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Patricio
Inscrit le: 12 Feb 2009 Messages: 23 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 10 Mar 10, 18:26 |
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En latin, lorsque la syllabe finale commence par une voyelle et que la pénultième finit par une voyelle, cette dernière est toujours brève.
Il s'ensuit que si le mot comporte plus de 2 syllabes, en suivant les règles de l'accentuation, l'accent tombe sur la pénultième.
Par exemple Lucius (Lu - ci - us) a son accent sur la syllabe Lu.
Seulement, voilà, le Latin s'est enrichi de mots étrangers, notamment d'origine grècque, qui me semble-t-il n'ont pas forcément suivi cette règle.
Par exemple, beaucoup de mot en -ία, accentués sur le iota en grec, donne des mots en -ia en latin, avec un i bref. Si on suit les règles d'accentuation classique du Latin, l'accent devrait donc remonter. Or si l'on regarde le mot équivalent en français ou espagnol, l'accent est souvent bien resté sur le i.
Par exemple, φιλοσοφία a donné en latin philosophĭa puis en français philosophie et en espagnol filosofía. Il me semble donc peu probable que les latins aient prononcé philosóphia puis que l'accent ait retrouvé ensuite sa place initiale.
Autre indice, le vocatif des prénoms en -ius se forme sans le -e final habituel (Lucius - > Luci et non Lucie) sauf justement pour les prénoms étrangers.
Ainsi le vocatif de Darius est Darie. Or Darius vient de Δαρεῖος (le -i- a priori bref venant en fait d'un εῖ long) et a donné en espagnol Darío (avec donc l'accent sur le i).
Qu'en pense les latinistes chevronnés ? |
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Horatius Animateur
Inscrit le: 11 Apr 2008 Messages: 695
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écrit le Wednesday 10 Mar 10, 19:43 |
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Je ne suis pas assez spécialiste de linguistique pour pouvoir vous répondre complètement, mais voici quelques remarques :
- A mon avis, il n'est pas de bonne méthode de vouloir remonter à l'accentuation latine à partir de l'accentuation dans les langues romanes. Les déplacements d'accent ont été trop nombreux et trop divers pour que l'on puisse en tirer quoi que ce soit. Pour ce qui du français "philosophie", je ne vois d'ailleurs pas où est le problème. En français contemporain, l'accent de mot tend à se placer sur la syllabe finale. C'est le cas, ici : il n'y a pas besoin de recourir à l'hypothèse d'une prononciation grecque.
- Pour le cas de "Darius", attention : le "i" est long, puisqu'il marque la diphtongue grecque "ei" (voyez Gaffiot) : le mot est donc accentué logiquement "Daríus". Il y a donc influence de la prononciation grecque, mais non pas au sujet de la place de l'accent, mais plus globalement au sujet de la quantité de la voyelle. Rien d'étonnant donc qu'en espagnol on ait "Darío".
- Venons-en à la question de fond : l'accentuation latine des mots grecs. Je me permets de vous renvoyer au vieux livre d'Henri Weil, Théorie Générale de l'accentuation latine.
P 63, est présenté le problème des mots grecs. Comme il le dit, d'après Servius (IVe siècle ap JC), l'accentuation des mots grecs dépend de l'importance de leur "naturalisation". Un mot grec cité en latin sans altération avec les mêmes lettres et les mêmes désinences est accentué à la grecque. En revanche, les mots grecs naturalisés (et c'est le cas de "philosophia") sont normalement accentués à la latine, même si Servius admet que l'on puisse (par snobisme?) les accentuer à la grecque. |
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Glossophile Animateur
Inscrit le: 21 May 2005 Messages: 2281
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écrit le Thursday 11 Mar 10, 0:10 |
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Citation: | En latin, lorsque la syllabe finale commence par une voyelle et que la pénultième finit par une voyelle, cette dernière est toujours brève. |
C'est la description de l'application de la règle, ce n'est pas la formulation de la règle.
Il y a d'ailleurs confusion entre la règle d'accentuation des mots latins, et la règle de quantité qui veut qu'une voyelle suivie d'une voyelle, à toute place du mot, soit brève : vocalis ante vocalem breviatur, unevoyelle devant une voyelle s'abrège.
La règle d'accentuation peut se formuler ainsi : la pénultième porte l'accent si sa voyelle est longue, sinon l'accent remonte à l'antépénultième, que la voyelle soit longue ou brève. On résume ainsi : pénultième longue accentuée.
Ainsi, le mot pietas, génitif pietatis : le i est bref (vocalis ante vocalem...), le e est bref par nature, la pénultième est donc brève, et l'accent remonte sur pi-. Au génitif, pietatis, la penultième ta- est longue, donc elle porte l'accent.
Monsieur de la Palisse dirait que cette règle ne concerne que les mots de trois syllabes au moins : les monosyllabes sont tous accentués, et les dissyllabes portent l'accent sur la première sylllabe (qui est aussi l'avant-dernière, quand on compte à partir de la fin).
La pénultième est accentuée quand sa voyelle est longue, c'est donc sa quantité qu'il faut connaitre. Gaffiot donne les quantités des voyelles.
Citation: | Par exemple Lucius (Lu - ci - us) a son accent sur la syllabe Lu. |
C'est juste, mais cela vient de ce que le i est bref, car il est suivi d'un autre voyelle. L'accent remonte donc sur l'antépénultième.
Dans le cas des mots empruntés au grec, les voyelles conservent la quantité qu'elles avaient en grec.
Ainsi, dans l'adjectif Orpheicus, orphique, le e est long, comme en grec, alors que selon la phonétique latine, il devrait s'abréger devant le i.
Pour le mot philosophia, il ne se pose aucun problème : le i est bref comme le iota d'origine, donc l'accent remonte sur l'antépénultième comme si le mot était d'origine latine. |
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Pharcie
Inscrit le: 19 Oct 2009 Messages: 29 Lieu: Région parisienne
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écrit le Thursday 11 Mar 10, 15:18 |
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Je ne suis pas d'accord avec Horatius.
Les déplacements d'accent ont été très rares, et fort limités.
Mis à part les mots français de formation "savante", qui accentuent systématiquement sur la dernière syllabe, sans faire attention à l'accentuation en latin, il n'y a guère que les mots d'origine grecque en ia qui aient subi un déplacement aléatoire de l'accent, comme l'a justement fait remarquer Patricio.
Il est vrai qu'il n'est pas opportun de considérer le mot français philosophie comme pertinent, puisque c'est un mot d'importation savante, qui ne fait donc pas de cas de l'accentuation latine.
Mais on peut comparer le mot français "police" au mot espagnol "policía", ou le nom "Italie" au mot "Italia" accentué sur la syllabe "ta". On se rend compte qu'il existait vraisemblablement chez les locuteurs de latin une hésitation quant à l'endroit où placer l'accent dans ces mots en ia.
La règle énoncée par Glossophile est pourtant très claire, et elle ne souffre en toute rigueur pas d'exception.
L'accentuation latine des mots grecs est donc un problème très simple à résoudre, si l'on sait que le latin ne doit pas conserver l'accentuation grecque, mais seulement la longueur des voyelles.
Dans tous les pays étrangers (où on ne se moque pas complètement de l'accent tonique, comme en france), les étudiants de latin prononcent "philosóphia", (à l'inverse de ce qui se fait en espagnol) parce que le I est court, et "therapía" parce que le I est long (car dérivé d'epsilon-iota.)
La seule exception que je connaisse est le prénom Maria, qui se prononce María, bien que le I soit court. |
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