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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Monday 08 Apr 13, 8:21 |
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J'avais déjà rencontré cacheroute, mais seulement récemment, dans un contexte linguistique et précisément parce que je m'intéresse aux mots des religions et des communautés. En revanche, cachère m'a toujours été familier.
rejsl a écrit: | Malgré tout: curieux de voir sanhédrin et beth din acceptés et cités d'office sans sourciller alors qu'ils ne sont pas d'un emploi actuel et ordinaire ( même si le Beth din existe) et cacherout remis en cause comme terme français alors qu'il occupe dans la vie des croyants juifs français une place prépondérante et ce, aujourd'hui, dans la réalité et pas dans des textes bibliques datant de... Mathusalem. Vive la logique ! |
Elle crève pourtant les yeux !
Sanhédrin est dans tous les dictionnaires de français depuis longtemps, et il est évident que la relation particulière de la France avec la religion chrétienne n'y est pas étrangère, puisque le mot est utilisé tel quel dans les Évangiles. C'est donc une notion culturelle du fonds commun français.
Je ne vois pas qui a dit que beth din est accepté et cité d'office sans sourciller. Il me paraît clair que ce n'est pas un mot de la langue française. En revanche, je le vois depuis longtemps parce que, à la différence de cacheroute, les Parisiens --pour ne citer qu'eux-- sont exposés constamment à ce mot : des panonceaux mentionnent Beth Din de manière bien visible dans les devantures des nombreux restaurants et boucheries cachères du quartier, et ces panonceaux, tout comme halal pour d'autres boucheries, sont lus aussi par des passants qui ne sont ni juifs ni musulmans, mais de simples usagers du français. Ces passants n'ont aucune raison de demander le certificat de cacheroute au commerçant !
J'aurais préféré à cacheroute un mot formé avec un suffixe français. C'est un avis personnel. Il serait peut-être bon aussi d'en trouver un pour halal, qui a aussi intégré les dictionnaires d'usage. Le net a déjà proposé l'halalitude, mais pas nécessairement dans un contexte favorable, et halalité. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Thursday 11 Apr 13, 23:24 |
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Casherité( cashérité) est tenté ici ou là sur quelques forums. Mais, en supposant même que ce terme soit repris, il ne pourrait désigner, en français, que la qualité de quelque chose qui est casher. Un peu comme conforme et conformité.
Or, j'ai signalé dès le début que cashrout ne signifie pas seulement conformité ( c'est surtout son sens premier, étymologique). Par extension, il désigne l'ensemble des règles et prescriptions religieuses de la religion juive, concernant essentiellement l'alimentation; Il désigne donc un corpus de textes de lois religieuses, textes présents dans la Torah,par exemple dans le Deutéronome, le Lévitique, textes développés et commentés dans les écrits rabbiniques, le Talmud.
Le mot cashrout renvoie donc au Livre, aux Écritures.
Cette fonction symbolique religieuse ne pourrait, encore une fois, être endossée par casherité ou casheritude, termes techniques, termes qui pourraient éventuellement servir à décrire mais qui seraient dénués de leur sens religieux. Une casherité ne désignerait jamais cet ensemble de phrases, de lois, édictées dans la Torah. La casherité d'une viande indiquerait justement que la cashrout ( je tente d'unifier alors la graphie) a été respectée. Elle n'en serait que le résultat.
Casherité pourrait devenir un terme dont se serviraient sociologues, historiens ou spécialistes des religions, essayistes et autres, cependant que cacherout/cashrout appartient et continuera d'appartenir à la langue religieuse, langue souvent codifiée, figée dans les textes, phénomène commun aux diverses religions pour lesquelles les mots fonctionnent en interne, selon le sens figé qui leur a été donné et qui se transmet de façon souvent immuable en dépit des usages profanes.
Raison pour laquelle, la proximité phonétique de casse-croûte ou de choucroute ne perturbera pas les croyants, pas plus que les chrétiens ne le sont par le sens profane du lavement lorsqu'ils assistent, recueillis, le Jeudi Saint, au lavement des pieds.
Signalons aussi l'existence du verbe cashériser et du substantif cashérisation. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Friday 12 Apr 13, 3:26 |
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Merci pour cette bonne, claire et sereine explication. |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Tuesday 27 Aug 13, 15:36 |
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Pour conclure cette longue discussion sur l'entrée dans le lexique français du terme cashrout/ cacherout, je signale qu'il figurait déjà dans le Petit Larousse 2008 dont j'ai la version papier entre les mains, sous l'entrée : kashrout
Citation: | Kashrout: n.f ( de l'hébreu , fait de convenir) Ensemble des prescriptions alimentaires du judaïsme. | Dictionnaire Larousse 2008. |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 28 Aug 13, 8:08 |
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Même dix ans avant, puisqu'il semble que kashrout soit entré dans l'édition de 1998 du PLI. Quant à cacherout, il n'est entré qu'en 2012 sous une rubrique séparée, et l'édition 2013 a fusionné les deux rubriques en une seule "cacherout ou kashrout".
On voit donc que la chose est récente, encore en mutation, et il est bien normal que les francophones d'un certain âge, non directement concernés, ne connaissent pas ces termes. Je suis sûr que la majorité de ces mêmes locuteurs ignorent aussi le sens de bon nombre d'autres mots entrés dans le PLI en 1998 :
biwa - bletse - bodhi - capybara - copla - dewar - dhole - eusthenopteron - haka - hastati - keirin - kig ha farz - kora - kshatriya - kwa - lahar - landamman - lipizzan - lutz - maar - malm - manta - moa - moho - moringa - muqarnas - ney - pedzer - poya - puja - raag - rébétiko - saanen - same - saola - schader - schinder - shana - shudra - souslik - spet - spetsnaz - spitz - stamm - taal - tauon - tepui - tervueren - theravada - umbanda - vogelpik - yapock.
Ces mots font-ils partie du lexique français ? Je laisse à chacun le soin de l'apprécier en toute subjectivité. Du reste, il n'y a aucune définition objective de lexique français. |
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Jacques
Inscrit le: 25 Oct 2005 Messages: 6533 Lieu: Etats-Unis et France
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écrit le Friday 01 Nov 13, 12:11 |
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Aux E.U., le gros sel est couramment appelé "kosher salt" (lit. "sel cachère") par les gens, quelles que soient leurs origines religieuses.
Voici une citation qui l'illustre le caractère non-religieux de cette appellation.
"Choose from over 106 kosher salt brine pork chops recipes" (yummly.com)
(Choisissez parmi 106 recettes de côtelettes de porc marinées au sel "kosher")
Selon wikipedia, le sel reconnu cachère par les autorités religieuses s'appelle "kosher-certified salt" (sel certifié cachère) |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 11 Jan 17, 9:09 |
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rejsl a écrit: | כשרות = cacherout ( cachrouth) ... Et כשר = casher. |
Quel est le sens premier de cette racine hébraïque kšr ? (Toujours ma manie de savoir si un mot hébreu a un cognat arabe...) |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 11 Jan 17, 10:26 |
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Je ne sais pas si ça t'aidera :
http://www.thefreedictionary.com/_/roots.aspx?type=Semitic&root=k%E1%B9%AFr
Citation: | kṯr
To succeed, achieve, be(come) suitable, proper.
a. kosher, from Ashkenazic Hebrew kóšer, proper;;
b. kashrut, from Mishnaic Hebrew kašrût, (ritual) fitness. Both a and b from Hebrew kāšēr, proper, from kāšēr, to succeed, be(come) proper, suitable. |
http://www.balashon.com/2016/02/kasher-and-kosher.html
Citation: | Klein finds cognates in the Ugaritic ktr (=fit, suitable) and Akkadian kasharu (= to succeed). |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 11 Jan 17, 11:10 |
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Oui, merci beaucoup !
Je crois que ce qui est à retenir, après vérification, et même s'il y a quelque distance sémantique de la réussite à la convenance, c'est ceci :
Klein finds cognates in the Ugaritic ktr (=fit, suitable) and Akkadian kasharu (= to succeed).
En fait, la locution aller bien est à la fois synonyme de l'un et de l'autre. C'est probablement le sens premier.
Voici ce que nous donne Rajki :
arabe kathara : exceed [Sem k-th-r, Akk kasharu (fit), Heb kasher (restore, have success), Syr kashira (happy), Uga kthr (health)]
Il semble y avoir une relation sémantique entre l'abondance, la réussite, la santé et la convenance : c'est "Tout va bien !"
J'étais loin de me douter que casher était un cognat de كثير kaṯīr "nombreux, abondant, beaucoup", un mot hyperfréquent de la langue arabe !
Dernière édition par Papou JC le Wednesday 11 Jan 17, 15:03; édité 2 fois |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Wednesday 11 Jan 17, 11:25 |
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On pourrait faire un lien sémantique avec la racine arabe kṯr qui comporte l'idée d'abondance.
Entre abondance (de biens) et réussite, il n'y a qu'un cheveu.
Mais j'ignore si ça peut se tenir, surtout si l'on cherche un lien sémantique avec la convenance, l'aptitude. |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Wednesday 11 Jan 17, 11:26 |
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J'ai complété pendant que tu écrivais ! On s'est encore croisés !
Je profite de ce post pour ajouter un mot à l'intention des non initiés.
Trouver cette racine a présenté des difficultés sémantiques, on a vu lesquelles, mais aussi formelles à cause de la nature instable de la consonne médiane. En effet, on remarque que si le k initial et le r final sont présents partout, il n'en va pas de même de la deuxième radicale, qui diffère presque dans chaque langue : on a tantôt t, tantôt ṯ et tantôt š. Et qui sait si, dans une langue sémitique non représentée ici, cette consonne n'est pas s ! Ce serait tout à fait possible.
Encore merci à Embatérienne de m'avoir mis sur la bonne voie ! |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 11 Jan 17, 20:21 |
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Louis Aragon utilise la forme koscher dans "Le Mot vie", un poème du Roman inachevé :
Desnos c'était un bal dans ce quartier où l'on mange koscher
Qui se souvient des amants dérangés sous la porte cochère |
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Papou JC
Inscrit le: 01 Nov 2008 Messages: 11202 Lieu: Meaux (F)
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écrit le Thursday 12 Jan 17, 11:50 |
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- Est-ce koscher que de manger du phacochère ?
- Ah ! les interdits hallalimentaires, mon cher Watson...
(Anonyme) |
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embatérienne Animateur
Inscrit le: 11 Mar 2011 Messages: 3875 Lieu: Paris
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écrit le Saturday 22 Feb 20, 19:26 |
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De la famille de ce MDJ vient le terme algérien désignant une sorte de saucisson ou cervelas algérien : cachir.
Citation: | Le nom cachir provient de l'arabe algérien désignant le terme casher, qui vient de l'hébreu et qui signifie « apte à la consommation ». Lors de la colonisation française en Algérie, les juifs et les musulmans algériens différenciaient leur charcuterie par le mot cachir qui s'oppose aux charcuteries des colons français ou espagnols, à base de porc, importées en Algérie.
Ce saucisson traditionnel, qui présente l'aspect et de nombreuses similitudes gustatives avec un cervelas européen, est fait à base de bœuf ou encore de poulet, mais jamais de porc ; il est assez souvent utilisé pour garnir des sandwiches ou fourrer des chaussons. |
Voir cachiriste dans le MDJ حراك [ḥirāk] |
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rejsl Animatrice
Inscrit le: 14 Nov 2007 Messages: 3672 Lieu: Massalia
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écrit le Monday 21 Sep 20, 16:20 |
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Jeannotin : Citation: | Louis Aragon utilise la forme koscher dans "Le Mot vie", un poème du Roman inachevé : |
La forme kosher est directement prise du yiddish qu'Aragon a pu entendre à Paris. Aujourd'hui peu de gens l'utilisent spontanément... Il l'utilise dans l'exemple donné ainsi que dans celui de Papou.. pour les besoins de la rime
Mais " kosher " reste un recours lexical étranger et n'est pas en usage en langue française... |
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