hypothèses. |
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la creme nta3 la creme
Inscrit le: 26 Apr 2008 Messages: 218 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 26 Apr 08, 18:13 |
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ce phénomene tres fréquent s'appelle "metathèse" et se retrouve meme en français: cabillaud qui vient de bacalhau
Quelques exemples en arabe maghrebin:
sra-yisra--->métathèse de sâr-isîr: se produire,se passer,avoir lieu
n3al-yin3al-->métathèse du verbe arabe "la3ana": Maudire
en Oranais le mot "soleil" se dit "semch"-->metathèse de chams
en Tangerois "poule" se dit "(d)jdâda"-->métathèse de djâja
même si il n'y a pas de regle générale,j'ai remarqué que ces inversements de syllabes ou de lettres résultaient très souvent de sequence de lettres difficiles a prononcer(par exemple "jbed-yijbed":tirer, vient de la racine j-dh-b,suivant la prononciation maghrébine "jbed" se prononce bien plus aisement que "jdheb"
Dans d'autre cas,les inversions se font souvent entre lettres tres proches:
s/ch
j/z
l/n
etc..... |
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mansio
Inscrit le: 19 Feb 2005 Messages: 1125
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écrit le Saturday 26 Apr 08, 23:05 |
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la creme nta3 la creme a écrit: | ce phénomene tres fréquent s'appelle "metathèse" et se retrouve meme en français: cabillaud qui vient de bacalhau |
Une métathèse bien connue, Mohammad, le nom du Prophète, qui devient Mahomet en français, et une autre peu connue, qui fait passer le 3ayn de la fin du nom hébréo-araméen de Jésus yeshu3a/yeshu3 à son début en arabe 3îsâ. |
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iStoiko
Inscrit le: 27 Apr 2008 Messages: 22
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écrit le Sunday 27 Apr 08, 1:20 |
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Je pense que les "métathèses" ne répondent pas à la question dans ce cas ci.
En effet, les exemples en arabe dialectal cités par aboukhaldoun sont des phrases et non pas des mots isolés. Je m'explique:
"qaddîs" n'est que la contraction de la phrase "qadd ch'hal?" (aussi grand que combien?) ou "qadd chou?" (aussi grand que quoi?), ce qui nous rapproche de mots classiques tels que "hal" (état) et "quadd" (grandeur, longueur).
Pour ce qui est de "sqadd", c'est juste la phrase qui est inversée, c'est-à-dire "chou qadd?".
Donc, en règle générale, les dialectes présentent la caractéristique principale de ne pas être retranscrit ce qui ne permet pas de délimiter leurs mots. Pourtant, je pense que ce travaille est nécessaire pour pouvoir remonter à leurs origines.
Pour ce qui est de quhh et haqq, on peut dire qu'ils appartiennent au même champ lexical, mais ne sont en aucun cas synonymes ni interchangeables dans une phrase:
haqq veut dire vérité (voir justice) alors que quhh signifierait plutôt originel, vrai, pur (se dit plutôt d'une personne), donc la question ne se pose pas vraiment... |
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Luc de Provence
Inscrit le: 11 Jul 2007 Messages: 682 Lieu: Marseille
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écrit le Thursday 01 May 08, 11:57 |
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En Arabe Tunisien le verbe maudire لعن se transforme à l'impératif en نعل et l'on profère donc ينعل par contre le mot malédiction reste tel dans la phrase : اللعنة
Je ne citerai pas d'exemples car c'est trop vilain ! |
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aboukhaldoun
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 441 Lieu: Bruxelles/Tripoli (Liban)/Homs (Syrie)
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écrit le Thursday 01 May 08, 11:59 |
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Exact Luc, ceci est valable pour tout le Maghreb comme l'a souligné la crème nta3 la crème.
Cette métathèse est une des plus courantes au Maghreb. |
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gilou
Inscrit le: 02 Jan 2007 Messages: 1528 Lieu: Paris et Rambouillet
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écrit le Thursday 01 May 08, 15:58 |
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la creme nta3 la creme a écrit: | ce phénomene tres fréquent s'appelle "metathèse" et se retrouve meme en français: cabillaud qui vient de bacalhau | Un point de détail: c'est l'inverse qui s'est produit:
cabillaud vient du vieux néérlandais cabillaw~cabellauw, et c'est a partir de la forme française (cabillau~cabellau en ancien français, je ne sais quand est apparu le d orthographique final), après métathèse, que se sont crées les formes méditerranéennes: espagnol bacalao, catalan bacallá, portuguais bacalhau, provencal bacalau, italien baccalá, basque bakallao, bakailo, makailo.
[ http://heuijerjans.blogspot.com/2005/12/kabeljauw-vs-bacalhau.html ] |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Tuesday 11 Dec 12, 12:38 |
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La réponse à la question posée dans le post initial est donnée par Georges Bohas dans son livre Matrices, Étymons, Racines, Leuven-Paris : Peeters, 1997. Il n'y parle pas de métathèse mais de réversibilité.
On peut aussi écouter son séminaire sur le site de Normal Sup, mais il vaut mieux avoir lu le livre avant. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 08 Feb 13, 16:08 |
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mansio a écrit: | Une métathèse bien connue, Mohammad, le nom du Prophète, qui devient Mahomet en français, et une autre peu connue, qui fait passer le 3ayn de la fin du nom hébréo-araméen de Jésus yeshu3a/yeshu3 à son début en arabe 3îsâ. |
Effectivement, nous en avons parlé ICI.
Voici quelques autres exemples :
أباشة [ubāša], “ramassis (de gens)”.
أشابة [ušāba], “alliage (de métaux), ramassis (de gens)”
بطّ [baṭṭa], “vider, percer un abcès”.
طبّ [ṭabba], “traiter, soigner, être médecin, traiter avec douceur”.
جورة [ǧūra], “creux, trou”.
وجر [wağr], “caverne, grotte”. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 21 Mar 13, 9:00 |
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Ce que j'ai oublié de dire plus haut, c'est que, pour Bohas, une racine se compose d'un étymon biconsonantique (réversible) et d'un crément mobile. Ainsi un mot se présentant sous la forme ABC peut être théoriquement le résultat de diverses combinaisons ou chaque couple de consonnes est un étymon et la troisième un crément. Bien sûr, toutes les combinaisons théoriques ne sont pas réalisées. Voilà pourquoi on tombe sur des parasynonymes du genre ABC / ACB / BCA / CBA, etc. Bohas fournit des quantités d'exemples complètement probants. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 31 Aug 17, 10:41 |
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Voici qqch qui devrait faire plaisir à certains Babéliens. Je crois avoir déniché aujourd'hui un vrai cas de métathèse :
Au sein de la racine ورد √wrd essentiellement consacrée à la fleur en général et à la rose en particulier, on trouve curieusement le mot وردة warda perte, ruine. Le mot est si isolé à cette place et avec ce sens qu'il est difficile de ne pas le considérer comme la métathèse d'un ودرة *wadra qui n'existe pas, alors qu'il existe bel et bien une racine ودر √wdr dont la forme II a le sens de perdre qqn, le pousser à la ruine. Cette racine a la particularité de n'avoir pas d'autres dérivés que les formes verbales I, II et V.
Je saisis quand même l'occasion pour donner quelques autres racines construites sur l'étymon {d,r} et porteuses de la même charge sémantique :
ردي radiya se perdre, être perdu (chose)
درم darima perdre ses dents
دمر damara perdre, détruire, anéantir
ردم radm décombres d’un édifice démoli qui obstruent le passage
رمد ramada périr par le froid – رماد ramād cendre
On aura remarqué que les quatre dernières racines sont homoconsonantiques. Et là, il ne s'agit pas de métathèses. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11169 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Sunday 14 Oct 18, 8:20 |
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Un autre cas de (probable) vraie métathèse :
Il existe un mot حكلة ḥukla qui signifie prononciation inintelligible, et un mot حلكة ḥulka qui signifie baragouin. Mais, alors que d'autres vocables de la même racine que le premier ont des sens liés à l'exercice de la parole, le deuxième est le seul de sa supposée famille dans le même cas. D'où la conclusion qu'il s'agit probablement d'une métathèse de l'autre. |
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tounsi51
Inscrit le: 12 Dec 2013 Messages: 203 Lieu: Dubai
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écrit le Tuesday 18 Dec 18, 8:48 |
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Concernant le mot šqâdd, je l'ai entendu la premiere fois chez un Irakien. L'usage doit être limite a certaines regions car il me semble qu'il est inexistant dans les pays du Golfe
J'ai remarque que le verbe applaudit est inverse dans le Machrek. صقف au lieu de صفق |
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