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Deux fois cinq vers identiques au temps près chez Lucrèce

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Ion
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Inscrit le: 26 May 2017
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Lieu: Liège

Messageécrit le Tuesday 15 Jan 19, 21:44 Répondre en citant ce message   

Une curiosité : dans son poème de rerum natura, Lucrèce exprime cinq vers au présent dans le livre II et à l’imparfait dans le livre V. C’est le célèbre tableau du plaisir champêtre que le poète recommande. Au livre II, le texte a une portée générale tandis qu’au livre V il décrit les plaisirs simples des hommes primitifs.

Les textes
Lucrèce, II, 29-33 a écrit:
...cum tamen inter se prostrati in gramine molli
[2,30] propter aquae riuum sub ramis arboris altae
non magnis opibus iucunde corpora curant,
praesertim cum tempestas adridet et anni
tempora conspergunt uiridantis floribus herbas.



...tandis qu’ entre amis, couchés dans l’herbe tendre,
auprès d’une rivière, sous les branches d’un grand arbre,
ils choient allègrement leur corps à peu de frais
surtout quand le temps sourit et que la saison
parsème de fleurs les prairies verdoyantes.
(d’après J. Kany-Turpin)


Lucrèce, V, 1392-1396 a écrit:

saepe itaque inter se prostrati in gramine molli
propter aquae riuom sub ramis arboris altae.
non magnis opibus iucunde corpora habebant,
1395 praesertim cum tempestas ridebat et anni
tempora pingebant uiridantis floribus herbas.


Souvent donc, entre amis, couchés dans l’herbe tendre,
auprès d’une rivière, sous les branches d’un grand arbre,
ils traitaient agréablement leur corps à peu de frais
surtout quand le temps souriait et que la saison
décorait de fleurs les prairies verdoyantes.


Les contraintes
Cette adaptation n’était pas facile vu les contraintes à respecter.
Contraintes métriques : la versification antique était fondée sur le rythme né de la succession dans un ordre déterminé de syllabes brèves et de syllabes longues regroupées en unités appelées pieds. Le vers employé par Lucrèce est l’hexamètre dactylique, composé de six pieds qui peuvent être des dactyles (une longue, deux brèves, – ᵕᵕ) ou des spondées (deux longues – –). Le sixième et dernier pied était constitué d’une longue et d’une seule autre syllabe indifféremment longue ou brève (– ᵕ ou – –).
Contrainte grammaticale : à l’imparfait les formes verbales sont plus longues d’une syllabe vu la présence de la caractéristique ba.

La solution
1. L’introduction du passage : subordination dans un cas, coordination dans l’autre, à exprimer par un dactyle : cūm tămĕn (inter) / saep’ ǐtăqu’ (inter) : les mots saepe itaque semblent trop longs de deux syllabes mais le latin pratique l’élision (comme le français, le grec…), quoiqu’il ne la note pas.

2. cōrpŏră cūrant / cōrpŏr’ hăbēbant : la syllabe ba supplémentaire est compensée par l’élision de corpora (le h n’empêche pas l’élision) : iucunde curo « prendre soin (de qqch) de manière agréable » ; iucunde habeo « traiter de manière agréable ». Remarquer la valeur différente de l'adverbe : avec habeo, il est nécessaire (complément de verbe), tandis qu'avec curo il est facultatif (complément de phrase).
N.B. habeo suivi d’un adverbe est synonyme de curo dans un vers de Plaute (Captifs, 2, 2, 64)
is, uti tu me hic habueris, proinde illum illic curaverit « puisse-t-il avoir pris soin de cet homme-là dans son pays de la façon dont tu m’auras traité ici. »
Avec habeo, moins expressif, le sens est un peu plus faible qu’avec curo.

3. ādrīdĕt / rīdēbăt : le composé adrideo « adresser un sourire » a laissé place au simple rideo, ici « sourire », un peu moins vif.
N.B. Ici, la première syllabe est la fin d’un spondée et les deux suivantes le début d’un dactyle.

4. cōnspērgūnt / pīngēbānt : conspergo « asperger, arroser, parsemer » est un composé de spargo, mais, au contraire du couple adrideo/rideo, les sens de conspergo et spargo ne sont pas superposables, puisque le simple signifie « semer, disséminer » (cf. en français « parsemer » vs « semer »). Aussi Lucrèce a-t-il recouru à un autre verbe, pingo « peindre, embellir », un peu moins naturel.
N.B. Les deux premières syllabes forment un spondée et la dernière le début d’un dactyle.
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