Les verbes inchoatifs

[Papou JC]

Oui, tu as raison. Je crois même aujourd'hui approcher plus encore du sens en disant : "Je finis par aimer."

[Ion]

Oui, quand j'y pense, l'action suggérée est la même que quand on "monte le son au maximum". On fait passer le curseur de "0" à "MAX".

[Ion]

Permettez-moi un petit divertissement. Je vais montrer où se placent les "inchoatifs" dans le classement des formes verbales par le grammairien Donat. C'est dépaysant.

Texte de référence : Louis Holtz, Donat et la tradition de l'enseignement grammatical : étude sur l'Ars Donati et sa diffusion (IVe-IXe siècle) et édition critique (Documents, études et répertoire), Paris, 1981, pp. 603-674. Texte disponible en ligne par la grâce de l’Université de Zurich.

Objectif
Soit une forme verbale, Donat se préoccupe de la ranger dans une rubrique. L’objectif de son travail est de présenter l’ensemble des rubriques et sous-rubriques dans lesquelles les formes viennent se ranger, et de donner les traits spécifiques qui permettent le rangement. C’est une démarche de type aristotélicien, dominée par l’idée de classement.

Définition générale
p. 632 Holtz uerbum est pars orationis cum tempore et persona sine casu aut agere aliquid aut pati aut neutrum significans. « Le verbe est une partie du discours possédant un temps et une personne, mais pas de cas, signifiant ‘faire’ ou ‘subir’ quelque chose, ou qui ne signifie ni l’un ni l’autre. »
N.B :
a. « ni l’un ni l’autre » : ce sont les verbes intransitifs ;
b. « sans cas » : en ce temps, le « participe » participium n’est pas une forme verbale, c’est une « partie du discours » (pars orationis) à part entière, comme le nomen (nom et adjectif), le pronom, le verbe, l’adverbe, la préposition et la conjonction.

Conformémént aux conceptions aristotéliciennes, le verbe est conçu comme une « substance » qui a des « accidents ».

LES « ACCIDENTS » du verbe

uerbo accidunt septem, qualitas, coniugatio, genus, numerus, figura, tempus, persona.
Le verbe possède sept accidents : la « qualité », la « conjugaison », le « genre », le nombre, la « figure », le temps, la personne

1. « QUALITÉ » : « modes » (modi) et « formes » (formae)
1.1. Modes :
1.1.1. indicatif (indicatiuus, pronuntiatiuus),
1.1.2. impératif,
1.1.3. « promissif » (rejeté par Donat car il se confond avec le futur…),
1.1.4. optatif,
1.1.5. « conjonctif » (coniunctiuus, c’est le subjonctif mais sans doute aussi le futur antérieur…),
1.1.6. infinitif,
1.1.7. impersonnel.
1.2. « Formes » : formae igitur sunt quattuor: perfecta, meditatiua, frequentatiua, inchoatiua:
« les formes sont au nombre de quatre : achevée (c’est la forme « zéro », le verbe « de départ ») ; méditative, fréquentative, inchoative. »
(1.2.1. achevée c’est-à-dire « simple », ex. lego « je lis »)
1.2.2. méditative : lecturio (« j’ai envie de lire », c’est désidératif ou volitif)
1.2.3. fréquentative : lectito (« je lis souvent »)
1.2.4. inchoative : feruesco, calesco (« j’entre en ébullition, je deviens chaud »)

2. CONJUGAISON :
2.1. prima, (vb. en -are)
2.2. secunda, (vb. en -eo, -ēre)
2.3. tertia. (regroupe nos 3e et 4e conj.).
N.B. Notre "4e bis" (capio, capĕre) n’apparaît pas explicitement chez Donat.

3. « GENRE »
genera uerborum, quae ab aliis significationes dicuntur, sunt quinque: actiua, passiua, neutra, deponentia, communia.
Les « genres » des verbes, que d’autres appellent significationes, sont au nombre de cinq :
3.1. actif,
3.2. passif,
3.3. neutre (=intransitif),
3.4. déponent,
3.5. commun (verbes qui peuvent être soit passifs soit déponents, comme criminor passif « je suis accusé »/criminor déponent « j’accuse »)
N.B. Donc, quand Donat parle de la significatio d’un verbe, il a en vue l’équivalent de notre « voix ».

4. NOMBRE :
4.1. singulier,
4.2. pluriel.

5. « FIGURE » (figura) :
5.1. verbes simples,
5.2. verbes composés.

6. TEMPS (tempus) :
6.1. présent,
6.2. prétérit
6.2.1. imparfait,
6.2.2. parfait,
6.2.3. plus-que-parfait
6.3. futur

7. PERSONNE
7.1. première
7.2. deuxième
7.3. troisième