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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Wednesday 28 Jan 09, 2:40 |
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Être limogé c’est être « débarqué », en général contre son grè. Mais être shanghaïé c’est être embarqué à son insu.
Au XIXe, voire au début du XXe, sur la côte ouest de l’Amérique, à San Francisco, à Oakland, compte tenu de la durée et de la dureté des campagnes, de l’attrait de l’or plus proche peut-être, il n’était pas toujours facile de compléter les équipages. Comme en d’autres lieux et en d’autres temps, et surtout pour aller à la guerre, un bon moyen de recruter un marin était de le saouler à mort. Le lendemain l’homme pris au piège émergeait de sa resaca sur un grand et fier trois mâts cinglant grand largue à destination de Manille, de Yokohama, de Macao, de Hong-Kong, ou de quelqu’autre port de la côte ouest du Pacifique, comme Shanghai, d’où le mot.
Lié à l’histoire maritime de la côte ouest, le mot est d’origine américaine. Le contexte et les pratiques du shanghaiing sont décrits en détails sur cette page :
http://en.wikipedia.org/wiki/Shanghaiing
On-pourra-lire-avec-profit l’authentique et véritable histoire de Jean-Marie Le Quéïnec, de Morlaix :
André Le Gal
Le Shangaïé
Éditions J.-C. Lattès, 1986
[Le Livre de poche, n° 6392]
Car un point intrigua tout de suite Quéïnec : aucun, parmi les matelots ne parlais l’anglais. C’était un assemblage hétéroclite de nationalités européennes, des Allemands, des Portugais en majorité, un Croate et un Grec […] Le cosmopolitisme du Gosvernor Ames ne présenta aux yeux du captain Briand […] aucun caractère singulier :
« Vous savez bien, monsieur Quéïnec, que les équipages dans ces régions – et spécialement à San Francisco – sont le plus souvent composés de bric et de broc. On prend ce qu’on trouve. Je veux dire ce que trouve Sullivan, Sullivan le shangaïeur. Il n’est pas regardant sur les nationalités, l’animal. Ni sur les têtes. Il les aime toutes… Surtout celle de Lincoln, sur les billets de dix dollars. Alors cet équipage dans le fond il me paraît tout ce qu’il y a d’américain. »
Le mot est resté et s’emploie encore parfois, quoique dans un contexte différent : se faire shangaïer c’est se laisser entraîner à boire par de mauvais camarades, partir en piste, malgré son plan initial, en outrepassant puis oubliant ses remords. À l’insu de son plein gré quoi...
Dernière édition par Moutik le Wednesday 28 Jan 09, 4:07; édité 1 fois |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Wednesday 28 Jan 09, 3:48 |
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Dans son émission Au delà de l'horizon le regretté docteur Bombard a signalé que les matelots français étaient à l'abri du shanghaïage, grâce à l'inscription maritime voulue par Colbert : tout capitaine de navire devait inscrire sur son registre les noms des matelots qu'il embarquait, et s'il ne les ramenait pas tous, il devait justifier pourquoi. Aussi les capitaines envoyaient-ils leurs boscos fouiller tous les bouges du port pour ramener leurs gens à bord. |
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Moutik Animateur
Inscrit le: 06 Apr 2008 Messages: 1236
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écrit le Friday 13 Feb 09, 3:56 |
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À propos de shanghaïé, une amie de Saint-Pierre, de Saint-Pierre Quilbignon, entre Lanninon et Maison Blanche, entre les Quatres Pompes et le Polygone butte, me signale la très belle « Chanson de Margaret », ici interprétée par Germaine Montero. Parole de Pierre Mac Orlan, musique de V. Marceau :
http://www.chambre-claire.com/PAROLES/chanson-de-margaret.htm
...
Un cock shangaïé, un soir de folie
A pris mon avenir comme un beau cadeau
Il m'a dit "petite, il faut qu'on se marie
Tu seras la fleur d'un joli bistrot
...
Juliette Gréco et Barbara l’ont également interprétée. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Saturday 14 Feb 09, 3:04 |
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Un cock ? Pourquoi ce mot anglais dans un texte français ?
Mieux vaut lire coq, du latin coquus, , cuisinier du bord.
Lire le Mot du Jour coq (français) / cock (anglais) : ICI |
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Pascal Tréguer
Inscrit le: 16 Dec 2012 Messages: 694 Lieu: Lancashire - Angleterre
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écrit le Tuesday 16 Jul 19, 14:00 |
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D’après ce que j’ai trouvé dans les journaux américains, le verbe anglais to shanghai est apparu à San Francisco au début des années 1850. Ainsi, cet extrait du Southern Weekly Post (Raleigh, Caroline du Nord) du 11 juin 1853 :
Citation: | In San Francisco, when a man has drank drugged liquor and been robbed, they say he has been “Shanghaied.”
[À San Francisco, quand un homme a bu de l’alcool drogué et a été volé, ils disent qu’il a été “shangaïé.”] |
Le verbe a rapidement été aussi utilisé dans le sens d’enrôler de force dans l’armée. Par exemple, ceci du New York Times du 14 janvier 1864, à propos du Vingtième Régiment d’infanterie :
Citation: | Six boys, who were “shanghaied,” will also have to be discharged, as they are under age, and their parents claim them.
[Six garçons, qui ont été “shangaïés,” devront aussi être démobilisés, car ils sont mineurs, et leurs parents les réclament.] |
Le premier emploi figuratif que j’ai trouvé est de l’Albany Evening Journal (Albany, New York) du 3 juillet 1858 ; ici, shanghaied (qui est adjectif) signifie peut-être coincé :
Citation: | “I don’t wish I was never married,” said a man who was slightly shanghaied at home, “but I must confess I envy a bachelor.”
[“Je ne souhaite pas n’avoir jamais été marié,” dit un homme qui était légèrement shangaïé chez lui, “mais je dois avouer que j’envie un célibataire.”] |
Le verbe apparaît dans le sens figuratif d’obliger quelqu’un à faire quelque chose contre son gré dans le Hartford Daily Courant (Hartford, Connecticut) du 19 septembre 1868, à propos de la législature de Géorgie après la Guerre de Sécession :
Citation: | The Republican majority was first “Shanghaied” into the election of doubtful men for presiding officers; then coaxed into letting the disabled rebels keep their seats.
[La majorité républicaine a d’abord été “shangaïée” d’élire des hommes douteux comme présidents ; puis persuadée de laisser les rebelles mis hors de combat garder leurs sièges.] |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3861 Lieu: Paris
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écrit le Tuesday 16 Jul 19, 16:34 |
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Une extension de sens pour le verbe français :
https://books.google.fr/books?id=zl-IBAAAQBAJ&pg=PT652#v=onepage&q&f=false
Citation: | Shangaier, qui vient de Shanghai, signifie, d'après le Dictionnaire de l'argot de Larousse, « enivrer (une femme) pour la conduire sans qu'elle réagisse à accorder ses faveurs ». Toujours d'après ce dictionnaire, le mot fut formé par « allusion à la pratique des capitaines de cargo qui embauchaient de force des marins en les enivrant ». |
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