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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Tuesday 14 Apr 15, 20:53 |
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Le r battu [ɾ] étant un son alvéolaire voisé, il peut y avoir facilement confusion avec le [d] et d'autre sons proches qui partagent ce caractère alvéolaire et voisé. J'ai relevé cette confusion dans plusieurs langue.
En breton :
Le parler breton de Damgan, en Morbihan, est aujourd'hui éteint. Il se caractérisait par le passage a [ɾ] du [d] dans les contextes où cette consonne subit une mutation par lénition. Le mot dorn (main) donne e zorn (sa main) dans la plupart des parlers. Mais l'Atlas linguistique de Basse-Bretagne montre qu'à Damgan, on disait i rorn. On suppose que la forme primitive de la consonne ayant subi la lénition était [ð], son qui subsiste dans quelques localités du Pays de Vannes. Du [ð] procèderait le [z] de la plupart des parlers et le [ɾ] de Damgan.
Le parler de Cléden-Poher présente en un seul cas un [ʁ] là où l'ancien breton avait un [d] puisqu'il dit skoar (épaule) au lieu de skoaz en Léon et de skoa dans le reste du Poher. L'ancien breton disait skoed. Le passage de [d] à [ʁ] me semble difficile à expliquer ; sans doute le r était-il autrefois battu en Poher avant de céder la place au [ʁ].
En montpelliérain :
En parler languedocien de Montpellier, c'est le [ɾ] intervocalique qui passe à [d], comme on le lit dans cette poésie patoise (je me désolidarise du propos !) :
Citation: | Grisétta d'aoù Clapas,
Diou ! que siès poulidétta !
Siègués toutchour sachétta,
Et té madidadas.
Anés pa trop dansa,
Rèsta din toun oustaou,
Ebitta dé parla, (bis)
T’én troubadas pa maou. | (Grisette du Clapas (surnom de Montpellier) / Dieu que tu es mignonette ! / Sois toujours sages / Et tu te mariras / Ne va pas trop danser, / Reste dans ta maison, / Évite de parler, Tu ne t'en trouveras pas mal)
Le provençal dit maridaras et troubaras la où le parler de Montpellier dit madidadas et troubadas.
En gascon :
Le passage du son cacuminal [ɖ] à [ɾ] a été avancé par le romaniste Pierre Bec pour expliquer que le L géminé du latin passe en gascon à -r- en position intervocalique et à -t en position finale. On à ainsi bèt pour beau et bère pour belle. Bec suppose l'évolution suivante :
BELLu > *beɖɖu > bèt (chute de la voyelle -u et provection du [ɖ] en [t])
BELLa > *beɖɖa > bère (conservation de la voyelle finale et passage de [ɖ] à [ɾ] à l'intervocalique)
Ce phénomène existe-t-il dans d'autres langues ?
Dernière édition par Jeannotin le Thursday 16 Apr 15, 20:29; édité 1 fois |
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ElieDeLeuze
Inscrit le: 14 Jun 2006 Messages: 1622 Lieu: Allemagne
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écrit le Wednesday 15 Apr 15, 21:48 |
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En bas-allemand (Niederdeutsch - Nedderdüütsch) entre Weser et Elbe et une partie du Schleswig-Holstein, il y a un phénomène assez présent: un -d- intervocalique devient -r- (la gémination est juste une convention orthographique après consonne courte)
odder => orrer (ou bien)
hadde/had => harr (avait)
Mais ce n'est pas généralisé car on retrouve wedder (le temps qu'il fait) ou encore Vadder (père). En outre, c'est géographiquement assez limité car absent aussi bien de Frise orientale que du domaine oriental du Mecklenburg et plus à l'est. La ligne sud correspond à l'ancienne limite entre le domaine nord-bas-saxon et le domaine de l'ostphalien. |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Thursday 16 Apr 15, 20:27 |
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Merci. Le r est-il bien battu en bas-allemand ?
ElieDeLeuze a écrit: | La ligne sud correspond à l'ancienne limite entre le domaine nord-bas-saxon et le domaine de l'ostphalien. | Lequel de ces deux dialectes recule devant l'autre, que vous parliez d'ancienne limite ? |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Wednesday 23 Sep 15, 19:42 |
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J'ai vu cette affichette humoristique dans mon laboratoire, sur la porte d'un chercheur d'origine napolitaine :
'A Maronna t'accumpagna
Que la Sainte Vierge t'accompagne
Le rhotacisme du [d] existe donc également en napolitain. Quelqu'un sait-il s'il est systématique ? |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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écrit le Thursday 24 Sep 15, 11:26 |
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Jeannotin a écrit: | Le rhotacisme du [d] existe donc également en napolitain. Quelqu'un sait-il s'il est systématique ? |
Sur ce site, on peut lire ceci, dans le paragraphe "Cenni di fonetica" :
- è frequente il rotacismo della /d/, cioè il suo passaggio a /r/, come in Maronna
Il existe également cette étude :
- Lambdacismo e rotacismo in area napoletana: realizzazione fonetica e posizione fonologica
auteurs : Michela Russo - William John Barry
A partir de la page napolitain de Lexilogos, tu peux parcourir des dictionnaires de napolitain, notamment celui-ci : Francesismi nel dialetto napoletano, qui présente l'avantage de donner le mot fr. d'origine.
Il répertorie ces deux exemples de rhotacisme que j'ai relevés au hasard (il doit y en avoir d'autres) :
- (125) dobrètto du fr. doblet/doublet
- (269) pirano du fr. bédan/bédâne
Si tu as besoin d'aide pour d'éventuelles traductions, demande-moi.
Tout cela ne t'avance sans doute pas à grand-chose mais bon ... |
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Jeannotin Animateur
Inscrit le: 09 Mar 2014 Messages: 879 Lieu: Cléden-Poher
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écrit le Friday 25 Sep 15, 17:33 |
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José a écrit: | Tout cela ne t'avance sans doute pas à grand-chose mais bon ... |
Si, si au contraire merci beaucoup ! Le dictionnaire des francismes napolitains me paraît très utile. Je n'ai qu'à faire sur un plus grand nombre de termes ce que tu as commencé à faire : regarder quand il y a rhotacisme.
José a écrit: | Si tu as besoin d'aide pour d'éventuelles traductions, demande-moi. |
Merci, tu risques de m'être utile parce qu'autant j'arrive à comprendre le sens général d'un texte un provençal, en catalan ou en espagnol, autant l'italien est pour moi une langue impénétrable. |
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José Animateur
Inscrit le: 16 Oct 2006 Messages: 10945 Lieu: Lyon
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Fayet
Inscrit le: 03 Jun 2016 Messages: 265 Lieu: Mâcon
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écrit le Saturday 30 Jul 16, 19:00 |
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Cette question du passage de D à R est très curieuse car elle appartient à des phénomènes beaucoup plus généraux mais parfois sporadiques : Toutes les dentales de tous les modes ont tendance à devenir des liquides : , surtout R Le cas le plus général est le rhotacisme en latin et ombrien mais de façon sporadique on a de multiples exemples dans toutes les langues : LADDER en américain se dit LARER avec un seul battement de R dans certains coins d'Amérique. HomiNem en espagnol devient HombRe Londinium > Londres - Mont Adhémar > Montélimar Odusseus (grec) > Ulysse . Et de très nombreux exemples . J'en ai fait un chapitre de ma thèse avec explication du phénomène. L'explication que je propose c'est que le point dental quel que soit le mode est le plus fragile parce qu'iol réclame le plus de précision et toute réalisation manquée adopte l'articulation la plus vague c'est à dire le mode liquide. J'ai cependant 2 problèmes : On trouve des L qui passent à R alors que L est tout aussi solide que R comme étant d'une articulation très large. Par ailleurs on trouve exceptionnellement une évolution inverse. Par exemple CHAIRE a donné CHAISE . J'en ai encore 2 ou 3 exemples mais comme le phénomène semble être la généralisation d'une articulation manquée on peut imaginer que CHAISE avait existé avant CHAIRE bien que je n'aie pas d'exemple! |
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