Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant |
Auteur |
Message |
Pablo Saratxaga
Inscrit le: 30 Jan 2006 Messages: 222 Lieu: A Rtene, etur Lidje et Vervî
|
écrit le Saturday 21 May 11, 12:22 |
|
|
En wallon il existe, comme dans les langues germaniques, des verbes à particules détachables (viebes a spitrons, "spitron" venant de "spiter", projeter).
Ces particules changent le sens du verbe; et le complement d'objet direct se place entre le verbe et la particule.
Ex: bouxhî (frapper), bouxhî djus (frapper bas = abattre), bouxhî on meur djus (abattre un mur)
moussî (entrer), moussî foû (entrer hors = sortir)
cori (courir), cori evoye (s'enfuir, s'eloigner en courant)
les particules sont:
* djus: indique un mouvement vers le bas
* foû: un mouvement vers le dehors, ou le depassement
* (e)voye: un mouvement vers ailleurs
Est-ce que ça existe dans d'autres langues d'oïl? |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Saturday 21 May 11, 14:39 |
|
|
Exactement comme ça passe en Italie.
* djus: indique un mouvement vers le bas -> it. giù (ex. vieni giù! = descends!...buttar giù un muro = frapper un mur)
* foû: un mouvement vers le dehors, ou le depassement -> it. fuori (ex. venite fuori! = sortez!)
* (e)voye: un mouvement vers ailleurs -> it. via (ex. correr via = s'enfuir). |
|
|
|
|
Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
|
écrit le Saturday 21 May 11, 15:39 |
|
|
Evôye
Je connaissais "dji so evôye" (je suis en route / parti).
J'avoue que je n'avais pas fait le lien avec l'italien "vado via" (je m'en vais), frioulan "o voi vie".
Le portugais utilise "embora" (ele vai embora = il s'en va), le romanche utilise "davent" (Igl è davent = il est parti), le roumain "departe" (el merge departe = il s'en va)...
L'espagnol et le français ne semblent pas avoir un mot expressément pour cet usage ("s'en aller / irse", "être loin / estar lejos").
Foû
Il existe en espagnol "fuera", portugais et catalan "fora", italien "fuori" - et les langues régionales d'Italie (exemple: frioulan: "fûr"), sarde "(i)fòra(s)" et roumain "afară".
En français (hors, dehors), comme en romanche "or(a)" / "dador(a)/dafora", on a une forme hybride germano-romane qui a remplacé "fors".
Djus
Je ne connaissais pas ce mot et ça me fait penser au "giù" italien ("jù" frioulan), sarde "giosso", au "jos" roumain, au "(en)giu" romanche.
Les langues romanes occidentales (français, espagnol, catalan, portugais...) utilisent le mot "(en )bas" (espagnol: abajo). |
|
|
|
|
Pablo Saratxaga
Inscrit le: 30 Jan 2006 Messages: 222 Lieu: A Rtene, etur Lidje et Vervî
|
écrit le Saturday 21 May 11, 17:20 |
|
|
attention qu'il ne s'agit pas d'un verbe avec un complément ou adverbe, comme dans "esse evoye" (être en route) mais d'un ensemble indivisible d'un verbe et un mot, qui chacun séparément ont un sens, mais qui ensemble prennent, de façon indivisible, un sens nouveau, qui n'est pas simplement le sens du verbe et du mot en question (bien qu'il y aie évidemment une filiation).
Le fait que l'ensemble est particulier et différent de la simple justaposition des parties est reflété dans la grammaire, puisque l'agencement dans la phrase est particulier; le COD s'intercale entre le verbe et la particule, ce qu'il ne ferait pas entre un verbe et un adverbe normal.
Je sais qu'en espagnol par exemple, ça n'existe pas.
Ce n'est donc pas l'existence, par séparé, d'équivalents aux mots "djus, foû, (e)voye" que je cherche; ça je sais qu'ils existent; mais l'équivalence du mécanisme de construction de verbes dérivés via ces mots.
Il s'agit d'un mécanisme de construction semblable d'un certain côté à la dérivation par affixes, puisqu'on a des nouveaux verbes avec des sens nouveaux (comme le sens de "surprendre" en français est différent de celui de "prendre"; "je le surprends" ce n'est pas "je le prends sur (qqch)")
Mais un mécanisme différent d'un autre côté, puisqu'on a une unité de sens composée de deux entités séparées mais néanmoins articulées entre elles (un peu comme le "voci/vola" (voici/voilà) wallon, où la partie "vo" et la partie "ci/la" peuvent se détacher: "vo m' ci" (me voici)) |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Saturday 21 May 11, 17:37 |
|
|
Bon ...en italien et dans tous les dialectes néo-latins d'Italie cette construction ça existe.
J'ajoute, en plus, que le milanais a beaucoup de verbes formé par "le verbe+sù" (ex. ciapà sù = to take on)...avec sù prononcé sü et dérivé de super. |
|
|
|
|
Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
|
écrit le Saturday 21 May 11, 18:41 |
|
|
Pablo Saratxaga a écrit: | cori (courir), cori evoye (s'enfuir, s'eloigner en courant) |
J'ai du mal à trouver en quoi un "cori evoye" est plus une unité lexicale que "esse evoye".
L'italien "vado via" serait à traduire par "je pars, je m'en vais", parce qu'on ne pourrait pas traduire chaque mot séparément.
Quelques exemples:
- giù (en bas) : mettere giù (poser), essere giù (être déprimé), tirare giù (baisser)...
- fuori (dehors) : tirar fuori (sortir qc), far fuori (finir qc/éliminer qn)
- via (intraduisible seul) : andare via (partir), cacciare via (chasser, faire partir)...
D'ailleurs, ma grand-mère fait souvent un calque sur l'italien quand elle parle en français, en disant "j'ai tiré dehors mon portefeuille" au lieu de "j'ai sorti mon portefeuille". |
|
|
|
|
ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
|
écrit le Saturday 21 May 11, 18:59 |
|
|
C'est commun aux langues néolatines de la botte italienne Alpres comprises ? J'ai pris le terme rumantsch grischun et le vallader entre parenthèse. Le romanche en a aussi une bonne série. Certains sont identiques aux exemples ci-dessus, en particulier le giu (giò) et si (sü) - vers le bas et vers le haut.
se lever: levar n'exite que dans la moitié des idiomes, sinon, le verbe star si (star sü) est la forme normale.
Parfois je me demande si ce n'est pas un calque de l'allemand plutôt que la structure latine:
herausfinden: chattar or (our) pour déceler, découvrir. Mais scuvrir existe aussi. |
|
|
|
|
PatoisantLorrain
Inscrit le: 25 Aug 2006 Messages: 224 Lieu: Bayonnais
|
écrit le Saturday 21 May 11, 19:18 |
|
|
En Lorraine, (Hautes-Vosges, région de St Dié), on retrouve aussi ces trois adverbes (djus, èvôye, fieus) qui combinés à un verbe leur donne à un sens nouveau.
Ainsi : s'èhhêr : s'asseoir mais hhêr djus, s'botè èhhèyant djus : s'asseoir par terre ou sur un siège ; j'ti èvôye (jeter à la poubelle), kânnè èvôye (mettre à la porte, chasser, le verbe kânnè ne s'employant jamais seul, il est toujours accompagné de èvôye : au loin). De même, quand on emploie reuhhi, on rajoute toujours fieus. En fait, en Lorraine, on précise : on sort dehors, reuhhi fieus (sortir dehors) ou sâter fûs ; pèti fieus (sortir : sauter dehors, partir dehors dans d'autres parlers lorrains) ; on rentre dedans, rotrè d'dos (rentrer dedans) ; on monte en haut, montè haut (monter en haut) et on descend en bas, d'hhode bès, d'valè bès (descendre en bas, dévaler en bas). On disait aussi foute bèhh dans mon village natal (et foute bès dans les Vosges) pour dire abattre (foutre en bas, par terre). N-allè èvôye (aller au loin) à Neuvillers signifie aussi partir.
Jusqu'à maintenant, j'ai toujours considéré djus, èvôye et fieus comme des adverbes et non comme des particules séparables même s'ils donnent un sens nouveau au verbe.
Fin juillet, le groupe de patoisants de Neuvillers-sur-Fave jouera une pièce de théâtre en français régional ou seront évoqués ces pléonasmes. En fait, ils jouent deux petites pièces en patois et deux autres en français régional et en intermède, une ou deux histoires en patois. Les premières années, toute la soirée était en patois vosgien mais seules les vieilles personnes comprenaient, donc la troupe de théâtre a dû faire ce compromis pour contenter tout le monde, jeunes et moins jeunes. L'animateur du groupe donne également des leçons de patois depuis 1999. Ce village est jumelé avec le village de Neuvillers (Nûviè) près de Neufchâteau en Belgique. Les gens se voient tous les deux ans et se comprennent, selon notre animateur, quand les uns parlent wallon et les autres vosgien ! |
|
|
|
|
Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
|
écrit le Sunday 22 May 11, 2:19 |
|
|
C'est amusant à lire, le lorrain, on dirait du wallon, sauf que je ne comprends rien. Et c'est bizarre d'avoir ce "djus" avec dj et pas j comme dans vos autres mots. C'est un emprunt au wallon ?
Et n'est-ce pas le wallon qu'on parle à Neuvillers en Belgique ?
ElieDeLeuze a écrit: | C'est commun aux langues néolatines de la botte italienne Alpres comprises ? J'ai pris le terme rumantsch grischun et le vallader entre parenthèse. Le romanche en a aussi une bonne série. |
J'imagine que cela ne doit pas être bien différent du frioulan. Il y aurait une petite part de vérité si je disais que le romanche est une langue d'Italie cachée en Suisse (non sans influence de la langue allemande). |
|
|
|
|
Pablo Saratxaga
Inscrit le: 30 Jan 2006 Messages: 222 Lieu: A Rtene, etur Lidje et Vervî
|
écrit le Sunday 22 May 11, 10:03 |
|
|
Feintisti a écrit: |
J'ai du mal à trouver en quoi un "cori evoye" est plus une unité lexicale que "esse evoye".
|
En y repensant, je pense que tu as raison.
C'est que comme "cori evoye" est intransitif il n'y a pas de COD, et donc one ne peut "reveler" cet aspect particulier qui est le COD s'intercalant entre le verbe et la particule.
Il semble donc que cette construction existe aussi dans d'autres langues; avez-vous des exemples de phrases avec COD? |
|
|
|
|
ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
|
écrit le Sunday 22 May 11, 11:07 |
|
|
Pablo Saratxaga a écrit: | Il semble donc que cette construction existe aussi dans d'autres langues; avez-vous des exemples de phrases avec COD? |
Bonne observation... en romanche, la particule est juste après le verbe, le COD vient après les deux éléments.
En passant, c'est l'une des différences syntaxiques entre le danois et le norvégien (il y en a tellement peu!) car le danois met le COD entre le verbe et la particule alors que le norvégien garde la particule juste aprés le verbe. |
|
|
|
|
PatoisantLorrain
Inscrit le: 25 Aug 2006 Messages: 224 Lieu: Bayonnais
|
écrit le Sunday 22 May 11, 11:16 |
|
|
En français, on dit mettre bas pour mettre au monde des petits en parlant d'un animal. De même en patois lorrain, on a j'ti bèhh (jeter bas) pour avorter. Est-ce qu'on peut considérer mettre bas en français comme un verbe à particule séparable ? |
|
|
|
|
giòrss
Inscrit le: 02 Aug 2007 Messages: 2778 Lieu: Barge - Piemont
|
écrit le Sunday 22 May 11, 16:29 |
|
|
Moi je pense que ce ne soit pas une influence récènte de la langue allemande sur les parlers néolatins (qui ont cette solution), mais une influence des langues des barbares qu'ont envahi l'empire romain. |
|
|
|
|
Feintisti
Inscrit le: 09 Oct 2005 Messages: 1591 Lieu: Liège, Belgique
|
écrit le Sunday 22 May 11, 22:21 |
|
|
Sachant qu'ils arrivaient jusqu'en Ibérie (incluse), c'est étrange que ce phénomène ne touche que certaines langues (italien, wallon, romanche, frioulan). |
|
|
|
|
AdM Animateur
Inscrit le: 13 Dec 2006 Messages: 896 Lieu: L-l-N (Belgique)
|
écrit le Tuesday 24 May 11, 20:58 |
|
|
PatoisantLorrain a écrit: | En français, on dit mettre bas pour mettre au monde des petits en parlant d'un animal. De même en patois lorrain, on a j'ti bèhh (jeter bas) pour avorter. Est-ce qu'on peut considérer mettre bas en français comme un verbe à particule séparable ? | Disons qu'en français régional de Liège, on dira parfois : Mettre un mur bas (= Abattre un mur). |
|
|
|
|
|